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Conclusion : Les groupes stratégiques et la supply chain pour l’analyse des

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE

1. L’ANALYSE SECTORIELLE ENTRE ECONOMIE INDUSTRIELLE ET

1.5. Conclusion : Les groupes stratégiques et la supply chain pour l’analyse des

En ce qui concerne le secteur de la logistique et des transports de marchandise, la variabilité interne très élevée, qui dérive de l’effet conjoint de facteurs exogènes et endogènes, rend difficile l’utilisation même de la catégorie conceptuelle de « secteur » pour l’identification des concurrents directs et donc de contextes compétitifs homogènes.

Ainsi, les analyses menées au niveau du comportement des firmes « représentatives » du secteur entier ou des segments distincts, distingués selon la traditionnelle répartition modale du transport, ne permettent plus de saisir l’articulation de l’ensemble des firmes agissant dans le même contexte compétitif, ni de prévoir leurs perspectives d’évolution.

Autrement dit, dans le passé, un critère utile de segmentation du secteur était le mode de transport (route, mer, rail, air) qui permettait d’identifier concrètement des segments compétitifs caractérisés par une homogénéité élevée (transport routier, transport maritime, etc.). Ensuite, la croissance de certains phénomènes, tels que l’intermodalité et

la complexité de la prestation de transport et logistique, a entraîné une transformation radicale des modes de fourniture des services logistiques et de transport. L’effet le plus important a été un secteur plus complexe : à coté des segments traditionnels, tels que le transport aérien, maritime et routier, des business nouveaux, extrêmement différentiés entre eux et parfois très innovants, gagnent de plus en plus d’importance. Le critère de segmentation suivant le mode de transport perd ainsi de son efficacité.

Egalement, l’analyse micro-économique basée sur les cas d’entreprise plus ou moins exemplaires révèle sa faiblesse pour la compréhension de la structure et de l’ensemble des forces qui influencent l’objet de notre investigation. Ce type d’analyse ne permet pas d’aller au-delà de la présentation de cas spécifiques, en empêchant toute transposition des conclusions à un ensemble de firmes similaires voire à un tissu industriel géographiquement délimité.

Parmi les dimensions qui concourent à la création de ces nouveaux contextes compétitifs (distincts et non superposables), un rôle clef a été joué par les nouvelles technologies, les besoins changeants des clients, l’ampleur du marché et les choix organisationnels dans l’offre des services.

Le décalage interprétatif entre une vision d’ensemble du secteur, où chaque firme reste indifférenciée des autres, et la logique des cas d’entreprise, guère représentative des perspectives concernant le tissu industriel du secteur, peut être dépassé à travers le recours à la catégorie conceptuelle des groupes stratégiques.

L’AGS offre une vue d’ensemble d’un secteur, qui pourrait être difficilement saisie de façon différente, du fait de l’hétérogénéité des opérateurs. En classant les firmes en un nombre réduit de groupes, l’identification et l’analyse de différentes stratégies adoptées par chacun des concurrents se simplifient. De plus, un atout de ce type d’analyse est la prise en compte des caractéristiques spécifiques des firmes qui, dans une analyse globale du secteur, seraient mises de côté ou « masquées » par l’utilisation de mesures moyennes ou de variances (Hatten et Hatten, 1987). On peut dire que la simplification des différences stratégiques est faite en respectant les caractéristiques de base qui rendent certaines firmes semblables à d’autres et nettement différentes du reste des firmes du « secteur ».

Cependant, au niveau de l’application de la méthode, nous partageons la critique concernant la condition contraignante de ne pouvoir prendre en compte que les

concurrents directs faisant partie du même groupe stratégique. En fait, cette condition s’avère « paralysante » pour notre analyse, puisque l’arène compétitive des opérateurs logistiques et de transport comprend à la fois des prestataires traditionnels (tels que des opérateurs spécialisés dans l’entreposage et le transport) et des prestataires provenant de métiers tout à fait différents (sociétés de conseils et éditeurs de logiciels pour la gestion intégrée de la chaîne). Ces différents prestataires feront partie, raisonnablement, de groupes stratégiques divers, en se disputant néanmoins les mêmes clients.

Du fait de ces limites, nous avons exploré les atouts du groupe stratégique compétitif cognitif. Le point de force de cette formulation se trouve dans l’utilisation des perceptions managériales en tant que facteur additionnel pour l’identification des groupes, qui traditionnellement avaient été déduits de mesures concernant la structure industrielle et par des évaluations ex-post des stratégies adoptées.

Ainsi, il nous semble pertinent, surtout dans l’étude d’un secteur en évolution, où la délimitation des frontières devient très souvent un exercice spéculatif, très subjectif, fait par des analystes n’appartenant pas au secteur, de retenir le groupe stratégique compétitif cognitif, qui focalise l’attention sur le point de vue des entrepreneurs ou de ceux qui ont une vision stratégique assez ample, dans un domaine décisionnel qui peut être référé de façon schématisée à la combinaison produit-marché-technologie-organisation.

Le choix de se concentrer aussi bien sur la perception des décideurs que sur le comportement stratégique adopté n’est pas contradictoire. On observe deux moments différents de la vie d’une organisation. La prise en compte de la perception des décideurs en même temps que de l’analyse des stratégies mises en œuvre nous permettra de récupérer l’intentionnalité et la vision des agents sans renoncer, pour autant, à mener une analyse sur la base de données réelles.

Cependant, nous ne négligerons pas les stratégies affirmées/déclarées par les managers des firmes, car si seule la réalisation d’une stratégie affecte directement le positionnement de la firme dans un contexte compétitif donné, les stratégies souhaitées et diffusées à l’intérieur de la firme et à l’extérieur peuvent également avoir un impact indirect en altérant le système complexe des attentes et des valeurs des employés, des concurrents, des fournisseurs et des clients.

En même temps, nous aurons aussi recours à la notion de supply chain. La décomposition du processus productif en phases sert à comprendre à la fois les liens

horizontaux par rapport au processus productif et les modalités de l’offre du service au consommateur final. Comme les PSL sont présents dans presque toutes les supply chain (leur rôle pouvant être plus ou moins important, selon la prestation offerte, qui peut varier du transport simple jusqu’à la conception et à la gestion des flux physiques et informatiques d’une entreprise cliente, voire de la chaîne à laquelle elle appartient) nous nous référerons aux secteurs servis par les PSL, en utilisant le concept de supply chain, tandis qu’on mobilisera les outils de l’analyse sectorielle, notamment le concept de groupe stratégique compétitif cognitif, pour étudier les dynamiques compétitives des PSL.

Ce choix est justifié également par l’évolution du concept de logistique au cours des dernières années et notamment par l’importance grandissante reconnue à la conception et à la maîtrise des flux physiques et informationnels, aux dépens des activités d’exécution des tâches matérielles purement physiques et avec une valeur ajoutée moindre.

On se pose alors la question de la gestion des supply chain et de la raison pour laquelle il faut réfléchir en termes de chaîne, plutôt que de firme individuelle. Ensuite une réflexion sur les modalités et les outils de conception et gestion d’une chaîne s’impose. Ces questions peuvent être soulevées en mobilisant le concept « supply chain management » où gestion intégrée de la chaîne de l’offre.

Une première question méthodologique qu’on se pose est de savoir si la prestation logistique et de transport peut être considérée comme une étape ou comme une phase, méritant d’être identifiée comme une des étapes de production de la valeur d’une chaîne.

Le critère le plus utilisé est celui de « l’activité principale » qui nous mène à inclure ou exclure des étapes différentes de production dans le secteur (Barbarito, 1999). On inclura une certaine étape de production si cette dernière est considérée comme un anneau important de la chaîne donnée.

Une autre question théorique qui se réfère à la mobilisation des deux concepts de secteur et de supply chain consiste à savoir, une fois repérés les stades qui composent une chaîne donnée, comment l’analyse du secteur sera faite. Autrement dit, il s’agit de savoir quelles sont les raisons pour lesquelles on est amené à traiter la gestion d’une des étapes de façon autonome par rapport à la chaîne entière (Barbarito, 1992).

La réponse réside dans le niveau d’intégration verticale des entreprises de production : si le niveau d’intégration verticale des firmes industrielles est très élevé, l’étape donnée

sera étudiée de façon conjointe aux autres étapes gérées par les industriels. Puisqu’en Europe la part de la prestation logistique et de transport externalisée s’agrandit de plus en plus (Datamonitor, 2002), il nous semble pertinent d’étudier les PSL en tant que gérants d’une phase indépendante des chaînes servies.

Cette approche se justifie aussi par le type de prestation logistique externalisée. A cette fin, on propose une lecture de l’évolution du phénomène de l’externalisation de la fonction logistique (voir chapitre 4) d’où ressort de façon évidente la tendance vers une complexification de la fonction logistique et ainsi un rôle de plus en plus important acquis par les professionnels du domaine. Ces derniers voient changer leur position de simples exécutants à concepteurs de systèmes intégrés de gestion de flux physiques et informationnels.

Cependant, une fois qu’on adopte ce critère, une autre question se pose. Est-ce que l’on cerne les prestataires du point de vue du « secteur » dans lequel l’activité se déroule de manière principale (par exemple : automobile ou produits de large consommation) ou du point de vue de l’« activité » exercée par l’opérateur même (par exemple : gestion intégrée des flux, prestation à forte valeur ajoutée, etc.)? Comme les PSL montrent un parcours de diversification sectorielle très poussé (malgré certains cas de spécialisation sectorielle, souvent héritage de l’histoire de la société, comme dans le cas des prestataires français Gefco et CAT), on a considéré que le critère de l’activité principale basé sur le type de prestation offert était le plus adapté à notre investigation. Nous avons alors défini les PSL de « prestataires offrant au moins deux services ou plus de transport et de logistique », suivant la définition donnée par KPMG (2000). Nous avons ainsi décidé de réduire le champ d’analyse aux opérateurs capables d’offrir une prestation autre que le transport simple (traction).

La définition donnée permet d’inclure parmi les PSL les opérateurs traditionnellement connus comme « 3PL » et « 4PL ». La première expression se réfère aux logisticiens dont l’activité est centrée sur les activités traditionnellement perçues comme logistiques, celles avec une forte implication opérationnelle (entreposage, distribution physique, approvisionnement, étiquettage, etc.) (cf. Andersson, 1997).

Le concept de 4PL avait été créé par Andersen Consulting (aujourd’hui Accenture). Un 4PL est un quatrième intervenant – après l’industriel, le distributeur et le 3PL – qui prend en charge le pilotage de la supply chain. Ce pilotage suppose des compétences en

matière de conseil, de technologies de l’information et de conduite de processus complexes (Bumstead & Cannons, 2002)

Le critère basé sur la prestation offerte n’empêche pas la prise en compte des particularités sectorielles de la demande par étape productive. Ainsi, même si l’on a adopté une telle définition du prestataire, on essayera de mettre en évidence tout facteur spécifique d’une chaîne donnée et d’une étape donnée de cette chaîne qui puisse jouer un rôle clef dans l’élaboration des stratégies et des choix opérationnels des PSL (par exemple les exigences d’alimentation de la chaîne d’assemblage- procurements - dans le secteur automobile demandent une spécialisation de la part des PSL en termes d’actifs matériels et immatériels qui entraîne des choix importants à moyen et long terme).

Ceci sont les raisons pour lesquelles nous aborderons l’étude de la compétition parmi les PSL en croisant l’analyse des groupes stratégiques avec les dynamiques des supply chain où ils sont le plus présents et où ils jouent un rôle plus actif, plus stratégique.

A l'intérieur des supply chain c'est le rôle des prestataires en tant qu'organisateurs et/ou exécutants des flux de marchandise et des flux informationnels liés qu'on estime intéressant d'étudier afin de comprendre qui sont les acteurs qui gèrent l'architecture des flux et quels rapports de force existent entre les prestataires de services et les clients industriels et commerciaux.

En perspective, on essayera d’envisager les changements probables au niveau de la configuration des supply chain et de la concurrence entre les différents types d'acteurs logistiques et de transport au niveau européen. (cf. figure n°1). Cette analyse sera effectuée avec un degré de détail majeur au niveau du marché italien23, en utilisant les groupes stratégiques d’entreprises identifiés à travers les techniques de classification automatique – cluster analysis (cf. section 10.3).

23 L’analyse sera effectuée à partir d’une enquête réalisée dans le cadre de « l’Observatoire sur la

logistique en Italie », un projet de l’IRAT, Institut du Conseil National des Recherches, de Naples, Italie.

2. LE POSITIONNEMENT DANS LA LITTERATURE CONCERNANT