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1.3.1 L’immigration au Québec : quelques statistiques

Actuellement, la hausse de l’immigration au Canada constitue le levier le plus sûr afin de réduire dans l’immédiat les impacts du choc démographique lié au vieillissement de la population et au ralentissement des naissances (CAMO-PI, 2010, Le Conference Board du

Canada, 2008). Ainsi, entre 1990 et 1995, la croissance nette de la population canadienne

par l’immigration a atteint 46 %. Cette contribution est passée à 60 % entre 2001 et 2006 et devrait bientôt atteindre 100 % de la croissance nette de la population (Le Conference

Board du Canada, 2008, p. 18). De 1991 à 2006, le pourcentage de travailleurs actifs nés

à l’étranger a augmenté, passant de 18,5 % à 21,2 %. Si les niveaux d’immigration récents se maintiennent, cette proportion pourrait atteindre près de 33 % en 2031, d’après la plupart des scénarios (Martel et coll. 2007).

Conséquemment, le Québec n’est pas épargné par ce choc démographique et, afin de combler la pénurie de personnel prévue dans plusieurs domaines professionnels, il doit faire appel à une forte proportion d’immigrants de la catégorie dite ‘économique’ qui pourrait répondre aux nombreuses demandes de main-d’œuvre qualifiée de ces secteurs. Entre 2008 et 2012, le gouvernement du Québec a maintenu une moyenne d’admission de 51 088 nouveaux arrivants annuellement dont sept personnes sur dix relèvent de la catégorie de l’immigration économique. Dans le Plan d’immigration du Québec pour

l’année 2013 et à la suite de la consultation publique concernant la Planification des niveaux de l’immigration 2012-2015 au Québec, plusieurs orientations ont été adoptées.

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Elles visent à maintenir le volume des admissions d’immigrants correspondant à 50 000 annuellement ; à maintenir à 65 % au minimum la part de l’immigration économique et à porter progressivement à 50 % la proportion des demandeurs de la catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation dans des champs de compétence correspondant à des besoins à combler sur le marché du travail (MICC, 2013).

Les personnes immigrantes admises au Canada représentent une source indéniable de professionnels qualifiés (Martel et coll. 2007 ; Cousineau et Boudarbat, 2009). Une enquête publiée en 1998 par le Congrès du travail du Canada a montré que 18,1 % des membres de minorités visibles immigrés au Canada détenaient un baccalauréat ou un diplôme d’études supérieures comparativement à 13,4 % pour le reste de la population canadienne (Drudi, 2003). En 2006, plus de la moitié des nouveaux immigrants possédaient un diplôme équivalent au baccalauréat universitaire. Néanmoins, l’accès à de nombreuses professions demeure difficile pour ces personnes à cause de la non-reconnaissance de leurs diplômes et de leurs compétences acquises à l’étranger par les entreprises canadiennes, les ordres professionnels et différentes instances gouvernementales. De plus, selon Jackson (2002) les personnes immigrantes pourraient aussi être limitées par des barrières artificielles qui les empêcheraient de mettre à profit leur potentiel. Ces barrières peuvent être intentionnelles, comme le sont le racisme et les préjugés manifestés en matière d’embauche et d’avancement. D’autres barrières sont cependant plus subtiles et peuvent découler « de systèmes et de procédures dont l’effet est discriminatoire » (Drudi, 2003, p. 13). Ainsi, la non-reconnaissance des titres et des compétences acquis à l’étranger semble être « un obstacle systémique raciste à l’égalité des chances » (ibid.) et à leur intégration professionnelle (CAMO-PI, 2009).

Une étude réalisée en 1996 par le Comité d’adaptation de la main-d’œuvre – personnes immigrantes (CAMO-PI) établissait déjà alors que la non-reconnaissance des acquis des personnes immigrantes constituait un obstacle important à leur intégration socioprofessionnelle. Celle-ci représente des coûts élevés pour la société québécoise : « chômage, pauvreté, surqualification, retour à un statut d’étudiant à temps plein pour plusieurs années, etc. » (Chanoux, 2003, p. 24). Il s’ensuit que les personnes immigrantes

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peuvent devenir très vulnérables et développer des problèmes divers liés à la non- reconnaissance de leurs acquis et compétences, ce qui a un impact significatif sur leur intégration aux niveaux professionnel, mais aussi économique, social, communautaire et psychologique.

1.3.2 Les obstacles rencontrés par la clientèle immigrante lors du processus de reconnaissance des acquis et des compétences

Bien que plusieurs efforts et mesures aient été entrepris par les gouvernements fédéral et provincial, plusieurs organismes communautaires, les ordres professionnels, des établissements scolaires afin de pallier les obstacles à un processus efficace et accessible de reconnaissance des acquis et des compétences des personnes immigrantes, de nombreuses difficultés subsistent.

Selon Chanoux (2003), il semblerait que la reconnaissance des acquis et des compétences soit intimement liée à la reconnaissance du transfert des compétences de l’immigrant dans la société d’accueil. Pour cette auteure, les besoins à cet égard varient d’une personne à l’autre, étant fonction des profils académiques et professionnels. Pour cela, la formation tout comme l’expérience doivent être reconnues. De plus, la francisation en amont est jugée quasi indispensable pour les personnes immigrantes qui désirent s’investir dans une démarche ou s’établir au Québec.

De nos jours, les difficultés rencontrées par les immigrants sont toujours nombreuses et l’offre des services est parfois inexistante (Chanoux 2003). Toutefois, il est important de noter que le reste de la population (jeunes adultes, adultes, personnes peu scolarisées) qui s’engage dans une démarche de reconnaissance des acquis et des compétences est également soumise à divers problèmes. Pour les nouveaux arrivants, leur connaissance insuffisante des rouages du système québécois ne leur permet parfois pas de savoir répondre aux conditions exigées par les institutions publiques et privées auxquelles leur demande s’adresse. Ces personnes peuvent ressentir une frustration du fait que la reconnaissance de leur formation et de leurs compétences acquises à l’étranger leur soit souvent refusée. Elles devront, selon le cas, entreprendre des études supplémentaires au Québec afin de pouvoir exercer le métier qu’elles exerçaient dans leur pays d’origine.

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De façon générale, la démarche de reconnaissance des acquis et des compétences se caractérise par sa lourdeur et sa durée. Des difficultés et obstacles propres aux personnes immigrantes peuvent être rattachés davantage à leur situation (Chanoux, 2003, p. 25-26) :

1. un problème généralisé d’information relié à la transparence de l’information ;

2. une francisation insuffisante de certains allophones afin qu’ils puissent bénéficier de la RAC21 ;

3. la rareté de lieux où faire évaluer le transfert de ses compétences et où faire identifier ses besoins ;

4. une évaluation effectuée sur la base de preuves écrites qu’il faut obligatoirement produire tout au long de la démarche de reconnaissance pour que celle-ci aboutisse22 ;

5. un problème aigu d’accès à la formation d’appoint pour les personnes immigrantes du fait notamment d’une offre de formation à temps partiel ou individualisée très limitée. De plus, il semble que les conditions d’« accès » aux programmes et mesures subventionnées par certains bailleurs de fonds comme Emploi-Québec restreignent également cet accès;

6. comme les acquis scolaires sont principalement évalués, l’ordre professionnel applique souvent une « comparaison point pour point » avec le programme québécois (à partir d’un référentiel de formation) et avec le système scolaire québécois ;

7. une reconnaissance souvent effectuée selon la loi du « tout ou rien ».23

Afin d’améliorer la reconnaissance des acquis et des compétences des personnes immigrantes, les ordres professionnels ont adhéré à l’unanimité aux prémisses et recommandations du rapport intitulé Des principes en matière de reconnaissance de

diplôme et de formation acquis hors du Québec (CIQ, 2006). Cependant, aucune efficacité

généralisable de résultats n’est possible puisque la situation diffère d’un ordre professionnel à l’autre. Par exemple, chacun des 46 ordres professionnels du Québec offre

21 En effet, la connaissance du français ou de l’anglais est une condition sine qua non à toute démarche de reconnaissance

des acquis et des compétences. Les évaluations et les outils utilisés peuvent constituer des obstacles majeurs puisqu’ils requièrent une bonne compréhension et une bonne maîtrise de la langue.

22 Ce problème est particulièrement aigu pour les réfugiés moins scolarisés et les allophones dont la langue maternelle

n’est ni le français ni l’anglais.

23 Chanoux, P. (2003). La reconnaissance des acquis et des compétences des personnes immigrantes. Vivre ensemble,

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des services différents quant à la reconnaissance des acquis et des compétences, l’analyse des dossiers et l’évaluation des acquis (évaluation avec jury, entrevues, stages pratiques, etc.). De plus, les frais exigés d’une demande de reconnaissance et d’analyse des dossiers sont tout aussi disparates d’un ordre professionnel à un autre, ce qui confirme d’emblée la différenciation entre les pratiques en reconnaissance des acquis et des compétences de ces instances24. Récemment, un Rapport du commissaire aux plaintes de l’Office des

professions25 faisait état que sur 4500 candidats qui tentent d’intégrer un ordre du Québec

chaque année, près de 3000 obtiennent une reconnaissance partielle de leur acquis qui nécessite suivre une formation ou de faire un stage supplémentaire.

Ces énoncés permettent de saisir l’aspect multidimensionnel des problèmes rencontrés par les personnes immigrantes récemment arrivées au Québec et qui sont liés au processus de reconnaissance des acquis et des compétences et plus particulièrement en ce qui concerne l’accès aux professions réglementées du Québec.