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Soyez le bienvenu dans le monde merveilleux des compléments alimentaires chinois et du MLM

Dans le document Géopolitique de la Chine en Côte d'Ivoire (Page 141-155)

En Côte d’Ivoire, deux entreprises chinoises se partagent le marché des compléments alimentaires : Luo Yang Sunsi Group et Tasly. Implantées dans la commune de Cocody (Deux- Plateaux), elles attirent le chaland par un bilan de santé général à 5 000 FCFA (environ 7 €, photographie suivante), qui se décompose en 18 analyses (plus une analyse – sanguine ? – censée

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Tianshi health industries et entreprises Côte d’Ivoire (produits diététiques) ; Green Valley Jron International (idem) ; Green World (ONG de protection de l’environnement…) et Tasly (voir le blog de Yoro, un détracteur) :

À la découverte de la "TASLY tendance", Leblogdeyoro.ivoire-blog.com, 26 juillet 2008,

http://leblogdeyoro.ivoire-blog.com/archive/2008/07/26/a-la-decouverte-de-la-tasly-tendance.html

175 Leur capital correspond à 1 million de Francs CFA, soit 1 500 € environ.

176 KONIN, Adélaïde, Arnaque ou bilan de santé ? : 20 examens médicaux en 10 minutes !, Koffi.net, 4 février

2012, http://www.koffi.net/koffi/actualite/145988-Arnaque-ou-bilan-de-sante-20-examens-medicaux-en-10- minutes.htm

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dépister un cancer de la prostate chez l’homme). Le slogan : « Soyez le bienvenu dans le monde merveilleux des compléments alimentaires chinois et du MLM », employé par Luo Yang Sunsi exprime autant, pour un client/adhérent chevronné, la possibilité de s’enrichir à court terme, que le réseau de vente utilisé par ces entreprises : le Multi Level Marketing (MLM) ou vente multi niveau. Chez Tasly, une armée de « commerciaux » propose aux nouveaux clients/adhérents un abonnement, une carte d’adhésion, et un kit informatif pour 11 000 FCFA (environ 16 €). Cet adhérent, « médicaments » en poches, doit désormais démarcher de nouveaux clients/adhérents afin d’améliorer son statut « étoile » par lequel il bénéficiera de réductions substantielles et progressives sur une vaste gamme de produits (de 825 à 330 000 FCFA, 1,25 à 500 €, Annexe XVI), allant du savon au miel jusqu’au siège de massage adapté aux automobiles, en passant par les serviettes hygiéniques et comme de juste, le ginseng. Ce système pyramidal, fonctionnant sur des relations parrain-filleul, s’est développé si rapidement que le groupe Tasly, par exemple, possède une trentaine de filiales en Côte d’Ivoire, des représentations au Bénin, au Cameroun et à Brazzaville. Tasly fut fondée en mai 1994 dans la municipalité autonome de Tianjin – jumelée à Abidjan – et s’est installée en 2007 dans la capitale économique ivoirienne ; cette entreprise regrouperait 5 000 distributeurs selon son Directeur général, Xu Tom.

Son concurrent, le Groupe Luo Yang Sunsi, a également ouvert début 2007, en février (et mars pour Tasly). M. Hithmou, responsable dont le poste ne fut pas précisément défini, estime à plusieurs milliers le nombre d’adhérents – qui sont donc des démarcheurs ou des distributeurs, à l’image des parrains de la célèbre société Tupperware. Luo Yang Sunsi emploie plus de douze personnes dont, selon M. Hithmou, des médecins initialement formés pour travailler dans les Centres hospitaliers et ayant suivi l’apprentissage de la médecine traditionnelle chinoise. Les « démarcheurs » suivent une formation et perçoivent une commission de 2 000 FCFA, et une remise de 25 % sur les achats effectués par les clients/patients.

Le capital social (Annexe XXX), dérisoire, pourrait induire en erreur, mais le chiffre d’affaires supposé élevé de ces entreprises peut s’appuyer sur le faible coût des charges (recrutement, formation, sociales…).

Drapeaux chinois, ivoirien et de Tasly Côte

d’Ivoire sur le toit de l’entreprise Tasly.

Abidjan (Deux-Plateaux). 27 octobre 2011.

Publicité employée par les entreprises chinoises de compléments alimentaires (format A4). Abidjan (Deux-Plateaux). 18 octobre 2011.

En matière de santé (0,01 % de la coopération), la coopération sino-ivoirienne ne peut donc prendre en compte ces personnes physiques et morales établies à Abidjan. Ces cliniques sont créées et gérées par des médecins ou des diplômés n’ayant aucun lien direct avec l’Ambassade chinoise et ses représentants. La coopération sino-ivoirienne se limite donc aux centres de santé – nommés missions médicales au Mali et en Mauritanie et équipes médicales

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(au sein des hôpitaux régionaux) au Sénégal. Néanmoins, de par leur existence même, leur forte visibilité et leur réputation (c’est l’une des premières réponses données par les Abidjanais, relative à la localisation des Chinois), les privés et les cliniques privées participent pleinement aux représentations ayant trait à la présence chinoise en Côte d’Ivoire.

La CICA (cf. photographies suivantes) est située à la limite des quartiers Aghien et Deux-Plateaux, à quelques dizaines de mètres du Bureau économique et commercial chinois (Carte VIII). Selon Angèle, aide soignante ivoirienne, trois médecins dont deux Chinois (originaires de Shanghai) pratiquent aussi bien la médecine occidentale que chinoise, sur des patients ivoiriens et chinois, mais également français ou d’origine libanaise. Acuponcture, massothérapie et chirurgie sont les principales activités de cette clinique louée et subventionnée par des privés ivoiriens depuis 2003 ou 2004.

Le couple Wang pratique quant à lui et principalement l’acuponcture depuis plus d’une décennie au sein de ce Centre homonyme, qui fut conjointement créé en 1989 par l’Ambassade de Chine et le CCPIC (cf. photographies et Annexe VI). M. Wang, bien intégré dans ce quartier des Deux-Plateaux, membre de l’ARCCI et trilingue (anglophone, francophone et donc sinophone), reçoit uniquement des patients ivoiriens se plaignant de maux de tête, de maux de dos, etc. Une troisième clinique localisée au sein d’Abidjan se trouve à Yopougon, sur la voie Abidjan-Yamoussoukro. Elle est indiquée par une pancarte et ne fut pas visitée.

Ces établissements sont de plus en plus nombreux. Par la réputation des praticiens chinois, les tarifs et la discrétion pratiquée, ces structures attirent les anciens patients qui, autrefois, se dirigeaient vers les établissements publics nationaux, ou le cas échéant, chez les médecins traditionnels. Facteur premier de cette attractivité, le coût, car les hôpitaux imposent généralement un « ticket d’entrée » équivalent à 600 ou 700 FCFA (0, 76 €) et obligent les patients à régler la totalité des médicaments prescrits sur l’ordonnance (Aurégan, 2011/2 : 60). Autre motif lié à cet engouement, la discrétion : si elle est limitée dans les hôpitaux publics, elle est en revanche absolue dans les cliniques chinoises, où la plupart des médecins s’expriment difficilement en français. Enfin, la surcharge des patients étant égale au manque de personnel au sein des hôpitaux publics, l’accès facilité aux cliniques chinoises pourrait constituer un dernier facteur participant à la réussite de ces dernières.

Distinctes, mais complémentaires sont les cogestions (joint ventures) sino-africaines opérant dans les secteurs de coopération, dont les usines de produits pharmaceutiques. À Abidjan, une manufacture nommée Lic-Pharma177, située dans la zone industrielle de Yopougon (Nord-Ouest d’Abidjan), émane d’un crédit préférentiel du 13 mars 2003. Financée par le Groupe COVEC178 (comme indiqué sur son site Internet), elle est dirigée par M. Shao Junhao (Directeur) et Ivan Kouakou Coulibaly (Directeur adjoint). Cinq employés chinois travaillent dans cette société (quatre à la production et un au laboratoire, contre trois employés ivoiriens) et produisent des génériques et leurs conditionnements, des antipaludiques et des antibiotiques en particulier. Selon le Dr. Évelyne Medeba179, COVEC s’emploierait à s’implanter dans les États de la sous-région.

La santé, et à travers elle les produits pharmaceutiques ne peuvent être abordés sans évoquer ces multiples revendeurs ambulants et sédentaires – les « pharmacies par terre ». Ces marchands ivoiriens, maliens ou encore burkinabè, tant à Abidjan que dans les villes

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Équivalent de l’UMPP malienne (Usine malienne de produits pharmaceutiques, créée en 1983 par Complant, don chinois).

178 Société d’ingénierie d’outre-mer de Chine. 179

Sous-direction de la promotion de l’industrie pharmaceutique à la Direction des pharmacies et médicaments (DPM).

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secondaires, se procurent généralement leurs marchandises chez les grossistes chinois d’Adjamé. Leurs notices sont majoritairement rédigées dans la seule langue chinoise, rendant leur interprétation ardue. Antibiotiques, remèdes contre les fièvres et autres maux, mais également aphrodisiaques, ces « médicaments », parfois périmés, sont stockés sur des chariots dans des conditions inadaptées : soleil, pluies, chutes… Cependant, on retrouve déjà dans les pharmacies ivoiriennes officielles le nouvel antipaludéen produit par Kunming

Pharmaceutical Corp (KPC), l’ARCO comprimé. Il ne nécessite qu’une prise unique

(huit comprimés en une seule journée), rendant son prix et le traitement « abordables ». Il est d’ailleurs présenté par de larges panneaux publicitaires dans les pharmacies yamoussoukroises. Cette nouvelle génération d’antipaludéen à base d’artémisine180 fut surtout l’objet d’un don, le 1er

janvier 2006 (Annexe XII), de la part de l’Ambassade chinoise et de son chargé d’affaires, M. Ma Fulin. La société KPC a également offert au gouvernement ivoirien des doses d’ARTEM injectable (autre antipaludique) pour un montant global de 42 millions de FCFA (64 000 €). Intervenu le 24 octobre 2007, ce don précédait un souhait partagé et d’envergure nationale, voire régionale, celui de créer un centre de recherche antipaludique.

Le Centre Chine-Côte d'Ivoire de prévention et de traitement du paludisme (CRLP) fut inauguré le 4 avril 2009 par l’ambassadeur Wei Wenhua et le ministre ivoirien de la Santé et de l'Hygiène publique, Rémy Allah Kouadio. Servant de « plate-forme d’échanges dans le domaine médical entre les deux pays »181, il bénéficie d’un don chinois estimé à 190 000 €. Installé à l’INSP (Institut national de la santé publique, créé en 1970), le CRLP fut pillé en avril 2011 lors de la crise post-électorale (Annexe XVII). Laboratoire financé et équipé par la Chine populaire, il emploie une dizaine de chercheurs – dont deux suivent des formations annuelles dispensées en Chine – et devait, fin 2011, être réhabilité, rééquipé, voire, déplacé dans des locaux plus vastes.

Ce Centre représente la première étape effective d’une politique gouvernementale spécifique et annoncée par le ministre de la Santé, M. Kouadio. Le montant affecté au CRLP est équivalent à son pendant camerounais, inauguré le 24 mars 2009, et installé au sein de l’hôpital gynéco-obstétrique de Yaoundé182

. Ces deux équipements résultent du FOCAC 2006. En Côte d’Ivoire, la Chine a par ailleurs offert des matériels de bureau et des équipements médicaux. Enfin, du 14 mars au 26 avril 2009, « le CRLP, en collaboration avec une équipe de quatre experts chinois, a organisé trois ateliers de formation en matière de lutte antipaludique ». Le Professeur Yavo William, dirigeant le Centre, peut effectivement adresser ses « remerciements à la République populaire de Chine [car] en dehors de l’appui de la Chine pour la mise en place de ce Centre, la plupart des travaux de recherche menés au sein du CRLP le sont sur fonds propres (étudiants et chercheurs) »183.

Cette semaine d’avril 2009 fut par ailleurs une journée marathon pour l’ambassadeur chinois de Côte d’Ivoire, Wei Wenhua. Le diplomate était également convié par le chef d’État ivoirien, Laurent Gbagbo, à la pose de la première pierre de l’hôpital de Gagnoa (point suivant, Les infrastructures).

180 Pour plus d’informations sur ce médicament, consulter le site Internet officiel d’ARCO,

http://www.ngcplc.com/arco/index.html

Il faut également noter que des études sont effectuées depuis 2005 au Nigeria, en Ouganda, au Bénin, au Soudan, au Liberia et en Côte d’Ivoire (pour le continent africain). En Côte d’Ivoire, il est distribué par le représentant local : Simed.

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OUATTARA, Grâce, Côte d'Ivoire: Paludisme - La Chine installe un centre de recherche à Abidjan, Allafrica.com, 7 avril 2009, http://fr.allafrica.com/stories/200904080460.html

182 Comme il existe par ailleurs un centre à Sikasso, dans le Sud-Est du Mali. 183

Rapport du Pr Yavo William daté du 14 octobre 2011 et intitulé « Point des activités du Centre de recherche et de lutte contre le paludisme ».

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Les « médecins aux pieds nus » (chìjiǎo yīshēng, 赤脚医生) ne sont donc pas particulièrement présents en Côte d’Ivoire. Cette expression, qui désignait durant la Révolution Culturelle (1965-1969 ou 1966-1976) les médecins travaillant en zone rurale dans des conditions précaires, pourrait également être adaptée à ces premiers médecins chinois venus offrir, sur le continent africain et par le biais de conventions, leur savoir-faire dans les centres de santés ou les Missions médicales. En Côte d’Ivoire, étant donné l’aspect tardif de la reconnaissance bilatérale, cette formule ne peut être appliquée. Au Mali en revanche, les Missions médicales existent depuis 1968. On peut aisément imaginer l’étonnement des habitants de Markala ou de Sikasso lorsqu’ils virent pour la première fois ces Asiatiques, en blouse blanche, s’installer dans leurs baraquements construits par le gouvernement malien ! Les « médecins aux pieds nus contemporains » sont en réalité bien différents : ils sont généralement autonomes et indépendants – non encadrés et non envoyés par Beijing – et ouvrent leurs cliniques selon leur bon gré. Second cas, ils sont mandatés par le pouvoir central ou provincial (et rétribués de la même façon) par un contrat de deux années. Un prolongement est envisageable et leur seule obligation tient dans l’apprentissage d’une langue : le français ou le bambara au Mali par exemple. Certes, les médias locaux, comme occidentaux, préfèrent – pour des raisons distinctes – mettre l’accent sur ces grands projets issus de la coopération, tels les hôpitaux ou les centres de recherche. Néanmoins, les Missions médicales et les centres de santés sont devenus indispensables dans ces territoires ruraux éloignés des capitales. C’est le cas à Korhogo et à Markala donc, mais également à Kiffa ou à Sélibabi en Mauritanie.

En matière de santé, la coopération sino-ivoirienne pourrait, à ces différentes échelles présentées ci-dessus, être qualifiée de coopération à somme sociale positive. En ce sens, la coopération globale, relative aux domaines des infrastructures et de l’éducation, n’est aucunement dissemblable.

Le BTP (Bâtiment et travaux publics, ou infrastructures) est effectivement, en Côte d’Ivoire comme dans la majorité des États africains, le principal – et privilégié – secteur de coopération. En Afrique, depuis l’historique Tanzam (Annexe XVIII), la RPC a érigé des milliers de kilomètres de voies, d’autoroutes ou de simples « goudrons », des dizaines de stades, des résidences gouvernementales et des palais présidentiels, des stations de pompage ou des puits, des ports et des raffineries, etc. Le savoir-faire chinois est aujourd’hui reconnu. Certes, de nombreuses critiques peuvent être avancées, en particulier sur l’emploi d’ouvriers chinois, la sélection « en interne » d’entreprises chinoises « remportant » les appels d’offres fermés ou le respect des normes environnementales (RSE184) – qui ne sont, objectivement, ni la priorité de la partie chinoise, ni celles des gouvernements africains en général. La stricte observation des codes du travail et de leurs barèmes (en payant les ouvriers autochtones à un tarif devenu obsolète et dérisoire avec le temps) a entraîné plusieurs grèves, plus ou moins dures, notamment au Mali ou en Côte d’Ivoire. Mais ces animadversions temporairement délaissées, les avantages de la coopération sino-africaine et sino-ivoirienne, dans le domaine des infrastructures et de l’éducation stricto sensu, apparaissent avec prégnance.

184 Les normes RSE internationales, pour Responsabilité sociale des entreprises, définissent la responsabilité

des entreprises, tant socialement, économiquement, qu’en matière d’environnement. Elles furent notamment à l’ordre du jour lors du sommet de la Terre, à Johannesburg en 2002.

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Clinique chinoise à Yopougon (route de Yamoussoukro). Abidjan. 11 mars 2009. La CICA entre les quartiers Aghien et Deux-Plateaux. Abidjan. 3 mars 2009.

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iii. Les infrastructures et l’éducation, domaines de prédilection chinois

En aucun cas historique en Côte d’Ivoire, contrairement à Nouakchott ou Bamako, le domaine des infrastructures est devenu, entre 1997 et 2013, le principal élément et volet de la coopération de cette « diplomatie » sino-ivoirienne. En cela, c’est un domaine privilégié, notamment en termes économiques (Annexe XII).

Les infrastructures

Entre mai 1997 et juillet 2013, 28 « évènements » caractérisent ce secteur. Parmi eux, plusieurs infrastructures sont devenues les symboles de la coopération sino-ivoirienne. Il convient notamment de citer l’hôpital de Gagnoa, le centre de recherche antipaludique abidjanais, les collèges de Dabou et Anyama (département des Lagunes), l’Hôtel des députés de Yamoussoukro, l’immobilier et le pôle urbain abidjanais… sans omettre le majestueux Palais de la Culture surplombant la rive Sud de la lagune Ébrié. L’ensemble des dons, des prêts et des crédits concessionnels représente 85 % du total de l’aide chinoise (Annexe XII). À ce montant pourrait également s’ajouter les appels d’offres (Annexe XII) remportés par les entreprises chinoises, et les entreprises de droit ivoirien dont les capitaux sont à majorité ou en totalité chinois. De fait et dans tous les cas, la division « Infrastructures » de la coopération dépasse les 10 milliards € (10 308 764 639 € et 10 345 722 982 € avec les appels d’offres équivalent à 36 millions €).

Afin d’exprimer au mieux cette coopération spécialisée dans la réalisation d’infrastructures, une sélection de plusieurs études de cas est préférable, voire indispensable étant donné cette densité que l’on retrouve au sein des deux tableaux annexés (Annexe XII) : cinq sujets représentent ainsi la diversité des natures (don, prêt et crédit concessionnel) et des formes (bâtiments, routes, logements) de cette coopération. Il s’agit, chronologiquement, du Palais de la Culture, de l’Hôtel des députés, de l’hôpital de Gagnoa, du pôle urbain abidjanais et de l’autoroute Abidjan-Bassam (cf. photographies suivantes).

La description analytique de ces infrastructures représente fort logiquement la concrétisation d’accords et de négociations sino-ivoiriennes. A contrario, il serait possible de faire l’inventaire des projets ayant connu des échecs, de ceux n’ayant jamais passé la phase ultime, celle de la construction. Un exemple est donné en Annexe XIX. L’arrêté n° 91 du 1er mars 2012 stipule effectivement la résiliation pour nécessité de service du marché n° 2009- 02-9036. Ce dernier faisait l’objet de 1,5 milliard de FCFA (2,3 millions €) pour la construction d’un barrage à Moulongo, à proximité de Ferkessédougou dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Il aurait été réalisé par la société CGC-CI, sur demande de l’ONDR. La Chine aurait doublement bénéficié de ce projet, par l’édification du barrage, et par la réalisation de nouvelles infrastructures permettant les cultures rizicoles prévues et permises par l’irrigation. La China Geo-Engineering Corporation a toutefois connu plus de réussite lors des 13 contrats remportés entre 1998 et 2008 (Annexe XII).

Le Palais de la Culture, situé à Treichville, est donc le premier projet d’envergure nationale remporté par la République populaire de Chine en Côte d’Ivoire – après le prêt concessionnel de l’Exim Bank of China de mai 1997, dirigé vers la radiographie du sous-sol (enregistrement sismique par la CNPC et encadré par la PETROCI185).

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China National Petroleum Corporation. Informations obtenues auprès de Marcelle Gaully, Directeur de l’exploitation à la PETROCI.

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Principale infrastructure culturelle et souvent citée en exemple de la coopération sino- ivoirienne, le Palais de la Culture fut construit entre 1996 et 1999 sur le site de Lagbo (12 900 m²), par la Gansu Overseas Engineering Corporation186 (GOVEC). Il a fait l’objet de trois prêts sans intérêts pour un montant total équivalent à 39 millions €. Il accueille les artistes ouest-africains les plus célèbres, notamment au sein de son théâtre à ciel ouvert. En 2010, quelques ouvriers chinois logeaient dans deux baraquements à proximité du Palais. M. Zhang était l’un des trois techniciens chinois affectés à l’entretien des machines – chinoises. S’exprimant en anglais ou en français, il développa un discours peu persuasif selon lequel ces expatriés n’étaient payés qu’au retour en Chine, que leurs contrats n’étaient passés que sous forme orale… Ils ne répondront pas aux questions élémentaires découlant de leurs affirmations : comment font-ils pour se nourrir et pour vivre s’ils ne touchent pas leurs paies en Côte d’Ivoire ? M. Zhang affirme par ailleurs négocier directement avec la GOVEC pour faire venir sa famille – sa femme essentiellement – et pour renouveler (ou non) son contrat.

L’infrastructure culturelle de Treichville187 reste donc la construction chinoise la plus représentative – la plus symbolique – d’Abidjan, la capitale économique. Ce « joyau [ou] enfant de la coopération sino-ivoirienne», selon son Directeur, Dodo Koné, ou Silvère Appata Boka, ingénieur et Directeur technique, a, en outre, été à l’origine d’un nouveau prêt et de plusieurs missions techniques chinoises (la première entre le 21 et le 29 septembre 2011). Ces derniers ont été effectués dans le cadre de la réhabilitation de l’infrastructure culturelle puisqu’à l’image du Centre antipaludique, ce Palais a également été saccagé et pillé lors de la crise post-électorale de 2010-2011. La Chine, par son ambassadeur Zhang Guoqing, a donc été persuadée d’assurer un service après-vente non désirable, le montant dépassant 22 millions €. Le personnel, du Directeur aux agents de sécurité, abattus par l’entreprise de démolition entreprise par des jeunes en arme pro-Gbagbo, attendait avec impatience, fin 2011, le début de la rénovation acté en mai 2013. Le dossier fit l’objet d’un appel d’offres restreint en Chine et suivi, en Côte d’Ivoire, par un comité spécial chargé d’encadrer le processus et de faire respecter les normes internationales imposées par l’État ivoirien.

Le second édifice, l’Hôtel des députés, dont la remise des clés à Laurent Gbagbo a été effectuée le 29 mai 2006, fut financé, selon le BNETD (Bureau national d’études techniques

Dans le document Géopolitique de la Chine en Côte d'Ivoire (Page 141-155)