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Renforcer l’accompagnement individuel des salariés ayant ouvert des droits à la pénibilité afin d’activer davantage le C2P pour financer des formations

Objectif 2 Faire de la prévention de l’usure professionnelle une composante

majeure de l’offre de service d'un système rénové de santé au travail

Les auditions réalisées par la mission ont confirmé la difficulté générale pour les entreprises à anticiper les phénomènes qui peuvent progressivement conduire employeurs et salariés à envisager le départ anticipé comme une solution « gagnant-gagnant », quand bien même elle se traduit par une perte de compétences pour l’entreprise et une perte d’opportunité ou de droits futurs pour les personnes. Mais comme toujours, toutes les entreprises ne sont pas à armes égales et ne sont pas confrontées aux mêmes problématiques, en fonction de leur taille et de leur secteur. Si la persistance d’une « préférence collective » pour les départs anticipés reste très visible dans les grands groupes — où elle satisfait à la fois aux logiques de « pilotage des RH par la masse salariale » côté directions et aux attentes des salariés (et de leurs représentants) — la situation apparaît beaucoup plus contrastée dans les entreprises de plus petite taille.

Ainsi les responsables RH d’entreprise de taille moyenne rencontrés grâce à l’ANDRH et à l’UIMM ont-ils souvent évoqué leurs enjeux de rétention de la main d’œuvre sur certaines populations expérimentées, détentrices de savoir-faire difficiles à identifier et à trouver sur le marché du travail. Mais aussi leur difficulté à agir sur les facteurs liés aux conditions de travail qui accroissent les risques de voir des salariés prématurément usés devenir inaptes. Lorsqu’elles existent116, les fonctions RH dans les entreprises

« ordinaires » se heurtent à la fois à des difficultés objectives pour « challenger » l’organisation du travail et les impératifs de performance, à l’absence de savoir-faire en interne pour analyser les situations de travail et mettre en place des aménagements, mais aussi très fréquemment à une faible volonté des échelons décisionnels de l’entreprise de mobiliser des moyens dans une optique de prévention.

Ces constats sont également corroborés par les retours d’expériences de terrain que l’Anact a partagé avec la mission. Le plus souvent, le vieillissement des collaborateurs et ses conséquences pour l’entreprise n’apparaissent pas d’emblée comme un sujet de préoccupation pour les décideurs, y compris pour les fonctions spécialisées en gestion des RH. Rares sont les entreprises — en dehors des grands groupes — qui se lancent d’elles-mêmes dans une analyse démographique de leurs données sociales pour repérer les activités ou services pour lesquels se posent des problématiques de conditions de travail. Selon les observations de l’Anact, les problématiques les plus fréquemment citées par les entreprises qui sont confrontées à des phénomènes d’usure professionnelle sont l’augmentation des restrictions d’aptitude et des inaptitudes, l’absentéisme, le turn-over mais aussi l’obsolescence des compétences, les difficultés de recrutement ou encore la démotivation.

Tous ces éléments soulignent que les entreprises, en particulier les PME, ont généralement besoin d’être accompagnées sur le plan méthodologique pour mettre en place des actions systémiques efficaces de

116 On rappellera que 50% des salariés français travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés, dans lesquelles les

politiques RH sont très diversement, et généralement peu développées. 70 % des entreprises de 20 à 49 salariés déclarent dans les enquêtes Bpifrance n’avoir stabilisé aucun process RH. De ce point de vue, comme le rappelle un expert de la DGEFP, les politiques publiques qui se fixent pour objectif d’améliorer l’employabilité des actifs (salariés ou demandeurs d’emploi) ne devraient pas faire l’économie d’une action conjointe sur l’employeur-abilité des entreprises : « Défaire l’amalgame

entreprise/employeur, c’est rappeler deux évidences : d’une part, la capacité d’employeur ne va pas naturellement de pair avec la qualité d’entrepreneur ; d’autre part, la « fonction » naturelle d’une entreprise n’est pas de créer de l’emploi. La capacité à créer et à gérer de l’emploi est le produit de fonctionnements que l’on doit comprendre si l’on veut savoir comment la développer ; elle est subordonnée à l’apparition de processus d’apprentissage organisationnel ». Duclos (L), 2019, « Employeurabilité : 3 questions à Laurent Duclos », La gazette DGEFP, n°6, septembre 2019

prévention du risque d’usure professionnelle. Un cadre de règles générales plus incitatif pour le maintien de l’activité (jouant par exemple sur l’âge ou la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein) ne permettra pas de faire l’économie de ressources de sensibilisation et d’accompagnement de proximité.

En d’autres termes, c’est tout un écosystème de conseil et d’appui, prioritairement dédié aux employeurs et aux salariés des TPE-PME qu’il faut consolider si l’on veut relever le défi du vieillissement au travail. La complexité réside dans le fait que les facteurs d’usure au travail sont multiples et en interaction. Ils renvoient aussi bien à la santé et aux risques professionnels qu’aux problématiques de parcours et aux pratiques de management qui peuvent encourager ou décourager l’engagement et de reconnaissance au travail. De ce fait, apporter des réponses adaptées aux entreprises nécessite de s’appuyer sur différentes expertises disciplinaires : celle de la médecine du travail, mais aussi celle de l’ergonome, de l’ingénieur en prévention ou du conseiller en évolution professionnelle. Or ce besoin de pluridisciplinarité n’a jusqu’à présent jamais trouvé de réponse adéquate dans l’organisation des acteurs institutionnels. Confrontées à une myriade d’intervenants spécialisés et rarement capables de se coordonner et d’articuler leurs expertises, les entreprises et les salariés risquent de se voir prescrire les « solutions » maîtrisées par l’intervenant à qui ils ont affaire davantage que les solutions efficaces117.

Du fait de leur maillage territorial, les services de santé au travail inter-entreprises constituent nécessairement une composante majeure de cet écosystème. Une réforme prochaine de la santé au travail, qui reste pour l’heure suspendue au résultat d’un éventuel accord interprofessionnel, pourrait permettre de faire évoluer sensiblement l’organisation et le pilotage du système, dans un sens a priori plus favorable à la pluridisciplinarité requise par les enjeux du vieillissement au travail.

Mais le décloisonnement va au-delà : au regard des expériences de terrain dont la mission a pu avoir connaissance, notamment celles pilotées dans le cadre d’un partenariat national entre l’Anact et la CNAM-TS, la clé de l’efficacité semble résider dans la capacité à mobiliser conjointement les opérateurs des champs connexes de l’emploi et de la santé au travail, en croisant une dimension territoriale de proximité (par ex. l’action sur un bassin d’emploi) et une dimension sectorielle (par ex. en mobilisant les fédérations professionnelles d’un secteur ou d’une branche donnée). Le renforcement des politiques sectorielles de prévention serait certainement de nature à renforcer l’efficacité de l’action publique. Sans attendre l’échéance lointaine d’une refonte structurelle du système de santé au travail, la mission formule des propositions qui s’inscrivent dans les opportunités immédiates ouvertes par le PLFSS 2020, ainsi que dans les orientations tracées par de nombreux et récents rapports sur la réforme de la santé au travail :

Un amendement à l’article 56 du PLFSS 2020 a prévu la mise en place expérimentale de plateformes départementales pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle. Placées auprès des caisses primaires d’assurance maladie, ces plateformes « peuvent le cas échéant associer d’autres acteurs intervenant dans le domaine de la prévention de la désinsertion professionnelle à leurs actions. Elles interviennent dès qu’un assuré en arrêts de travail fréquents ou prolongés est identifié comme exposé à un risque de désinsertion professionnelle par son employeur, un service

117 Ce type de constat a été fait de manière récurrente depuis des années par toute une série de rapports publics sur l’organisation

de la santé au travail, dont celui de la mission présidée par Mme Charlotte Lecocq, août 2018 (https://www.vie-publique.fr/en- bref/19980-sante-au-travail-et-prevention-des-risques-un-guichet-unique). Dans la pratique, les SSTI ayant adopté un fonctionnement réellement pluridisciplinaire semblent assez rares, ce qui tend à générer une « surmédicalisation » du traitement des problèmes rencontrées au travail.

social ou un professionnel de santé »118. L’expérimentation pourrait être l’opportunité de

concevoir et de tester, dans un partenariat inter-institutionnel élargi, des méthodes de détection anticipée des « signaux faibles » d’usure professionnelle, bien avant que le risque de désinsertion professionnelle ne soit avéré. Ces méthodes auraient ensuite vocation à être déployées et proposées dans le cadre de l’offre de service territoriale à destination des TPE-PME, reconfigurée dans le cadre de la réforme à venir.

Le rapport d’information de la mission sénatoriale sur la santé au travail remis en octobre 2019 par les sénateurs Artano et Gruny119 propose de nombreuses pistes d’évolutions

institutionnelles pouvant concourir à une prise en charge plus anticipée des problématiques de vieillissement au travail. Au regard des enjeux identifiés lors de nos auditions, nous soulignons en particulier l’intérêt de celles relatives à une montée en compétences des SST sur les risques organisationnels et psycho-sociaux, et le fait de pouvoir disposer d’un référentiel de certification des SST intégrant les capacités nécessaires à un traitement préventif des facteurs d’usure professionnelle120.

Dans la même perspective, et compte-tenu du contexte démographique de la médecine du travail, toute mesure visant à fluidifier les relations médecin du travail/médecin traitant/entreprise ne pourra que faciliter l’anticipation des adaptations nécessitées par la réduction progressive des capacités de travail avec l’âge. Le rapport Bérard-Oustric- Seiller de février 2019 a identifié toute une série de leviers opérationnels dont la mise en œuvre ne pourrait être que bénéfique de ce point de vue121.

118 Amendement n°1971 à l’article 56 du PLFSS 2020.

119Pour un service universel de santé au travail, Rapport d'information de M. Stéphane ARTANO et Mme Pascale GRUNY,

fait au nom de la commission des affaires sociales n° 10 (2019-2020) - 2 octobre 2019.

120 Dont on trouve les bases dans les expérimentations conduites par le réseau Anact-Aract et les Carsat entre 2015 et 2018 :

https://www.anact.fr/services-outils/outils/le-kit-lusure-professionnelle-comment-agir-pour-leviter

121 BERARD (JL), OUSTRIC (S.), SEILLER (S.), Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail », rapport

Proposition 3 :

Profiter de l'expérimentation des plateformes de prévention de la

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