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8. LES SYMPTOMES

8.2. Profil clinique de l’enfant dyspraxique

8.2.2. Données d’évaluation à partir de 4 ans

8.2.2.1. Apport de l’évaluation neuro-psychomotrice et

neuropsychologique

L’évaluation des fonctions neuro-psychomotrices (Vaivre-Douret, 2006) met en évidence certaines perturbations, voire décèle des troubles mineurs fonctionnels à différents niveaux (Pour plus de détails, on se réfèrera à l’annexe 1.3 : Evaluation neuro- psychomotrice et neuro-psychologique d’un enfant TAC de plus de 4 an).

8.2.2.2. Comportement

L’enfant dyspraxique a peu d’autonomie de façon générale et fait preuve de peu d’initiative et de goût pour l’ordre. Il est conscient de ses échecs et dépense beaucoup d’énergie sur un plan cognitif pour tenter d’aboutir, ce qui génère chez lui une fatigue. Il est d'ailleurs parfois sujet à une fatigabilité et une lenteur anormales (en lien avec une hypotonie axiale) d’origine neuromusculaire périphérique ou cérébelleuse. Il utilise parfois (surtout dans le cas de QI élevé) (Vaivre-Douret, 2004 b) des stratégies compensatoires (en se créant des repères, en utilisant sa mémoire pour se donner des ordres verbaux) afin de

réussir à atteindre l’objectif de la tâche demandée. Une perturbation psycho-affective existe avec perte importante de l’estime de soi, favorisant l’anxiété et la tristesse, et parfois un état dépressif apparaît. Il développe une certaine impulsivité et instabilité motrice. L’enfant s’isole des autres en récréation lors des jeux collectifs. Mal compris, il est souvent catalogué par son entourage comme maladroit, étourdi, paresseux, ou affectivement immature. Sur le plan psychoaffectif, il peut paraître très infantile. Les difficultés qu’il rencontre dans toutes les activités ainsi que l’attitude surprotectrice de ses parents peuvent entraîner un sentiment d’insécurité secondaire. Il développe alors une dépendance envers l’adulte. Il est moins débrouillard, devient plus craintif et, en conséquence, plus passif dans les situations nouvelles.

8.2.2.3. À l’école

En conséquence des déficits, l'enfant dyspraxique est en difficulté dans les tâches scolaires (Mazeau, 1995). L’effort supplémentaire qu’il doit fournir accapare ses ressources attentionnelles et diminue son efficacité. Cependant, la compréhension de l’enfant est bonne avec un bon niveau verbal prédominant. La dyspraxie développementale engendre des difficultés dans les apprentissages, à la fois au niveau disciplinaire (en graphisme/écriture, lecture, géométrie, orthographe, arithmétique, éducation physique et sportive,…) et méthodologique (dans toutes les activités qui nécessitent une « organisation spatiale » : reproduction de dessins, de tableaux, au niveau de la présentation, de la compréhension des consignes écrites, de l’apprentissage des leçons) (cf. l’annexe 1.4 : Difficultés majeures rencontrées à l’école, pour plus de détails). Les difficultés sont majorées dans les cas (fréquents) de troubles associés. Sur le plan du comportement, il est mal à l’aise dans son corps et est très sensible aux moqueries, à l’échec de ses actes. En classe il peut attirer l'attention des autres par des attitudes de clown, s'opposer à ce qui lui est imposé ou proposé, refuser même ce dont il est capable.

En fonction de l’impact de ces difficultés sur les apprentissages scolaires, il n’est pas étonnant de constater des perturbations dans la vie affective comme la perte ou la diminution de l’estime de soi. Il prend de plus en plus conscience de ses échecs dès qu’il est confronté à ses pairs. Souvent même ridiculisé et rejeté par eux, il recherche la compagnie des plus jeunes ou des plus vieux et se construit une identité particulière, pas toujours adaptée. Souvent blâmé par les professeurs qui ignorent le trouble, surtout lorsque ce dernier est discret, il est qualifié de paresseux et d’incompétent malgré les nombreux

efforts pour essayer de réussir. Effectivement, l’enfant est capable de dire et d’expliquer ce qu’il faut faire sans pouvoir le réaliser. Ses difficultés, qui n'apparaissent pas évidentes aux enseignants et aux élèves, risquent de ne pas être prises en considération. Il peut alors être l'objet de stimulations inadaptées, puni ou être laissé de côté Il démarre la tâche, puis devant l’impossibilité à s’organiser au niveau procédural, abandonne... Dans d’autres cas au contraire, l’enfant dyspraxique présente un sentiment de frustration et de découragement à cause de ses incapacités à réaliser les mêmes activités que les autres.

8.2.2.4. Retentissement global de la dyspraxie sur le comportement

de l’enfant

Les troubles dyspraxiques peuvent être analysés en tant que conséquences des déficiences constitutives des troubles de la coordination motrice, et se manifestent directement par des limitations de capacités dans les tâches qui sont demandées à l'enfant en fonction de son âge. Il s'agit essentiellement des difficultés liées à la maladresse dans la vie quotidienne (avec des chutes fréquentes, des coups, des bris d'objets). Les problèmes d'habillage et d'habileté pour les usages de table prennent une importance considérable. Les déficiences de motricité fine gênent les activités de loisirs et les apprentissages (surtout dans les cas où des déficits visuospatiaux sont présents). La mauvaise intégration du schéma corporel, elle-même reliée à des déficits d'intégration sensori-motrice entraîne des problèmes de représentation dans l'espace.

Ces conséquences en termes d'incapacité ont à leur tour un retentissement important sur le fonctionnement global de l'enfant et son adaptation aux différentes situations de vie.

Lorsque ce retentissement dépasse ses capacités d'adaptation, des troubles secondaires qui appartiennent à des registres différents, apparaissent. En premier lieu, il s’agit des troubles émotionnels, sous forme de symptomatologie anxieuse facilitée par la certitude d'échouer à des tâches qui lui sont proposées. La réassurance qu'il trouve auprès des personnages protecteurs familiaux, l'amènent à une dépendance de leur présence et à une constitution d'une angoisse de séparation. Il peut se constituer aussi des tableaux d'inhibition anxieuse et de phobie sociale. Les troubles peuvent se manifester par des éléments dépressifs avec restriction des activités, tristesse, isolement. En second lieu, peuvent apparaître des troubles du comportement faisant alterner des exigences excessives vis-à-vis de ses protecteurs, particulièrement de la mère qui a dû s'occuper plus de lui du fait de ses difficultés, des colères voire de l'agressivité, des moments de retrait, de bouderie, de régression.

La compréhension de la dynamique de ces différentes expressions pathologiques peut se faire à partir d'hypothèses psychanalytiques ou cognitives.

- Du point de vue psychanalytique (sans se placer sur le plan de l'étiologie), le trouble entraîne des modifications dans les interactions de l'enfant avec son groupe familial et dans l'équilibre de ses relations avec chacun de ses parents. En particulier, les limitations de capacités liées au trouble peuvent entraîner une relation de proximité excessive avec la mère : il peut en résulter des conséquences sur le plan de la réalité, mais surtout sur le plan des représentations fantasmatiques avec une augmentation de l'angoisse et une gêne dans la structuration de la personnalité au moment de la phase œdipienne avec des manifestations névrotiques ou des troubles du comportement.

- Du point de vue des théories cognitives, le trouble amène une baisse de l'estime de soi qui est le résultat de ses échecs répétés, des comparaisons subies avec ses pairs ou dans sa fratrie, des accusations portées sur sa paresse ou sa mauvaise volonté qu'il finit par intérioriser. Il peut acquérir une image fixée de lui-même (limitée dans ses capacités de façon définitive), d'où découle une inutilité de faire des efforts pour réussir. Le versant dépressif peut s'expliquer par les mécanismes de l'impuissance acquise du fait de la répétition d'expériences négatives (Seligman, 1975) ou par l'établissement d'un ensemble de croyances portant sur sa propre efficacité (liée à un faible sentiment de contrôle engendrant une augmentation des sentiments de découragement) (Bandura et al., 1999). La faible estime de soi peut être accompagnée par une théorie implicite de « l'entité de l'intelligence» qui correspond à la croyance qu'elle est l'expression de qualités de base relativement fixes, liée à un don, non contrôlable et que l'on ne peut pas changer (Da Fonseca, 2004). La répétition des échecs entraîne le risque de la conviction qu'il n'y a rien à faire, qui entraîne une diminution de la force motivationnelle.

8.3.

Les troubles associés

Les troubles isolés de la coordination motrice sont rares. On constate l'association avec d'autres syndromes, parmi lesquels les plus fréquents sont les autres troubles spécifiques du développement [les troubles du développement du langage (Bishop, 1990, Rintala et al., 1998)], la dyslexie (Kaplan et al., 1997), les troubles des apprentissages (Cermak et al., 1990)) et les troubles déficitaires de l'attention (Kadesjö et Gillbert, 1998 ; Piek et al., 1999).

Les troubles du développement du langage, en particulier les dysphasies expressives sont très souvent associés aux troubles dyspraxiques. La revue de littérature de Hill (2001) recense des études qui font état de taux de comorbidité entre trouble du langage et trouble de la motricité de l'ordre de 40 à 90 %. Cette fréquence amène Dewey (1995) à affirmer que la dyspraxie développementale n'existe pas indépendamment d'un autre désordre développemental, puisque le trouble de base serait une incapacité de conceptualisation symbolique entraînant des conséquences sur la représentation du geste comme du langage. Une étude montre effectivement que les troubles spécifiques du développement du langage sont accompagnés dans plus de la moitié des cas de troubles de la coordination motrice, portant sur la motricité fine, la motricité bucco-faciale et surtout les praxies constructives. Pourtant il existe des troubles praxiques isolés, alors que le langage est bien construit (Crunelle et al., 1997). Dewey (1995) souligne que les enfants dyspraxiques présentent souvent des troubles langagiers même a minima, tels que des difficultés d'évocation lexicale, des difficultés d'élaboration du discours ou des difficultés de compréhension (Dewey et Kaplan, 1994).

Certaines dyspraxies et certaines dysphasies sont deux troubles du neuro- développement qui pourraient avoir une origine éthologique commune : un déficit de l’apprentissage procédural implicite4 (Albaret, De Castelnau, 2009 ; Bussy et al., 2011). Le Normand et al. (2000), concluent que « le développement de la motricité et le développement du contrôle moteur de la parole sont sous le contrôle des mêmes contraintes développementales ».

Bussy et al. (2011) indiquent pourtant que les auteurs ne s’accordent pas pour classifier un trouble neurologique de la parole (chez un enfant) pour lequel la précision et la constance des mouvements sous tendant la parole sont perturbées (en absence de défauts neuromusculaires, i.e. ayant des réflexes ou de tonus anormaux). S’agit-il d’un trouble du langage ou de la motricité ? Lequel des deux est le plus prégnant ou le plus primaire ? Cette difficulté existe d’autant plus que les deux types de troubles coexistent et qu’ils sont de faible intensité (Bussy et al., 2010).

4 Apprentissage procédural implicite : c’est la capacité d’apprendre des informations de nature complexe sans

Ce que l’on peut retenir c’est que les enfants dysphasiques et certains enfants TAC présentent un déficit massif de l’apprentissage procédural implicite. Ce qui pourrait amener à penser que les troubles se situent sur un même continuum : plus les troubles sont sévères et plus les troubles moteur et langagier s’expriment.

L'existence d'une association de plusieurs troubles spécifiques modifie les pratiques rééducatives et pédagogiques et est une des raisons qui imposent la mise en place de programmes individualisés à partir des évaluations initiales et ultérieures. Les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité comportent fréquemment une maladresse motrice. Les conséquences de cette association sont péjoratives au plan de l'adaptation scolaire puisqu’aux mouvements exagérés et impulsifs s'adjoignent une mauvaise efficience motrice.