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Représentation spatiale de la présence chinoise en Afrique de l’Ouest

Dans le document Géopolitique de la Chine en Côte d'Ivoire (Page 52-55)

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ii. Les Deux-Plateaux à Cocody, territoire de prédilection de la communauté chinoise

Solution idoine, le quartier des Deux-Plateaux (ou II-Plateaux), intégré à la vaste commune de Cocody, présente certains atouts indéniables. Sa proximité avec Adjamé, ses principaux axes routiers dégagés, goudronnés et généralement entretenus, ses rues résidentielles ou ses centres commerciaux de type européen, la présence de l’ancienne Ambassade chinoise (Sud-Ouest de Cocody, quartier des Ambassades) et de la nouvelle (ouverte fin août 2013 à M’ Bandon, au Sud-Est de Cocody) ou du Bureau économique et commercial (Aghien, Nord des Deux-Plateaux) sont autant de facteurs positifs pour une population commerçante chinoise qui, contrairement aux premiers « explorateurs du XXIe siècle » et à certaines idées reçues, ne dort plus à même le sol…

Ce territoire, les Deux-Plateaux, fruit des différents plans d’urbanisme successifs, contribue également à la stratification sociospatiale dont est victime Abidjan et sa population. Cette mégapole africano-occidentale a produit ce qu’il est convenu de nommer une ségrégation spatiale. Aux Deux-Plateaux, le « monopole foncier » (Dubresson et Yapi- Diahou, 1988 : 1085) dès 1963, puis les études de la SEMA (Société d’économie et de mathématiques appliquées) en 1966, le plan AURA (Agence d’urbanisme de la région d’Abidjan) en 1969 et jusqu’à l’ouverture des premiers centres commerciaux du quartier en 1989 (Nassa, 2009 : 8), ont respectivement participé à augmenter la valeur résidentielle et résiduelle de ce quartier. Les logements de standing, les villas, voire certaines rues sécurisées à proximité de la rue des Jardins et du Bureau économique chinois contrastent fortement avec l’habitat populaire et spontané d’Abobo et même avec celui de Yopougon, accueillant les classes médianes ou moyennes : les « en-haut des en-bas [et les] en-bas des en-haut » (Savina

et al., 1985 : 56).

« Le secteur des Deux-Plateaux représente un exemple de zone où se sont développées, à partir des années [19]70, des opérations immobilières de bon et moyen standing suivant les normes élevées du modèle de l’habitat moderne abidjanais. Les résidents y sont aujourd’hui en majorité des propriétaires ou des locataires aux revenus stables qui ont choisi là un habitat répondant à certaines normes de confort et d’équipements de qualité » (Bayart, 1997 : 436).

L’intégration de ces nouveaux arrivants exotiques n’est donc pas chose aisée. Elle fera l’objet du chapitre II, point C. Avant cela, il convient de s’intéresser au choix de ce quartier et aux différentes activités recensées.

Les Deux-Plateaux (Carte VIII) disposent donc de l’ensemble des infrastructures susceptibles d’intéresser les Chinois implantés à Adjamé, et leurs compatriotes. Les commerçants exerçant plusieurs activités et après avoir quitté les avenues de l’Agnéby ou du Bandama peuvent, ainsi revenus à leurs domiciles en début d’après-midi, se diriger vers les nombreuses entreprises établies à Cocody et conséquemment, aux Deux-Plateaux. Un bar- salon de massages et des restaurants animent les soirées et le Bureau économique et commercial, dans le secteur d’Aghien, permet, si besoin, l’obtention de conseils, de sources de financements, de mises en réseaux et, éventuellement, d’une protection physique. Pour les « autres Chinois » du Burkina Faso, c’est une responsabilité qui est assurée par l’Ambassade taïwanaise de Ouagadougou22.

22 En septembre 2002, le ministère des Affaires étrangères taïwanais prend note de la tentative de coup d’État

perpétrée à l’encontre de Laurent Gbagbo. L’Ambassade taïwanaise du Burkina Faso démarche les autorités françaises afin d’assurer la sécurité de ses ressortissants installés en Côte d’Ivoire

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La cartographie des logements chinois situés dans le quartier des Deux-Plateaux reste approximative. Recenser et localiser ces résidences s’avère effectivement délicat, par la superficie du territoire d’une part, mais également par l’absence de symboles et de signes distinguant un habitat supposé accueillir cette population étrangère. Seule certitude, le recoupement des entretiens effectués auprès de cette dernière et des habitants fait ressortir trois secteurs : Aghien au Nord, le boulevard Latrille au Centre et la rue des Jardins à l’Ouest. Une villa de quatre pièces se louant au minimum 300 000 FCFA et un local commercial, à Adjamé, entre 100 000 et 300 000 FCFA, une famille de commerçants paierait environ 500 000 FCFA, soit plus de 760 € par mois. Un budget non négligeable auquel il faut également ajouter l’importation des marchandises, le dédouanement des conteneurs, l’achat ou la location d’un véhicule, etc.

La « colocation » Liang (photographie suivante) n’a pas choisi la villa n° 413, rue 2, par hasard. Situé à proximité immédiate du Bureau économique chinois, dans une voie fermée, une enclave résidentielle, ce logement présente les caractéristiques recherchées par les migrants chinois. Selon Fabrice, habitant du quartier, ces commerçants d’Adjamé, arrivés en 2009 (trois hommes et une femme), regagnent généralement leur résidence à 16 h. Ils logent par ailleurs à proximité de la CICA, la clinique ivoiro-chinoise d’Abidjan, l’une des cinq entreprises à vocation sanitaire des Deux-Plateaux.

Cette clinique privée mixte, sino-ivoirienne, emploie un médecin et une infirmière chinoise originaires de Shanghai. Acuponcture, massages et chirurgie sont les principales disciplines dispensées dans cet établissement où exercent également des médecins ivoiriens. Ce bâtiment est au demeurant loué et subventionné par ces derniers. Les activités de la CICA sont semblables à celles pratiquées par Wang Jian Min et sa femme au sein du Centre d’acuponcture de Chine en Côte d’Ivoire (Annexe VI) ou à la clinique Suzanna. Le couple Wang, dont les enfants sont restés étudier et travailler en Chine, est installé sur le boulevard Latrille depuis 1999. Deux entreprises, le Luoyang Sunsi Group C.I. et le groupe Tasly C.I. opèrent quant à elles dans des registres plus commerciaux et seront donc abordés dans le sixième chapitre.

novembre 2004 avec le soutien de l’Ambassade étasunienne (http://taiwaninfo.nat.gov.tw/ct.asp?xItem=3698

8&CtNode=458&htx_TRCategory=&mp=4).

Villa 413, rue 2 du quartier Angré à Abidjan (Cocody). Ce logement est loué par quatre commerçants chinois. Fabrice, riverain, les côtoie depuis 2009. Abidjan. Octobre 2011.

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Carte VIII : Représentation spatiale de l’implantation chinoise aux Deux-

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