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Système transhumant

2. Les leviers d’actions pour accroitre la flexibilité des systèmes d’élevage :

2.5. Flexibilités induites par les performances du cheptel : reproduction et robustesse des brebis

La capacité des systèmes d’élevage à s’adapter à des contextes changeants et difficiles dépend non seulement des décisions et des actions des éleveurs mais également des réponses propres aux animaux et à leurs potentiels adaptatifs (Blanc et al., 2008). Ce potentiel animal constitue une opportunité stratégique qui contribue à l’amélioration de la flexibilité des éleveurs. Cette aptitude des animaux élevés sur les territoires steppiques permet de réduire les

175 risques qui pèsent sur les systèmes d’élevage. Pour maintenir leur système d’élevage et éviter la décapitalisation, les éleveurs misent beaucoup sur la résistance des brebis (caractère robuste) et leur potentiel de reproduction. C’est pourquoi, dans leurs stratégies de sélection des animaux, leur objectif est d’assurer le renouvellement de ces caractéristiques d’adaptation des femelles (robustesse et reproduction). Cependant, Moulin (2000) rapporte que le critère majeur de tri des animaux pour la réforme n’est plus l’aptitude à la reproduction, mais l’aptitude à survivre face aux contraintes du milieu. Se baser sur un seul critère semble incompatible pour maintenir des systèmes d’élevage dans un contexte changeant et soumis aux incertitudes. La capacité d’adaptation des systèmes d’élevage dans notre zone d’étude repose beaucoup plus sur l’organisation de la reproduction visant à contrôler très strictement les opportunités de reproduction car l’élevage continue à jouer un rôle majeur d’épargne pour les investissements et d’assurance pour faire face aux accidents de la vie. Le même constat est établit par Alary et al (2012) pour la société Bédouine en Egypte. Selon cet auteur, le troupeau continue d’assumer les fonctions d’épargne de précaution, d’épargne à long terme et d’assurance de la famille, que ce soit pour l’investissement dans une petite entreprise ou pour épargner les revenus des autres activités agricoles et faire face aux besoins courants (achat d’aliment, santé, éducation), mais aussi aux besoins urgents ou exceptionnels (maladie, accident, mariage, etc.) ».

Pour faire face aux exigences d’un contexte d’incertitudes, le choix d’un rythme de reproduction élevé du type « trois agnelages en deux ans » est l’objectif de nombreux éleveurs de la steppe. Ce rythme de mise bas accéléré ne peut être atteint par toutes les brebis du troupeau. Les éleveurs de la zone d’étude se contentent en général d’un pourcentage oscillant entre 30 et 50 % des brebis reproductrices. Cette stratégie de redoublement des mises bas permet d’accroitre la flexibilité notamment monétaire et d’épargne de précaution sous forme naturelle (animaux vivants). Ce type de flexibilité augmente la capacité de choix des éleveurs pour éviter, atténuer, contourner et réagir aux risques. Benoît et al (1999) mettent en évidence l’importance des revenus des éleveurs qui dépendent fortement du niveau de productivité numérique (nombre d’agneaux produits/brebis/an) et du niveau d’utilisation des aliments concentrés. La productivité numérique est un facteur clé de la marge brute dégagée par brebis, elle-même facteur déterminant du revenu. Afin d’atteindre cet objectif, les éleveurs n’hésitent pas à recourir à des techniques de reproduction modernes (synchronisation des chaleurs + traitement hormonal) pour obtenir une haute productivité numérique du troupeau. Par ailleurs, cette innovation offre une autre opportunité qui consiste à avancer les mises bas

176 pour avoir des agneaux précoces et ce pour répondre aux attentes de la filière pour ce type de produit (agneaux nommées El-Bakri). Selon Lémery et al (2008), ce type d’innovation confère aux élevages de nouvelles caractéristiques leur permettant de répondre efficacement à des changements de contexte de production et de la demande. Le raisonnement de ces éleveurs est guidé par le souci d’opérer des choix qui n’engagent pas le système en profondeur mais permettent de répondre aux aléas, c'est-à-dire de saisir les opportunités des innovations. Restés passifs face à l’introduction de cette innovation durant les années 1990, les éleveurs ont vite changé d’attitude vis-à-vis de cette technologie de reproduction (Kanoun

et al., 2013). Comme le souligne Benoît (2004), innover, c’est prendre un risque pour les

éleveurs notamment dans les systèmes traditionnels. Alary et El-Mourid (2007) ont signalé la difficulté à faire passer ces innovations au stade de progrès et de changements techniques dans les exploitations des zones arides. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas ; l’attitude des éleveurs a évolué et considèrent cette innovation comme une opportunité importante à saisir pour augmenter la taille de leurs troupeaux (Kanoun et al., 2014). Cette opportunité est essentiellement utilisée comme une stratégie de reproduction pour augmenter la taille de la

structure principalement par accroissement interne (sans achat). Selon Prache et al (2013), la

productivité numérique (nombre d’agneaux/brebis/an) est la résultante de 3 éléments : le taux de mises bas (nombre de mises bas/brebis/an), la prolificité (nombre d’agneaux nés/brebis/mise bas) et le taux de mortalité des agneaux. Il semble que pour ces éleveurs, la référence à la tradition est centrale. En effet, ces éleveurs revendiquent la pertinence d’une logique d’agrandissement (augmentation de la taille des effectifs du troupeau) et semblent même considérer que cette logique est, à long terme, celle qui permettra aux éleveurs « de s’en sortir » (Lémery et al., 2008). La conversion de cette stratégie d’agrandissement en capitaux notamment monétaires ou financiers, physiques et naturels permet aux éleveurs d’accroitre leurs capacités de choix et d’accès aux ressources. En effet, les éleveurs sont conscients que la première condition est donc d’assurer un accès aux ressources, biens et services, qui sont nécessaires pour fonctionner. Sen (2000) explique que l’insuffisance des dotations en capital (physique, financier, social et humain) constitue un frein à toute action visant à réduire les effets des changements climatiques. En effet, dans un contexte à risques,

les dotations en capitaux financiers, physiques, humains et sociaux constituent un facteur important de bien-être : accès aux ressources, possibilités d’investissements et capacité de convertir ces dotations en fonctionnements. Selon Gondard-Delcroix et Rousseau (2004), la capacité des individus à pouvoir choisir des fonctionnements particuliers dépend non

177 seulement des dotations de l’individu, mais aussi de sa capacité à convertir ses dotations en fonctionnements réalisables (capabilités).

Le bétail constitue de fait un des principaux modes d’épargne et d’investissement dans les activités agricoles (Duteurtre et al., 2009). Les opportunités permettent l’émergence de capacités de choix, qui sont aussi des capacités à faire face au risque (Benoît, 2004). Cependant, l’analyse de ces rythmes montre que la reproduction n’est effective que lorsqu’il y a coïncidence entre un état corporel suffisant et des conditions nutritionnelles favorables (Ezanno et al., 2003). Pour atteindre les objectifs de cette stratégie, les résultats ont montré que les éleveurs recourent à une autre pratique d’élevage qui consiste à prendre en compte l’état physiologique des animaux et le recours à des aliments composés ( Kanoun et al., 2014).

2.6. Flexibilité par les pratiques d’élevage : Allotement, une stratégie alimentaire à double