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Le repentir est une grâce qu'il faut demander par la prière. Gomment résister à une contrition

Dans le document LINIVERSITY OF CHICAGO (Page 188-195)

tellement simple, confiante et modeste qu'elle ne s'affirme pas elle-même ?

«

O mon

Dieu I

mon

argument c'est

mon

besoin,

mon

équipement c'est

mon

dénûment,

ma

route vers toi c'est ta grâce,

mon

intercesseur auprès de

toi, c'est seulement ton bienfait. >

«

O mon

Dieu !

comment me

réjouirais-je, puis-que je t'ai offensé ; mais

comment

ne

me

réjoui-rais-je pais sachant (désormais) qui tu es ?

Com-ment

t*invoquerais-je,

moi

pécheur ; mais

comment

ne t'invoquerais-je pas, toi Miséricordieux ? >

(1) Sarrâj. LHffwî», 260 et 361.

182 VIES DES SAINTS

UUSULMÂNS

«

Que

de gens disent à Dieu :

Pardon

! qui sont sous sa haine, et que de gens qui restent silencieux sont en son pardon ! Celui-là dit :

Pardon

! mais son coeur reste dans le péché ; celui-là se tait, mais son

cœur

lui

remémore

Dieu. >

«

O mon

Dieu, ne l'oublie pas, j'ai guidé sur la route qui

mène

à Toi et j'ai témoigné que la supré-matie est à toi. Voici, levées vers toi, des mains souillées par les péchés et des yeux maquillés- du kohl de l'espérance. Accueille-moi ; tu es

un

roi généreux ; et pardonne-moi, je suis

un

serviteur si faible > (1).

«

O mon

Dieu 1 je suis incapable d'observer les conditions

du

repentir. Pardonne-moi sans repen-tir"» <2).

« Si le Seigneur très haut, au jour de la Résur-rection,

me demande

-:

Que

nous apportes-tu ? Je lui répondrai :

mon

Dieu, que peut apporter

un

misérable qui sort de prison, à part l'habit qu'il porte ? Lave-moi de

mes

souillures dans ta généro-sité et fais-moi miséricorde » (3).

A

cette miséricorde, Yahya, qui avait

peu

con-fiance dans les forces humaines, n'assignait guère de limites, ce qui l'inclinait à l'indulgence. « Si j'avais l'autorité de juger, disait-il, je ne

condamne-rais pas les amoureux, car leurs péchés ont été par contrainte et

non

par consentement » (4).

Il n'en avait pas

moins

une grande autorité pour

(1) Içbahâiil, trad. Massignon, Lexique, 238-240.

(2) Cha'râwl, I, 70.

(3) 'Attâr, 191.

(4) L. Massignon, Lexique, 240. Cette idée de la fatalité de l'amour est peut-être parente de celle qui se trouve chez Ibn Dàwoûd théoricien de l'amour courtois.

empêcher

les gens de tranisgresser les limites ; et l'on craignait son jugement.Il proclamait qu'un seul péché après le repentir est plus grave que soixante-dix auparavant. Mais, nous l'avons vu, sa religion était résolument axée sur l'initiative divine et pro-fessait la primauté de la foi sur les œuvres : « Si la foi ne détruit pas les mauvaises actions

comme

l'infidélité détruit les bonnes, quel est

donc

le

mé-rite dela foi

Et

H

estimait aussi que s'hypnoti-ser sur ses péchés n'était pas bon. «

Le

repenti ne voit que son repentir qui lui .est

un

voile... mais:

arrivé », rien ne lui est voile > (1). Tout cela rendait sa spiritualité nettement optimiste.

Bisthâmi, l'ascète forcené, le fulgurant mystique de l'Iran, trouvait l'abandon et la suavité de

Yahya

trop imprégnés d'indolence et le traitait d'un

peu

haut : « Pauvre Yahya, disait-il, qui ne sait pas endurer l'adversité I

Comment

ferait-il pour endu-rer le bonheiu"

Et

comme

al Râzî lui écrivait

un

jour : « Je suis ivre pour avoir

bu

longuement

à la coupe de son

amour

», il lui répondit : «

Un

autre a

bu

les

mers du

ciel et de la terre et il n'est pas encore désaltéré ; il tire la langue et crie *.

« N'y en a-t-il pas encore

(2).

Mais l'humble et confiante simplicité d'al Râzî valait peut-être l'effort, si héroïque qu'il fût, d'al Bisthâmî.

(1) 'Aroûsî, com. Ançârl.

(2) Qouchayrî et Cha'râ'wl ; L. Massignon, Lexique, 241.

Un des premiers exemples du symbolisme du vin dans la mystique musulma:ne, après ceux de Dâ'oud al ThâU (+ 165) et de Dzoû'l Noûn al Miçri (+ 245). E. D., L'Eloge du Vin, p. 123.

La phrase de Bisthâmi estd'un accent d'autant plus fort qu'elle se termine par un texte coranique (sourate Qaf, L, verset 29) : « Alors,Nous crieronsà l'enfer : Es-tu plein ? et il répondra : N'y en a-t-ilpas encore îHal minmaztd. »

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184 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

L'amour (mahabba), qui a sa racine dans l'Etre absolului-même (1), ne va pas sans laconnaissance (ma'rifa) et ce que

Yahya

dit de ceUe-ci est paral-lèle à ce qu'il dit de celui-là.

La

pure gnose est au delà de la connaissance expérimentale

ou

ration-nelle, au delà de la théologie apophatique

ou

cata-phatique.

Le

'ârif ne peut se contenter de contem-pler

même

le

monde

supérieur des Idées plus que

le

mouhibb

ne peut se contenter de savourer les joies

du

Jardin. «

Le

paradis est laprison

du

gnosti-que

comme

le

monde

est la prison

du

croyant. *

« L'ascète est exilé en ce

monde

; l'initié est exilé

même

dans l'autre » (2). Il est une route pour arri-ver à cet état

s'unifient le connaisseur, le

connu

et la connaissance, une route, la plus courte et la plus difficile. « Qui se connaît, connaît son

Sei-gneur ». Sentence magnifique qui évoque, par delà

le

moi

individuel, le Soi, l'âtman des Hindous, la fine pointe de l'esprit qui est le lieu d'insertion

du

divin dans

l'homme

et perdure introublée au milieu des bouleversements

du

corps et de l'âme.

Le royaume

de Dieu est au dedans de nous. Mais diffi-cile est de rentrer en soi-même. Qui se connaît connaît Dieu dont il est l'image. Mais Socrate et Platon et les prêtres de Delphes savaient combien

il est rare que les

hommes

se connaissent.

Tu demandes

est Leïla et Leïla s'irradie en

toi, chantent, avec le poète al Harraq, les

Derqawa

maghrébins dans leurs séances, extatiques faisant écho sur cette

même

terre d'Ifriqiya au

mot du

ber-(1) « Si les cœurs pouvaient atteindre le fond de l'amour en leur créateur ! » in Içbaîiânl ; Massigoon, Hallâj, 609.

(2) Cha^râ-wî, I, 69 ; Massignon, Hallâj, 751 ; et Textes, 27.

bère saint Augustin cité par saint François de Sales : Je te cherchais hors de

moi

et je ne te trou-vais point parce que tu étais en

moi

<1).

Les çoufis des Indes ont précisé : « Qui se connaît, connaît son Seigneur. Qui connaît son Sei-gneur, ne se connaît plus > (2), soulignant l'aspect dévastateur de cette gnose unifiante. Mais le haqâ (permanence) est inséparable

du

fana (annihila-tion) ; il s'agit de se perdre pour Se trouver ; et il n'y a aucune contradiction entre les sentences de

Yahya

et de saint Augustin et celle-ci, de Tauler.

cité par le

même

François de Sales :

On

lui

de-mande où

il avait trouvé Dieu. « Là, dit-il,

je

me

suis laissé

moi-même

; et là

Je

me

suis trouvé

moi-même,

c'est que j'ai perdu Dieu..>

;*

La

vie extérieure d'Aboû Zakarya

Yahya

(Jean-Baptiste) ibnMou'âdz alRâzî nous est

moins

connue queses idées, ses prières etses poèmes.

Nous

savons qu'originaire de Ray, il vécut surtout à Nichâpoûr.

à l'extrémité nord-est du Khorâssân,

non

loin de Meched. Ses deux frères, Ibrahim et Isma'îl, étaient aussi des ascètes. Il séjourna assez longtemps à Balkh, dans le Turkestan, près des ruines de l'an-cienne capitale de la Bactriane, passa quelque temps à

Bagdad où

il connut sans doute

Jounayd

à l'aurore de sa

renommée

et quelques autres çoufis

(1) TToité de l'amour de Bien, I. XII. Cf. Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux... t. I. L'humanisme dévot, 1921, p. 124.

(2) Ant. Cabaton, L'Islam aux Indes néerlandaises. Revue du Monde musulman, 1920, t. XXXIX, p. 48.

<t.

186 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

de la capitale des 'Abbâssides, puis revint à Nichâ-poûr,

il

mourut

en 258/872 et

il fut enterré.

Le

peuple vient à sa tombe, précise al Ançâri,

pour demander

la pluie dans les périodes de grande sécheresse. Il ne nous déplaît pas de voir ce prédi-cateur, cet ascète, ce théologien et ce poète prendre rang

parmi

les grandes forces fécondantes de la na-ture. Aussi bien n'enseignait-il pas que la connais-sance est avant tout le contact avec la Réalité ?

Il reçut et transmit des,hadits de Ishaq ibn

So-layman

al Râzi (+200/815), Ibn Ibrahim al Balkhî (+214/829) et 'Ali ibn

Mohammad

al Tanâfisi (+230/844) (1). Il fut disciple d'Ibn

Karrâm

(+255/869), le théologien mystique, et, par lui, de Ibn

Harb

(+234/848), se rattachant ainsi à Chaqîq

al Balkhî (+199/814), disciple direct

du

célèbre Ibrahim ibn

Adham,

et àl'école khorâssânienne (2).

A

son maître Ibn Karrâm, il

emprunta une

règle de vie : <

La

force

du cœur

tient à cinq choses ^

lire le Coran en le méditant, garder le ventre vide se lever la nuit pour prier, s'humilier devant Dieu à l'aube, et fréquenter les gens pieux » (3).

Le mode

de vie d'Ibn

Karrâm

et de ses disciples,

parmi

lesquels dut

un

temps figurer Yahya, ne manquait pas de pittoresque. Ils circulaient sur lea routes d'Asie, en apôtres mendiants, vêtus de peaux demoutons fraisécorchés, tannéesmais

non

cousues.

(1) Ibn Kallikân, IV, 51.

(2) « Les gens du Khorâssân, disait Jounayd, sont des compagnons du cœur » ; voulant dire qu'ils pft)ssédaient les états mystiques sans bien pouvoir les exprimer,

ce qui ne parait pas très exact de l'éloquent Yahya. Sarrâj, Liima*, 359.

(3) L. Massignon, Lexique, p. 231 et 238.

et coiffés de toques blanches.

Quand

ils arrivaient dans

une

bourgade,

on

dressait une estrade foraine en briques d*où Ibn

Karrâm

haranguait la foule (1).

Yahya

Râzî semble avoir eu des sympathies

pour

les descendants

du

Prophète, écartés

du

trône par

les

Oméyades

et les 'Abbâssides, mais qui avaient conservé des"partisans et vers qui les oppositions politique, religieuse, nationale, tournaient les yeux.

Un

de ces 'Alides persécutés résidait à Balkh.

Yahya,

venu

dans cette ville, alla lui présenter ses respects. L"Alide lui

demanda

quelle était son opi-nion sur les « Gens de la Maison > (de

Mohammed).

Argile pétrie avec l'eau de la révélation, arro-sée avec l'eau de la mission céleste : peut-elle avoir une autre odeur que celle

du musc

de la

bonne

di-rection etde l'ambre dela piété ?

Charmé,

on

le conçoit, de cette réponse, T'Alide

« remplit de perles » la bouche de

Yahya —

ce qui

est sans doute encore

une

figure de rhétorique

et vint dès le lendemain matin lui rendre savisite. Al Râzî, continuant ses politesses fleuries, lui dit alors :

Votre venue

pour

nous voir est

un

effet de votre bonté ; notre venue pour vous voir était à cause de votre bonté ; ainsi vous, visitant et visité, êtes doublement

bon

(2).

L'on connaît à

Yahya

plusieurs disciples :

Aboû

'Otsmân al Hîrî, Yoûsouf ibn

Housayn

al Râzî, Ibrahim al

Khawwâz,

et surtout

Aboû

Mouthi

Makhoûl

ibn Fadhl al Nasafî de Balkh (+314/927) dont on a conservé

un manuel

de la vie

com-(1) Ibid., p. 230.

(2) Ibn KhaUikân. IV, 52.

..-^

188 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

nmne

suivie dans les < fraternités > monastiques des Karrâmiya (disciples d'Ibn Karrâm).

Makhoûl

al Nasafîinsistesurtoutsurla «fraternitépour Dieu>,

l'hospitalité, la discrétion, lamesure,lerenoncement

' àlavainegloire, ledzikr,

commémoration

etcitation de Dieu.

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