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Améliorer les démarches négociées de prévention de l’usure à la hauteur du défi de l'allongement de la vie professionnelle

L’EMPLOI DES TRAVAILLEURS EXPERIMENTES

Objectif 1 Améliorer les démarches négociées de prévention de l’usure à la hauteur du défi de l'allongement de la vie professionnelle

Les politiques de santé au travail des entreprises, et de manière plus générale le cadre français des politiques publiques en la matière, ont longtemps accordé une place prééminente à l’objectif de réparation des préjudices causés par les atteintes causées au travailleur. Si la visée de compensation a toute sa légitimité — et doit pouvoir s’étendre, en toute logique d’équité, à l’ensemble des actifs indépendamment de leur statut au travers d’un dispositif comme le C2P110

— l’articulation avec la logique de prévention et d’anticipation reste largement perfectible. L’horizon idéal en la matière serait, pour reprendre les termes de l’ancien directeur général de l’Anact, « une configuration organisationnelle dans laquelle l’employeur et toutes ses équipes ont intégré la conviction qu’une activité réalisée dans des conditions propices au développement de la santé dans toutes ses dimensions, est nécessairement propice à la performance globale » (Lanouzière, 2016)111.

A défaut de pouvoir être atteint, cet idéal ainsi formulé a le mérite de poser une exigence d’amélioration et de mise en discussion permanente, entre toutes les parties concernées, des conditions organisationnelles d’évitement maximal des situations de pénibilité. Un dialogue social et managérial actif, centré sur les conditions effectives d’un travail soutenable dans le temps, est à la base de toutes les méthodes efficaces de prévention de l’usure professionnelle. Les acquis scientifiques de l’ergonomie sont ici fondamentaux, qui identifient de longue date des difficultés particulièrement sensibles chez les travailleurs âgés, liées à quatre grandes catégories d’exigences : les postures pénibles, les horaires décalés, une pression temporelle élevée ou des changements rapides de technique et d’organisation (Molinié, 2003112 ; Mardon, Volkoff,

2011113).

C’est en se situant dans cette perspective que la mission s’est interrogée sur les évolutions à apporter au dispositif de prévention de la pénibilité afin qu’il réponde davantage aux enjeux de l’allongement de la vie professionnelles. Deux orientations majeures s’en dégagent :

1. Il s’agit d’une part de dynamiser un dialogue social de proximité sur les démarches de prévention primaire (centrées sur l’organisation du travail). Dans cette perspective, deux leviers pourraient être rapidement activés, indépendamment d’une révision éventuelle des critères et seuils de pénibilité définis en 2017 telle qu’envisagée par le gouvernement :

110 Dans le cadre de la réforme des retraites en cours de discussion, les pouvoirs publics ont prévu d’étendre le bénéfice du

compte personnel de prévention aux agents publics et salariés des régimes spéciaux et d’engager une concertation sur « l’aménagement du C2P en matière de seuils d’exposition aux facteurs de risque tel que le travail de nuit » (rapport Delevoye, juillet 2019). Des aménagements supplémentaires doivent faire l’objet d’un nouveau cycle de concertation avec les partenaires sociaux à partir de janvier 2020.

111 Lanouzière (H.), 2016, « Pénibilité versus prévention ? La délicate mais nécessaire articulation de deux concepts voués à

cohabiter ». Semaine sociale Lamy, n°1709, 8 février 2016.

112 Molinié, A.-F. (2003). Âge et conditions de travail dans l’Union européenne, Dublin, Fondation européenne pour l’amélioration

des conditions de vie et de travail, Dublin, 178 p.

www.eurofound.europa.eu/pubdocs/2002/106/fr/1/ef02106fr.pdf

113 Céline Mardon et Serge Volkoff, « Emploi des « seniors » et conditions de travail : une étude statistique comparative entre

Revoir à la baisse les conditions déclenchant l’obligation de négocier un accord (ou à défaut d’élaborer un plan d’action) de prévention de la pénibilité dans les entreprises d’au moins 50 salariés (art. L4162-1 et D.4162-1 : 25 % des salariés, exposés à un ou plusieurs facteurs au-delà des seuils réglementaires et indice de sinistralité supérieure à 0,25).

Traiter obligatoirement (et non plus de manière optionnelle) l’aménagement des fins de carrière et le maintien en activité des salariés exposés aux facteurs de risque dans les accords ou plans d’action (art. D4162-3).

2. Il s’agit également de faire en sorte que les salariés soient mieux informés et accompagnés pour faire usage des droits acquis au titre de la pénibilité dans une perspective de reconversion anticipée.

Au regard de notre lettre de mission, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le bon paramétrage du dispositif C2P, la pertinence des critères pris en compte ou non et le niveau de chaque seuil, s’agissant de mécanismes avant tout conçus pour faire partir plus tôt en retraite les salariés exposés à des situations pénibles.

Pour autant, nous soulignons que cette orientation initiale se retrouve dans les usages constatés, et que cela constitue un obstacle au développement d’une politique de reconversion anticipée : à ce jour, très peu de salariés se sont servis des points acquis au titre de la pénibilité pour se former et se reconvertir114.

Au regard des échanges qu’a pu avoir la mission, il est très probable que cette situation résulte notamment d’un déficit d’information sur le C2P et ses usages possibles, et plus encore de l’inexistence d’un accompagnement individualisé suffisamment précoce pour les salariés concernés. Alors que les opérateurs en charge du Conseil en Evolution Professionnelle « version 2 » pour les actifs occupés viennent d’être sélectionnés et déploient leur offre de service, leur cahier des charges115 reste

très vague sur l’aide spécifique qu’ils peuvent apporter aux salariés en situation de reconversion suite à des problématiques de pénibilité. La création d’une « file prioritaire d’accès au CEP » pour ces salariés pourrait être envisagée, assortie d’une offre d’accompagnement renforcée.

114Selon la Direction de la Sécurité sociale, seuls 2 072 salariés ont demandé, en 2018, la conversion de leurs points, dans 72 %

des cas pour partir plus tôt à la retraite, 24% pour passer à temps partiel et 4% pour se former (source : annexe « Retraites » du PLFSS 2020, p. 70). On rappellera que l’objectif fixé en 2017 au C2P était que 10 000 personnes puissent partir en retraite chaque année, cf. Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, 7 novembre 2017. http://www.assemblee- nationale.fr/15/rapports/r0369.asp

115 https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2019/3/29/MTRD1909505A/jo/texte : Arrêté du 29 mars 2019 fixant le cahier

Proposition 1 :

Indépendamment de la généralisation du C2P, dynamiser les démarches

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