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Chapitre 1 : Problématique

1.2 Contexte scientifique

1.2.1 Définition de l’intégration dans le contexte québécois

Sur le plan théorique, définir l’intégration n’est pas un objectif simple à atteindre en raison de la polysémie de ce terme qui est employé à la fois dans divers domaines tels que la sociologie, la politique (Schnapper, 2007), la psychologie et l’éducation. La sociologue française Schnapper précise que l’intégration revêt une signification particulière selon la société dans laquelle ce processus s’opère. Une description de l’intégration dans une société donnée nécessite donc une prise en compte d’éléments contextuels propres à celle-ci parmi lesquels se trouvent, entre autres, les facteurs sociodémographiques, le contexte historique, le système politique, les rapports ethniques,

la situation sociolinguistique, etc. D’où l’intérêt de passer par la description du contexte pratique de l’intégration d’élèves allophones immigrants dans les écoles québécoises étayée dans le premier chapitre du présent mémoire (cf. section 1.1).

De manière générale, l’intégration des immigrants dans le système éducatif des sociétés d’accueil occidentales, comme dans toute autre institution, s’inscrit dans le cadre de modèles normatifs. D’après une recension d’écrits menée par Pagé et al. (1993), ces modèles conjuguent trois objectifs concernant la scolarisation des élèves immigrants ou issus de l’immigration, à savoir : favoriser et soutenir le pluralisme culturel, travailler à l’instauration d’une société d’égalité et contribuer à des relations interethniques harmonieuses (ibid., p. 3). Ces mêmes objectifs ont été repris par Ouellet (2002) et considérés sous l’angle de « valeurs fondamentales » visant la prise en compte du pluralisme ethnoculturel en éducation : il s’agit de l’ouverture à la diversité, de l’égalité des chances et de l’équité, ainsi que de la cohésion sociale (ibid., p. 147).

Même si les modèles normatifs ont des objectifs et des valeurs en commun (Pagé et al. 1993; Ouellet, 2002) une diversité d’approches a été recensée et il n’existerait pas deux modèles normatifs identiques, ni de modèles purs (Poirier, 2004). De plus, d’importants écarts sont présents entre les documents officiels décrivant ces modèles et les discours d’acteurs politiques, de chercheurs universitaires, des médias et les discours populaires (Nugent, 2006). Par ailleurs, l’utilisation des termes pour désigner ces approches est ambigüe, même parmi les décideurs politiques (Poirier, 2004). Encore d’autres chercheurs rapportent des divergences entre le contenu prescrit dans les politiques et les programmes éducatifs destinés à favoriser l’intégration des élèves allophones immigrants et les pratiques actuelles des acteurs scolaires, en raison de la présence d’une marge de manœuvre dans l’appropriation de ces documents officiels et de la diversité des interprétations possibles par les enseignants (Stritikus, 2002; de Jong, 2008). Ayant constaté la multitude de réponses éducatives à l’intégration d’élèves immigrants en

milieu scolaire, Ouellet (2002, p.146) émet la recommandation suivante : « il importe

qu’éducateurs et formateurs des maîtres soient attentifs à prendre en compte la diversité de ces conceptions ».

Ainsi, en sachant que les enseignants interprètent différemment les documents officiels et les programmes utilisés pour mettre en œuvre à travers leurs rôles le modèle normatif choisi par la société, la présente étude se penche sur le sens donné à l’intégration par des enseignants du secondaire. Pour ce faire, nous avons étayé un cadre conceptuel sur l’intégration à partir d’une recension d’écrits théoriques sur quatre modèles normatifs visant l’acculturation de personnes immigrantes dans les sociétés d’accueil occidentales : l’assimilation, l’intégration, l’approche interculturelle et l’approche multiculturelle (chapitre 2 du présent mémoire). En guise de synthèse du cadre conceptuel sur l’intégration, un continuum d’acculturation a été créé afin de pouvoir situer les représentations d’enseignants dans l’une des quatre approches.

Quant aux définitions de l’intégration formulées dans les documents officiels, le Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles a fixé trois grandes orientations pour la société québécoise, parmi lesquelles :

« Le développement des services d’apprentissage du français et la promotion de son usage auprès des immigrants et des Québécois des communautés culturelles; le soutien accru à l’ouverture de la société d’accueil et à la pleine participation des immigrants et des Québécois des communautés culturelles à la vie économique, sociale, culturelle et institutionnelle du Québec; des interventions visant le développement de relations intercommunautaires harmonieuses entre les Québécois de toutes origines (MICC, 1990, p. 20) ».

Pour sa part, le Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 1998), reprend les principes étayés par le Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC, 1990) et s’appuie sur la définition suivante de l’intégration:

« (…) un processus d’adaptation à long terme, multidimensionnel et distinct de l’assimilation qui, elle, renvoie à l’adoption intégrale de la culture de la société d’accueil et à la fusion avec le groupe majoritaire. Le processus d’intégration, qui postule l’acceptation de références à l’identité culturelle d’origine et dans lequel la maîtrise de la langue de la société d’accueil joue un rôle essentiel, n’est achevé que lorsque la personne immigrante ou ses descendants participent pleinement à l’ensemble de la vie collective de la société d’accueil et ont développé un sentiment d’appartenance à son égard. » (MEQ, 1998, p. 1)

Soulignons que cette définition distingue l’intégration de l’assimilation, le premier processus renvoyant à une adaptation « de part et d’autre » des immigrants et des Québécois et à la création de liens d’interdépendance, l’accent étant mis sur la participation sociale dans une société démocratique francophone, tandis que le second processus est décrit comme le fait de se « fusionner » au groupe majoritaire et d’adopter de manière « intégrale » l’ensemble de ses référents culturels.

Afin de mieux circonscrire le concept de l’intégration des élèves allophones dans les écoles québécoises et de contribuer à résoudre le problème de clarté conceptuelle qui se dessine à la fois sur le plan théorique, dans les définitions de ce terme, et sur le plan pratique, dans les rôles et les objectifs que les acteurs scolaires se donnent au quotidien, nous nous demandons comment 17 enseignants se représentent l’intégration d’élèves allophones immigrants dans trois écoles secondaires montréalaises. En d’autres mots, que signifie l’intégration aux yeux de ces enseignants et à quels modèles normatifs pouvons-nous associer leurs représentations?

Ce que nous retenons…

x Le terme « intégration » est polysémique et complexe.

x Les modèles normatifs pour l’intégration des personnes immigrantes partagent des objectifs communs, mais ils sont nombreux et distincts.

x Ces modèles se confondent dans les documents officiels, dans les discours de politiciens, dans les médias, etc.

x Il existe un problème de clarté conceptuelle entourant le terme « intégration » susceptible de se lire dans les discours des enseignants.

x La présente recherche se propose donc de contribuer à clarifier le sens donné à l’intégration par des enseignants d’écoles secondaires montréalaises.