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Quinologie

Dans le document Faculté de Pharmacie de Paris (Page 132-136)

3. Analyse du contenu

3.2 Analyse par parties

3.2.6 Travaux

3.2.6.5 Quinologie

La quinologie est, selon la définition d’Eugène Littré donnée en 1872, la description des différentes

espèces de quinquinas.

Le quinquina est un arbre du genre Cinchona de la famille des Rubiaceae, originaire d’Amérique

du Sud. L’écorce de certaines espèces a une activité fébrifuge connue des Indiens qui le nommaient

« arbre des fièvres ». Mais elle peut également avoir une action tonique, et surtout anti-malarique.

Le quinquina a été introduit en Europe, probablement par les jésuites vers 1650, sous différents

noms, Poudre de la Comtesse, Poudre des Jésuites, Poudre du Cardinal, Poudre du Diable ou même

Remède Anglais, selon les pays.

En France, le quinquina est en opposition avec la théorie hippocratico-galénique des humeurs prônée

par la Faculté de Médecine et n’est donc pas présent dans la Pharmacopée. Guy Patin s’y oppose

officiellement en 1653, en le décrivant comme « une poudre fort chaude… qui ne purge pas". C’est

lors de la guérison du Dauphin de France, fils de Louis XIV en 1679 grâce à Talbot, aide-apothicaire

anglais qui le soigne avec son Remède Anglais, formule de vin de quinquina dévoilée à cette

occasion, que le quinquina va être reconnu par la Faculté de Médecine comme excellent fébrifuge.

La formule du Remède Anglais est révélée par Louis XIV après en avoir acheté le secret à Talbot.

Louis XIV achète alors l’écorce de quinquina à Lisbonne et la fait distribuer dans les hôpitaux.

En 1738, Charles-Marie de la Condamine découvre l’arbre sur lequel les écorces étaient récoltées

par les Indiens et la classification du genre Cinchona par Linné intervient en 1742. Le quinquina

devient alors une drogue essentielle de la pharmacopée. Les recherches s’intensifient pour mieux

connaître les différentes espèces ainsi que leur action. De nombreuses expéditions sont alors

organisées en 1782 par Mutis, en 1789 par Ruiz et Pavon. Les premières études chimiques sont

réalisées par Fourcroy en 1791.

C’est dans ce contexte que l’auteur du calendrier de l’an X nous rappelle tout d’abord l’origine de

la nomenclature établie par Alibert, Médecin adjoint de l’Hospice du Nord, inspirée des

observations de Mutis, directeur de l’expédition botanique de Santa-Fé et de Zea, son élève. Au

cours d’une expédition ultérieure, Ruiz et Pavon, auteurs de la Flore Péruvienne, décrivent de

nouvelles espèces. Il existe donc pour notre auteur, sept espèces de quinquinas, dont quatre sont

officinales selon Mutis.

3.2.6.5.1 Les quinquinas officinaux

Le quinquina orangé

Il se trouve « au sommet des montagnes »,

Ses dénominations sont le Cinchona lancifolia selon Mutis

le Cinchona officinalis selon Linné

le Cinchona nitida selon Ruiz et Pavon.

L’écorce est jaune foncé et colore la salive d’une teinte fauve lorsqu’on la mâche. L’auteur nous

fait part des différentes caractéristiques de la poudre, sa grande amertume propre aux quinquinas et

aussi la saveur aromatique propre à son espèce.

Selon Mutis, ses propriétés sont essentiellement fébrifuges, infaillibles dans les fièvres irrégulières,

en agissant sur le système nerveux, siège de ce type de fièvres.

Le quinquina jaune

Il se trouve « dans des endroits moins élevés »,

Ses dénominations sont le Cinchona cordifolia selon Mutis

le Cinchona putrescent selon Valh

le Cinchona micrantha ou hirsuta ou ovata selon Ruiz et Pavon.

Troisième espèce officinale, il a longtemps été confondu avec le quinquina orangé, auquel il

ressemble. L’auteur ne nous indique pas sa provenance spécifique.

Son écorce est jaune paille, elle colore la salive en jaune paille.

Son usage médical remonte à 1740 et selon Mutis, ses propriétés médicinales sont intéressantes en

particulier pour lutter contre la décomposition des humeurs. Il est mieux toléré que le quinquina

rouge et aussi efficace que le quinquina orangé, doté en plus d’une activité laxative.

Le quinquina blanc

Il "se tient dans des lieux plus bas encore",

Ses dénominations sont le Cinchona ovali folia selon Mutis

le Cinchona macro carpa foliis oblongis subtus pubescentibus costati selon

Valh

Quatrième espèce officinale, l’arbre se trouve à Santa Fé. C’est une nouveauté en médecine,

"accréditée et discréditée alternativement par les savants".

Ses fleurs sont très odorantes et son écorce est blanchâtre, d’une grande amertume quand on la

mâche.

Selon Mutis, l’écorce de Quinquina blanc possède une propriété savonneuse, elle est

préférentiellement active contre les fièvres inflammatoires.

Le quinquina rouge

Il "se rencontre principalement dans les profondeurs",

Ses dénominations sont le Cinchona oblongifolia selon Mutis

le Cinchona magnifolia selon Ruiz et Pavon.

C’est la deuxième espèce officinale, très abondante à Santa Fé.

Ses fleurs ont une odeur proche de la fleur d’oranger et l’écorce est rougeâtre à l’intérieur.

Selon Mutis, ses propriétés sont celles des quinquinas, alliées à l’astringence. Il est donc

antiseptique, efficace contre les gangrènes, actif également contre les fièvres adynamiques,

intermittentes et continues. Mutis aurait observé des effets secondaires puisqu‘un usage prolongé

de cette écorce favorise l’obstruction des viscères, la jaunisse et l’hydropisie. Il faut donc en modérer

l’usage. Il émet même une contre-indication, "effet pernicieux", dans les fièvres angio-téniques.

Mais, l’auteur de cette dissertation observe que ces espèces officinales décrites par Mutis ne sont ni

les plus connues ni les plus répandues dans le commerce de la droguerie, la médecine et la

pharmacie. Trois autres espèces de quinquinas vont être décrites en tant qu’espèces non officinales,

mais surtout espèces les mieux connues des médecins et des pharmaciens !

3.2.6.5.2 Les quinquinas non officinaux

L’auteur utilise la classification de Linné pour la description des trois quinquinas qui vont suivre :

Quinquina Cortex Peruvianus

Chinchina , cortex Chinae

Quina, cascarilla de Loxa

Cette écorce est issue du Cinchona oblongifolia, que l’on trouve au Pérou, près de la ville de Loxa.

Elle est grisâtre à l’extérieur et rougeâtre à l’intérieur, d’une saveur amère et astringente.

Ses usages et propriétés sont décrits dans les ouvrages de Matière médicale, mais nous n’en saurons

pas plus.

Cinchona chariboea

Quinquina des Carybes ou de Saint-Domingue,

Cortex St; Luciae

Cinchonia Jamaicensis

La description n’est pas précise, si ce n’est que "l’écorce de cette espèce est moins haute en couleur

intérieurement".

Il est indiqué que Fourcroy, dont les travaux de recherches ont été publiés dans les Annales de

Chimie en Février et Avril 1791, a travaillé sur le quinquina de Saint-Domingue. L’auteur nous

invite d’ailleurs à consulter le "mémoire même de ce chimiste".

Cinchona floribunda….Vahl

Quinquina Piton

L’arbre pousse au sommet des montagnes des Antilles. Il fut rapporté par Badier en 1777 et décrit

par Mallet en 1779.

L’écorce est grisâtre tirant sur le brun, d’une saveur extrêmement amère.

Elle semble fréquemment utilisée car l’auteur nous donne ses propriétés de manière précise et pour

la première fois dans cet article, la posologie qui s’y rattache :

"Elle est vomitive et cathartique à la dose de 3 grammes (2 gros) en décoction dans l’eau et en

poudre à la dose de 6 décigrammes (12 grains) incorporées dans du sirop en consistance pilulaire".

L’auteur de cette notice conclut cet exposé par deux notes de mise en garde concernant un risque de

confusion entre quinquina vrai et la chacrille, également connue sous le nom de quinquina

aromatique, et entre quinquina vrai et la bruce, qui est anti-dysentérique.

3.2.6.5.3 La Bière de quinquina selon Cadet de Gassicourt

Il est ajouté à cette dissertation sur le quinquina dans le calendrier de l’an X, un extrait d’une notice

écrite par le citoyen Cadet-Gassicourt sur le mode de préparation de la Bière de Quinquina.

Charles-Louis Cadet de Gassicourt est un pharmacien et chimiste réputé. Né en 1769, il obtient en

1800 sa maîtrise en pharmacie et ouvre sa pharmacie rue Saint-Honoré. Il participe à de nombreux

travaux de recherche en chimie pharmaceutique (21).

C’est dans ce contexte que paraît cet extrait de notice concernant la bière de quinquina. Etant en

contact avec Zea, botaniste espagnol élève de Mutis, Cadet de Gassicourt a pu connaître la formule

de cette boisson selon le procédé de Mutis.

Figure 38 : Présentation des compositions des différentes bières de quinquina, Calendrier an X.

La bière simple se prépare à partir de quinquina concassé, de sucre et d’eau. L’espèce de quinquina

n’est pas spécifiée.

La bière polychreste, qui contient du quinquina rouge, de la salsepareille, du sucre et de l’eau est

destinée aux malades.

La bière prophylactique contient les quinquinas rouge, blanc et jaune auxquels on ajoute de la

cannelle et de la muscade. Elle est utile pour les convalescents et pour les suites des maladies aiguës.

Les formules de ces 3 bières sont encore données avec les anciennes mesures, manifestement

toujours en vigueur, et nous apprenons également que le mélange doit être maintenu à 18° pour

obtenir la meilleure fermentation vineuse.

Cadet de Gassicourt n’a pas manqué de refaire ces préparations selon les formules indiquées et les

a améliorées pour diminuer l’amertume dans la brasserie de son ami Blanche. Il a obtenu une

boisson "tout à la fois alimentaire et médicamenteuse". L’auteur en préserve le secret en ne livrant

pas les modifications apportées mise à part l’introduction d’un "ferment convenable". Il ajoute que

cette boisson peut être utile à tous les voyageurs comme anti-scorbutique, mais également dans les

hôpitaux et les lazarets.

Enfin, pour en revenir à des notions purement chimiques, il est rappelé que Cadet de Gassicourt, fin

chimiste a été capable de transformer la bière en acide acéteux…mais l’auteur n’est, là encore, pas

autorisé à en divulguer le procédé.

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