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PARTIE 3 : MESURES TARIFAIRES AVEC IMPACT POSITIF SUR LE PRIX

IX. Rente nucléaire

536. Ces dix-huit derniers mois, le thème de la rente nucléaire, et, partant, de la contribution nucléaire y afférente, a fait couler beaucoup d’encre. Nous reviendrons à nouveau dans ce chapitre sur les éléments essentiels de ce dossier.

537. La CREG a reçu le 11 mars 2009 un courrier du Ministre du Climat et de l’Énergie de l’époque, lui demandant de réaliser une étude sur la structure des coûts de la production d'électricité provenant des centrales nucléaires en Belgique. Dans un deuxième temps, cette étude devait aussi estimer les « bénéfices issus de situations de monopole » que les producteurs réalisent sur leurs activités nucléaires.

538. La CREG avait achevé son étude 200 le 6 mai 2010. Elle en concluait que pour l’année 2007, la marge nucléaire pouvait être chiffrée entre 1,75 et 1,95 milliard d’euros, en fonction de la valeur retenue pour le coût de production. Pour approcher le prix de vente de l’énergie nucléaire, la CREG s’est appuyée sur la cotation moyenne au cours de l’année Y-1 sur le segment Power BE de la bourse d’électricité Endex pour une livraison d’électricité baseload utilisée au cours de l’année Y.

539. Les résultats de l’étude ont été attaqués par les producteurs, ce qui a nécessité l’organisation d’audiences 201 au sein de la Commission de l’économie du parlement avec des représentants de la CREG, de la Banque nationale de Belgique (BNB), d’Electrabel et de SPE.

540. A la demande du Premier ministre, il a été fait appel à la BNB pour arbitrer le débat. Il s’en est suivi la publication du rapport202 « La rente de rareté nucléaire belge » du 26 avril 2011. Toutefois, ce document qui n’a pas apporté les réponses définitives escomptées, présente par ailleurs un certain nombre de lacunes fondamentales dans les hypothèses de travail.

541. Le résultat des différents rapports et études a eu pour effet de réduire toute cette discussion à un débat à propos du prix de vente de l’énergie nucléaire. Dans son étude 968, la CREG a estimé ce prix de vente en fonction des prix du marché, c'est-à-dire,

200 Étude (F)20100506-CDC-968 à propos de la structure des coûts de la production d'électricité par les centrales nucléaires en Belgique, 6 mai 2010, 100p.

201 Audiences des 9 février et 4 mai 2011.

202 http://www.nbb.be/doc/ts/publications/creg/verslag.pdf

concrètement, sur la cotation moyenne au cours de l’année Y-1 sur le segment Power BE de la bourse d’électricité Endex pour une livraison d’électricité baseload utilisée au cours de l’année Y. D’autres acteurs dans ce débat s’appuient sur des prix de vente comptables (prix contractuels avec de gros clients industriels) qui, à la suite notamment de la politique commerciale, sont de nature très diverse (par exemple : tolling agreement, cogénération, ...).

542. Dans son étude (F)110609-CDC-1072 sur l’évaluation économique de l'énergie nucléaire et une proposition pour la contribution nucléaire du 9 juin 2011, la CREG détaille son hypothèse de travail. La CREG aborde la notion de bénéfice et de surbénéfice. Il y a surbénéfice ou rente lorsqu’une activité rapporte plus que ce qui est nécessaire pour assurer la continuité de cette activité. Dans un contexte économique normal, ce surbénéfice disparaîtrait au fil du temps, car des concurrents viendraient s’établir sur le marché.

543. Transposé à la situation de la production nucléaire belge, la CREG observe la présence de ce surbénéfice, en grande partie dans le chef de l’opérateur historique. Cette situation résulte de plusieurs facteurs, dont les amortissements accélérés, le passage d’un marché régulé à un marché libéralisé et le moratoire sur la construction de centrales nucléaires en Belgique. Le surbénéfice devient donc structurel et le fonctionnement du marché en Belgique n’est pas optimal.

544. La CREG démontre en outre qu’une approche de marché, basée sur les cotations sur la bourse de l’électricité, est l’estimation la plus appropriée du prix de vente de l’énergie nucléaire et, par conséquent, du (sur)bénéfice nucléaire. Il a été démontré que les producteurs d'électricité recherchent un hedging path linéaire lorsqu’ils couvrent dans le temps leur portefeuille de production. À cet égard, l’estimation la plus appropriée du prix de vente de l’énergie nucléaire est la moyenne des cotations au cours des années Y-1, Y-2, Y-3 sur le segment Power BE de la bourse de l’électricité Endex pour une livraison baseload durant l’année Y.

545. En partant de cette approche, d’un coût moyen de production de 22 EUR/MWh et d’une production nucléaire de 45 TWh, nous obtenons un bénéfice de 1,8 milliard d’euros en 2009 et de 1,7 milliard d’euros pour les années 2010 et 2011.

546. Il a enfin été souligné qu’une partie de ce bénéfice (la marge équitable) revient au producteur nucléaire et que le reste doit être considéré comme un surbénéfice (et que, dans pareil cas, il peut être, sous l’angle économique, prélevé par les pouvoirs publics). En ce qui

concerne la marge équitable, la CREG a proposé un montant indicatif de 10 EUR/MWh203, soit une somme de 450 millions d’euros pour 45 TWh.

547. Le 11 août 2011, la CREG a publié un complément d’étude, à nouveau à la demande du Ministre du Climat et de l’Énergie de l’époque, en réponse à un certain nombre de questions supplémentaires relatives à l’étude 1072. La CREG reconfirme son propos (étude

204 1078) et commente plus avant sa proposition de loi relative à une contribution de répartition majorée, soit 1,2 milliard d’euros pour les années 2011 et 2012, au lieu de 250 millions d’euros.

548. Enfin, le 16 juin 2011, la Présidente de la Commission de l’économie du Parlement fédéral a demandé à la CREG de préparer une analyse des différentes propositions de loi en la matière. La CREG a analysé les propositions de loi d’Ecolo/Groen!, du CD&V/CdH, de la N-VA, du sp.A et de la LDD et a formulé ses conclusions dans une nouvelle étude datée du 8 septembre 2011 (étude 205 1079).

549. En dépit de toutes ces études, la CREG constate que la contribution nucléaire pour 2011 ne s’élève à nouveau qu’à 250 millions d’euros. Pour 2012, un montant de 550 millions d’euros est proposé, avec en outre la mise à disposition au marché d’une partie de la production nucléaire au prix cost plus. Les éléments sous-tendant ce montant de 550 millions d’euros sont flous. La CREG souhaite dès lors pouvoir consulter les éléments qui sous-tendent la détermination de ce montant et leur justification.

550. Même si la CREG considère ces étapes comme encourageantes, elle estime aussi qu’elles sont insuffisantes. Elle rappelle à nouveau qu’une contribution de répartition de 1,2 milliard d’euros pour 2012 est une mesure nécessaire et qu’il faut tendre à l’avenir vers le principe consistant à ne laisser qu’une marge équitable au producteur ; ce n’est en effet que de la sorte que des règles du jeu équitables pourront être créées à propos du segment de production du marché belge de l'électricité.

203 Cf. § 103 dans l’étude 1072

204 Étude (F)110811-CDC-1078 compétant l’étude (F)110609-CDC-1072 sur l’évaluation économique de l'énergie nucléaire et une proposition pour la contribution nucléaire, du 11 août 2011, 61p.

205 Étude (F)110908-CDC-1079 concernant les propositions de loi concernant la taxe nucléaire du 8 septembre 2011, 60p, voir http://www.creg.info/pdf/Studies/F1079NL.pdf