• Aucun résultat trouvé

4.3 LES OBSTACLES RENCONTRÉS

4.3.1 Les représentations des difficultés rencontrées par les personnes immigrantes

Lorsqu’une personne immigre dans un nouveau pays, elle s’expose à une vie nouvelle qui génère de grands bouleversements et de nombreux changements. Peu importe sa provenance, la personne immigrante entreprendra un processus d’acculturation (Hofstede, 1980, cité dans Gratton, 2009), qui découle « de contacts directs et prolongés entre deux cultures différentes et qui sont caractérisés par la modification ou la transformation de l’un ou des deux types de cultures en présence » (Gratton, 2009, p. 188). Les personnes immigrantes et la société d’accueil seront toutes deux amenées à apporter des changements afin de s’adapter à l’autre.

Les participants que nous avons rencontrés sont conscients des nombreux défis et difficultés que les personnes immigrantes rencontrent au quotidien. Ils reconnaissent l’importance de les identifier afin de pouvoir intervenir et accompagner les personnes immigrantes dans leur démarche. Colette dresse un portrait de la clientèle immigrante qu'elle côtoie en précisant les nombreux besoins et défis qu’ils rencontrent dès leur arrivée au Québec.

« C'est sûr que c'est du cas par cas, mais en général, quand ils viennent à nous, ce sont des immigrants qui sont là depuis moins de 5 ans. Puis en plus, ce que les recherches démontrent, c’est qu’il y a une courbe d'intégration d'accès au marché du travail, qui montre que s'ils ont été déqualifiés et qu'ils n'ont pas réussi à atteindre leur niveau, et bien, il y a de grands risques pour qu'il ne soit pas capable d'atteindre le même niveau que lorsqu’ils ont quitté. Donc, dans les cinq premières années, il faut vraiment qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent pour atteindre ce niveau-là, parce que sinon, il y a un risque de plafonner en étant sous-qualifié. […] En plus, ils ont plusieurs responsabilités. Souvent, ils arrivent avec une famille et on parle de s'investir dans une démarche ou dans un programme de francisation, etc., etc. C'est énorme. Déjà pour un adulte qui est québécois, entre guillemets, et qui fait un retour aux études. Je n'aime pas dire ça, parce que la RAC, ce n'est pas des études, c'est une démarche d'évaluation, mais c'est vraiment un immense effort, un énorme investissement pour ces adultes-là. Surtout pour les personnes immigrantes qui, en plus, doivent s'installer dans la communauté. Les besoins de base sont difficilement comblés, puis là on est dans d'autres sphères à combler. Ce sont de méchants défis » (Colette, Conseillère pédagogique/ API).

Catégories Thèmes Fréquence (f) % (N)

Obstacles rencontrés par

les intervenants

RAC

Préjugés et incompréhension du travail en RAC 15 87,5

%

(7)

Manque de services et perte d’expertise 21 75 % (6)

Travail en silo, compétition et hiérarchie des statuts 13 50 % (4)

Ressources financières, humaines et matérielles limitées 9 50 % (4)

70

Selon 75 % des répondants (6/8), les principaux obstacles rencontrés par les personnes immigrantes seraient associés à la communication et à la compréhension de la langue

française et au manque d’information concernant l’offre de services en reconnaissance des acquis et des compétences. Selon eux, ces facteurs génèrent beaucoup de frustrations

auprès des personnes immigrantes, qui peuvent se sentir isolées ou incomprises. La langue : tout un défi

La communication est à la base de toute la démarche de RAC et de l’intervention. Selon les participants, elle permet aux personnes immigrantes et aux intervenants de communiquer et d’exprimer leurs besoins, mais aussi d’entendre et d’écouter l’autre. Pour identifier les besoins réels de la clientèle, l’intervenant doit pouvoir accéder au message que la personne immigrante désire transmettre. Cette compréhension est jugée significative puisqu’elle leur permet d’apporter les ajustements nécessaires pour comprendre l’autre et être entendus et modifier leurs interventions et leur posture d’accompagnement en conséquence. Une participante nous dit à quel point le français est un enjeu considérable pour les personnes immigrantes qui désirent habiter au Québec.

« Ils ont d’immenses besoins au niveau de la langue. Donc, souvent c’est un double enjeu au sens où ils sont très expérimentés, ils veulent faire la démarche de RAC, mais ils doivent être capables de s’exprimer à l’oral et à l’écrit en français ou en anglais, selon les collèges, parce qu’il y a des collèges anglophones. Mais, c’est un enjeu immense, qui va aussi leur mettre des barrières pour leur intégration au marché du travail. Donc, la langue, c’est vraiment une priorité. Puis évidemment, il y a des structures qui existent au niveau de l’immigration, mais ce n’est pas suffisant. Surtout pour les gens qui sont allés en francisation au moment où ils ont immigré, bien le niveau où ils les amènent et bien, il n’est pas assez élevé pour le niveau collégial, ou le niveau RAC professionnelle. Donc, souvent on doit régler l’enjeu du français. C’est un grand besoin qu’ils ont avant de pouvoir aller un p’tit peu plus loin dans d’autres types de démarche » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

Le problème de la diffusion des services offerts en reconnaissance des acquis et des compétences

Selon les intervenants, l’information transmise aux personnes immigrantes au sujet des services offerts en reconnaissance des acquis et des compétences semble insuffisante, voire parfois inadéquate. L’information relative aux services ou à la possibilité de faire reconnaître leurs études ou leur formation acquise dans leur pays d’origine ne semble pas ‘se rendre’ jusqu’à la clientèle issue de l’immigration qui en grande partie, découvrirait les services de reconnaissance des acquis et des compétences un peu par hasard. Une

71

répondante explique comment ces problèmes d’information se manifestent au sein de son organisation :

« Les gens ne connaissent pas la RAC. En fait, ce n’est pas qu’ils ne connaissent pas, c’est qu’ils ne se doutent même pas de son existence. Ça fait quand même un bout que ça existe et c’est de percer ce milieu-là. Parce que dans le fond […] même si j’envoie des publicités de nos séances d’information qu’on fait ici […], l’information ne passe pas. Ils ne donnent pas l’information et ça, je trouve ça très dommage […]. Donc, c’est vraiment du bouche-à-oreille qui se fait et je trouve ça dommage que ces femmes-là ne sachent pas que ça existe » (Audrey, Conseillère en formation/API).

L’intégration professionnelle : un autre défi de taille

L’intégration professionnelle représente un enjeu important pour les personnes

immigrantes qui entreprennent une démarche de reconnaissance des acquis. Elles ont besoin de travailler pour se réaliser personnellement et professionnellement, mais les défis qui les attendent avant d’accéder au marché du travail sont nombreux. Pour certaines d’entre elles, les obstacles se présentent dès leur arrivée avec la non-reconnaissance de leur formation ou de leur métier. Les services de reconnaissance des acquis et des compétences apportent alors soulagement et espoir auprès des personnes immigrantes parce qu’elles y voient l’occasion d’être reconnues sans devoir tout reprendre à zéro. Malheureusement, le passage à la RAC n’est pas garant de l’intégration à l’emploi. Certains répondants dénoncent l’insuffisance de l’offre de recrutement de la part des employeurs auprès de la clientèle immigrante, employeurs qui, selon eux, méconnaîtraient les services offerts et auraient des préjugés envers la population immigrante.

« Ce que je trouve difficile c’est le post-RAC. Donc les défis d’intégration sur le marché du travail que les personnes immigrantes rencontrent. Un autre défi aussi c’est la circulation d’information. Tu sais, des fois les personnes immigrantes arrivent chez nous, puis ils nous disent : “Enfin, oh mon Dieu, si j’avais su ça avant !”. Donc, c’est encore méconnu et puis je me dis combien de personnes n’arrivent pas chez nous parce qu’ils n’ont pas l’info » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

« Nous, on a souvent des personnes immigrantes qui sont extrêmement scolarisées, qui sont en plus expérimentées, qui ont tout ce qu’il faut pour intégrer le marché du travail, mais il y a des défis immenses au niveau des employeurs, qui peuvent être capables de comprendre leur parcours hors Québec, et aller jusqu’au racisme là. L’éventail est extrêmement large et il y a énormément de travail à faire de ce côté-là. Donc, il y a beaucoup [de personnes immigrantes] qui n’en auraient pas besoin s’il y avait plus d’outils, puis peut-être plus d’ouverture du côté des employeurs. [...] Je pense que la RAC c’est une voie, une avenue vraiment importante pour l’intégration des personnes immigrantes et je pense que, parallèlement, il faut qu’il y ait un énorme travail qui se fasse du côté employeurs. Tu sais, je pense que l’on aura beau diplômer en RAC toutes les personnes immigrantes, eh bien, s’il n’y a rien qui est fait au niveau de leur intégration au niveau du marché du travail, on va donner des diplômes puis ils vont être tablettés » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

72

Améliorer les services en reconnaissance des acquis et des compétences pour les emplois qualifiés

Selon Anne et Colette (25 %), les services en reconnaissance des acquis et des compétences ne sont pas suffisamment adaptés et développés pour répondre aux besoins des personnes immigrantes. Voici ce que Colette précise à ce sujet :

« Bien ça, c'est tout un défi parce que c'est long développer les outils d'évaluation, mais il faudrait qu'il y ait une offre de service plus grande. Donc ça, ce n'est pas démotivant, mais c'est décevant des fois parce qu'on ne peut pas offrir le service à la personne » (Colette, conseillère pédagogique).

Un travail de coordination entre les partenaires et les diverses organisations est nécessaire pour permettre aux personnes immigrantes de faire reconnaître leurs acquis et leur expérience obtenus dans leur pays d’origine. Parmi les organisations concernées, les services offerts auprès des universités ou des ordres professionnels ne seraient pas suffisamment développés pour répondre aux besoins de reconnaissance des personnes immigrantes. La reconnaissance des acquis et des compétences au niveau universitaire est davantage basée sur une évaluation académique des études effectuées à l’étranger et ne tiendrait pas en considération des compétences et de l’expérience acquise. Cela représente un obstacle majeur pour les personnes immigrantes scolarisées et expérimentées qui ne sont pas reconnues et qui ne peuvent pas exercer le métier pour lequel elles sont qualifiées.

« Ils ont besoin en fait de faire reconnaître leur formation scolaire acquise hors Québec. Parce que l'évaluation comparative du MIDI, c'est une étude comparative, puis ils ne font pas d'études de relevés de notes, ils ne font pas d'études du contenu. Tandis que dans la démarche de RAC, bien on peut faire de l'analyse scolaire même si la personne a fait ses études hors Québec. On est en mesure de reconnaître, au regard d'un programme toujours, possiblement une partie de la démarche en s'appuyant sur ce qui a été fait hors QC. Et ça, c'est en développement, puis y'a des établissements qu'ils le font plus que d'autres, mais ça, c'est important parce que sinon, ils ont vraiment l'impression de repartir à Zéro alors que souvent, ils ont un bacc., une maîtrise, puis, tu sais, c'est un peu décourageant. Nous, on est de niveau collégial, puis eux, ils ne veulent pas repartir à zéro. Donc, le bout d'analyse scolaire, ça leur donne un p'tit coup de pouce sur le sentiment d'efficacité personnelle, disons. Puis l'autre chose que je peux dire, c'est qu'ils ont un besoin immense d'avoir plus de reconnaissance des acquis au niveau universitaire. Euh, c'est peu développé, on va se le dire. Oui, il y a beaucoup d'universités qui en font, mais c'est plus de l'analyse scolaire qu'ils vont faire, ou de l'évaluation scolaire qu'ils vont faire. Ce n'est souvent pas basé sur des principes andragogiques. Puis les évaluations ne sont souvent pas conçues sur le fait que les personnes ont souvent appris sur le terrain, donc il y a une nuance ou une différence importante entre les démarches qui peuvent être offertes dans les universités versus le collégial. Puis par exemple, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire là, parce qu'il y a beaucoup de personnes immigrantes qui arrivent et qui sont très scolarisées et expérimentées de niveau universitaire. Et donc, euh, ils viennent vers nous, puis on est bien content de les accueillir, puis ça va les aider, tu sais, par exemple, quelqu'un vient chercher un AEC ou un DEC, bien ça va être comme le levier pour intégrer le marché. Par exemple, ce qu'ils ont fait dans leur

73

pays va être reconnu une fois qu'ils auront intégré le marché du travail et que ce volet va être activé. Mais le fait de s'intégrer au départ, le diplôme de niveau collégial va leur donner un très bon coup de pouce, mais s'ils pouvaient en plus entreprendre une démarche de niveau universitaire pour ceux qui sont déjà de ce niveau. Bien je pense que c'est un besoin réel qui est non comblé ou peu comblé en ce moment » (Colette, Conseillère pédagogique/API).  «Bien je sais qu'il y a des réflexions en ce sens entre autres avec le Ministère, mais je ne sais pas si on pourrait parler de collaboration parce que je pense que l'on n’en est même pas là. Moi, c'est clair que j'y crois, puis je crois qu'il faut que ça se fasse et que les universités ne manquent pas le train. Bien qu'en fait, elles prennent le train le plus vite possible. Mais bon, ce que je comprends des universités c'est que chaque département est indépendant, donc il y a beaucoup de travail de mise en commun pour avoir une base théorique à quelque part. Il y a beaucoup de travail à faire, mais je pense que c'est possible» (Colette, conseillère pédagogique).

Beaucoup trop de paperasse !

Selon 12,5 % des répondants (1/8), la démarche de reconnaissance des acquis et des compétences et l’évaluation des compétences de la personne immigrante reposent sur la consultation et la réalisation de documents écrits. Cette procédure ne tiendrait pas compte de l’obstacle de la langue que beaucoup de personnes immigrantes rencontrent. Par exemple, elle serait limitative et extrêmement éprouvante pour les personnes, qui n’ont pas les habiletés requises pour lire ou compléter l’information qui doit être contenue dans leur dossier et qui constitue l’élément de preuve.

Nous venons d’identifier à partir des représentations de nos participants-es les obstacles auxquels les personnes immigrantes doivent faire face et qu’elles doivent franchir pour réussir leur démarche de reconnaissance des acquis et des compétences et permettre leur intégration sociale, scolaire et professionnelle.

4.3.2 Le discours sur les difficultés que rencontrent les intervenantes en