• Aucun résultat trouvé

Structure du cheptel

2.1. Les approches systémiques et autres

Pour mener des études sur notre objet de recherche, une démarche systémique14 a été adoptée afin d’apprécier les jeux d’interactions entre les éléments des systèmes d’élevage. Selon Brossier (1987), Brossier et al. (1990), l’approche systémique est une approche qui se veut plus synthétique que celle analytique qui reconnaît les propriétés d’interaction dynamique entre les éléments d’un ensemble, lui conférant un caractère de totalité. En effet, la théorie des systèmes pose les bases d’une pensée de l’organisation. La première pertinence de la systémique est que « le tout est plus que la somme des parties ». Cela signifie qu’il existe des qualités émergentes, c'est-à-dire qui naissent de l’organisation d’un tout et qui peuvent rétroagir sur les parties. Toutefois, le tout est également moins que la somme des parties car

celles-ci peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l’organisation de l’ensemble (Morin, 2000). Des études analytiques spécifiques (Huguenin, 2008) pour relever les

causalités particulières, notamment sur les aspects qui concernent les règles d’accès aux ressources fourragères ont également été mobilisées.

Pour tenir compte de l’apport systémique et analytique dans un processus de construction de la connaissance, la démarche constructiviste a été adoptée. Elle a pour objectif de produire des connaissances actionnables. En effet, le constructivisme reconnaît la pertinence des disciplines "appliquées" comme l'ingénierie et le management (Le Moigne, 1994). Granger et Balent (1994) considèrent que la diversité et la complexité des unités de production familiale d’élevage en font un objet d’étude adapté à une approche systémique. La démarche constructiviste se caractérise par des composantes structurelles (surfaces des parcours accessibles, taille du cheptel…) et des éléments constitutifs (le sol, la végétation, le bétail et l’homme qui ont des aspects fonctionnels ; flux et interactions entre eux)15.

Par un double regard sur les savoirs locaux et les savoirs scientifiques paradigmatiques (relevant d’une matrice disciplinaire (Kuhn, 1963), nous avons tenté d’atteindre des règles dont certains caractères pouvaient être invariants. Ainsi, la prise en compte de théories (locale et scientifique) a précédé l'observation comme le recommande Chalmers (1991). Observation qui a été elle-même guidée par un questionnement co-construit (Figure 1).

14 Le système fait référence à un assemblage d’éléments fonctionnant de manière unitaire et en interaction permanente. En grec sustêma signifie ensemble. Ce mot provient du verbe synistanai (grec) qui veut dire combiner, établir, rassembler.

39

Systèmes d’élevage

Figure 1: Interconnections des recherches appliquées pour les systèmes de productions agraires d’après Thierry Doré (2001)

Les discussions, les entretiens, les enquêtes et les suivis ont été des moyens privilégiés pour comprendre et apprécier les décisions de l’exploitant, qui tout au long des saisons, structure le fonctionnement de son élevage (Gibon, 1981), niveau où se décident et se coordonnent les pratiques suivant des conditions biophysiques et socio - organisationnelles.

2.2. Transdisciplinarité

La transdisciplinarité est une posture scientifique et intellectuelle qui se situe à la fois entre, à travers et au-delà de toute discipline, même si le centre de gravité se situe en agronomie. Déjà, dans ce champ disciplinaire, nous pouvons décliner l’agronomie des faits et l’agronomie des actes16 car la transdisciplinarité est aussi à considérer comme un processus d’intégration et de dépassement des disciplines qui a pour objectif la compréhension de la complexité du monde moderne et présent, ce qui constitue en soi une étape importante de légitimité (Morin, 1981). Elle est considérée comme une forme d’attitude, ce qui peut sembler cohérent pour faire progresser une « recherche impliquée ». Ces passages de frontières ont permis de construire notre réflexion, stratégie et base de connaissances dans un cadre de repères ; cadre de repères et de compétences initiales qui s’inscrivent dans l’agronomie et plus particulièrement dans l’agropastoralisme.

40 2.3. Recours aux Sciences humaines

Le recours aux sciences humaines s’est faite en reprenant les démarche du GERDAL17 pour montrer l’importance du « sens » à travers les pratiques des paysans, cultivateurs, éleveurs (Darré, 1996 ; Darré, 1997 ; Darré et al., 2004).

Les résultats de recherches ne peuvent trouver une orientation qu’en s’instruisant dans les flux de connaissance locaux. Nous avons donc tenté de prendre en compte des modalités de diffusions du savoir dans le développement agricole et notamment à travers les réseaux du secteur de l’élevage en steppe (Darré, 1996 ; Lemery, 1995 ; Lemery, 2003 ; Remy et al., 2006). En plus, les recherches réalisées en matière d’innovation en milieu rural ont aussi permis de discerner certaines dynamiques de savoirs en émergence (Chauveau et al., 1993 ; Alter, 2000 ; Akrich, 2002 ; Callon, 2003 ; Huguenin, 2006). Ainsi, les porteurs d’enjeux de cette étude se trouvent dans une « plateforme » en recherche de complémentarités entre le rural et l’urbain avec les incidences politiques, commerciales, administratives… Ils ont pour finalité d’éviter des dérives non réversibles sur le plan territorial et sur le plan sociétal, avec chacun leur priorité suivant leurs perceptions entre la nature, le rural et l’urbanisation (Jollivet, 2001). En effet, ce « projet d’études actions » conduit en « recherche impliquée » nécessite non seulement une « rationalité scientifique et technique » et la « rationalité paysanne », mais aussi des systèmes de savoirs et de sens qui se confrontent. Au carrefour de ces savoirs, rationalités et perceptions, nous nous sommes trouvés dans une position stratégique ; position qui s’est transformée en rôle de médiateurs, traducteurs d’un langage à l’autre (Lavigne Delville, 1990). Cela a amené à développer une posture « d’empathie-constructive » au sens des travaux sociologiques anglo-saxons dit du « Care » (Tronto, 1987) pour saisir les savoirs très divers empiriques et les traduire dans un fonds culturel commun. En effet, les savoirs locaux s’appréhendent également par l’analyse des perceptions et ressentis des éleveurs à partir d’entretiens, enquêtes, ateliers avec des méthodes permettant de décrypter les discours. Les méthodes d’Évaluation Rurale Participative (ERP) permettent les approches communautaires et la pensée émancipatoire.

Pour tenir également compte des concepts et des techniques adaptés aux sciences économiques, psychologiques et anthropologiques, le travail a été basé sur les méthodes relevant des « Systèmes d’Analyse sociale » (SAS) (Chevalier et Buckles, 2009). Cette posture se révèle cruciale à notre époque où l’on se targue d’évoluer dans une « société du savoir ». Certains courants scientifiques, qui tout en souhaitant des « sociétés axées sur le

41 savoir », ont tendance à ignorer les traditions séculaires. Traditions/Savoirs qui ont pourtant façonné le développement et le partage des connaissances.

Les Systèmes d’analyse sociale portent sur la quête d’un « savoir vivant ». Ces Systèmes renferment des outils conceptuels et pratiques pertinents ; ils ont permis d’identifier de riches savoirs issus des communautés pastorales et agropastorales. Les SAS favorisent l’« ancrage social» et la « médiation » par une construction de sens qui vient conclure un processus de réflexion mené habilement grâce aux efforts de toutes les parties concernées. L’analyse et l’interprétation revêtent alors un caractère beaucoup plus fort et équitable.

Ces analyses ont permis d’apprécier l’intérêt de mener des recherches pour le développement en collaboration avec des éleveurs et autres acteurs du secteur de l’élevage ainsi que des territoires ruraux. Les SAS peuvent aussi aider à considérer les communautés autrement que par le seul aspect géographique ou simplement entant que « communautés d’intérêts », en s’attachant à une définition beaucoup plus large et nuancée de la vie communautaire. Elles démontrent comment mieux comprendre la complexité des traditions communautaires, là où les nombreux liens qui existent entre la parenté, la culture et les activités de subsistance s’adaptent à des conditions de vie particulières et à des contextes sociaux plus englobant.