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Le rôle des rapports de force et de l’environnement institutionnel de l’entreprise

RAPPORTS DE FORCE

L ’ AJUSTEMENT AUX FLUCTUATIONS DE LA PRODUCTION : L ’ APPROCHE NEOCLASSIQUE

2.3. Les conceptions théoriques sous-jacentes aux études empiriques menées sur les formes particulières d’emploi aux Etats-Unis et au Royaume-Un

2.3.3. Le rôle des rapports de force et de l’environnement institutionnel de l’entreprise

Si le développement des emplois contingents a pu être analysé comme le résultat conjoint d’une évolution démographique conduisant à accroître le poids des salariés préférant des emplois temporaires au sein de la population active11, un point commun de toutes ces études est au contraire de considérer ce phénomène avant tout comme le

11 Cf. les études citées par Appelbaum et Golden (1992) dont la propre étude tend, au contraire, à

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résultat des pratiques des employeurs, comme nous l’avons vu dans les deux sous- sections précédentes. Le volet empirique de ces études se caractérise d’ailleurs par la population interrogée dans les enquêtes utilisées. Celle-ci est composée des employeurs et non des salariés. Cela ne signifie pas que les stratégies des salariés et l’environnement institutionnel de l’entreprise soient absents des hypothèses testées.

Capacité des salariés à défendre leurs intérêts

Il est généralement postulé que les salariés préfèrent les emplois permanents aux emplois temporaires. Ainsi la plus ou moins grande capacité des salariés à défendre leur intérêt apparaît comme un déterminant du recours aux emplois précaires.

Le taux de syndicalisation est l’une des variables régulièrement testées. D’une part un taux de syndicalisation élevé peut inciter l’employeur à avoir un recours important à des emplois temporaires afin de réduire le pouvoir des syndicats. D’autre part les syndicats peuvent lutter contre le recours aux emplois temporaires et l’externalisation des emplois, le taux de syndicalisation aura alors une influence négative sur le recours aux emplois temporaires. C’est généralement cette corrélation négative qui est attendue (Abraham, 1988, 1993, Houseman, 2001). D’autres auteurs évoquent les deux arguments (Davis-Blake et Uzzi) et envisagent même une combinaison des deux effets évoluant selon le niveau de syndicalisation. Ainsi Uzzi et Barsness (1998) postulent une relation en forme de U renversé entre le niveau de syndicalisation et le recours à des emplois contingents.

Au-delà du poids des syndicats, la capacité des salariés à revendiquer la stabilité de l’emploi dépend également de la conjoncture sur le marché du travail. On s’attend à une corrélation positive entre le taux de chômage qui prévaut dans la localité de l’entreprise et le recours aux emplois temporaires (Uzzi et Barsness, 1998).

Environnement institutionnel de l’entreprise, différences de coût selon le type de d’emploi

Les intérêts des salariés sont également présents au travers de la législation du travail et de la législation sociale. L’importance des prestations sociales accordées aux salariés permanents est généralement envisagée comme un facteur ayant un effet positif sur le recours aux emplois temporaire (Davis-Blake et Uzzi, 1993, Houseman, 2001). Il s’agit

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ici de stratégies de contournement des obligations sociales des employeurs. Le recours à des emplois contingents permet ainsi de réduire les dépenses sociales des entreprises.

La sécurité sociale aux Etats-Unis est essentiellement assurée par l’employeur et réservée à ses salariés permanents. Il en résulte que la prise en charge du point de vue de la sécurité sociale constitue un point fondamental de la distinction entre salariés permanents et travailleurs contingents. La distinction entre les contrats traditionnels et les contrats contingents se fait moins sur la base des coûts de rupture (comme c’est le cas en France) que sur les droits en termes de protection sociale.

L’hétérogénéité des approches mobilisées par ces études à dominante empirique montre bien la nécessité de sortir de la théorie standard pour rendre compte du développement du recours aux emplois temporaires. Aucune de ces études ne s’arrête à l’explication du recours aux CDD par l’ajustement aux fluctuations de la demande. La taille des entreprises, le secteur d’activité, le rôle des syndicats, la diversité des environnements institutionnels nationaux sont autant d’éléments supplémentaires à prendre en compte.

C

ONCLUSION

Les approches théoriques de la diversité des contrats de travail en fonction de leur durée sont encore balbutiantes. La prise compte de l’existence de relations salariales s’inscrivant dans la durée par opposition au contrat de vente qui caractérise la plupart des autres marchandises que le travail, a mobilisé la théorie néo-classique au cours des années 1960 et 1970. Ces approches ne fournissent cependant pas une théorie de la durée des relations salariales. Le CDD comme le CDI est le support d’une relation salariale qui s’inscrit dans la durée (même si celle-ci est plus courte et déterminée à l’avance) et non un contrat de vente.

Dans le cadre d’analyse standard, l’existence d’une dualité de contrats de travail au sein de l’entreprise est le fruit d’un arbitrage entre différents types de contrats qui diffèrent selon les coûts d’embauche et de rupture qui leur sont associés, leurs coûts salariaux, la productivité des salariés qui en sont titulaires, leur plus ou moins longue durée potentielle. A partir de tous ces paramètres l’employeur réalise un arbitrage en fonction des variations de la demande.

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Les approches en termes de segmentation fournissent un cadre potentiel pour l’analyse de la diversité des contrats de travail selon leur durée, le degré de stabilité de l’emploi étant l’une des dimensions par lesquels se distinguent les segments primaires et secondaires du marché du travail. Si l’incertitude sur la demande apparaît toujours comme un élément à prendre en compte comme une limite à l’extension de la stabilité de l’emploi, le choix de l’employeur ne se limite pas à arbitrer entre des CDD et des CDI en fonction des variations de la demande, des coûts relatifs des contrats et de la productivité relative des travailleurs embauchés par ces contrats. Il consiste à élaborer ou non des marchés internes.

Dans un cadre d’analyse radical, le dualisme des contrats de travail ne remplit pas une fonction d’efficience. Il est une arme pour les employeurs dans le conflit qui les oppose aux salariés au sujet de l’intensité du travail. Les limites au développement de la stabilité de l’emploi ne sont plus à chercher du côté des fluctuations de la demande dont la gestion efficace ne pourrait êtres assurée que par la flexibilité de l’emploi. Elles résident avant tout dans l’affaiblissement du pouvoir des employeurs que cette stabilisation génère.

La recherche des déterminants du recours aux CDD va s’appuyer sur ces différents cadres d’analyse. Dans le chapitre suivant, différents indicateurs seront construits afin de confronter l’hypothèse d’un recours aux CDD comme réponse rationnelle aux fluctuations de l’activité et l’hypothèse d’un choix délibéré de gestion de la main- d’œuvre peu soucieux de la fidélisation des salariés.

Chapitre V

DETERMINANTS EMPIRIQUES DU RECOURS AUX CDD

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Le travail mené dans le chapitre 4 a permis d’explorer les fondements théoriques des deux principales logiques d’explication du recours aux CDD. La première s’interprète comme une réaction aux fluctuations de l’environnement. L’accroissement des fluctuations de l’environnement des entreprises viendrait donc expliquer la hausse du recours aux CDD. La seconde logique d’explication est celle qui voit le recours aux CDD comme le choix d’une stratégie de gestion de l’emploi peu soucieuse de la fidélisation des salariés.

L’objectif de ce chapitre est de mettre à l’épreuve ces deux logiques à partir de la base de données déjà décrite dans le chapitre 2 et mobilisée pour mettre au jour les dynamiques individuelles de recours dans le chapitre 31.

Le travail économétrique que nous présentons doit permettre de mieux dégager les traits saillants du recours aux CDD au-delà de la multiplicité des dimensions que nous avons explorées pour en rendre compte dans les chapitres 2 et 3. Il doit surtout permettre de confronter les deux approches discutées dans le précédent chapitre à partir de la recherche des déterminants du recours aux CDD.

D’emblée, le choix de l’indicateur de recours aux CDD que l’on cherche à expliquer n’est pas une question triviale. Les deux logiques que nous avons développées entendent rendre compte d’un mode d’usage du recours aux CDD. Il semble alors judicieux de travailler sur un indicateur de recours aux CDD couvrant l’ensemble de la période dont on dispose. Cependant, nous avons vu au chapitre 3 que près de 25 % des entreprises ne recourent pas aux CDD chaque année et que la population de ces

1 Comme pour la fin du chapitre 3, nous travaillons uniquement sur les secteurs du commerce, de

l’industrie et des services, les autres secteurs ayant des caractéristiques très spécifiques en matière de recours aux CDD (construction) ou de nouvelles législation du travail (transport).

entreprises qui n’usent pas des CDD est renouvelée assez largement, d’année en année. Il y a donc, au fond, deux caractéristiques du recours aux CDD : son intensité « moyenne » sur la période, et le fait de recourir ou non aux CDD une année donnée. Quand on cherche à tester les déterminants structurels du recours aux CDD, c'est-à-dire ceux qui expliquent l’attachement des entreprises à ce mode de gestion de la main- d’œuvre, on utilise le taux de recours2 moyen sur l’ensemble de la période. Pour saisir la dimension plus conjoncturelle du recours à ce type de contrat, on retient le taux de recours une année donnée. Mais ces investigations ne peuvent être menées sur le même champ de notre base de données.

En effet, le calcul du taux de recours moyen n’étant possible que pour les entreprises qui sont présentes tout au long de la période, il faut donc s’en tenir au champ des entreprises pérennes, présenté dans le chapitre 2. Nous avons déjà pu constater que quasiment toutes les entreprises pérennes ont eu recours aux CDD au moins une année. Prendre le taux de recours moyen aux CDD sur l’ensemble de la période comme variable à expliquer évite d’être confronté au problème du biais de sélection qui se pose lorsque, pour une année donnée, on se retrouve avec un échantillon d’entreprises dont plus d’un quart n’ont pas recours.

L’analyse des déterminants du recours une année donnée peut, quant à elle, être menée sur l’ensemble des entreprises présentes cette année-là. Nous avons choisi de réaliser ce travail pour l’année 2000, année d’accélération de la croissance. Cette étape devrait permettre de tester davantage les déterminants conjoncturels. Il faut alors prendre en compte le problème posé par le fait que, pour plus d’un quart des entreprises, ce taux de recours est nul.

Après avoir expliqué dans une première partie la construction des variables explicatives retenues et cherché de premiers indices de leur éventuel lien avec le recours aux CDD, nous présentons les résultats de l’analyse des déterminants du recours moyen aux CDD sur les 15 années (deuxième partie) puis du recours aux CDD pour les deux années retenues (troisième partie) avant de synthétiser les résultats obtenus dans la dernière partie.

2

1.

L

ES DEUX LOGIQUES DE RECOURS AUX

CDD :

PRESENTATION DES

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