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Foudhayl eut comme disciple Moslim al Khawwàç,

Dans le document LINIVERSITY OF CHICAGO (Page 78-83)

qui fut le maître

du

si sympathique Bichr al Hâfî.

Ce dernier, Foudhayl le connut peut-être person-nellement. Al Hâfî lui aurait

demandé

ce qu'on devait priser le plus, le

zouhd

(ascétisme) ou la ridhâ (satisfaction de râîné) et Foudhayl aurait répondu : « Rien n'est au-dessus de la ridhâ » (3).

(1) Maikkî, qoût, I, 29.

Selon Dhahabî, Mâlik ihn Dînâr reprochaità Abân (+ 128 ou141) de fabriquer de faux îsnâds pour autoriser des dévotions ou pour donner pltis de poids aux sentences d'al Hasan al Baçrî. L. Massignon, Lexique, 101, 156, 191.

Soufyân al Tsawri, mort à Baçra en 161/777, avait fréquenté Ibrahim, ibn Adham ; il fut le maître d'Ibn 'Ouyayna et d'al Dârâni.

(2) 'Attâr, 75.

(3) Ibld... Ridhâ, c'est l'acceptation, la satisfaction, l'état de

grâce, la complaisance réciproque de l'âme et de Dieu ; c'est

une des <t stations » de la nomenclature çoufle élaborée à

partir de Dzoû'l Noûn al Miçrî. Ici la phrase oppose lagrâce |

divine, qui a l'initiative et la primauté, à l'effort de l'ascèse.

^

I

72 VIES DES SAINTS

MUSULMANS

Bichr, l'ancien ivrogne, qui eut

une

vie toute fran-ciscaine, sut profiter

du

conseil.

Peut-être Foudhayl connut-il aussi

Ahmad

ibn Hanbal, alors tout jeune.

Le

fondateur

du

rite

han-balite, dont les disciples furent par la suite si

hos-tiles,

aux

inystiques, fut, à Bagdad, en relations ami-cales avec plusieurs çoufis,

notamment

Bichr, sans être toujours doctrinalement d'accord avec eux. Il aurait entendu Foudhayl dire : « Quiconque recher-che la grandeur en ce

monde

obtientle mépris dans

l'autre », et aurait reçu de lui ce suprême conseil :

«

O Ahmad

I sois queue, ne sois pas tête ; n'aspire jamais àlagrandeur » (1).

Foudhayl, qui songeait à ses crimes, ne savait plus rire, vivait dans l'austérité et le mépris

du monde

et de lui-même. <

Quand mourra

Foudhayl,

disait Ibh al Moubarak, la tristesse disparaîtra >.

<

Deux

choses, disait Foudhayl, plongent le

cœur

,dans les ténèbres :

manger

trop et rester longtemps couché...

Deux

mauvaises choses proviennent de votre ignorance : vous riez trop, ce qui est

vrai-ment

aussi étrange en ce

monde

que ce le serait

de pleurer dans le paradis ; et vous donnez des conseils sans ,en accepter. > Et l'ancien bandit déclarait : « Si l'on m'olfrait le

monde

entier sans

même

que j'eusse à en rendre compte, je le regar-derais

comme

une charogne dont on écarte ses habits

quand on

passe près d'elle. Se laisser pren-dre à l'appât de ce

monde

est facile, s'en délivrer est une grosse affaire. > Et il disait à ses

compa-(1) «Attâr, 75. Ibn Hanbal (164/780 - 241/855), avait en tout cas en commun avec les mystiques la conception du Coran incréé, et fut persécutépourcela parrinquisitu>n mou'tazlllte.

gnons : <

Que

penseriez-vous d'un

homme

qui,

ayant des dattes dans sa manche, s'assoirait près des latrines et les

y

jetterait l'une après l'autre ?

Qu'il serait

un

fou.

Plus fou encore qui les jette

dans son ventre jusqu'à ce qu'il soit plein, car ces latrines-là sont remplies par celles-ci > (1).

L'ordre naturel des choses sensibles ne peut en

effet limiter l'esprit humain, qui,

même

s'y soumet-tant, le nie en

un

sens, pour l'achever.

L'Homme

des mystiques est

un microcosme

au centre des mondes, au confluent de l'évolution et de l'involu-tion, des courants de chute et de retour, au

nœud

des forces centripètes et, centrifuges qui composent

l'univers. Et c'est le saint qui est particulièrement chargé de témoigner de ce retour.

Pour

lui les biens de ce

monde

ne sont pas des biens en soi, ni la

récompense de vertus absolues,

mais

des dangers et des impedimenta ; etil contemple dans le

monde

le reflet inversé de l'autre. «

Quand

Dieu aime

un homme,

disait Foudhayl, il accroît ses afflictions ;

quand

il le hait, il accroît sa prospérité. •» Paradoxe

qui, en réalité, établit

une

harmonie. «

Quand

je désobéis à Dieu,^disait encore le fils d'Iyâdh, je

m'en rends compte sur-le-champ au caractère de

mon

âne » (2)..

Toute son austérité n'empêchait pas Foudhayl

d'être

humain

et aimable. Il pensait qu'être « poli et agréable à ses

compagnons

valait

mieux

que de

(1) Qouchayrl, 10 ; Ibn KhaUikân, H, 479 ; «Attâr, 76-77.

n

rougissait, dit al 'Artâr, d'aller si souvent aux latrines bien qu'il n'y allât que tous les trois jours.

(2) Ibn KhaUikân, II, 479 ; Qouchayrî, 10. « Quand quel-qu'un maudit une bête de somme, celle-ci dit aussitôt : Que

la malédiction retombe sur celui de nous deux quiestle plus infidèle à Dieu », dit Foudhayl. 'Attâr, 77.

74 VIES DES SAINTS MUSULMANIS

passer les nuits à prier et dejeûner tous les jours. » Ce que l'ancien brigand abhorrait surtout, c'était le pharisaïsme : « Les actes de dévotion accomplis pour plaire aux

hommes

sont

du

polythéisme ichirk) (1) ».

Il regardait avec lucidité et fermeté les grands de ce

monde

et n'en trouvait d'ailleurs, semble-t-il, pas beaucoup dont on pût dire qu'ils étaient, dans leur puissance et leur justice, l'ombre de Dieu sur la terre. C'était alors l'apogée

du

califat de

Bag-dad

; mais l'afflux des richesses avait

corrompu

l'élan de l'empire musulman.

Au

califat

oméyade

de.

Damas, fondé par Mo'awiya, aux dépens des 'Alides descendants

du

Prophète, avait succédé, au milieu

du

viir siècle, le califat 'abbasside de Bagdad. Ces 'Abbassides, issus d'un oncle tardivement converti de

Mohammed,

avaient profité de la décadence des Oméyades, parfois plus arabes que musulmans,

du

mécontentement causé par les persécutions contre les 'Alides (qu'eux-mêmes devaient combattre encore plus durement) et prislepouvoir avec Aboû'l 'Abbas justement

surnommé

le Sanguinaire, qui vainquit les Syriens avec l'aide des Persans et des Khorâssâ-niens. Al

Mançoûr

s'était installé à Bagdad, la Cité dePaix, devenue laplus magnifique ville

du

monde,

et avait collaboré, beaucoup plus étroitement que les

(1) Ibn Ehalllkân, U, 479.

Sur la question de l'amour et de la crainte, Foudhayl préconisait non point un moyen terme, mais une synthèse, unissant les deux éléments en un composé psychologique supérieurement efificace. Celui qui con-naît Dieu par la voie de Pamour seul, disait-il, meurt dans la familiarité naïve ; celui qui le connaît par la voie de la crainte seule est séparé de lui par l'appréhension ; celui qui le connaît p^r la voie de l'amour etla crainte. Dieu l'aime, le traite généreusement, s'approche de lui et lui fait comprendre. Yâfl»î, 205.

califes de Damas, avecles populations conquises. Al

Mahdi

avait ré^né dix ans avec l'autorité d'un émir des croyants, chef religieux et temporel de la

com-munauté

musulmane, et la

pompe

d'un

monarque

oriental héritier des Sassanides.

A

samort (168/784), sesdeuxjeunes fils Al Hâdî_et

Hâroûn

se disputèrent le pouvoir. Al

Hâdî

régna deux ans.Mais samère, la belle ancienae esclave Khaïzorân, écartée

du

pou-voir, préférait son cadet, Hâroûn, qui avait été jeté en prison.

Une

nuit d'automne 170/786, le jeune calife fut étouffé dans son lit et Hâroûn, qui s'atten-daitàmourir de strangulation ou d'un mauvais café, vit entrer dans son cachot

un

officier qui lesalua

du

titre d'amzr al

moûmimn.

Al Rachîd devait régner vingt-trois ans avec la gloire, légendaire que .l'on

sait, en s'appuyant sur la-famille persane des, Bar-makides,, l'habile Yahya, l'énergique Fadhel, l'élé-gant Ja'far,,vizirs tout-puissants jusqu'à leur écla-tante disgi'âce en 187/803. Entre temps, les/Alides avaient été copieusement massacrés en Arabie (1).

Malgré, l'incontestable grandeur, de la civilisation

musulmane

à,cette époque, beaucoup parmi les dé-vots et les .mystiques-

même

loyaux sujets, ne jugeaient pas tous7 ces événements édifiants (on devait

en

voir bien, d'autres par la SiUite); Ils consta-taient aussi que l'administration n'était pas toujours

un

modèle d'équité, que le luxe effréné de la cour

était

même

loin derespecter lesprohibitions corani-ques les plus élémentaires.

(l)Cf. Charles Diehl et Georges Marçais, Htstbtre au Moyen Age,t. III, Le monde oriental de 395 à 1081 ; 1936, chap. VIII.

Un survivant dujnassacre, des fAlides de. 170, Idrîs, se réfugia au Afaroc et y fonda.une.dynastie. .

-K - '-'

76 VIES DES SAINTS

UUSULHANS

Les récits des rencontres de

Hâroûn

al Rachîd et

de Foudhayl, assez

peu

vraisemblables, car nous ne savons

même

pas avec certitude si le fils d"Iyâdh séjourna à Bagdad, reflètent en tout cas cet état d'esprit. Soufyân ibn'Ouyayna (1) raconte qu'il se pr.ésenta

un

jour, aveclui et quelques autres, devant

Hâroûn

al Rachîd.

O

toi

au

begu visage.I dit Foudhayl à l'émir des croyants. Est-ce toi

l'homme

dont la

main

gou-vernelepeuple ?"En vérité,tu as prissurtes 'épaules

un

lourd fardeau.

Hâroûn

ayant fait distribuer des bourses à chacun des çoufis présents, Foudhayl refusa la sienne.

Si tu n'en veux pas pour toi, tu donneras

l'ar-gent aux pauvres, dit le calife ; mais Foudhayl

demanda

la permission de refuser.

Pourquoi as-turefusé dans ces conditions ? lui

reprocha Soufyân

quand

ils furent sortis

du

palais de la Porte d'Or.

— Comment

1 s'écria Foudhayl en saisissant son

ami

à la barbe. Toi le grand juriste de cette ville, toi que tous regardent

comme

une autorité,

com-ment

peux-tufaireune pareilleerreur de jugement ? Cet argenta-t-ilété légitimement acquis par cesgens

(le calife et ses ministres) pour que je puisse

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