• Aucun résultat trouvé

Rôle des CDD dans l’évolution des inégalités d’ancienneté dans l’emploi Si l’on a vu dans que la diffusion des CDD avait joué un rôle essentiel dans la baisse

3 3 La diffusion des CDD se traduit par une baisse de la durée moyenne des emplois

3.5. Rôle des CDD dans l’évolution des inégalités d’ancienneté dans l’emploi Si l’on a vu dans que la diffusion des CDD avait joué un rôle essentiel dans la baisse

de la durée moyenne des contrats (3.2), qu’en est-il pour la baisse de l’ancienneté de l’emploi qu’a connu une partie de la population ?

Pour répondre à cette question, il s’agit de séparer les salariés dont l’ancienneté a augmenté et ceux dont l’ancienneté a diminué. Il n’est cependant pas envisageable de prendre les salariés un à un et d’observer si leur ancienneté a augmenté ou diminué. D’une part parce qu’un salarié ne reste que trois ans dans l’échantillon de l’enquête emploi alors qu’on s’intéresse à une période de 20 ans. D’autre part parce que cela n’a pas de sens de regarder la variation de l’ancienneté de façon individuelle pour notre objet. En effet celui-ci n’est pas la modalité d’acquisition de l’ancienneté pour un panel de salariés que l’on suivrait sur 20 ans, mais la variation de la distribution de l’ancienneté de la population en emploi.

Il s’agit donc de trouver une ou plusieurs variables qui discriminent entre les salariés dont l’ancienneté augmente et ceux dont l’ancienneté diminue. La variable classe d’âge apparaît jouer relativement bien ce rôle. L’ancienneté moyenne des salariés de moins de 40 ans a diminué entre 1985 et 2000 passant de près de 6 ans à moins de 5 ans tandis que celle des salariés de 40 ans et plus a légèrement augmenté, de 14 à 14,6 ans. On va donc observer comment s’est réalisée la baisse de l’ancienneté pour les moins de 40 ans en considérant cette sous population comme représentative de la baisse de l’ancienneté qui est intervenue pour une partie de la population en emploi.

L’observation de la baisse de l’ancienneté des salariés de moins de 40 ans par type de contrat révèle qu’elle est due pour plus de la moitié environ à un effet de structure et pour le reste à la baisse de l’ancienneté des salariés en CDI (cf. décomposition de l’effet de structure en annexe : tableau A2.2).

Pour ce qui est de cette seconde composante, elle est à relier avec la hausse du taux de rotation de la main-d’oeuvre déjà soulignée en introduction. Comme l’effet des CDD l’effet de la hausse du taux de rotation concerne les salariés qui sont le plus sujets à des mouvements de main-d’œuvre, c'est-à-dire essentiellement les jeunes. Cela dit ces deux phénomènes ne se recoupent pas complètement. La rotation de la main-d’œuvre a

49

progressé à peu près de la même manière pour les salariés en CDI que pour les salariés en CDD. La répartition entre CDD et CDI dans les entrées d’établissement est restée stable (Sauze, 2003). Etant donné que les jeunes effectuent l’essentiel des mouvements, ce sont eux qui sont touchés par l’accroissement du taux de rotation et pour lesquels on observe une baisse de l’ancienneté moyenne.

C

ONCLUSION

Une mise en perspective historique de la régulation de la durée des relations salariales permet de mieux comprendre les logiques de développement actuel des CDD. Les employeurs qui ont partiellement généré cette dépendance accrue des salariés à la continuité de la relation salariale (ou qui au moins en ont profité pour stabiliser leur main-d’œuvre) cherchent depuis les années 1970 notamment aux travers des CDD à se soustraire aux responsabilités qu’ils assumaient en matière de continuité de l’emploi. La stabilité de l’emploi n’est pas non plus un horizon indépassable. Plusieurs propositions de juristes ou d’économistes : droits de tirage sociaux, marchés transitionnels (Gazier, 2003, Supiot 1999), tendent à lui substituer la notion de sécurité des trajectoires professionnelles. Cependant de telles propositions impliquent de rendre les salariés moins dépendants de la continuité de la relation salariale. Cela signifie notamment dispenser des formations à caractère plus général et moins spécifiques à l’entreprise. Or de telles mesures se heurtent aux intérêts des entreprises qui pendant des décennies ont œuvré en sens inverse.

Ce travail met aussi en évidence que ce qui se joue derrière la détermination ou l’indétermination de la durée du contrat de travail varie selon les époques. En particulier, nous avons fait apparaître que l’assimilation actuelle du CDD à la précarité et du CDI à la stabilité de l’emploi ne va pas de soi. L’indétermination de la durée a, historiquement, d’abord été le moyen pour l’employeur d’obtenir plus de flexibilité, alors que seul le CDD permettait d’apporter des garanties de stabilité de l’emploi. Ce n’est qu’à partir du moment où les motifs de rupture du CDI ont été restreints par les conventions collectives et par la loi, et où la durée du CDD a été fortement limitée, que la spécialisation de ces contrats respectivement dans la stabilité et dans la flexibilité s’est réalisée.

50

L’exploitation de la variable ancienneté des DMMO permet de mettre en évidence une baisse de la durée moyenne des contrats due uniquement à la progression de la part des CDD dans les contrats qui se terminent. Cette baisse s’est accompagnée d’une convergence dans la durée moyenne des contrats. Ainsi on peut dire que les CDD ont joué un rôle de convergence vers le bas des conditions d’emploi.

Néanmoins les CDD occupent encore une trop faible part du stock d’emploi pour que leur diffusion réduise l’ancienneté moyenne dans l’emploi, d’autant plus que les salariés ayant le plus d’ancienneté ont vu celle-ci se conforter au cours de ces vingt dernières années. L’effet des CDD et de la hausse du taux de rotation de la main-d’œuvre jouent ici dans le sens d’un accroissement des inégalités.

La diffusion des CDD et l’augmentation du taux de rotation se traduisent ainsi à la fois par un mouvement de convergence vers le bas de la stabilité des salariés les plus mobiles et un mouvement d’accroissement des inégalités entre ces salariés et le reste de la population en emploi. Loin d’une remise en cause généralisée de la stabilité de l’emploi, on assiste à une déstabilisation (au sens où leur stabilité dans l’emploi diminue) des salariés les plus mobiles, même si en leur sein les inégalités ont tendance à s’atténuer. Cette déstabilisation s’apparente plus à une fragilisation subie par les salariés qu’à une augmentation de leur mobilité choisie. La décomposition des sorties d’établissement par modalité montre en effet une tendance à la substitution entre sortie choisie par les salariés (démission) et sortie subie (fin de CDD, licenciement …) qui s’accentue en période de ralentissement de la conjoncture (Sauze 2003). Soulignons enfin que l’accroissement des inégalités d’ancienneté dans l’emploi semble atténué du point de vue de la sécurité de l’emploi par les inégalités dans les durées de période hors emploi notamment selon l’âge des salariés.

Ce premier chapitre a permis de mettre en lumière l’importance du mode de détermination de la durée des contrats dans les stratégies des employeurs ainsi que la responsabilité actuelle du recours aux CDD dans la baisse de la stabilité de l’emploi que subissent certaines catégories de travailleurs. Dans un contexte où la dépendance des travailleurs à l’emploi salarié dans une entreprise qui leur offre la possibilité d’une carrière, est devenue cruciale, il se pourrait que la différenciation des salariés par rapport à leur risque de chômage, soit devenu un moyen d’accroître le contrôle des employeurs sur la main-d’œuvre. Avant d’examiner de façon plus précise cette

51

hypothèse qui pourrait se révéler comme une alternative à l’hypothèse du recours aux CDD comme besoin d’ajustement aux variations de l’activité, il s’agit à présent d’analyser de façon plus précise ce qui motive le recours aux CDD sur la période actuelle, en nous fixant comme impératif de nous confronter aux pratiques des employeurs à partir de données d’entreprise pour aller au-delà des interprétations macroéconomiques de l’évolution du recours. Ainsi le chapitre suivant est consacré à la création d’une base de données inédite sur le recours aux CDD rendue nécessaire du fait de l’absence de source directement disponible sur le recours aux CDD par entreprise.

Chapitre II

UNE NOUVELLE SOURCE POUR APPREHENDER

Outline

Documents relatifs