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Le point de rencontre entre stratégie d’une firme et vision intégrée du tissu

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE

1. L’ANALYSE SECTORIELLE ENTRE ECONOMIE INDUSTRIELLE ET

1.3. Le point de rencontre entre stratégie d’une firme et vision intégrée du tissu

La solution du débat entre une vision typiquement sectorielle, agrégée et une vision centrée sur la firme en tant qu’entité individuelle peut être repérée dans certains outils d’analyse du tissu industriel, tels que les groupes d’entreprises12, caractérisés par des comportements communs (en termes de dimension, mode d’exercice de la propriété ou du contrôle, structures de gestion, structures organisationnelles, stratégies et outils pour le

12 Plusieurs définitions renvoient au concept de « groupes d’entreprises ». Ces définitions, capables de

rendre opérationnel le paradigme SCR dans son acception la plus dynamique, ont été proposées comme alternatives au concept de secteur, duquel elles se différencient par l’ambition d’être à la fois discriminantes et englobantes. Pour ce faire elles ont recours à un nombre de plus en plus élevé de variables. Parmi les autres définitions données dans le contexte de l’environnement concurrentiel primaire, on rappelle les suivantes : les « districts industriels » qui groupent les firmes sur la base de leur localisation géographique, les « constellations », qui identifient les entreprises homogènes du point de vue technologique-environnemental et le business, identifié par l’interaction des trois forces concurrentielles : clients, fonctions, technologies.

Le concept de district industriel (Becattini, 1979) relève du critère de l’interdépendance entre les acteurs. Le point en commun des firmes d’un district donné est l’homogénéité culturelle, de connaissances techniques, et une spécialisation productive traditionnelle. La proximité géographique caractérise aussi les firmes d’un même district. L’activité menée, par contre, peut concerner des stades divers du processus productif.

Les constellations de firmes ont été définies comme des systèmes d’entreprises liées entre elles dans un cycle de production (Lorenzoni, 1990). En ce cas aussi c’est le critère de l’interdépendance qui cerne les firmes. Celles qui font partie d’une même constellation n’ont pas nécessairement des liaisons sociétaires ni organisationnelles. Les accords formels sont assez rares, malgré l’existence de systèmes de coopération opérationnelle très puissants.

Les forces concurrentielles (Abell, 1980) permettent de définir un contexte compétitif pour la firme plus limité que le secteur et dans lequel la perception des concurrents devient plus simple. Ce contexte, le business, représente ainsi le premier pas pour la formulation de la stratégie compétitive d’une firme. Le modèle à trois dimensions pour la définition du business est fondé sur les trois dimensions suivantes : les clients (quels groupes de clients/consommateurs la firme a l’intention de servir) ;

les fonctions (quelles exigences du client le produit/service doit satisfaire) ;

les technologies (comment on essaye de satisfaire les exigences du client, notamment avec quel genre de produit/service).

contrôle du marché). Le résultat est que dans le même groupe on peut trouver des entreprises qui n’appartiennent pas au même secteur en termes de produit ou de service offert. Ces nouvelles définitions proposent une lecture croisée du contexte « sectoriel », c’est à dire de la structure, et des comportements individuels des firmes, c’est à dire du comportement stratégique, tel qu’on l’a défini dans la dernière section.

Dans ce contexte, le concept de groupe stratégique (Hunt, 1972) permet de représenter le champ des concurrents d’une entreprise par une réduction de la complexité du réel. Plus précisément, le groupe stratégique a été défini comme l’ensemble des firmes qui, dans un secteur donné, adoptent des stratégies communes ou très similaires. Ces firmes sont plutôt proches entre elles, non seulement pour leurs modalités de développement de l’action concurrentielle, mais aussi pour les éléments structurels importants qui les caractérisent et qui sont, en fait, le résultat de lignes d’évolution stratégiques semblables (Rispoli, 1998).

On se réfère, en particulier, aux éléments de nature organisationnelle, technologique, commerciale et dimensionnelle du groupe ; ces éléments représentent en même temps des caractéristiques structurelles des firmes et des indicateurs des options stratégiques poursuivies. Ces « dimensions stratégiques » qui associent ou différencient les firmes qui se concurrencent dans un secteur peuvent être nombreuses (Porter, 1985) :

• spécialisation productive (profondeur de la ligne, ampleur de l’assortiment, marketing concentre sur un ou plusieurs segments) ;

• identification et reconnaissance de la marque ;

• type de rapport avec la demande finale (direct ou indirect) ; • niveau de qualité du produit ;

• positionnement en termes de technologie (leadership ou imitation) ; • structure et niveau des coûts ;

• politique des prix ;

• degré d’intégration verticale de l’activité productive ; • etc.

La concurrence entre les entreprises appartenant au même groupe est élevée du fait que ces entreprises adoptent des stratégies similaires ou présentent des éléments structuraux communs. Elles se disputent souvent un même segment de marché ; cependant, cet aspect n’est pas discriminant pour l’identification d’un groupe stratégique,

car plusieurs groupes peuvent se concurrencer dans un même secteur et se disputer ainsi un même segment de marché.

L’approche par groupe stratégique prévoit que la “diversité stratégique” d’un secteur puisse être simplifiée en classant les firmes dans des groupes compétitifs différents (Newman, 1978 ; Porter, 1979). De plus, il est prévisible que les groupes restent stables pendant un certain temps du fait de l’existence de barrières à la mobilité qui empêchent l’entrée de possibles nouveaux acteurs et le mouvement des firmes parmi les groupes du même secteur.

Plusieurs approches théoriques associées à l’Analyse des Groupes Stratégiques (AGS) permettent d’expliquer les performances différentes parmi les entreprises du même secteur ainsi que la permanence dans le temps de ces différences. En détail, il est possible de justifier ces performances différentes sur la base de l’adoption de parcours différents de comportement stratégique (Porter, 1979) protégés par les barrières à la mobilité et soutenus par des ressources spécifiques (Grant, 1991).

Le rapport existant entre ressources disponibles et stratégies poursuivies, avec le problème de l’acquisition des ressources, est un sujet qui explique la relative inertie des comportements stratégiques des firmes et subséquemment la durabilité des performances associées. Ainsi, l’existence des groupes stratégiques qui adoptent des comportements stratégiques différents soutenus par des ressources spécifiques permet de rendre compte des performances à court terme et de leur persistance à moyen et long terme.

L’AGS est aussi un contexte approprié pour identifier les points de force et de faiblesse d’une firme. En connaissant les stratégies spécifiques d’une firme et les ressources et les compétences mobilisées pour la réalisation de ses stratégies, il est possible d’évaluer la congruence entre stratégie et ressources et, en fonction de cette analyse, de repérer les forces et les faiblesses des firmes composant le groupe stratégique13.

13 L’analyse des forces et des faiblesses des firmes, couplée à l’analyse des opportunités et des menaces de

l’environnement se résume dans l’analyse ainsi dite SWOT (acronyme de strenghts, weaknesses, opportunities, threats), qui consiste à déterminer si la combinaison des forces et des faiblesses de l’organisation est à même de faire face aux évolutions de l’environnement. L’idée d’utiliser le SWOT comme concept récapitulatif est ancienne. Voir par exemple S. Tilles, Making strategy explicit, in : Ansoff (ed.) Business Strategy, Penguin, 1968.

La distance stratégique entre deux groupes pourrait être considérée comme un indicateur approximatif de l’intensité des barrières à la mobilité existant entre les groupes. En évaluant la distance stratégique de chaque groupe du reste du secteur et les différences de performance, il est alors possible d’apprécier avec un certain degré de précision le risque potentiel d’entrée de nouvelles entreprises dans un groupe stratégique donné.

L’introduction de la perspective temporelle dans l’AGS permet de conduire une analyse de l’évolution de la structure sectorielle. D’un coté, on peut étudier si le nombre de stratégies adoptées (et donc des groupes stratégiques) augmente, diminue ou reste constant (Hatten & Hatten, 1987). De l’autre coté, on peut déterminer si les stratégies ont une tendance à converger ou à diverger.

Cependant, dans certains cas, il est aussi nécessaire d’étudier l’évolution des comportements stratégiques des firmes appartenant au même groupe afin de comprendre si l’homogénéité intra-groupe augmente ou décroît.

De nombreuses études ont utilisé la méthodologie des groupes stratégiques en tant qu’outil de compréhension de la structure d’un secteur ; dans le tableau n°1 quelques études parmi les plus représentatives sont inventoriées, afin de montrer l’ample éventail des applications possibles, en termes de secteurs (pétrolier, pharmaceutique, aérien, etc.) et de dimensions stratégiques considérées pour l’analyse (taille relative, intégration verticale, stratégies financières, etc.).

Cependant, si les avis sur l’efficacité de cet instrument d’analyse de la structure interne d’un secteur sont assez concordants, en même temps la littérature a élaboré une série de méthodes pour la construction concrète des groupes, en en montrant, au fur et à mesure, les limites méthodologiques.

Parmi les autres, une critique très répandue se réfère au fait que l’application de la méthode est soumise à une condition assez stricte, celle de l’absence de concurrents directs au-delà des firmes qui font partie du même groupe stratégique (Rispoli, 1998). En réalité, il y a plusieurs cas où des firmes appartenant à des groupes stratégiques différents se disputent la même cible de clients.

Le groupe stratégique compétitif cognitif a trait aux possibilités de résolution de cette limite, en prenant en compte à la fois les aspects économiques de l’environnement

compétitif, les résultats des stratégies des firmes et les perceptions des décideurs en entreprise.

L’utilisation de la méthode des groupes stratégiques compétitifs cognitifs date de la moitié des années 1980. L’idée directrice des premiers travaux est que les perceptions influencent de façon directe et marquante les choix effectués par les acteurs clefs des firmes. Dess et Davis (1984) ont été les premiers à utiliser la cognition managériale pour isoler et analyser les groupes stratégiques. Suivant Fombrum et Zajac (1987) les perceptions de l’environnement compétitif représentent une des explications possibles pour l’appartenance à un certain groupe stratégique, avec la dimension de la firme et la fonction institutionnelle.

Tableau 1: Etudes des groupes stratégiques, secteurs et dimensions stratégiques

Etude Secteur Dimensions stratégiques

Hunt, 1972 Appareils

électroménagers

Intégration verticale, diversification des produits

Porter, 1973 Produits de grande

consommation

Taux de concentration, taille relative des firmes, économies d’échelle, taux croissance

Hayes et autres, 1983 Banque Taux de concentration ;

Indice de Herfindal

Cool, 1985; Cool, Schendel, 1988 Pharmacie Ampleur du segment de marché, type de produits, couverture géographique, Recherche et Développement, stratégie de marketing Fiegenbaum 1987, Fiegenbaum et Thomas, 1990, 1993, 1995

Assurance Couverture du marché,

ressources utilisées

Grimm et autres, 1993 Transport LTL Performance financière, propriété des stocks, taille relative des firmes, stratégie de différentiation, etc.

Kling et Smith, 1995 Transport aérien Leadership de coût, dfférentiation, focalisation Elaboré à partir de plusieurs sources