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Structure du cheptel

Carte 3. Localisation de la zone d’étude (El-Guedid)

9. Typologie selon les grandes stratégies de production

10.2. Modes d’accès et type de production

L’examen de la relation entre les modalités d’accès et les activités des éleveurs révèle l’existence d’une tendance dominante (Tableau 22). En effet, les naisseurs-engraisseurs durant la période de l’Aïd El Adha recourent à trois modes d’accès pour assurer les ressources alimentaires à leurs troupeaux ovins : direct (ressources produites sur l’exploitation+achat d’aliments de bétail), direct+indirect hors territoire de la communauté et achat d’aliments de bétail et indirect qui correspond à des ressources localisées en dehors du territoire de la communauté (Figure 37). Cette indication confirme les résultats relatifs aux déficits fourragers enregistrés en matière de disponibilités alimentaires locales durant les deux dernières décennies. En effet, la conduite alimentaire des animaux est en majorité basée sur les ressources fourragères en dehors du territoire de la communauté. La location des ressources cultivées et de végétations spontanées ainsi que le recours aux approvisionnements sur les marchés des aliments de bétail sont les principales alternatives qui leur permettent de couvrir les besoins alimentaires des animaux. Néanmoins, l’accès à ces ressources alimentaires est soumis à des règles dictées par les évolutions socioéconomiques et territoriales des espaces steppiques.

113 Contrairement aux apparences, toutes les ressources alimentaires (parcours et cultivées) dans les communautés agropastorales et pastorales sont sous des systèmes à « accès surveillé ». En dépit des différences qui existent en matière d’accès, tous les acteurs recourent à plusieurs leviers liés aux règles d’accès aux ressources alimentaires quelle que soit l’activité pratiquée (Tableau 21).

Figure 37: Modes d’accès aux ressources fourragères utilisés par les naisseurs-engraisseurs pour les fêtes religieuses

Légende : DA : Direct (parcours et surfaces cultivées individuels) + achat d’aliments de bétail ; DILA : Direct (parcours et surfaces cultivées individuels) + Indirect par le recours à des locations sur le territoire de la communauté (parcours, jachères, plantations pastorales et ressources cultivées )+ achat d’aliments de bétail ; DIEA : Direct (parcours et surfaces cultivées individuels) + Indirect par le recours à des locations hors territoire de la communauté (parcours, jachères individuels+ressources cultivées + achat d’aliments de bétail ; IA : Indirect (parcours, jachères, chaumes, céréales sinistrées, etc. en dehors du territoire de la communauté) + achat d’aliments de bétail.

33.72%

37.21%

13.95% 15.12%

0.00%

5.00%

10.00%

15.00%

20.00%

25.00%

30.00%

35.00%

40.00%

DA DIEA DILA IA

114 Tableau 21: Relation entre modes d’accès et pratiques d’engraissement des éleveurs

Modes d'accès aux ressources alimentaires et parcours

Engraisseurs purs

Naisseurs Naisseur_Engraisseurs Naisseur_Engraisseurs -Religieux

Accès direct (parcours et

surfaces cultivées individuels) + achat d’aliments de bétail

1,16 9,30 5,81 17,44

Accès direct (parcours et

surfaces cultivées individuels) + accès indirect par le recours à des locations hors territoire de la communauté (parcours,

jachères, plantations

pastorales et ressources

cultivées : chaumes, céréales sinistrées : territoire de la

communauté) + achat

d’aliments de bétail

4,65 9,30 3,49 19,77

Accès direct (parcours et

surfaces cultivées individuels) + accès indirect par le recours à des locations dans le territoire de la communauté

(parcours, jachères,

plantations pastorales et

ressources cultivées :

chaumes, céréales sinistrées :

en dehors du territoire

communautaire)+ achat

d’aliments de bétail

1,16 9,30 2,33 1,16

Accès indirect (parcours, jachères, chaumes, céréales sinistrées, etc. hors territoire de la communauté) + achat d’aliments de bétail

1,16 2,33 1,16 10,47

Total 8,14 30,23 12,79 48,84

115 10.3. Les règles d’accès aux ressources alimentaires et parcours

Les règles coutumières d’accès ont changé d’échelle et évoluent en fonction du temps et de l’espace. La famille a remplacé la "Djamaa"27. La diminution des ressources naturelles induite par une forte dégradation des parcours a changé la donne. En effet, les règles d’accès aux ressources alimentaires naturelles et cultivées ne sont plus gratuites. Elles reposent sur trois principes : la réciprocité, le partenariat et le payement direct.

L’emploi des outils participatifs (ligne du temps et profil historique) ont permis de mettre en évidence que les règles d’accès ne sont pas figées et changent en fonction du contexte lié particulièrement aux conditions climatiques /aléas météorologiques et des relations sociales et économiques. Ainsi, on a pu distinguer plusieurs règles d’accès :

Les règles coutumières basées sur les relations familiales et intrafamiliales qui sont de plus en plus fragiles. L’accès est strictement réservé aux membres de la famille élargie. Cependant, la raréfaction des ressources fourragères spontanées et les conditions climatiques imprévisibles ont changé la donne. Si dans le passé, l’accès aux parcours naturels était libre, aujourd’hui cette option est rarement observable à l’échelle du site d’étude. En effet, trois règles sont identifiées.

 La première est basée sur des règles négociées et de réciprocité ; les deux parties échangent leurs superficies cultivées. Le morcellement de l’espace steppique et les effets des héritages se sont traduits par l’éloignement des parcelles cultivées par rapport au siège de l’exploitation. La concurrence qui tend à se développer entre les membres de la famille, sur les ressources cultivées, a tendance à monétariser l’accès aux ressources alimentaires cultivées entre les membres de la famille et de la communauté.

 L’accès aux pâturages naturels et cultivés concerne un ensemble d’échanges économiques et de partenariat qui portent essentiellement sur le troupeau. En effet, le confiage des animaux permet l’accès aux pâturages. Le propriétaire foncier accorde l’autorisation d’accès à ses ressources alimentaires à condition que le propriétaire du troupeau prenne en confiage ses animaux. En général, la durée de confiage des animaux oscille entre un mois et un an.

27La Djamaa composée par les sages de la tribu avait le plein pouvoir quant à la gestion des parcours. Tous les membres de la tribu respectés cette autorité sociale. En fait, c’est l’une des raisons qui a permis de maintenir l’équilibre du système social et du système écologique.

116  La dernière règle d’accès est basée sur l’association agrofoncière entre deux membres de la famille ou de la même communauté. En général, le propriétaire terrien ne possède pas d’animaux. Par ce partenariat dit agrofoncière, le propriétaire de troupeau assure une certaine sécurisation alimentaire particulièrement sous forme d’orge en vert et chaumes. En contre partie, le propriétaire foncier reçoit une compensation sous-forme monétaire après une évaluation financière des productions fourragères, car l’orge est utilisée sous plusieurs formes notamment en orge en vert, grain et résidus de culture (chaumes).

 Les règles d’accès établies entre les ayants droits de la même fraction ne diffèrent pas de celles adoptées par les membres de la famille28 mais à une échelle communautaire. Néanmoins, l’analyse des informations issues des discussions et des entretiens individuels montre que certaines règles coutumières ont tendance à disparaitre notamment celles liées aux règles de voisinage. En effet, le voisin était jadis prioritaire quant à l’accès aux pâturages. L’émergence des cultures et l’augmentation des prix des locations des parcelles d’orge en vert, chaumes et céréales sinistrées, a développé une forte spéculation sur ces ressources alimentaires cultivées. Elles sont considérées à présent par les éleveurs de la steppe comme des ressources clés. Aujourd’hui, le voisin n’est plus prioritaire et même un membre de la famille. C’est plutôt le prix de la location qui autorise l’accès aux ressources agropastorales. Cette nouvelle règle d’accès a malheureusement encouragé les absentéistes à défricher les parcours et contribuer ainsi à accentuer la dégradation du milieu biophysique qui engendre à termes des perturbations et des incertitudes pour les élevages et l’environnement.

Pour ce qui de l’accès aux ressources alimentaires et parcours en dehors des territoires communautaire, plusieurs règles ont été identifiées mais elles sont toutes basées sur une forte concurrence entre les éleveurs notamment transhumants. Hormis l’accès libre sur les parcours présahariens et steppiques tels que ceux situés au Sud-Ouest (El-Bayad, Naâma, Saida, etc.), l’accès aux autres ressources alimentaires est payant. Toutefois, les éleveurs transhumants déclarent que ces espaces sont aussi devenus problématiques à cause des politiques agricoles et rurales qui encouragent le développement de la mise en culture des parcours naturels. Les règles d’accès axées sur le payement sont fonction de la nature de la ressource :

117  Les plantations pastorales et mises en défens : l’accès est conditionné par une redevance et concerne tous les éleveurs et ce quelle que soit l’origine de la communauté. Néanmoins, les entretiens réalisés avec des personnes clés et agents de développement de l’institution chargée de ce type d’opération de réhabilitation des parcours dégradés ont mis en évidence que ces périmètres aménagés sont principalement exploités par les éleveurs de Djelfa29.

 Les chaumes et céréales sinistrées : ces ressources alimentaires sont très convoitées par les éleveurs. Ils doivent cependant payer cher l’accès à cette alimentation à cause des conditions imposées par les bergers qui refusent de se déplacer sur les zones céréalières telliennes. Devant ce contexte d’incertitude, les propriétaires des gros troupeaux n’hésitent pas à offrir des prix très élevés pour pouvoir accéder à ces ressources alimentaires clés durant la période estivale. Sur les zones telliennes céréalières, les règles d’accès aux chaumes sont également payantes mais elles relèvent de transactions qui mêlent relations de confiance et échanges économiques non spéculatifs ;

 Les jachères : l’accès à ce type de ressources est essentiellement payant et concerne particulièrement les éleveurs semi-transhumants et transhumants. Cependant, on a identifié des règles d’accès basées sur les relations de confiage d’animaux. Pour accéder aux jachères, le propriétaire du troupeau prend en charge le cheptel de petite taille oscillant entre 20 et 50 têtes appartenant aux propriétaires terriens.

Ainsi, la céréaliculture est devenue une culture de rente sur les territoires steppiques. Cette tendance a induit des changements dans les règles d’accès aux ressources alimentaires des animaux. Les règles coutumières d’accès continuent à résister face à cette transformation des relations socio-économiques et territoriales, mais la tendance va vers des règles marchandes avec des accès payants.

29 Les éleveurs de Djelfa entretiennent de bonnes relations avec les autorités locales autorisant l’accès à cette ressource. Ces