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LE RECOURS AUX CDD

1.2. Principaux résultats des études centrées sur les entreprises

Le travail d’enquête de Germe et Michon (1980) révélait une forte polyvalence et une hétérogénéité dans l’usage des formes particulières d’emploi (l’enquête analysait les pratiques de recours aux FPE dans leur globalité, pas seulement le recours aux CDD) et soulignait la difficulté d’établir une relation entre des types d’établissements et des types de recours. Les FPE apparaissent comme un élément parmi d’autres qui permettent de « variabiliser » les coûts.

Une enquête auprès de 24 établissements a permis d’identifier les déterminants suivants du recours aux CDD : cadre légal et conventionnel, variations de l’activité économique, structure organisationnelle, innovations technologiques, type de relations professionnelles, insertion sur le marché local du travail, nature des qualifications mobilisées, histoire de l’emploi au sein de l’entreprise (Ramaux, 1994). Mais l’évolution de ces déterminants est rarement étudiée (mis à part le cadre légal et, dans une certaine mesure, les variations de l’activité économique) de manière à expliquer l’évolution du recours.

L’exploitation statistique des DMMO à un niveau agrégé à partir du milieu des années 1980 a, dès cette époque, mis en évidence une augmentation du taux de rotation des salariés et une plus forte mobilité dans le tertiaire que dans les autres secteurs, plus forte pour les femmes que pour les hommes, pour les jeunes que pour leurs aînés, et enfin pour les salariés les moins qualifiés (Le Goff, Le Pluart, 1991). Elle a également fait ressortir que la part des CDD dans les embauches avoisine dès cette époque les 60 % et dépasse même 70 % en 1985 (Corbel, Guergoat et Laulhé, 1986, Depardieu et Laulhé, 1985). La domination actuelle des CDD dans les recrutements n’est pas un phénomène nouveau ou qui se serait amplifié avec le développement des CDD. Elle était déjà présente au milieu des années 1980 alors que les CDD représentaient moins de 2,5 % des salariés du privé. Cette domination semble s’être malgré tout renforcée juste avant le début de notre période d’étude : entre 1983 et 1984 la part des CDD dans les

embauches serait passée de 59,4 % à 67,5 % si on s’appuie sur les chiffres fournis par Depardieu et Laulhé (1985).

Les enquêtes ACEMO ont notamment permis d’avoir quelques idées sur le processus de diffusion des CDD. Audier (1983) à partir des deux premières enquêtes de ce type, celles de 1977 et de 1980, analyse la modification des comportements de recours aux emplois précaires (ce qui comprend à la fois les CDD et les contrats d’intérim) entre ces deux dates. Elle note la progression d’établissements utilisateurs de 39 % à 47,5 % (de 12 % à 27 % pour l’usage des CDD), en même temps que des comportements d’abandon du recours pour 23 % des établissements qui étaient utilisateurs en 1977. Ces comportements d’abandon sont d’autant plus rares que la taille de l’entreprise est importante. Pour cette première période d’observation du recours aux emplois précaires, l’accroissement observé correspond plus à l’extension des pratiques de recours qu’à leur intensification. Parmi les établissements utilisateurs, le taux de travailleurs sous statut précaire ne progresse que de 1,5 point, de 4,0 % à 5,5 %, alors que le taux sur l’ensemble des établissements passe de 2,5 % à 4,4 %.

Concernant plus spécifiquement les CDD, entre 1977 et 1987 le taux d’utilisation dans les seuls établissements utilisateurs a progressé d’à peine plus d’un point : de 4,3 % à 5,4 %, mais la part des établissements utilisateurs est passée de 12 % à plus de 50 % (Dussert 1990), ce qui confirme bien le rôle prépondérant de l’extension du recours sur celui de son intensification, en ce qui concerne cette première période d’accroissement de la part des CDD dans l’emploi.

On a également quelques éléments sur la durée des CDD. Entre 1983 et 1986, d’après les enquêtes ACEMO, la durée moyenne des CDD s’est légèrement allongée jusqu’à dépasser 3 mois (elle est passée de 12,1 à 13,6 semaines) : le seuil des 3 mois a été dépassé. Elle est plus élevée dans les petits établissements que dans les grands (Dussert, 1990). Entre 1996 et 1999, d’après les DMMO, cette durée a légèrement diminué : de 2,7 à 2,6 mois et elle est plus élevé dans les grands établissements que dans les petits, et plus faible dans le tertiaire que dans l’industrie et la construction (Richet Mastain, Brunet, 2001).

Une dernière enquête ACEMO portant sur 1999, l’enquête spécifique « ACEMO flexibilité », a fourni une source plus récente d’analyse des pratiques de flexibilité. A partir de cette enquête, Bunel (2006) met en question l’hypothèse d’une typologie des

établissements opposant ceux qui préfèrent la flexibilité interne (ou qualitative) à la flexibilité externe (ou quantitative). Les pratiques de recours aux CDD sont donc ici analysées uniquement dans une perspective de flexibilité. L’auteur s’intéresse à la substituabilité et à la complémentarité de ce mode de réponse aux pics et aux creux d’activité par rapport à d’autres modes (heures supplémentaires, intérim, variation des CDI, modulation du temps de travail, variation des stocks…). Il ressort de cette étude que les établissements « utilisent simultanément et successivement un grand nombre de modes de flexibilité » et qu’« il n’existe pas d’arbitrage entre modes de flexibilité interne et externe fondé sur leur efficacité relative et fonction de l’environnement et de la nature de l’établissement ». Le CDD n’est donc qu’une des réponses possibles pour faire face aux fluctuations de l’activité. Par ailleurs le choix d’un mode de flexibilité et donc du recours au CDD plutôt qu’à un autre mode, ne serait pas conditionné par l’environnement de l’établissement.

L’exploitation de l’enquête REPONSE (Coutrot, 2000) a permis d’identifier un certain nombre de facteurs qui favorisent le recours des établissements aux CDD. La taille de l’établissement a un effet positif sur la probabilité d’avoir un recours élevé (plus de 5 % des emplois) aux CDD. Le fait d’être un établissement en croissance favorise un recours élevé aux CDD. Du point de vue de la composition de la main- d’œuvre, ce sont les établissements les plus féminisés et ceux qui se caractérisent par une plus faible part de travailleurs qualifiés qui y ont le plus recours. Les secteurs des services aux particuliers et santé-éducation ont particulièrement recours aux CDD. Coutrot (2004), à partir de la même enquête, a exploré les liens entre stabilité de l’emploi et innovation. Le recours aux CDD apparaît négativement corrélé à l’innovation technologique (usage des technologies de l’information et de la communication), mais pas aux innovations organisationnelles (développement de groupes de qualité, d’équipes autonomes de production, individualisation des rémunérations, suppression de niveau hiérarchique, recentrage sur des métiers spécifiques).

Des études menées à partir des DMMO, mais cette fois à un niveau microéconomique, font apparaître le rôle déterminant des CDD comme instrument d’adaptation mis en évidence au niveau de l’établissement. Selon Le Minez et Maurin (1994), un recours accru aux CDD est associé à un plus faible usage des licenciements

pour motif économique. Le recours aux CDD est mesuré à partir des DMMO en divisant par huit la somme des entrées et des sorties de CDD au cours de l’année (la durée des CDD étant estimée à un trimestre)5. Toujours à partir des DMMO, Goux (2001) montre que l’ajustement de l’emploi se réalise essentiellement par la variation du stock des salariés ayant le moins d’ancienneté. Les flux de CDD expliquent presque la totalité des variations du nombre d’emplois occupés par des salariés de moins d’un an d’ancienneté. Une dernière étude menée à partir des DMMO (Dormont et Pauchet, 2003) tente de faire le lien entre incertitude et recours aux CDD, le degré d’incertitude étant évalué à partir de l’écart type des taux de croissance annuel du chiffre d’affaires sur une période de 4 ans. L’hétérogénéité du recours aux CDD est ici expliquée par l’hétérogénéité de l’incertitude subie par les entreprises. La principale limite de cette étude pour notre objet est son caractère statique. En particulier, on ne sait pas si l’augmentation du recours aux CDD est due à une augmentation du degré d’incertitude à laquelle font face les entreprises.

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