• Aucun résultat trouvé

Remèdes nouveaux

Dans le document Faculté de Pharmacie de Paris (Page 136-141)

3. Analyse du contenu

3.2 Analyse par parties

3.2.6 Travaux

3.2.6.6 Remèdes nouveaux

La Société Libre est une société à vocation scientifique, qui, à ce titre, présente, dans un chapitre

entier des calendriers de l’ère révolutionnaire an IX et X, des communications à propos des remèdes

nouveaux au nombre de trois pour l’an IX :

- la pommade de manganèse ;

- l’éther phosphorique ;

- l’Yttria.

et au nombre de quatre pour l’an X :

- la racine de Jean Lopez ;

- la gomme résine de Kino ;

- le phosphate d’ammoniaque ;

- le sirop de phosphate acidule.

3.2.6.6.1 Remèdes nouveaux du calendrier an IX

La pommade de manganèse

Le Citoyen Grille, pharmacien militaire de 1ere classe, chargé en chef du dépôt des médicaments

de l’aile gauche de l’Armée d’Italie, correspondant de la Société de Médecine de Grenoble, et le

Citoyen Morelot, chirurgien militaire de l’Armée d’Italie, Membre associé de la Société de

Médecine, du Lycée des Sciences et Arts de Grenoble, présentent à leurs collègues, la formule d’une

nouvelle pommade "anticutanée". Cette pommade est accueillie avec empressement par les

Médecins et Chirurgiens des Hospices de Paris, et semble représenter un "service réel" à rendre aux

personnes affligées de maladies cutanées.

Nous donnerons la formule de cette pommade telle que nous la trouvons dans le Calendrier :

POMMADE DE MANGANESE.

Prenez :

Oxide de Manganèse …... 122gr 250 mill. (4 onces)

Axonge de porc purifiée… 480 gr 146 mill. (16 onces)

Réduisez l’oxide en poudre impalpable, mêlez selon l’art avec l’axonge.

Nota. On peut doubler la dose d’oxide pour la même quantité d’axonge, si la première ne répond

pas à l’attente de celui qui en fait usage.

Cette pommade est indiquée pour la gale et toutes les maladies cutanées. Il est ajouté que le linge,

au lieu d’être taché par cette pommade couleur ardoise foncé, devient blanc à la lessive (ce qui

s’explique par l’action oxydante de cette formule).

Notons que la formule de la pommade de manganèses se retrouve à l’identique dans le Cours

théorique et pratique de Pharmacie-Chimique de Simon Morelot de 1814, la composition en est

aussi attribuée à Grille et Morelot, avec la remarque suivante "on peut, selon les circonstances,

augmenter de moitié les proportions de l’oxyde, et même les porter jusqu’à partie égale avec

l’axonge" (102). On retrouve encore la pommade de manganèse dans "l’officine de Dorvault" en

1872 : "bi-oxyde de manganèse, axonge aa P.E., dans la teigne, la gale, les dartres" (103).

Ether phosphorique

Ce nouveau médicament est imaginé par Charles Pelletier, digne successeur de feu Pelletier, célèbre

chimiste (il s’agit de Bertrand Pelletier, son frère cadet). La formule est ainsi rapportée :

Dissolution du phosphore dans l’éther sulfurique dans les proportions de :

- Phosphore 318 millièmes de grammes (6 grains)

- Ether sulfurique 30 grammes 572 millième (une once)

On divise le phosphore, on le met dans un flacon qui contient l’éther, on agite, et la dissolution

s’opère à froid.

NB : l’éther qui n’a été rectifié qu’une fois par les procédés ordinaires ne dissout qu’imparfaitement

le phosphore ; mais si on le rectifie une seconde fois sur le muriate calcaire, résidu de l’opération

de l’ammoniaque caustique, il devient infiniment plus habile à le dissoudre.

Les Anglais avaient imaginé utiliser le phosphore par voie interne dans la consomption, la phtisie,

le marasme, et surtout dans l’atonie après un exercice excessif et ils le prescrivaient seulement divisé

et interposé dans de la thériaque, dans une conserve ou une masse pilulaire. Mais l’inflammabilité

à l’air, et la difficulté "d’interposer ses molécules" rendaient l’usage interne peu sûr et peu exact.

Le procédé de Pelletier permet au médecin de prescrire le phosphore à la dose qu’il lui plaira.

Dans le "Traité complet de pharmacie théorique et pratique" de Virey en 1823, on apprend que

l’éther phosphoré de Pelletier est prescrit à raison de 12 à 40 gouttes dans un véhicule, en tant que

stimulant (104).

Il nous a semblé intéressant de suivre la famille Pelletier sur quatre générations d’apothicaires et de

pharmaciens (17), nous donnerons en Annexe 8 un arbre généalogique de la filiation Pelletier ; il

nous a aussi semblé pittoresque de constater sur un site de généalogie que la famille Pelletier semble

avoir retrouvé un arrière-petit-fils pharmacien à Cuba.

Nous donnerons également dans cette Annexe 8, la synthèse de Bertrand Pelletier, reçu Maître en

Pharmacie en 1784, avec Bayen pour conducteur. Nous noterons que cette synthèse numérisée par

la BIU Santé René Descartes en 2016 n’est pas signée, contrairement aux autres de la même époque

(105).

Neuvième terre simple, de l’Yttria

Il s’agit de la découverte d’une nouvelle terre simple appelée Gadolinite par Nicolas Vauquelin.

Précisons que les terres simples sont à l’époque de Vauquelin et Fourcroy des terres dépouillées de

substances végétales avec de l’eau distillée.

En note de bas de page, il est précisé qu’il s’agit d’une communication extraite des Annales de

Chimie n°107.

Vauquelin revient ensuite sur l’historique de cette découverte.

En 1794, M. Gadolin découvre un minéral, et en fait l’analyse qui paraît en 1796 dans les Mémoires

de l’Académie des Sciences de Suède et dans les Annales de (Von) Crell.

M. Ekeberg (vers 1798) recommence l’analyse de la même pierre et confirme les résultats de

M. Gadolin, la nomme Yttria (d’Ytterby, lieu de Suède où se trouve la pierre).

Vauquelin répète l’analyse et donne de nom de Gadolinite au minéral fossile qui la recèle, en

hommage à l’auteur de cette découverte (106).

Il donne ensuite les caractères de la pierre :

- la pierre est de couleur noire, sa poussière gris noirâtre, sa cassure vitreuse ;

- d’après Hauy sa pesanteur spécifique (densité) est de 4, 0497 ;

- elle fait mouvoir le barreau aimanté ;

- elle s’éclate en fragments rouges, avec une vive crépitation si on l’expose au feu du

chalumeau, ce qui reste dans la pierre est d’une couleur blanche grisâtre qui ne fond pas

complétement.

- chauffée avec du borax, la pierre fond et communique au sel une couleur jaune tirant sur le

violet.

- 100 parties de cette substance au feu dans un creuset de platine perdent 11 centièmes.

Grâce à divers moyens analytiques, Vauquelin trouve qu’elle se compose de :

Silice 25,5

Fer oxydé 25

Manganèse oxydé 2

Chaux 2

Terre nouvelle, ou Yttria 35

Il donne ensuite les caractères organoleptiques de l’Yttria et les composés formés par combinaison.

- l'Yttria pure, bien séparée de l’oxyde de manganèse est parfaitement blanche ;

- sans saveur et sans odeur ;

- l’Yttria forme un verre blanc transparent avec le borax ;

- elle est peu soluble dans la potasse caustique, ce qui la différencie de l’alumine et de la

glucine (découvert par Vauquelin, ou Béryllium) ;

- avec l’acide sulfurique, on obtient un sel cristallisable en petits grains brillants, peu solubles

dans l’eau, de saveur d’abord astringente, puis douce comme un sel de plomb.

"Pour plus ample instruction", Vauquelin engage à regarder sur les Annales de chimie, page 157 et

suivantes, du numéro 107. Nous reproduirons la première page de cette étude, ci-après (115).

Figure 39 : Les Annales de Chimie, 1800, Analyse de la Gadolinite par Vauquelin

On retrouve dans les Annales de Chimie de 1800, (page143-160) comme indiqué par Vauquelin

lui-même, l’exposé détaillé de la Gadolinite ainsi que la manière dont elle se comporte avec les acides

minéraux ou la potasse, c’est ainsi qu’il en détermine une analyse chimique très poussée. Il note en

conclusion une différence dans les résultats de l’analyse d’Ekeberg et la sienne.

Pour terminer Vauquelin annonce la découverte d’une possible dixième terre dans le Béryl de Saxe,

l’Agustine.

Plus tard on découvrira que l’Agustine ("sans goût"), ne sera finalement pas une nouvelle terre et ce

Béryl de Saxe, s’avérera être une apatite, l’Agustite (107).

La revue dont parle Vauquelin, "Les Annales de Chimie ou recueil de mémoires concernant la

chimie, les arts qui en dépendent, et spécialement la pharmacie" est un journal fondé par Lavoisier

en 1789, en opposition au Journal de physique. En fait, les "Annales de Chimie" fusionnent avec le

"Journal de Pharmacie", qui a paru comme journal indépendant entre 1797 et 1799 sous la rédaction

de Fourcroy. Cette fusion a engendré le changement de titre du journal et, en 1800, on ajoute "et

spécialement la pharmacie", peut-être aussi pour élargir le nombre de lecteurs (99).

La découverte des terres rares, dans l’exposé de Vauquelin nous a semblé intéressante d’un point

de vue historique, et nous allons en retracer l’historique, depuis la Gadolinite, et préciser

l’étymologie des éléments périodiques trouvés (108).

Voyons l’Histoire de la découverte de l’Yttrium en quelques dates :

- en 1787, un minéralogiste amateur suédois, le Lieutenant Karl Arrhenius découvre un

nouveau minéral à Ytterby, près de Stockholm, en Suède ;

- en 1794, Gadolin, chimiste finlandais en extrait un oxyde réfractaire ;

- en 1797, confirmation par Ekeberg qui nomme cet oxyde, terre d’Yttria et nomme aussi le

minerai qui renferme cette terre, Gadolinite (avec Vauquelin et Klaproth) ;

- en 1843, Carl Gustav Mosander sépare trois oxydes différents de l’Yttria et isole l’Yttria

(pur), l’Erbia, le Terbia ;

- en 1878, Galissard de Marignac isole l’Ytterbium de l’Erbium ;

- en 1879, Per Teodor Cleve sépare aussi 3 éléments de l’Erbium : l’Erbium (pur), le Thulium

et l’Holmium ;

- en 1879, Lars Fredrik Nilson isole le Scandium de l’Ytterbium, comme l’avait annoncé la

théorie de Mendeleiev, 10 ans plus tôt ;

- en 1886, le Français Lecoq de Boisbandran isole de l’Holmium, le Dysprosium ;

- en 1907, le Français Urbain isole de l’Ytterbium, le Lutécium.

Figure 40 : Découverte des terres rares provenant de la Gadolinite

- Quatre éléments sont directement rattachés au nom du village d’Ytterby, en Suède :

l’Yttrium (Y), l’Erbium (Er), le Terbium (Tr) et l’Ytterbium (Yb).

- Trois font référence à la Scandinavie : l’Holmium (Ho) de Stockholm, le Scandium (Sc) de

la Scandinavie et le Thulium (Tm) de Thulé, nom romain de la Scandinavie.

- Un nom provient de la "difficulté" à l’isoler, le Dysprosium (Dy).

Sans oublier le nom donné au Gadolinium (Gd) un lanthanide cérique en l’honneur de Gadolin

3.2.6.6.2 Remèdes nouveaux du calendrier an X

La racine de Jean Lopez

Elle est de nouveau prescrite par les médecins après être tombée en désuétude. Cette racine est issue

d’une plante d’Afrique inconnue en Europe et importée par Jean Lopez. La racine est "de la grosseur

d’un tuyau de plume", jaune et d’une saveur douce. Réduite en poudre, elle est prescrite "dans les

cours de ventre" chroniques.

La gomme de Kino

Encore moins connue que le remède précédent, l’arbre dont elle provient pousse également en

Afrique. Sèche, friable, rouge et sans odeur, elle est astringente, fortifiante et antiseptique. "On s’en

sert en poudre, ou en infusion, intérieurement ou extérieurement, dans les hémorragies, les

hémorroïdes, la diarrhée".

La posologie est d’un à deux grammes (indiquée selon les nouvelles mesures) en poudre et 16

grammes pour une infusion.

Le phosphate d’ammoniaque

Les médecins prescrivent fréquemment des préparations à base de phosphore, voici donc le mode

de préparation du phosphate d’ammoniaque "fluide", alors inconnu des pharmaciens. Contrairement

au phosphate d’ammoniaque cristallisé préparé à partir de phosphate acidulé de chaux et

d’ammoniaque, il faut combiner le phosphate acidulé calcaire avec de l’ammoniaque caustique

fluor.

La dose de quelques gouttes ou déci-grammes en fait un puissant tonique et aphrodisiaque.

Le sirop de phosphate acidulé

Il est mieux connu sous le nom de "sirop résomptif". D’un goût peu agréable, il faut l’aromatiser

avec de l’écorce d’orange et quelques gouttes d’esprit de fleurs d’orange pour le rendre

"très-agréable", en remplacement de la limonade en cas d’excès de travail ou de transpiration excessive !

Dans le document Faculté de Pharmacie de Paris (Page 136-141)