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Généralement, les troubles se dévoilent secondairement entre 3 et 5 ans. L'anamnèse permet de relier des plaintes apparemment banales et hétérogènes. Il est possible de suspecter une dyspraxie lorsque l’enfant présente les 3 signes d’appel suivants

et une normalité dans les autres secteurs de développement (motricité globale, absences

de troubles neuromoteurs ou déficits musculaires, développement langagier normal, comportements et contacts adaptés,...). Dans le cas de troubles associés, le diagnostic est beaucoup plus difficile à établir et donc plus tardif.

Signes d’appel :

1) Des difficultés dans les activités quotidiennes telles que s’habiller, faire sa toilette, utiliser les couverts et un retard dans le développement psychomoteur (difficultés pour marcher, courir, sauter, lancer ou attraper une balle, etc.). Pour les plus grands, le désordre visuoconstructif est souvent au premier plan : la réalisation de puzzles, de figures géométriques, de maquettes sont difficiles, voire impossibles, à réaliser.

2°) Une lenteur importante dans les différentes activités motrices. L’enfant se signale, en classe, par son incapacité à rendre un travail achevé dans le temps imparti. Si une augmentation de la vitesse est imposée, elle contribue à favoriser la maladresse. (Certains ont vu dans cette manifestation une tentative de contrôle de l’incoordination motrice par diminution du temps d’exécution).

3°) Un trouble des apprentissages scolaires avec une grande difficulté en graphisme et en écriture et pour tout ce qui concerne le repérage. On note des difficultés en arithmétique, en géométrie, dans l’apprentissage de la lecture et, de façon générale, une scolarité perturbée malgré une intelligence le plus souvent moyenne.

9.2.

Distinction entre troubles praxiques et maladresse

Dans le cas de maladresse, de retard, l’enfant progresse après un programme d’entraînement et des explications appropriées. Le trouble présente certaines caractéristiques (Albaret, 2003), comme :

- la fluctuation des réalisations (conscient de l’écart entre sa réalisation et le modèle, l’enfant travaille par tâtonnement, par essais/erreurs, tente de rectifier les erreurs,…, ne peut expliquer ses échecs et ses réussites,…),

- la conscience de l’échec (il n’est pas satisfait de sa réalisation, critique sa production, il peut souvent dire le résultat attendu, ce qui montre que la dyspraxie réside dans l’écart entre sa représentation mentale et sa réalisation. Vers 5/6 ans, conscient de ses difficultés et échecs, l'enfant refuse de dessiner, se détourne de certaines activités de construction, de certaines relations sociales) ou encore,

- le contraste entre l’aide et l’explication verbale (qui semble efficace mais qui semble satisfaisante) et la réalisation (qui reste pauvre), est très caractéristique des dyspraxies constructives et des dyspraxies visuospatiales (Mazeau, 1995).

Le trouble se distingue donc d’une maladresse banale ou d’un simple retard lorsque l’on observe peu ou pas d’évolution sur 6 mois, que les performances ne sont pas stables. Même si l’enfant progresse lentement, l’écart entre ses acquis et la norme en général s’accroît.

9.3.

Importance du diagnostic

La dyspraxie de développement s’inscrit dans une histoire développementale, qu’il est important de retracer avec la famille. Compte tenu du flou nosographique et des différents modèles décrits, l’évaluation de ce trouble doit être la synthèse d’un ensemble d’observations dans les domaines psychologique, neurologique, psychomoteur, orthophonique, de l’oculomotricité, ou encore des capacités attentionnelles et autres troubles associés. Si les plaintes les plus souvent exprimées sont les maladresses ou les difficultés graphiques, il ne faut pas oublier les répercussions de ce trouble dans la vie scolaire, affective ou encore sociale de l’enfant.

L'utilisation de résultats de tests standardisés permet de faire la différence entre un retard et un déficit. Les différents bilans et analyses des professionnels permettent d'établir un diagnostic précis et prévoir des prises en charge spécifiques et complémentaires.

9.3.1.

Examens psychologique et psychométrique

Il est nécessaire d’écarter un retard psychomoteur lié au milieu (en vérifiant l’absence de défaut d’apprentissage), un déficit mental global, des difficultés psycho-socio- affectives ou des troubles du comportement d’origine psychopathologique. Les éléments recueillis au cours de l’anamnèse, ainsi que ceux issus des données médicales sur le développement psychomoteur de l’enfant depuis la période néonatale, sont précieux. Cette anamnèse orientée doit permettre de réaliser une évaluation la plus exhaustive possible : à propos de l'histoire médicale (somatisation), du développement, des apprentissages scolaires (résultats au niveau du graphisme et de l’écriture), des capacités visuelles, du langage, des habiletés psychomotrices et motrices (apprentissages du tricycle, du vélo, de la nage,…), ou encore les activités de la vie quotidienne. Les observations comportementales de l’enfant seront aussi recueillies en questionnant les parents sur les praxies au niveau alimentaire, sur l’autonomie en matière d’habillement, sur les activités ludiques, ses compagnons de jeu et ses relations amicales.

On complétera l’information par des questionnaires de comportement ou des tests complémentaires pour être édifié sur le niveau d’habiletés de l’enfant, son degré d'autonomie et de fatigabilité, à la qualité de son attention et de sa concentration, de son impulsivité, son anxiété, ses intérêts.

La passation de tests psychométriques étalonnés est indispensable au diagnostic de la dyspraxie afin de permettre de dissocier les troubles praxiques, du raisonnement. En effet, le retard mental est un critère d'élimination dans les critères diagnostics de la dyspraxie du DSM 4. Le test permet de pointer les compétences préservées, de détecter d'éventuels troubles associés.

L'examen des quotients intellectuels (verbal, performance et vitesse de traitement) avec la WIPSI 3 pour les enfants de 2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois, ou des indices (compréhension verbale, mémoire de travail, raisonnement perceptif, vitesse de traitement) avec la WISC 4 pour les enfants de 6 ans à 16 ans 11 mois, fournit un premier élément (Wechsler, 1996 ; 2005).

Dans le cadre d'une suspicion de dyspraxie, les notes aux différents indices sont généralement dissociées et rendent invalides le calcul du quotient intellectuel total (QIT). Le plus souvent le résultat obtenu à l'indice de compréhension verbale (QIV) et notamment au subtest Similitudes témoignera de capacités de raisonnement verbal.

Si avec la WISC 3, la présence d'une dissociation entre le quotient intellectuel verbal et performance fournissait un argument en faveur d'une dyspraxie, le WISC 4 oblige le psychologue à reconsidérer son analyse. Etant donné la variété des profils des enfants dyspraxiques, il s'agit d'examiner les poids respectifs des différents subtests affectés par la composante motrice et visuelle, au regard du résultat des autres subtests. En effet, différents types de dyspraxies peuvent s'associer, et peuvent également être associés à d'autres troubles neuropsychologiques (du langage écrit ou oral, de la mémoire, des fonctions exécutives, de l'attention avec ou sans hyper activité (Dewey et al., 2002)). Boudia B. (2011) indique qu’au WISC 4, en l'absence de troubles associés, l'indice de Compréhension Verbale (QIV) et « l'Indice de Mémoire de Travail (IMT) » se situent généralement dans la norme des enfants du groupe d'âge de référence. Néanmoins, le subtest optionnel « Arithmétiques » qui n'entre pas dans le calcul de l'IMT, est souvent échoué dans le cas d'une dyspraxie visuoconstructive. L’«Indice de Raisonnement Perceptif (IRP) » est généralement en dessous de la norme du groupe d'âge de référence. Les subtests « Cubes » et « Codes » sont échoués dans le cas d'une dyspraxie, ainsi que le subtest « Matrices » et le subtest optionnel « Complètement d'Images » (qui n'entre pas dans le calcul de l'IRP) dans le cas d'une dyspraxie visuoconstructive et de troubles visuels. En revanche, les subtests « Identification de Concepts » et « Symboles » sont fréquemment comparables à des enfants du groupe d'âge de référence (sauf dans le cas d'une dyspraxie visuoconstructive pour le subtest « Symboles »). Enfin l'Indice de Vitesse de Traitement (IVT) est généralement en dessous de la norme du groupe d'âge de référence. Le subtest optionnel « Barrage » est souvent échoué dans le cas de dyspraxie visuoconstructive et de troubles visuels (Lussier et Flessas, 2005, Mazeau, 2005).

Outre la réussite ou l'échec aux subtests, l'évaluateur devra être particulièrement attentif au temps mis et aux stratégies mises en place par l'enfant, ces dernières étant particulièrement instructives sur les troubles praxiques qui peuvent générer une incapacité à pouvoir initier une séquence de gestes ou à orienter correctement des cubes bicolores, amener à des réalisations hasardeuses ou maladroites, ou ne pas permettre d'ajuster une construction à celle du modèle.

La fréquence des troubles cognitifs associés est élevée. Il est important de tester une grande variété de fonctions cognitives en plus du fonctionnement moteur.

9.3.2.

Examens

neuropsychologique,

neurologique,

pédiatrique ou neuropédiatrique

Il s'agit d'exclure tout désordre neurologique pouvant affecter les fonctions motrices, et enfin caractériser le trouble dyspraxique par un ensemble de tests (Peigneux et Betsch, 2009). Pour Mazeau (1995), le bilan neuropsychologique de l’enfant vise spécifiquement à effectuer des diagnostics différentiels fins (éliminer les retards intellectuels, l’autisme ou d’autres problèmes de comportement ou affectif) et éventuellement, de prescrire des soins et rééducations.

La nouvelle batterie d’évaluation neuropsychologique (le Nepsy), pour les enfants de 3 à 12 ans, composée d’épreuves motrices et praxiques est un des outils utilisés. Les reproductions de figures géométriques de plus en plus complexes et la construction avec les blocs en 3 dimensions, constituent les épreuves constructives; l’imitation de gestes avec les mains, le parcours d’une trajectoire (précision visuomotrice), la séquence manuelle de gestes et oro-faciale constituent les épreuves motrices.

Les mécanismes cognitifs en cause seront aussi précisés à l'aide de tests plus spécifiques si besoin (Lussier et Flessas, 2001), notamment pour l'exploration des capacités attentionnelles et exécutives. Les activités de dessin géométrique permettront d’appréhender la latéralité manuelle du sujet, la préhension du crayon et l’aisance graphique mais aussi les habiletés motrices, perceptuelles et de structuration visuelle, les capacités d’anticipation et de planification dans les tâches de constructions graphiques complexes (Rey, 1959) ; (Bender, 1968).

9.3.3.

Examens psychomoteur et neuropsychomoteur

Soppelsa et al. (2004), Vaivre-Douret (2006) indiquent que l’examen psychomoteur est nécessaire pour évaluer les conduites praxiques de l’enfant, les performances graphomotrices et l’écriture (qui permettent d’observer la préhension du crayon, la force de la pression exercée sur celui-ci et la coordination oculo-manuelle), et l’identification de la dominance manuelle (qui se stabilise entre 3 et 6 ans). Des batteries plus spécifiques ont été développées pour mesurer les habiletés praxiques (Hill, 2001) et l’intégration sensorielle (Ayres, 1979).

Cependant, il faut noter qu’un résultat isolé (le seul score d’un test) n’entraîne pas nécessairement une compréhension approfondie des processus utilisés par l’enfant que seuls l’observation minutieuse et le questionnement de l’enfant permettent.

9.3.4.

Autres examens

Les troubles sensoriels sont à éliminer dans une première phase de diagnostic.

L’examen orthophonique en fonction de la présence de troubles du langage oral ou écrit est nécessaire afin de préciser les difficultés et les champs sur lesquels on pourra s’appuyer notamment pour les rééducations.

L’examen ophtalmologique est souvent normal alors que l’examen orthoptique met souvent en évidence des troubles de la convergence ou de la divergence.

Vaivre-Douret (2007) note que l’examen neurovisuel est rarement pratiqué mais qu’il présenterait un intérêt dans la mesure où il pourrait révéler des anomalies des potentiels évoqués visuels et des troubles de l’oculomotricité (troubles de la poursuite oculaire horizontale et verticale, allures saccadées).

L’utilisation de tests normatifs en ergothérapie peut permettre d’évaluer les habiletés de base (élimination des problèmes de tonus, de force, de rapidité,…) sur lesquelles le développement praxique ultérieur repose.

En fonction de l’état psychoaffectif, un bilan de personnalité (test projectif) est parfois souhaitable afin de mieux orienter la prise en charge psychothérapique éventuelle.

Les symptômes de la dyspraxie développementale sont fortement dépendants de l’âge de l’enfant et les outils d’évaluation sont par conséquents variés. L’évaluation, surtout chez les plus petits, doit s’effectuer de préférence par une équipe multidisciplinaire qui détermine l’ampleur et la sévérité du trouble moteur.

Lorsque les troubles coexistent, il est nécessaire d’identifier la sévérité du trouble praxique (en termes de retard psychomoteur ou d’âge mental) pour le comparer à d’autres sphères cognitives mieux préservées même si celles-ci paraissent atteintes.