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Renforcement de la flexibilité par la mobilité et l’activation du levier collectif Les groupes d’éleveurs appartenant à la même ethnie actionnent le levier collectif pour

Système transhumant

2. Les leviers d’actions pour accroitre la flexibilité des systèmes d’élevage :

2.8. Renforcement de la flexibilité par la mobilité et l’activation du levier collectif Les groupes d’éleveurs appartenant à la même ethnie actionnent le levier collectif pour

mettre en œuvre des stratégies agrofoncières pour maximiser l’usage des ressources alimentaires louées ou à accès libre. Ces groupes gèrent les risques liés à la concurrence sur les ressources fourragères situées en dehors des territoires communautaires selon le vieux dicton « l’union fait la force » ou le dicton local « Yad ouahda mat safag44 ». Cette stratégie collective permet de mutualiser les coûts entrainés par le transport des animaux sur les sites de transhumance.

La mobilité est pratiquée même en année où les conditions climatiques sont favorables. Elle représente un levier d’accumulation, de capitalisation et d’épargne rendant le système moins sensible aux fluctuations provenant de son environnement. Ce levier fait partie des stratégies qui permettent aux éleveurs de se doter d’un capital financier et d’accroitre ainsi la flexibilité de leurs systèmes et leurs capacités de choix et d’accès aux ressources. Ces mécanismes d’entraide ou d’ajustement face aux aléas climatiques, mais aussi économiques et politiques, basés essentiellement sur le bétail se sont également modifiés pour capter de nouvelles sources de revenus (Albergoni, 1990). Ces stratégies basées sur la mobilité ne constituent pas toujours une garantie pour accéder aux ressources alimentaires des animaux. Dans le contexte actuel de forte pression foncière qui s’est accrue ces dernières décennies, l’accès aux ressources a un prix de marché. En effet, l’accès à ces milieux, parfois qualifiés de « ressources clefs » (Hatfield et Davies, 2006) ou de « ressources stratégiques » ou encore de « filets de sécurité » (Pratt et Gwynne, 1977) est indispensable au fonctionnement des systèmes pastoraux qui, autrement, s’effondreraient.

181 3. Amélioration des capacités de choix des éleveurs passe par une dotation et une

combinaison de capitaux

3.1. Flexibilité induite par les capitaux et leur combinaison : le capital humain "maillon gagnant"

Dans les territoires steppiques, l’animal constitue un capital de nature fragile. Par ailleurs, le bétail constitue de fait le principal mode d’épargne et d’investissement. De ce fait, il est clair que le capital humain joue un rôle central dans les stratégies productives. Le capital

humain est constitué des compétences, des connaissances et de la capacité à travailler (Faye et al., 2001). Selon Sen (2000), les capacités d’un individu sont limitées par la faiblesse

des dotations en capital notamment humain. En effet, être réactif face à une opportunité de vente nécessite d’être doté de suffisamment de capital humain (main d’œuvre, état de santé, formation) (Benoît, 2004). Nos résultats mettent en évidence l’importance de ce capital humain dans le fonctionnement des systèmes d’élevage répertoriés. Le niveau des performances des exploitations agropastorales et pastorales est fonction de la qualité et de la quantité du capital humain. Comme rapporté par Segaier (2011), le capital humain est un facteur à la fois quantitatif et qualitatif (nombre de personnes disponibles pour le travail, compétences de ces personnes par rapport aux objectifs du groupe…). Mais, il est aussi important de prendre en charge les types d’instructions et de savoirs locaux existants (pharmacopée, pastoralisme et connaissances mystiques), souvent nécessaires dans les milieux incertains. La gestion rationnelle des systèmes agropastoraux signifie la maîtrise des différentes composantes du système à savoir, l'animal, la végétation, le climat, le sol et l'homme et surtout de comprendre la logique des interactions entre ces composantes (Neffati

et al., 2015). La façon dont ce capital est géré ou partagé est une garantie d’augmentation

visible ou non des moyens d’existence à court et long terme. Le berger est le principal déterminant du capital humain car c’est à lui qu’incombe la lourde tâche de la conduite journalière des animaux qui nécessite un important savoir-faire. En effet, le berger doit maitriser toutes les pratiques d’élevage (alimentation, reproduction, santé animale, abreuvement, maladies, soins traditionnels, etc… Faye (2009) explique que le métier du berger ne se limite pas seulement à la fonction du gardiennage car au-delà de la diversité des pratiques, l’éleveur est en mesure de connaitre la biographie de tous les animaux, le nom des plantes, la qualité et l’usage des parcours, les techniques d’abreuvement, les règles de reproduction, les stratégies de survie, les maladies et les soins traditionnels à apporter. Sans ces ressources, un berger aura beaucoup de difficultés à être recruter par les propriétaires de

182 troupeaux. Ces ressources représentent une stratégie permettant à l’éleveur d’accroitre le niveau de résistance de son système face aux perturbations de son environnement. Dans les systèmes d’élevage traditionnels, les performances résultent de la dotation et de la mobilisation d’un capital humain (Thiam, 2008). D’autres auteurs mettent en évidence le rôle incontournable du capital humain notamment dans le domaine de l’environnement. Benoît (2004) indique qu’une insuffisance des dotations en capital humain rend souvent illusoire la durabilité environnementale. En retour, les dégradations environnementales limitent l’accumulation de capital humain, contribuent à accroître les tensions sociales et empêchent de nouvelles dotations physiques et monétaires. Les notes élevées attribuées à cette ressource témoignent de la place importante dans les systèmes d’élevage agropastoraux et pastoraux. Elle est le maillon "gagnant"45 d’une chaine composée de plusieurs capitaux. Ce capital est combiné à tous les capitaux quelque soit le système d’élevage et/ou statut de l’éleveur. Cette étude a bien montré la diversité des combinaisons (via un système subjectif de notation allant de 1 à 5 pour l’importance et de 1 à 6 pour la classification) attribuée à chaque type de capital indépendamment de sa valeur absolue. La mise en œuvre des stratégies d’adaptation est étroitement liée aux différentes formes de combinaison des capitaux. Ces combinaisons basées sur la typologie46 des capitaux témoignent de situations contrastées. Elles permettent de ressortir les différents choix des acteurs et leurs perceptions vis-à-vis des capitaux. En même temps, elles renseignent sur la richesse des réponses élaborées par les éleveurs pour faire face au nouveau contexte de reproduction. Selon Caron (2008), le domaine de l’élevage permet de façonner une large gamme de choix, d’ouvrir des champs en anticipant. L’élevage assure différentes fonctions et ses produits se prêtent à une multiplicité de forme et de modes d’utilisation. Il peut privilégier telle ou telle fonction selon les conditions du moment et combiner de manière spécifique, à tout moment, une pluralité de fonctions assurées par le troupeau (Caron, 2004). Selon Sourisseau et al (2012), la mobilisation effective de combinaisons spécifiques de capitaux et sa traduction en forme de production autorisent la mise en œuvre de stratégies reposant sur le déploiement et l’articulation d’activités agricoles et non agricoles.

45 Durant notre travail , nous avons pu apprécier l’importance de ce capital. Pour cela, nous citons le cas d’un gros éleveur qui a possédé jusqu’à 5 troupeaux (300 brebis/troupeau). Aujourd’hui, le même éleveur ne possède que deux troupeaux. Le vieillissement des parents (père et mère) et la dislocation de la famille ont entrainé la perte d’une partie de son capital humain familial. Actuellement, cet éleveur a beaucoup de difficulté à maintenir ces deux troupeaux à cause de la rareté des bergers qualifiés adaptés à toutes les situations.

46 La typologie est un outil de simplification de la réalité qui permet d’accéder à un nombre fini de cas types représentatifs de la population étudiée (Mottet, 2005).

183 Cette étude a fourni les réponses nécessaires pour valider l’hypothèse de travail selon laquelle les stratégies des éleveurs sont fondées sur la combinaison des capitaux ce qui reflète bien la capacité des éleveurs ovins en milieu steppique à s’adapter à toutes les conditions de production. On a constaté d’une part, que les mêmes leviers sont actionnés par les éleveurs sédentaires, transhumants et même semi-transhumants et, d’autre part, des leviers spécifiques selon les objectifs et les moyens des éleveurs. Des différences existent en matière de choix des capitaux dans la formulation des stratégies. Tous les éleveurs cherchent à développer, à diversifier et à combiner différentes flexibilités qui leur permettent d’anticiper, de réagir ou d’atténuer le risque. Il ressort ainsi que les leviers actionnés par les éleveurs pour développer leurs flexibilités ne sont pas spécifiques à un mode d’élevage, ni même à un statut type d’éleveur.