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Mettre les enjeux du vieillissement au cœur des politiques de prévention et de santé au travail

L’EMPLOI DES TRAVAILLEURS EXPERIMENTES

Axe 1 Mettre les enjeux du vieillissement au cœur des politiques de prévention et de santé au travail

Prendre en charge le « bien vieillir au travail » sous l’angle de la santé constitue d’ores et déjà une problématique majeure pour les entreprises et pour les pouvoirs publics. Les effets combinés de la démographie naturelle et de l’évolution des règles de départ en retraite se traduisent en effet par un accroissement sensible de la proportion de travailleurs « âgés » dans la population active, quels que soient les critères que l’on adopte pour les définir.

Cette nouvelle réalité du vieillissement de la population peine encore à se refléter dans la conception de nos politiques publiques (Albouy, Lorenzi, Villemeur, 2019)102. La nécessité de s’y

adapter est même parfois contestée. L’augmentation du taux d’emploi dans la tranche 55-64 ans est parfois analysée comme la preuve que les comportements des entreprises et des salariés s’ajustent avant tout en fonction du recul de l’âge de départ en retraite à taux plein (« l’effet- horizon ») (Aubert, 2012)103.

Pourtant, de nombreux éléments concordants amènent à penser que les facteurs liés à la santé au travail des actifs au-delà de 62 ans pourraient réduire fortement l’impact quantitatif de l’effet horizon sur le taux d’emploi. C’est par exemple ce qu’anticipe l’un des groupes de protection sociale interrogés, qui a prévu de doubler ses provisions pour le risque d’inaptitude avec la mise en œuvre de la réforme Touraine (alors qu’elles avaient augmenté de 35% pour le passage à 62 ans). De fait, les états d’altération de la santé augmentent au fil de l’avancée en âge, et cette augmentation peut d’ores et déjà se lire dans les comptes des entreprises (par ex. coût de l’absentéisme104) et dans les comptes publics (par ex. indemnités journalières)105.

Les données produites au travers des grandes enquêtes (« Santé et Itinéraire Professionnel », enquêtes Emploi de l’Insee) confirment l’association existant entre un état de santé dégradé – en particulier les problèmes de santé induisant des limitations dans les activités quotidiennes – et le non-emploi ou la cessation précoce d’activité chez les personnes de plus de 50 ans. Facteur déterminant au regard du sujet des retraites, cette corrélation est particulièrement sujette à variation en fonction de la classe sociale et du sexe : elle est encore plus marquée chez les populations fragiles telles que les mères de famille aux revenus modestes et les hommes ouvriers âgés de plus de 50 ans (Barnay, Jussot, 2018)106. Selon les enquêtes de la

DREES sur les motifs de départ en retraite107, les non-cadres justifient plus souvent que les cadresleur

cessation d’activité par des problèmes de santé(42 % contre 24 %) et des conditions de travail difficiles(35 % contre 28 %).

102 Albouy (FX), Lorenzi (JH), Villemeur (A), 2019, L’erreur de Faust, Paris, Descartes et compagnie.

103 Aubert, P. (2012), « L’« effet horizon » : de quoi parle-t-on ? » Revue française des affaires sociales, 1(4), 41.

https://doi.org/10.3917/rfas.124.0041

104 Le taux d’absentéisme des salariés de plus de 56 ans est de 7,4%, contre 4 % pour les 31-40 ans. Source : baromètre de

l’absentéisme Ayming, 2019.

105 Les indemnités journalières au titre des arrêts maladies des personnes de plus de 60 ans représentent 7,7% des montants

indemnisés en 2016 contre 4,6% en 2010. Cf. rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale sur l’évolution des charges et produits de l’Assurance Maladie, juillet 2018, p.40

106 Barnay (T), Jussot (C.), 2018, Travail et santé, Paris, Presses de Sciences Po 107 DREES, 2019, Les retraités et les retraites, p. 245

Dans ce contexte, la mission s’est particulièrement intéressée aux enseignements opérationnels à retirer des nombreuses études montrant que le vieillissement est un processus progressif mais surtout conditionnel, qui s’opère de manière très différente en fonction des expériences vécues en matière de conditions de travail, de parcours professionnels, de cultures d’organisation : « la condition de vieux travailleur (qui) ne renvoie pas seulement à des caractéristiques personnelles, à l’âge en particulier. Le parcours professionnel, sa longueur, sa pénibilité mais aussi la façon dont le travail actuel tient compte ou non des spécificités d’un quinquagénaire – ou, a fortiori, sexagénaire – expérimenté, c’est tout cela qui entre en ligne de compte. Or si, du fait d’un environnement mal adapté on se sent « vieux travailleur », et perçu comme tel dans l’entreprise, on préférera accéder dès que possible au statut plus enviable de « jeune retraité » (Volkoff, Wolff, Molinié, 2017, p. 167)108.

Il ne fait pas de doute pour la mission que le soutien à l’activité des travailleurs âgés passe nécessairement par une action volontariste pour développer la qualité de vie au travail et maintenir en bonne santé tous les travailleurs, quelles que soient leurs caractéristiques (âge, sexe, trajectoire, niveau de qualification…). Cela suppose un renforcement des politiques et des moyens dédiés à la prévention de l’usure professionnelle109. En complément de mesures visant

à compenser les situations de travail pénibles — mesures individualisées en fonction des expositions au cours de la carrière — les démarches de prévention doivent viser une amélioration collective des conditions de travail, profitable à tous et notamment aux travailleurs vieillissants. Cela n’exclut pas de rechercher, en fonction de chaque situation de travail, des adaptations d’organisation plus ciblées pour les personnes présentant des limitations de capacité.

Alors que se profile une réforme systémique de la santé au travail, une meilleure prise en charge des problématiques de vieillissement passe par une dynamisation des démarches négociées de prévention (Objectif 1) et l’organisation d’un éco-système institutionnel capable d’aider les entreprises à trouver des solutions adaptées, qui mobilisent nécessairement des compétences pluri-disciplinaires (Objectif 2). Cet effort en faveur de la prévention dans la perspective du vieillissement actif doit également se traduire dans les budgets des institutions en charge de la santé au travail et des institutions de prévoyance, afin qu’elles puissent développer des offres de service adaptées pour accompagner les entreprises sur ce sujet complexe, en particulier les TPE- PME (Objectif 3).

108 Volkoff (S.), Wolff (L ;), Molinié (AF.), 2017, “Quelles conditions de travail au fil de l’âge dans un contexte d’allongement de la

vie de travail ? », p. 167 in Guillemard (AM), ed. Allongement de la vie. Quels défis ? Quelles politiques ? Paris, La Découverte, « Recherches », 2017, p. 153-169.

109 Au sens de l’Anact, l’usure professionnelle couvre tous les processus d’altération de la santé dépendant de la répétition et/ou

de la combinaison d’expositions de la personne à des contraintes du travail. Interviennent aussi dans ce processus – pour le ralentir, voire l’enrayer – les régulations individuelles et collectives que les travailleurs peuvent élaborer, pour se protéger et pour développer leur santé tout au long de leur parcours. Marion Gilles et Erfane Chouikha, « Prévenir l’usure professionnelle pour un maintien durable en emploi », Retraite et Société, n° 76, 01/2019.

Objectif 1 Améliorer les démarches négociées de prévention de l’usure à la

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