Journal du pharmacien

3.2.3.3.1 Contenu et évolution

Le Journal du Pharmacien ou "indication de ce qu'il doit recueillir et préparer dans chaque

mois" est une liste des récoltes à faire ou des travaux spéciaux à réaliser pour chaque époque de

l'année.

C'est une répétition de celui de l'année précédente enrichie des suggestions des apothicaires mis

à profit l'année suivante.

On y trouve de précieuses indications concernant les remèdes de l'époque.

Un avertissement précise que les opérations qui se pratiquent toute l'année ne sont pas

mentionnées : seules celles qui ne peuvent se préparer qu'à certaines époques y figurent.

Ce travail n'est pas exhaustif et le pharmacien peut le compléter à l'aide des pages vierges si

besoin ou bien faire part de ses observations aux prévôts pour l'année suivante.

Les indications de récolte varient en fonction des régions et des variations du climat (décalage

de quelques semaines parfois).

A partir du calendrier de 1784, les pharmaciens ont bénéficié d'un ouvrage du célèbre botaniste

suisse Conrad Gesner. Né en Suisse en 1516, il étudie les langues anciennes et la littérature puis

la médecine. Il rédige de nombreux ouvrages sur des sujets variés tels que la linguistique et la

philologie et plus particulièrement sur l'histoire naturelle (minéralogie, zoologie, botanique). Il

est le premier à s'intéresser aux fleurs et aux fruits pour essayer de classer les végétaux.

Passionné, il récolte ou cultive les plantes pour les dessiner ; son œuvre inachevée contient plus

de 1500 illustrations. (41)

Pour l'an IX, on retrouve ce journal plus loin dans le calendrier (après le précis historique) ; il

est différent, suit le calendrier révolutionnaire et est très simplifié. Pour l'an X et XI, le journal

a disparu.

3.2.3.3.2 Indications

• Janvier

Il y a peu de plantes à récolter :

- plantes antiscorbutiques, vipérine, taraxacum, grassette

- fruits pectoraux (dattes, figues, raisins, pruneaux, jujubes ou fruits du Carême,

pistaches)

- baies de laurier, fruits du cyprès et du pin (pignons doux)

- fleurs de la petite chélidoine et chamépitis si l'hiver n'est pas trop froid

- cébettes

Quelques préparations sont indiquées :

- de l'huile d'olive non alimentaire (car les olives stockées depuis plusieurs mois ont subi

une fermentation rendant l'huile âpre et donc utilisable uniquement pour l'éclairage et la

fabrication du savon)

- de l'huile de noix, amandes et noisettes

- du bouillon de limaçon

- des graisses et moelles des «bêtes fauves» - cf novembre et décembre

• Février

Récoltes :

- des racines à cœur ligneux (chicorée, patience, anonis, ellébore, azarum...)

- oseille, betterave, céleri

- de plantes potagères : cardes, cardons

- des agrumes : oranges, cédrats, citrons

- de la racine de pivoine

- des fleurs de fumeterre, ellébore noire et tussilage en fin de mois

• Mars

Récoltes (jusqu'en avril en général) :

- des fleurs de violette (à surveiller avec grande attention), guimauve, ellébore à fleurs

jaunes, pas-d'âne, pied-de-chat, pêcher, asphodèles, saule

- du lierre terrestre, groseilliers

- des racines bulbeuses

- des champignons de printemps jusqu'en avril

- du frai de grenouille

- des vers de terre (mais sont meilleurs en septembre)

Préparations :

- eau des 3 noix : première distillation des fleurs de noyer

- confire dans la graisse les bourgeons de peuplier en attendant l'apparition des autres

plantes qui composent le Populeum et y mettre aussi les fleurs de mandragore (attention

fragiles)

- miels, huiles et sirops des fleurs récoltées

• Avril (à septembre)

Récoltes :

- des fleurs de fumeterre, cochléaria, muguet ainsi que des fleurs de tous les arbres dont

les fruits sont des baies ou des fruits à noyaux

- des herbes succulentes ou borraginées : bourrache, buglosse, chicorée, scabieuse,

plantain, pariétaire, ortie

- des racines d'arum, bryone, cyclamen, pomme de terre (septembre)

- des graines de violette

- de la rhubarbe

- récolte de 2 composants de la Thériaque :

o suc résineux du panax pour faire l'opopanax

o dépouilles de serpents; début de la chasse aux vipères

• Mai

Récoltes :

- des fleurs et des feuilles de nombreux végétaux (pivoine, romarin, genêt, mauve, sureau,

mélilot, cigüe, alléluia, ache, bétoine, chélidoine, consoude, cerfeuil, sceau de Salomon,

romarin, hysope, euphraise, thym, rossolis

- des herbes émollientes avant leur floraison (guimauve, mauve) et séchage

- des racines d'iris, orchis, pivoine, consoude, aconit

- des cantharides sur les rosiers ou arbres

- du ver-de-mai ou méloë, une espèce de scarabée qu'on croit spécifique contre la rage

Préparations :

- de l'onguent de scarabée

- du Beurre de Mai

- saigner les animaux dont on veut faire sécher le sang

- de l'huile de laurier avec les baies de l'année précédente (appellation impropre car il

s'agit en fait des baies et des feuilles mélangées dans de la graisse de porc)

• Juin

Juin apparaît comme le mois des plantes pharmaceutiques car les plantes à récolter sont très

nombreuses.

Récoltes :

- des fleurs (orange, sureau, lys, muguet, bleuet, ortie, coquelicot, buglosse, tilleul,

gallium, genêt, chèvrefeuille, nénuphar, camomille, lavande, roses, œillets)

- de l'ache, ciguë, erysimum, fenouil, pervenche, bugle, sanicle, brunelle, aristoloche,

orpin, nicotiane, jusquiame, mercuriale, argentine, pariétaire, chardon-béni, l'épithime,

laitues, orties, morellem

- de la tige fleurie des plantes en vue de la préparation du Baume Tranquille, Onguent

Populeum, Eau Vulnéraire et de toutes les huiles par infusion (origan, basilic, pouillot,

chamaedris, marrube, menthe, ruë, sabine, sarriette, scordium, thym, verveine,

véronique, sauge, pâquerette, mille-feuilles, armoise, aigremoine, fenouil, absinthe,

angélique, millepertuis, tanaisie, matricaire, calament, marjolaine, géranium)

Préparations :

- de la seconde distillation de l'eau des trois noix avec la récolte des noix

- distillation de l'eau de fraises et de cerise noire et de l'eau d'euphraise

• Juillet

Récoltes :

-

de la plupart des plantes aromatiques qui ont commencé à fleurir en juin continuent de

donner des fleurs

-

c’est le temps des cerises, groseilles, framboises, fraises

-

des semences de quelques plantes commencent à mûrir, et d’autres sont déjà mûres.

-

des yeux d’écrevisses, appelées improprement yeux et qui sont en fait des pierres

retirées des écrevisses péchées par les gens du Nord

-

abondance des fleurs de guimauve, pied-de-chat, bouillon blanc, œillets, roses

musquées, qu’on continue de récolter jusqu’en Septembre

-

de la fleur de nénuphar qui paraît ce mois-ci

- des noix qui ont acquis leur grosseur naturelle, on les appelle cerneaux

Préparations :

- eaux distillées et sirops de cerises, groseilles, framboises, fraises

- huile de scorpions dans les provinces méridionales

- troisième distillation pour compléter l’eau des trois noix

• Août

Récoltes :

-

on commence à recueillir les racines de raifort, de fougère, de pivoine, et de nénuphar

-

les plantes d’yvette, alleluia, morelle, jusquiame, belladona, chou marin sont encore en

bon état

- les prunes, melons, concombres, concombres sauvages, mûres, le verjus sont à récolter,

arrière-saison pour les fruits rouges (framboises, fraises, groseilles, cassis)

- on a les fleurs d’asphodèle, grenade, petite centaurée

Préparations :

-

ne pas passer le mois d’août pour certaines plantes qui commencent à dépérir, pour la

préparation des onguents (populeum, martiatum mondicatif) les baumes tranquilles,

l’eau vulnéraire

• Septembre

Récoltes :

- vers la fin du mois, on récolte les baies de sureau, le noirprun (nerprun), les fruits

d’alkékenge (physalis, amour en cage)

- les pommes commencent à mûrir.

- les racines de quintefeuille, colchique, cerfeuil, orchis, fougère, oignon de lys, pommes

de terre sont déjà en état d’être récoltées. La fécule de pomme de terre à cette période

est plus blanche et en plus grande quantité

- le scolopendre et le capillaire sont aussi bons à cueillir

- plusieurs plantes aromatiques sont encore en vigueur, certaines donnent même une

seconde pousse.

- on commence à recueillir le gui de chêne

- l’asarum, le colchique, le souci des vignes, le cyclamen sont en fleurs

- les vers de terre sont meilleurs qu’en tout autre temps

- on s’y prend en Septembre et Octobre pour conserver le poumon de renard

- on fait sécher le hérisson

- les sangsues paraissent plus aptes à sucer dans ce mois, les noires rayées de jaune

n’adhèrent pas à la peau, elles sont à rejeter

- c’est le temps favorable pour se procurer tortues et vipères (on peut différer en Octobre)

- on châtre les ruches pour faire la seconde récolte de miel et de cire

• Octobre

Récoltes :

-

on a les fruits d’alkékenge, cynorrhodon, épine-vinette (vinettier), les coings, les

pommes, les baies de genièvre, les grenades de Provence

-

le ricin ne mûrit pas avant ce mois-ci, il est plus avantageux de ne le récolter qu’en

Novembre, si la gelée ne nuit pas

-

on fait la cueillette du safran, plutôt du Gatinois (Gatinais) que celui d’Orange, pas assez

beau pour les compositions des Pharmaciens

- on ramasse après la chute des feuilles les racines qui n’ont pas le cœur ligneux,

notamment la rhubarbe, de bonne qualité qu’après quatre ans.

Préparations :

-

on peut préparer les vins médicinaux par fermentation, le raisin étant à maturité.

• Novembre

Récoltes :

-

en général, les plantes dépérissent sauf les antiscorbutiques qui peuvent résister à

l’hiver, et quelques-unes que l’on conserve avec des soins particuliers.

- on récolte les agarics, les champignons, les lichens, les agarics de chêne (servait à faire

l’amadou surtout employé comme hémostatique) (62)

-

On récolte la racine de guimauve jusqu’en mars

- On récolte des olives dans les provinces méridionales, on en exprimera l’huile le plus

tôt possible, pour éviter la fermentation lorsqu’on garde les olives entassées 8 à 15 jours.

La bonne réputation de l’huile d’olive d’Aix par exemple peut s’expliquer par le fait

qu'on transporte les olives des champs au moulin le jour même.

• Décembre

Récoltes :

-

La végétation paraît absolument éteinte, à part quelques antiscorbutiques

-

On se procure et on prépare les graisses et moelles des bêtes fauves, que le froid

permet de faire venir de loin

-

Les mannes récoltées en août et septembre arrivent à Paris

-

On envoie (transporte) les eaux de vie, ce qui est préférable aux autres saisons où il y a

risque de dissiper la partie la plus spiritueuse (évaporation de l’alcool)

-

Les citrons et oranges de Provence viennent à Paris, celles-ci ordinairement pas aussi

mûres que celles de Malte, mais en grande quantité

Préparations :

-

Le pharmacien laborieux profite de ce temps pour les opérations chimiques :

o

Les distillations à la cornue

o

Les digestions, macérations

o

Préparation des teintures

o

Les extraits de substances exotiques

o

Les emplâtres…

- Le pharmacien profite des fortes gelées pour concentrer ou déflegmer (séparer une

liqueur de sa partie aqueuse) le vinaigre, naturel ou distillé, dont il a besoin pour ses

opérations.

Dans le document Faculté de Pharmacie de Paris (Page 81-86)