• Aucun résultat trouvé

4.2 L’ARRIMAGE DES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES À

4.2.2 Représentation du Soi : Les savoirs situés dans l’action exprimés par les participants

Tableau 13 : Le discours sur les savoirs situés dans l’action

Les savoirs situés dans l’action (SSA), qui définissent le rôle et l’identité professionnelle des intervenants en reconnaissance des acquis et des compétences, réfèrent à des qualités personnelles ou des habiletés professionnelles qui permettent aux intervenants en reconnaissance des acquis d’exécuter les différentes tâches correspondant à leur fonction. À partir de leurs représentations et de leur expérience professionnelle, les répondants ont fait état de savoirs-faire qui se manifestent à différents moments lors de leur travail.

Les participants sont unanimes (8/8) à l’effet qu’il faut, prendre le temps et respecter le

rythme de la personne immigrante. Ils stipulent que l’accompagnement et l’intervention

devraient être ajustés en tenant compte des difficultés particulières que peuvent rencontrer les personnes immigrantes et de leurs besoins respectifs. Pour ce faire, l’intervenant doit montrer de l’écoute, de l’ouverture et des habiletés en communication pour ajuster son discours, diminuer son débit verbal et adapter son niveau de vocabulaire en fonction de la personne qui est devant lui.

« Le temps. On vit dans une société où on court. C’est clic, vite, vite, on a le résultat. Bien avec ces gens-là, il faut que l’on prenne le temps. Parce que, juste au niveau du débit verbal, bien des fois, on parle trop vite, puis on met plein d’expressions qu’on ne s’en rend pas

Catégories Thèmes Fréquence (f) % (N)

Savoirs Situés dans l’Action (Savoirs-faire)

Prendre le temps/Respecter le rythme 15 100 % (8)

Collaborer 39 87,5 % (7)

Capacité d’adaptation/ résolution de problème 38 87,5 % (7)

Développement de projet et outils

d’évaluation 28 87,5 % (7)

Accueillir l’autre dans son insécurité 12 87,5 % (7)

Capacité d’analyse 17 75 % (6)

Savoir vulgariser 15 75 % (6)

Créer un lien de confiance et croire au

potentiel des personnes 14 62,5 %

(5)

Lire entre les lignes 11 37,5 % (3)

Remettre en question ses interventions 5 37,5 % (3)

60

compte qu’ils n’ont pas comprises, puis ce n’est pas long avant qu’ils n’aient rien compris du tout. Donc, prendre le temps de s’assurer qu’ils ont bien compris » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

La plupart des intervenants (7/8) considèrent l’importance de collaborer avec leurs pairs. Les répondants témoignent d'un immense respect envers chacun de leurs collègues impliqués dans le secteur de la RAC et une reconnaissance de l’apport de leur travail et de leur rôle respectif dans le processus. Pour assurer la prospérité des services et le passage harmonieux entre les étapes du processus, l’intervenant est amené à communiquer et à partager l’information relative à la RAC et au dossier des candidats auprès des autres intervenants, personnel ou organisations impliqués. Anne explique comment toute la démarche de la RAC et le travail des intervenants reposent, selon elle, sur le travail

d’équipe et la collaboration. Cette compétence semble donc très significative dans la

définition du rôle et de l’identité professionnelle des intervenants en reconnaissance des acquis rencontrés.

« On n’a pas le choix. Si on ne travaille pas dans le même sens, ça ne marchera jamais, parce qu’on va passer notre temps à devoir tout recommencer, puis à ne pas s’entendre » (Anne, Conseillère pédagogique).

La capacité d’adaptation et de résolution de problème, le développement de projet et

d’outils d’évaluation semblent être également importants dans la définition du rôle et de

l’identité professionnelle de nos répondants (7/8). Ces savoirs-faire, qui correspondent à des tâches de niveau technique, s’appliquent parfaitement au contexte de travail de la démarche en RAC. Par exemple, en ce qui a trait à l’accompagnement des personnes immigrantes et à l’approche individualisée, l’intervenant est amené à repenser ses interventions et à trouver des solutions constamment. Dans cette foulée, les participants dénoncent l’insuffisance des services offerts en reconnaissance des acquis dans de nombreux programmes d’études ou secteurs. Cette situation leur demande de faire preuve d’innovation pour développer les services, améliorer les partenariats et développer de nouveaux outils d’évaluation.

« L’adaptabilité c’est une compétence parce que chaque personne est différente, chaque cas est différent. [...] et ça fait que l’on est toujours en mode de résolution de problèmes » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

« En RAC […], ce sont des dames qui ont souvent 15, 20 années d’expérience et elles connaissent les choses, mais souvent, c’est la terminologie qui leur manque ou de mettre des mots sur des actions [...]. Donc, c’est vraiment aux spécialistes de s’adapter à l’expérience des candidates » (Audrey, Conseillère en formation/API).

61

« Puis, en plus, on est vraiment en mode de développement de projet. Tu sais, oui, on s’occupe de candidat puis, oui, on fait des évaluations avec eux, mais on développe par la bande aussi plein de projets […]. On a des projets-pilotes en ce moment avec Emploi-Québec qui est un immense projet de référencement. Ça [ne] s’est comme jamais vu en RAC. C’est les Commissions scolaires, Emploi-Québec et les collèges qui travaillent ensemble pour offrir la RAC au candidat d’Emploi-Québec. Donc, c’est un gros gros changement de paradigme pour Emploi-Québec » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

« C'est savoir se revirer sur un dix cents. OK, ça ne marche pas, qu'est-ce qu'on fait avec ça. Il y a beaucoup d'imprévus. Il y a beaucoup de changements. Bon, outre les clients que l'on ne rencontre pas [tout le temps], autour de ça, toute la partie technique, là, je ne sais pas comment on l'appellerait, mais tout ce qui gravite autour de la RAC après que l'évaluation soit faite, bien, il y a plein de gymnastiques à faire, à organiser pour que l'on coordonne tout ça et que ça roule pour que chaque candidat aille le service qu'il a de besoin» (Charlotte, API).

La capacité à accueillir l’autre dans son insécurité, nommée par les participants (7/8), est très importante également dans l’accompagnement auprès des personnes immigrantes. Ce savoir situé dans l’action (SSA), qui se manifesterait davantage dans l’intervention et la posture d’accompagnement de l’intervenant, offre à la personne immigrante un espace de rencontre où elle se sent comprise et où elle peut exprimer ce qu’elle ressent. Par exemple, les intervenants remarquent que les personnes immigrantes qu’ils accompagnent ressentent beaucoup de frustrations par rapport à leur contexte de vie et d’immigration. Elles ont aussi de nombreuses inquiétudes liées au processus de reconnaissance. L’accueil de l’autre dans son insécurité favoriserait le développement d’un lien de confiance entre l’intervenant et la personne.

« Il faut prendre le temps de les recevoir et de leur dire : “Venez vous asseoir”. Tu sais, ils sont tellement “garrochés”, je m’excuse [de] l’expression. Ils sont “garrochés” partout, et tu sais, souvent, même si on est pressé, de prendre le temps avec la personne, de la laisser raconter ce qu’elle a vécu, par où elle est passée, bien de un, ça va nous aider à mieux l’accompagner et elle, elle va sentir enfin, que là, il y a une tribune où elle peut s’exprimer par rapport à quoi elle est passée et de quoi elle a besoin. Donc, souvent, c’est : “vite, vite, dépose ton dossier ici, puis on s’en reparlera”. Je sais que c’est très paradoxal par rapport à la société dans laquelle on vit, mais c’est de ça qu’ils ont besoin beaucoup. Sinon, le contact en personne. Il y en a beaucoup, selon les institutions, qui sont rendus au contact par courriel, par téléphone. Bien, ça va un petit peu avec le temps. Mais moi, ce que je remarque, c’est que c’est gens-là, souvent, ils veulent voir un être humain, ils veulent voir une personne. Puis, je remarque aussi que selon les cultures parfois c’est encore plus présent, donc, ça établit un lien de confiance pour eux, j’imagine. Donc, il y a l’accompagnement réel de pouvoir les recevoir. Puis des fois, ils partent de loin, y sont en transport en commun. Puis y disent : “non, non, non, non, non, je vais venir. Je veux vous rencontrer”. Donc, on voit que c’est une valeur qui est très présente » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

Afin d’exercer leur rôle, 75 % des intervenants en reconnaissance des acquis (6/8) considèrent que la capacité d’analyse est une compétence extrêmement importante, notamment parce qu’elle permet aux intervenants d’analyser les dossiers des personnes qui

62

font une démarche de reconnaissance des acquis. Toute la démarche entreprise par la personne repose sur la constitution d’un dossier qui, lorsque consolidé, fait la démonstration des compétences professionnelles qu’elle a développées et acquises lors de ses expériences professionnelles passées.

« Donc, je vous dirais que là, c’est plus dans l’analyse de dossier. C’est, comme je disais tantôt, nous, ce qu’on demande, c’est le CV et tous les bulletins et tout ce qu’elle a fait en dehors du pays pour que nous puissions aller chercher une compétence ou un bout de compétence. Donc, c’est de faire une analyse la plus poussée possible pour le servir le mieux possible et pour lui élaborer un cheminement qui sera vraiment collé à ses besoins » (Audrey, Conseillère en formation/API).

« Je dirais la capacité d’analyse. Parce que chaque cas est unique. Parce qu’il faut, même si on a des outils d’évaluation, parfois, il faut les ajuster » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

L’intervenant doit aussi savoir vulgariser (6/8) selon 75 % des participants. Ce savoir-faire tient compte des difficultés au niveau de la langue des personnes immigrantes. La capacité de vulgariser permettrait à l’intervenant de faire le passage de la théorie à l’action et d’ajuster son vocabulaire afin de permettre aux personnes immigrantes de comprendre et d’accéder à l’information qu’il désire transmettre.

« Bien, je pense que l’on va être de bon vulgarisateur aussi. Il faut savoir employer des mots, il faut savoir vulgariser la théorie et être capable de faire des liens étroits entre la théorie et la pratique » (Alice, Spécialiste de contenu).

Cinq participants considèrent qu’il est important pour l’intervenant en RAC de créer un

lien de confiance dans sa relation d’accompagnement avec la personne immigrante. Ce lien

de confiance, qui constitue la première dimension à l’établissement de l’alliance de travail se développerait, en partie, grâce aux capacités d’écoute, d’accueil du client, de présence, de non-jugement, de soutien et de communication de l’espoir de l’intervenant (Baillargeon et Puskas, 2013 ; Bordin, 1979). Afin de susciter la création du lien de confiance, les intervenants n’hésitent pas à valoriser la personne dans ce qu’elle et ce qu’elle réalise et à la reconnaître dans ce qu’elle apporte dans la relation.

« Je les valorise beaucoup aussi. Je les valorise beaucoup en nommant ce qu’elles apportent » (Alice, Spécialiste de contenu).

Un des obstacles majeurs rencontrés par les personnes immigrantes concerne la connaissance et la maîtrise de la langue française. Les personnes immigrantes, qui ont une faible connaissance de la langue peuvent avoir de la difficulté à exprimer et à nommer leurs

63

besoins. L’intervenant en reconnaissance des acquis doit donc porter une attention particulière à la communication verbale et non verbale de la personne immigrante et être en mesure de lire entre les lignes. Selon Caroline, Colette et Alice, cette compétence qui permet d’accéder au contenu sous-jacent au discours, aide les intervenants à avoir une meilleure compréhension du contexte et des besoins particuliers de leur client.

« Je dirais que lorsqu’on fait des entretiens téléphoniques ou qu’on lit les travaux écrits, souvent [on remarque qu’]elles ont de la difficulté avec le français. Il faut savoir lire entre les lignes, parce que souvent elles n’ont pas le vocabulaire adéquat, la syntaxe c’est couci – couça, donc il faut se donner les moyens de bien les comprendre » (Alice, Spécialiste de contenu).

Pour 37,5 % des répondants, le contexte du travail en reconnaissance des acquis et des compétences et l’accompagnement dans une approche individualisée nécessitent que l’intervenant soit ouvert à remettre en question ses interventions. En effet, selon Christian, Colette et Anne la remise en question constitue une occasion de développement professionnel. En demeurant attentifs aux problèmes qu’ils rencontrent et aux effets de leur intervention sur la personne immigrante, les intervenants pourraient s’ajuster aux circonstances, modifier leur style d’accompagnement et améliorer leurs façons de faire. Voici ce que Colette mentionne à ce sujet :

« Je dirais qu’[on est] constamment en processus d’amélioration continue puis en période de requestionnement. Par exemple, au niveau technique, et bien, si j’ai effectué mon évaluation d’une certaine manière, bien, tu sais, peut-être que je pourrais le faire d’une autre manière la prochaine fois. Même dans la façon dont on va donner notre accompagnement ou dans notre façon de donner de l’information, et bien, si je rencontre un problème x avec un candidat, ça va me permettre les prochaines fois, si ça représente, d’utiliser ou de faire mieux ou de ne pas refaire… peut-être certaines approches que j’aurais utilisées » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

Vingt-cinq pourcent des répondants ont mentionné la nécessité de devoir recadrer les personnes immigrantes au contexte québécois. Par exemple, Anne et Colette ont affirmé avoir un rôle important à jouer à ce niveau. Elles ont remarqué que selon les cultures, des personnes immigrantes qui entreprennent la démarche de RAC semblent “déstructurées”

et, parce qu’elles ne connaissent pas les procédures, normes ou règles attendues par l’établissement scolaire ou la société québécoise, ont de la difficulté à s’adapter aux exigences du processus ou à s’intégrer à la société d’accueil.

« Il faut encadrer sur des détails parce que pour nous, c’est peut-être plus des choses acquises, comme les structures. Par exemple ça peut être comme de se repérer sur Internet. Bien pour eux, ils n’ont pas ce réflexe-là que nous c’est rendu une deuxième nature. C’est

64

des petits détails sur lesquels il faut faire attention. Euh, donc de bien les encadrer, de bien les structurer, de bien s’assurer qu’ils ont compris parce qu’il y a des nuances importantes à faire selon les cultures. Il y a l’approche un à un selon le pays d’origine, il y a des cultures qui ont un immense respect de l’autorité. Donc, par exemple, ils ne le diront pas s’ils n’ont pas compris, ils ne le diront pas s’ils ne sont pas d’accord. Donc ça, c’est des défis d’accompagnement puis des fois on va s’en rendre compte après. Donc, on développe des trucs comme ça selon les personnes, selon les pays d’origine. Il faut faire vraiment attention à ces différences-là » (Colette, Conseillère pédagogique/API).

À partir des représentations de nos répondants, il a été possible d’identifier plusieurs savoirs-faire qu’ils considèrent important de maîtriser dans leur pratique. Ces compétences professionnelles auraient une incidence dans la définition de leur rôle et de leur identité professionnelle.