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Adham eut l'air de trouver que c'était cher ; il fallut insister pour qu'il acceptât de laisser célébrer

Dans le document LINIVERSITY OF CHICAGO (Page 22-27)

sonmariage. Les fêtes furent magnifiques à souhait; mais quand, la nuit venue,

Adham

entra dans la

chambre

nuptiale et qu'il vit cette jeune fille cou-verte de bijoux et de soieries, assise sur

un

tapis somptueux, parée, drapée, fardée

comme

une idole,

18 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

il la salua poliment et se retira dans

un

coin de la pièce pour

y

prier jusqu'à l'aube.

n

en fut de

même

sept nuits de suite. L'affaire devenait grave.

Le

Sultan dut intervenir lui-même

et déclarer sévèrement au jeune

homme

: « Je ne

te tiendrai naturellement quitte de la moitié de,

pomme

que si tu

consommes

ton mariage avec cette jeunefille qui estvierge, aimable et désirable et que tu n'as aucune raison d'outrager

comme

tu viens de le faire. »

Adham

dut s'exécuter cette nuit-là ; mais aussitôt après, il se précipita sur le bassin des ablutions, se lavaet se mit enprières.

La

jeune

femme

le vitlever les mains dans l'attitude rituelle, tout en poussant

un

cri, puis s'incliner et se prosterner pour ne plus se relever

du

tapis de prière. Il était mort. Neuf mois après, la princesse mit.au

monde

Ibrahim

qu'Allah soit content de lui !

qui hérita, dit-on,

du

trône à la

mort

de son grand-père

mais Allah est le plus savant (5).

L'enfant grandit à Balkh, devint

un

fier jeune

homme

content de porter de beaux habits, de vivre dans une grande demeure, de chevaucher les belles bêtes chantées par ses ancêtres les poètes

du

désert et de courir les steppes à la chasse des fauves.

***

Chaque saint entre, traditionnellement et

psycho-_

; logiquement, dans la vie ascétique et mystique, à

I l'occasion d'un choc psychique qui le convertit,

(5) Ibn Batouta, op. cit., ibid.

Saint Bernard de Mention sauta par la fenêtre la nuitde ses noces et s'enfuitau désert plutôt que de consommer son mariage. Au lieu de devenir père defamille, il fonda les deux fameux hospices qui portent son nom.

qui le tourne vers son destin, qui lui fait entendre l'appel auquel sa générosité ne peut se refuser.

Une

nuit, raconte-t-on, (6) dans son palais de Balkh, Ibrâhîm fut réveillé par des pas sur la terrasse. «

Que

faites-vous là-haut ? cria-t-il.

Nous

chenchons des

chameaux

égarés, lui fut-Il répondu.

Etes-vous fous ? A-t-on jamais cherché des

chameaux

sur

un

toit ?

Pas plus fou que

toi qui crois pouvoir, assis sur

un

trône, trouver Dieu ! »

Après avoir passé le reste de la nuit à prier, Ibrâhîm s'assit le lendemain sur son trône, entouré de ses officiers, pour donner audience.

Du

sein de la foule,

un

personnage majestueux et de haute

taille s'avançait, s'approchait

du

roi sans être arrêté par les gardes qui semblaient

même

ne pas le voir.

«

Que

véux-tu ? dit Ibrahim.

Je suis

un

voya-geur étranger, ditl'inconnu, et je voudrais m'arrêter dans cette auberge.

^ Mais ce n'est pas une auber-ge ; c'est

mon

propre palais !

A

qui appartenait

donc

cette maison avant toi ?

A mon

père.

Et avant ton père, à qui était-elle ?

— A mon

aïeul.

— Ton

père,ton grand-père et tes ancêtres,sont-ils ?

Ils sont morts.

N'avais-je pas raison /

d'appeler auherge cette^ maison où ceux qui s'en

;

vont*sont remplacés par ceux qui arrivent ? » i Et

l'homme

se retira. Ibrâhîm courut après lui :

« Arrête-toi, au

nom

d'Allah ! qui es-tu, toi qui as allumé un.feu dans

mon âme

?

Je suis Khidhr,

ô Ibrahim. Il est temps de t'éveiller. »

Nous

reverrons ce Khidhr. Passons à une autre variante, assez folklorique elle aussi, et plus

célè-(6) «Attâr, 79 ; Jalâleddîn al Roûmî, Mathnawi, 1. IV.

*cy

20 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

bre encore, de la conversion

du

saint. Elle se

ratta-che au thème de la chasse,

comme

les histoires de saint Eustache et de saint Hubert.

La

chasse est assez

mal

vue chezles mystiques et les hagiographes qui ne semblent pas admettre que

l'homme

avancé dans la voie spirituelle puisse faire

un

jeu de la

mise à mort d'êtres qui font partie de la grande famille d'Allah,

comme

dit Ibn 'Arabi.

Comme

tous les rois, à qui il est difficile de ne pas affirmer la volonté de puissance, Ibrâhîm allait à la chasse et rfous pouvons l'imaginer au centre d'une miniature persane sur

un

cheval blanc au milieu d'une prairie émaillée de narcisses, bordée de montagnes grises cerclées d'or et d'azur, cependant que fuient devant

luien éventail gazelles etpanthères.

Le

récit,

comme

à l'ordinaire stylisé en

même

temps qu'un

peu

pro-lixe et orné de Ferideddin al 'Attâr, précise que.le lendemain

même

de la visite

du

mystérieux avertis-seur, Ibrahim partit à cheval dansla

campagne

avec

ses chiens qui levèrent

un

lièvre (ou

un

chacal, ou une gazelle). C'est alors qu'il entendit une voix :

« Est-ce pour cela qiie tu as été créé

Il tourna la tête, mais ne vit personne. Puis

du pommeau même

de sa selle sortit : «

O

Ibrâhîm, est-ce pour

cela que tu as été créé ? :> Et voici que de toutes

parts s'élevaient lesmots bouleversants. Il les enten-dait prononcer contre ses deux oreilles,

du

haut

du

ciel, devant et derrièrelui ; ils sortaient

du

fond de son carquois, de ses habits : «

Non

; ce n'est pas pour cela que tu as été créé.

On

ne t'a pas créé pour cela. >

Les cheveux hérissés, tremblant, Ibrahim pressa son cheval de l'éperon, tout en prononçant le verset

d'exorcisme : «

A'oudou

billah

min

ach chaythân ar rajîm. Je

me

réfugie en Dieu contre Satan le lapidé. > Mais toujours la voix se faisait entendre ;

et elle ajoutait maintenant : «

O

Ibrâhîm, éveille- |

toi avant que la

mort

ne t'éveille. > \

Diepuis longtemps, IbrSjhim avait distancé son escorte et se trouvait seul dansle désert. C'est alors que le lièvre (ou la gazelle,

ou

le chacal) tourna la tête vers lui et prononça : «

O

Ibrâhîm, éveille-toi. ,

Comprends

enfin pourquoi Dieu t'a créé.

Au

lieu de ?

me

frapper, frappe-toi toi-même. >

c Ceci est

un

avertissement

du

maître des

mon-des >, se dit le jeune

homme

; et il poursuivit, au pas, sa route avec une grande paix dans le

cœur

et

une

grande lumière dans l'esprit.

Au

pied d'une montagne, il vit

un

troupeau de

moutons

et

un

berger vêtu d'une robedelaine et coifféd'un bonnet de feutre (7). «

A

qui ces

moutons

?

A

toi.

Je te les donne et je te

donne

aussi ce cheval et

mes

vêtements si tu consens à

me

donner les tiens en échange. > Et vêtu de bùre, pieds nus, renonçant définitivement aux honneurs et

aux

richesses, le fils

d'Adham

s'enfonça dans le désert (8).

Un

autre texte fournit une version

moins

légen-daire mais

non moins

saisissante de la vocation d'Ibrahim.

(7) Le coûf (laine) des çoiifls ; la coMfure de feutre que porteront l'es derviches.

(S) QouchajTÎ, 8 ; Houjwirî, 103 ; Içbahânî, n» 394 ; «Attâr, 79 ; Aboulféda, II, 42.

L'histoire ressemble sans doute à

celle du Bouddha, mais aussi à celles de saint Hubert, de saintEustache, de saintFrançois d'Assise, etc., sans parler du saint éthiopien du Xin» siècle, Takla Haymanat, qnl chassant dans le désert; fut réprimandé par saint Michel, reçut de Tarchange un nouveau nom, donna ses biens aux paurres,

Ffârtit évangéilser le Choà (cf. Mission Duchesne-Fouraet en Ethiopie ; 1909, I, 358>.

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MUSULMANS

Gomme un

de ses

compagnons

d'ascèse et de

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