dernier, il le trouva agenouillé près de la Pierre
d'Abraham
qu'il avait toute arrosée de ses lar-mes, et priant pour que Dieu préservât sQn enfant de.tout péché <74).(74) Yâfliî, 86-87. Récit plus prolixe et orné dans al eAttâr, 82-84 : le fils et la femme d'Ibrâhîm s'entretiennent avec lui, ne veulent pas Je laisser aller ; le fils meurt subitement au moment où il prend une trop grande place dans le cœur de son père. Cf. trait analogue dans la vie de Soumnoùn.
î
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58 VIES DES SAINTS
MUSULMANS
La
mort_dn[brâliîm est presque aussi mystérieuse que sa naissance. «On
raconte, dit Al 'Attar (75), que, lorsquela dernière heure d'Ibrâhîm fut arrivée-,il disparut à tous les regards, sans que personne ait jamais
pu
savoir aujuste où setrouve son tombeau.Les uns disent que c'est à
Bagdad
; les autres assu-rent que c'est àDamas
; d'autres encore soutien-nent que c'est dans la ville de Loth ; mais la vérité est qu'on n'en connaît pas au juste l'emplacement.Lorsque Ibrahim fut trépassé, on entendit une voix qui criait de manière à retentir sur toute la terre :
«
H
est mortl'homme
de confiance par excel-lence ! 2> Et ensuite : < Il est trépassé Ibrahim filsd'Adham
I »Ce qui est certain c'est qu'Ibrahim
mourut
loin de son Khorâssân natal, à l'extrême-occident de l'Asie,probablement aux confins des empires arabe et byzantin.
En
Syrie, disent de façon vague Al Qou-chayrî et Al Jâmi.En
Cilicie, à Tarse, dit le chroni-queur Aboûlféda.Au
cours d'une expédition contre les Grecs, précisent AI Içbahâni (qui ajoute que la cause de lamort
fut une dysenterie) et Al Ançâri.En
l'an 161 del'Hégire sans doute, en toutcas entre 160 et 166(776-783^de l'ère chrétienne). Il
mourut
dans une île, déclare Al Ançâri, et son corps futramené
à Cour(Tyr),ou en paysbyzantin,—
c'est-à-dire sur les marches d'Asie Mineure, ce qui concor-derait avec l'indication d'Aboûlféda ;—
à Sûqîn, forteressedu
pays desRoums,
dit Yâqoût.Nous
avonsvu
que c'était à Gébélé,un peu
plus au sud,^aux frontières de la Syrie et de la Cilicie, qu'Ibn
(75) »Attâr, 97.
Batouta avait trouvé une
tombe
vénérée qu'on lui présentacomme
celledu
filsd'Adham
(76).La
Hiliya d'AboûNou'im
al Içbahânî nous assure d'ailleurs qu'Ibrâhîm servit dans deux expéditions contre les Grecs, dont l'unecommandée
par 'AbbasalAnthaki. S'il n'aimaitpas, nous l'avons vu,les sol-dats envoyés en Egypte musulmane, il n'avait pas
les
mêmes
scrupulesquand
il s'agissait de la guerre sainte. Maïs c'étaitun
militairepeu
banal.Non
seu-lement il refusait sa part de butin, mais il surveil-lait si attentivement,même
en campagne, sanour-riture, afin de
ne
rienmanger
de canoniquementillicite, qu'il refusait
même
les volailles et le miel apportés par les paysans.Quand
il-ne trouvait pas d'aliment incontestablement légitime, il mangeait, dit-on, de l'argile,et ne renonçait à ce régime que pour ne pas êtreresponsablede sapropremort
(77).Peut-être l'exagération incombe-t-elle ici plutôt à l'hagiographe qu'à Ibrahim lui-même, car cette con-duite semble assez différente de celle que nous lui avons
vu
en général tenir.La
lutte était assez vive, durant les dernières années de la vie d'Ibrâhîm, entre les califes arabeset les empereurs byzantins.
En
746, Constantin V,le grandiconoclaste, avait pris
Germanika
enSyrie ;l'année suivante, sa flotte avait battu l'escadre arabe devant
Chypre
reconquise. Mélitène avait été prise parles Grecs puisparlesMusulmans, quand, en 761, lecalife 'abbasside AlMançoûr
avait pris l'offensive.La
Cilicie étaitune
des provinces les plus disputées(76) Qouchayrî, 9 ; Ançânî, 70 ; Jâmî, Nafahât ; Içbahâiil, Biliya ; Aboûféda, Annales, II, 42 ; Yâqoût, Mu^jcan, édit.
Wustenfeld,
m,
196, 14 ; Ibn Batouta, op. cit., I, 172.(77) Chatrâwl, 59.
60 VIES DES SAINTS
MUSULMANS
en
même
temps quelabase deraids périodiques.En
778,
Léon IV
organisait une expédition sur la S3Tiéet, en 779,repoussaitune invasion arabeenAnatolie.
Puis l'impératrice Irène fait attaquer à son tour.
Bagdad, au faite de sa prospérité, riposté.
En
782, Hâroûn, le futur Al Rachîd, filsdu
calife Al Madhi, fonce à la tête d'une grande armée où figurent les khorassaniens vêtus de ûoir, bat les Grecsjen Lydie, arrive jusqu'au Bosphore et impose une trêve. De-venu calife, il entreprend avec succès de nouvelles campagnes, remporte une victoire navale sur les côtes de Pamphylie, puis subit quelques échecs et restesomme
toute sur ses positions (78). Il faudra plusieurs siècles encore et l'entrée en scène des Turcs,seljoukides puis•ottomans pour venir à bout del'Empire et conquérir Constantinople.H y
a entout cas lieu de croire à l'exactitude des récits qui font mourir Ibrahim pendantune
des nombreuses expéditions contre les Grecs et qui pla-cent satombe
aux confins de la Syrie et de l'Asie Mineure.Son
neveu, le poèteMohammed
ibn Kou-nâsa (79), fils de sa sœur, parle dans ses vers de la«
tombe
occidentale »du
grand ascète dont il célè-bre le détachement, l'austérité, l'acuité d'esprit, ladouceur et le courage.
Sur Aboû IshâqIbrahim ibn Adham ibnMançoûr ibn Yaztd ibn Jâbir al Tamtmî al Hjli, voir notamment :
Qpuchajrçî, Rtsâla, édit. du Caire, 1319 H., p. 8-9, et les comiSèntaires d'Al Ançârî et AI 'Aroûsi (.Natâtj al afkâr al qoud.sia d'Al 'Aroûsi, Boiilaq, 1290/1873).
(78) Ch. Diehl et G. Marçais, Le Monde Oriental de 395 à i081, (Histoire générale pub. s. là dîr. de G. Gîotz), 1936,
*Çî^252-253 et:358-359.
—
Notons que Chaqîq.al Balkhî, le dis-ciple d'Ibrâhîm, fut tué en 194/809 à la prise de Ka'wlâb.(79) Morten 207/822 ; Kitâb al Aghânî, XQ, 113, 7.
Aboû Naçr al Sarrâj, Kitâb al luma^, édlt. Nlcholson, 1911, p. 103-105, 1507-164, 178.
{Abdallah ibn As'ad al Yâfl'î Rawdh al rayâhin. Le Caire, 1307 H., p. 86, 100, 162, 170, 173, 265, 298.
'Abderra'oûf al Mounâ\Vî, Kawâktb al dourriya, Ms arabe 6490, inédit. Bibliothèque Nationale, fol. 36-37.
«Abdalwahhâb al Cha'râwi, Thabaqât al Koubra, 1343/1925,
t. I, p. 59,
Hujwîrî, Kachf al Mahjoûb, trad. angl. Nicholson, 1911, p.
103;-
~
'Abdarrahman al ÇafoûBî, Nazhat al majâlis.H, p. 51.
Aboû Nou'îm al Içbahânî, Hiliyat al Awliya, Le Caire, t.
Vn, 1937, pp. 367-395,"~ï.~Vin, 1938, p. 3-58.
Aboû Thâlib al Makkî, Qoût al Qoaloûb, I, 108, U, 67.
Aboulféda, Annales, édit. Reiske,arabe et latin,5 vol., 1789-1794, t. n, p. 42.
Farideddin 'Attàr, MémorialdesSaints, Trad.Pavet de
Cour-teil, 1889, p. 78-97.
R. Nicholson, Ibrahim ibn Adham, in Zeitschrift fur Assy- ji riologie... Strassburg, 1912, t. XXVI, pp. 215-220 ; et article î Ibrahim ibn Adham dans l'Encyclopédie de l'Islam. ^ I. Gol dziher, The influence of Buddhism upon Islam, com-munication à l'Académie des Sciences de Hongrie, 30 mars :
1903, compite rendu par T. Duka dans Journal of the Royal j
Asiatic Society, 1904, p. 132. \
Jakob Hallauer, die Vita des Ibrahim ibn Edham in der Tedhkirat al EvUya des Ferid ed-din Attar, Bâle, 1925. (
Ibn Khalllkân, Wafayât, trad. angl. de Slane, Biographical
'
dictionary, 1843, t. II, p. 13.
Ibn Batouta, Voyages, trad. Defrémery et Sanguinetti, 4vol., 1853-59, t. I, p. 172.
Louis Massignon, Essai sur les origines du lexique techni-que de ta myytique musulmane, 1922 ; et Al Hdllâj, martyr mystique de l'islam, 1932.
-i-:'r^ry '^î-v:^^-^f^mK
Cette femme, Foudhayl ne cessait de penser à
elle.
Quand
il ne pouvait aller la trouver, il s'ar-rêtait en quelque lieu désert, évoquait son imageet pleurait. C'était pour elle qu'il cherchait les tré-sors de ce
monde.
Ce soir-là, il.venait d'escaladerun
mur, le long d'une route, et l'attendait. Et voici que vint à passerune
caravane,où
quelqu'un, balancé ausommet
d'un chameau, psalmodiait le Coran en cadence.«
Le
temps n'est-il pas arrivé pour lescœurs
des croyants de s'humilier à la pensée d'Allah ? »Ces mots de la belle sourate
du
Fer s'enfoncèrentcomme
une flèche dans lecœur
de Foudhayl.—
Oui, s'écria-t-il. Il est arrivé In
est arrivé !Revenant sur ses pas et surpris par la nuit près d'une ruine, il s'apprêtait à s'y installer
pour
dor-mirquand
il entendit des voix.—
Foudhayl le coupeur de routes, Foudhayl est surlaroute. Il nousfaut rester ici.Noui^ ne pouvons partir avant le jour. Foudhayl est sur la route.64 VIES DES SAINTS
MUSULMANS
Car Foudhaylibn 'lyâdh était
un
brigandquiopé-rait avec sa
bande
sur les grands chemins entreAbiward
(Bâverd) et Sarakhs, au fonddu
Khorâs-V sân, auxlimites méridionales
du
désert de sable des Turkmènes. C'étaitun
brigand redouté, mais ce"n'était pas
un
brigand ordinaire.Nous
ne savons quelles circonstances l'avaient conduit à ce métier qu'il exerçait eny
apportant lemaximum
de vertus'^
compatibles avec le vol et le meurtre, car il avait,
. assure-t-on, «
un
penchantnaturelpourlébien » (1).Vertus humaines d'ordre, de méthode, de
modéra-tion, de générosité, de désintéressement, et mêihe vertus surnaturelles de religion que bien des hon-nêtes gens eussent
pu
envier à ce bandit.Tout d'abord, une rigoureuse exactitude :
quand
on partageaitle butin, il s'en adjugeait,comme
chef, la plusforte part et distribuait lereste à ses compa-gnons, en tenant registre écrit des quotités qui reve-naient à chacun. Siune dame
se trouvait dans la caravane attaquée, il veillait à lui éviter tout spec;tacle choquant etil l'exemptait
du
pillage.A
chacunil prenait selon ses