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Les différentes représentations de la distinction entre CDD et CD

RAPPORTS DE FORCE

L ’ AJUSTEMENT AUX FLUCTUATIONS DE LA PRODUCTION : L ’ APPROCHE NEOCLASSIQUE

1.2. Les fluctuations de la production comme fondements du recours aux CDD

1.2.1. Les différentes représentations de la distinction entre CDD et CD

Qu’est-ce qui distingue un CDD d’un CDI ? Si le cadre juridique en France est clair, les modèles théoriques que nous étudions ici ne cherchent qu’à capturer les différences utiles pour la question de l’emploi. Seul le différentiel des coûts d’ajustement semble faire consensus dans cette littérature.

Une caractéristique commune à tous les modèles est la différence de coûts de licenciement en CDI et en CDD. Systématiquement les modèles supposent l’existence de coûts de licenciement en CDI. Pour ce qui est des CDD, soit les coûts de licenciement sont inexistants, soit ils sont plus faibles. La forme de ces coûts de licenciement ou d’ajustement est variable. Ces coûts peuvent être fixes par licenciement ou bien s’accroître avec le niveau de l’emploi (Maurin, 2000, Bentolila et Saint-Paul, 1992, Saint-Paul, 1996).

Cela tend d’emblée à faire du CDD un contrat préféré au CDI par les employeurs. Se pose alors la question de savoir pourquoi les employeurs recourent tout de même au CDI. On peut commencer par distinguer deux types de réponses : l’une reposant sur la coercition, l’autre sur l’incitation. Soit le CDD apparaît comme le contrat optimal, et son usage n’est restreint que par la loi, soit le CDI possède un avantage sur le CDD, ce qui fait qu’il peut exister un arbitrage entre les deux types de contrats.

Le modèle proposé par Cahuc et Postel-Vinay (2002), comme celui de Blanchard et Landier (2001), accorde la possibilité de convertir des CDD en CDI. Dès lors, embaucher un salarié en CDD n’empêche plus d’envisager une relation de longue durée. L’embauche en CDD devient alors optimale. Ainsi chez Blanchard et Landier toutes les embauches se réalisent en CDD, ce qui n’empêche pas que certains CDD arrivant à leur terme soient convertis en CDI, tandis que chez Cahuc et Postel-Vinay, malgré cette

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optimalité du CDD, une partie des embauches se fait tout de même en CDI, car l’usage du CDD est limité par la loi. Un autre modèle prend en compte des contraintes fixées par la loi (Nunziata et Staffolani, 2001), la contrainte prend ici la forme d’un seuil maximal pour le ratio entre emplois temporaires et emplois permanents.

Dans la plupart des autres modèles, l’employeur réalise un arbitrage en tenant compte des avantages et des inconvénients de chaque type de contrat. Au-delà de l’inconvénient du CDI déjà mis en évidence (coûts de licenciement plus élevés), il est possible de mettre en évidence trois types d’avantages du CDI sur le CDD. Le premier repose sur une productivité plus élevée pour les salariés embauchés en CDI, le deuxième sur la durée potentiellement plus élevée du CDI qui s’avère avantageuse lorsqu’on introduit dans ces modèles des coûts de recrutement (ou encore des coûts de fin de CDD). Enfin en l’absence d’écart de productivité et de coûts d’embauche, l’intérêt du CDI pour l’employeur peut provenir d’un salaire plus faible associé aux CDI.

Ecart de productivité

La productivité est souvent supposée être plus élevée en CDI qu’en CDD (Bentolila, Saint-Paul, 1992). Mais deux explications s’opposent sur le sens de la causalité :

- seuls les salariés les plus productifs ont accès au CDI (Blanchard et Landier, 2001, Cahuc et Postel-Vinay, 2002). Cette productivité supérieure est dans certains cas le résultat d’un processus de sélection plus poussé (Varejão et Portugal, 2003)

- la productivité des salariés s’accroît avec la durée de la relation par des effets d’apprentissage (Maurin, 2000) ou bien par un effort de formation de la part des employeurs vis-à-vis des seuls salariés en CDI (Bentolila, Saint-Paul, 1992), les employeurs étant incités à ne transmettre des qualifications spécifiques qu’aux salariés qui ont vocation à rester dans l’entreprise.

On a là deux explications radicalement différentes de l’origine de la segmentation qui provient de la façon dont on considère que la productivité se détermine. A une vision essentialiste de la productivité, qui considère celle-ci comme un attribut des

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individus, s’oppose une conception dynamique, selon laquelle la productivité peut augmenter dans le temps grâce à des effets d’apprentissage ou de formation.

Dans le premier cas, la segmentation prend sa source dans l’essence même des travailleurs qui ont des capacités productives différentes. Les productifs seront embauchés en CDI, car leur productivité plus élevée compense les éventuels coûts de licenciement que l’employeur aura à subir. Sous l’hypothèse de coûts d’embauche indexés sur la productivité des salariés, les plus productifs seront embauchés en CDI parce que la durée plus longue de ce type de contrat est propice à l’amortissement de coûts d’embauche plus élevés. Dans les deux cas, les moins productifs seront embauchés en CDD.

Dans le second cas, l’employeur a intérêt a embauché en CDI tous les salariés qu’il ne pense jamais avoir à licencier, et à recruter les autres en CDD (Maurin, 2000). La part des CDD dans l’emploi dépend alors uniquement des fluctuations de l’activité économique. Le nombre de CDI est déterminé par le niveau d’emploi nécessaire dans les phases basses du cycle.

Une part importante (Carcillo, 2000, Pucci et Valentin 2005, Wasmer, 1999) des modèles fait l’hypothèse d’une absence de différentiel de productivité selon le type de contrat et d’une parfaite substituabilité des deux types de contrats dans la fonction de production de l’entreprise. En général cette hypothèse est assumée en expliquant qu’il y a autant d’arguments pour considérer que la productivité serait plus élevée en CDI que d’arguments pour soutenir l’inverse du point de vue de l’effet incitatif de la fin de contrat. Ce qui est avancé c’est que si le salarié peut être motivé à donner le meilleur de lui-même dans l’espoir de voir le CDD renouvelé ou converti en CDI. Il peut à l’inverse être démotivé par l’excès de pression, ou encore être peu enclin à s’investir dans une entreprise à laquelle rien ne l’attache vraiment.

Amortissement des coûts d’embauche

La seconde raison pour laquelle les employeurs recourent aux CDI est l’absence de limitation de la durée de la relation. Dans le cas du CDD, la restriction de la relation dans le temps impose en effet d’embaucher de nouveaux salariés à l’issue de chaque période. Cela implique des coûts de recrutement et d’adaptation à l’emploi (ou formation à l’entrée). Dans le cas du CDI, ces coûts ne sont supportés qu’une seule fois,

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et peuvent ainsi être amortis sur une plus longue période. Ainsi, dans ces modèles plus les coûts d’embauche sont élevés et plus l’employeur a intérêt à recourir à des CDI.

Plus précisément, plusieurs cas sont possibles : coûts d’embauche identiques en CDD et en CDI, coûts d’embauche uniquement en CDI ou uniquement en CDD, coûts d’embauche différents en CDD et en CDI (Wasmer 1999, Pucci et Valentin, 2005…). Les coûts d’embauche en CDI sont amortis par la productivité marginale du salarié sur une période plus longue, ce qui donne un avantage au CDI si les coûts d’embauche sont identiques pour les deux types de contrats. S’il n’y a pas de coût d’embauche en CDD ou si ce coût est plus faible qu’en CDI (Wasmer 1999), cet avantage est moindre. Malgré tout, il se peut qu’il soit suffisant pour compenser l’inconvénient représenté par des coûts de licenciement plus élevés. Le CDI peut alors devenir un contrat optimal. Toutefois cet avantage peut ne pas perdurer au fil des embauches. Avec une hypothèse de productivité marginale décroissante, le profit marginal d’un CDI est amené à décroître. La productivité du salarié, même sur une plus longue période, devient alors insuffisante pour compenser les coûts d’embauche. Le CDD devient alors le contrat optimal (Pucci et Valentin, 2005).

L’amortissement des coûts d’embauche par la productivité future du salarié se retrouve aussi chez Wasmer (1999). Dans ce modèle, le CDI est un contrat optimal à partir d’un certain seuil de taux de croissance. Lorsque le taux de croissance passe en dessous de ce seuil, l’obtention d’un même niveau de productivité nécessite de poster un nombre d’emplois vacants plus élevé, ce qui augmente les coûts d’embauche. Même si les coûts d’embauche existent en CDD comme en CDI, la hausse est plus importante pour les CDI dans la mesure où, par hypothèse, le coût unitaire d’un emploi vacant est plus élevé en CDI qu’en CDD.

Ecart de salaire

Le salaire est en général supposé être identique en CDD et en CDI2. Lorsqu’on le suppose plus élevé en CDI qu’en CDD, c’est en contrepartie d’une productivité plus élevée (modèles Insider/Outsider, salaire d’efficience, Bentolila et Dolado, 1994, Güell,

2 On pourrait s’attendre à une hypothèse de salaire plus élevé en CDD qu’en CDI dans la mesure où le

salaire d’un salarié en CDD intégrerait une prime de précarité. Cependant, dans la plupart des modèles l’existence d’une telle prime est souvent traitée en dehors du coût salarial, comme une composante des coûts de rotation de la main-d’œuvre : coût d’embauche ou coût de rupture.

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2000). Le modèle de Saint-Paul de 1996 se singularise en supposant un salaire plus faible en CDI qu’en CDD. Comme Wasmer (1999), il s’inscrit dans l’hypothèse de productivité identique. Mais aucun coût d’embauche n’est introduit. Ce qui fait l’intérêt du CDI cette fois c’est la rémunération plus faible des salariés embauchés sous cette forme de contrat et qui compense les coûts de licenciement que l’employeur aura éventuellement à supporter. Contrairement à la plupart des modèles, l’intérêt du CDI ne réside pas dans la fidélisation des salariés qui permet d’économiser des coûts de rotation ou d’améliorer la productivité des salariés, mais simplement dans un coût salarial plus faible.

1.2.2. Les différentes manières d’introduire l’incertitude et la variété des fondements

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