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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.2 Les représentations sociales

2.2.3 Pertinence de la notion

Les représentations sociales ont fait l’objet d’études récentes dans le domaine de l’éducation et dans le domaine de la didactique des langues. Dans son étude sur les représentations sociales d’enseignants d’histoire au Québec, Moisan (2010, p. 26) explique que « les représentations jouent un rôle prépondérant dans l’apprentissage et

dans l’enseignement ». Afin de justifier cette affirmation, la chercheure évoque les

fonctions des représentations, qu’elle perçoit comme ayant « de multiples résonnances

dans la salle de classe » (ibid., p.26).

Quant au domaine de la didactique des langues, la notion de représentations est perçue comme étant particulièrement fructueuse. Les réflexions suivantes de Moore et Py (2008) justifient son usage :

« En didactique des langues, l’objet d’apprentissage est spécifique : il ne s’agit pas seulement d’un savoir constitué à acquérir, mais aussi d’usages contextualisés et diversifiés à s’approprier, notamment dans l’interaction. Une telle spécificité rend d’autant plus cruciale l’influence de facteurs sociaux, économiques, idéologiques ou affectifs entre autres, et l’hétérogénéité même de la notion de représentation la rend alors particulièrement opératoire, dans la mesure où elle permet de rendre compte des sources et références multiples (psychologique, affective, sociale, cognitive, ...) mobilisées dans un processus d’apprentissage et d’enseignement des langues. » (Moore et Py, 2008, p.9)

Dans le cadre de notre étude portant sur les représentations d’enseignants quant à l’intégration des élèves allophones immigrants, la notion de représentation est abordée comme suit : les enseignants sont considérés comme les « sujets » ou le sous-groupe d’individus se représentant une réalité partagée dans le cadre de leur pratique

professionnelle. De plus, nous allons considérer deux sous-groupes de sujets, des enseignants de classes ordinaires et des enseignants de classes d’accueil puisque ces sous- groupes ont généralement une formation et des fonctions différentes, donc leurs représentations pourraient varier selon leur rapport à l’objet, l’intégration.

En ce qui concerne cet « objet » représenté par les enseignants, celui-ci est abstrait et il se rapporte à un processus complexe qui comporte plusieurs dimensions inter reliées : l’intégration linguistique, scolaire, socioscolaire et sociale. De plus, l’acte d’« intégrer» désigne un ensemble de pratiques professionnelles, à savoir les rôles que les enseignants s’attribuent pour mettre en œuvre ce processus. Enfin, il s’agit de représentations de

personnes ciblées par l’intégration, dans ce cas-ci un sous-groupe d’individus : les élèves

allophones immigrants. Les questions d’entrevue posées aux enseignants visent à recueillir leurs représentions du processus d’intégration, de leurs rôles et des élèves allophones immigrants.

Nous nous attendons donc à observer des différences dans les représentations d’enseignants selon les trois écoles visitées et selon les entrevues de groupe considérées, de même que selon les individus au sein d’un même groupe. Nous considérons aussi que les caractéristiques de l’environnement scolaire, par exemple les caractéristiques des élèves de l’école, de l’environnement socio-éducatif, du corps professoral et les caractéristiques sociodémographiques du quartier environnant l’école peuvent influencer les représentations. De plus, les représentations sont susceptibles d’être différentes selon que nous considérons un groupe d’enseignants de classes d’accueil, ou un groupe d’enseignants des classes ordinaires, étant donné la spécificité de leur formation initiale et continue, de leurs fonctions respectives dans l’école, et de leurs expériences professionnelles avec les élèves allophones immigrants. Par ailleurs, des différences propres aux individus, découlant d’attitudes, d’opinions et d’expériences personnelles font également en sorte que les représentations peuvent varier au sein des membres d’un

même groupe professionnel, comme celui des enseignants. Ces différences sont susceptibles de se manifester selon les appartenances des individus à un groupe social particulier, notons par exemple, le cas d’un enseignant d’origine immigrante ou d’un enseignant qui aurait fait une première formation dans une autre profession (Breton- Carbonneau et Cleghorn, 2010).

Par ailleurs, soulignons que la pertinence de la notion de représentations d’enseignants dans le cadre d’un projet de recherche portant sur l’intégration linguistique, scolaire et sociale d’élèves allophones immigrants peut être abordée sous l’angle des fonctions des représentations et des enjeux que représentent ces fonctions dans l’enseignement et l’apprentissage (Moisan, 2010). La « fonction cognitive » d’intégration de connaissances nouvelles aux schèmes préexistants permet à l’enseignant de s’approprier de nouvelles informations dans le cadre d’une formation continue, par exemple. La « fonction

d’interprétation de la réalité » permet à l’enseignant de s’approprier les réalités présentes

dans son environnement scolaire, de lire le comportement de ses élèves, de s’approprier l’environnement de son école, les dynamiques dans la salle de classe, etc. La « fonction

d’orientation des conduites et des rapports sociaux » oriente l’enseignant dans sa prise

de décision sur le plan de l’enseignement, de l’évaluation, des pratiques de gestion de classe, des relations avec les élèves, avec les parents et avec ses collègues. La « fonction

identitaire », permet à l’enseignant de s’approprier à la fois son identité personnelle et

professionnelle et d’en tenir compte dans les rôles qu’il se donne. En ce qui concerne la « fonction de justification des pratiques », l’enseignant peut justifier ses pratiques et sa posture professionnelle, ses choix pédagogiques, l’évaluation des élèves, ses approches de gestion de classe, etc. Enfin, par le biais de la fonction de communication, les enseignants, en tant que sous-groupe, construisent une culture commune et se dotent d’un langage professionnel dont ils se servent pour communiquer entre eux. En outre, ils communiquent leurs représentations de l’intégration lorsqu’ils interagissent avec les élèves et avec leurs parents.

En somme, dans le contexte de la présente étude, nous estimons que le choix du terme « représentations » se justifie, car il nous permet de rendre compte de la complexité de l’objet d’étude, soit l’interprétation faite par les enseignants du processus de l’intégration linguistique, socioscolaire, scolaire et sociale d’élèves allophones immigrants dans trois écoles secondaires montréalaises.