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Les relations roumano-suisses dans le cadre de la SdN (1919-1936)

Chapitre 2 : LES RELATIONS ROUMANO-SUISSES DANS LA NOUVELLE EUROPE

B. Le contexte interne et externe de la Suisse neutre

2.1. Les relations roumano-suisses dans le cadre de la SdN (1919-1936)

La SdN permit à la Roumanie et à la Suisse d’intensifier leur dialogue bilatéral et de travailler ensemble pour défendre la sécurité et la paix internationales par le biais de la coopération dans les domaines du droit international, de la prévention des conflits, de l’arbitrage et du désarmement.

Alors que la SdN était loin d’être une organisation parfaite, Titulescu essaya de la renforcer en développant d’autres instruments diplomatiques par la consolidation des alliances entre les petites et les moyennes puissances et le respect des décisions prises dans le forum genevois. En vue de l’amélioration de la coopération intellectuelle, il soutenait que les nations devaient faire preuve d’une réelle volonté et de collaboration internationale25.

A l’occasion de son élection comme président de la Onzième séance de l’Assemblée, le 10 septembre 1930, Titulescu fit appel au renforcement de la collaboration internationale par la compréhension, la volonté et la générosité. «L’heure n’est pas aux paroles: l’heure est aux actes»26. Une exhortation similaire fut exprimée par le chef de la délégation suisse Giuseppe Motta: «Plus que jamais, je sens la responsabilité qui pèse aujourd’hui sur moi.»27 - renchérit-il. Le diplomate suisse estimait aussi que les principaux devoirs de la SdN devaient être la poursuite efficace de la politique de sécurité et du désarmement, la prévention de la guerre par l’adoption d’importantes procédures juridiques, la défense de la paix économique et sociale. Plus loin, Titulescu donnait une interprétation plus contraignante à l’article 16 du Pacte comme une garantie d’alliance militaire entre les membres signataires. En outre, il était persuadé que la sauvegarde de la paix générale européenne pouvait être assurée par le respect de l’indépendance et de la souveraineté nationale.

Titulescu joua un rôle majeur dans la création d’alliances régionales, en particulier de la Petite Entente et de l’Entente Ballkanique28. Il a également soutenu l’idée du Pacte oriental (1934) ainsi que l’adhésion de la Petite Entente au Pacte Briand-Kellog (1928) concernant la

25

CICI, Procès-verbal de la Douzième session. Genève, du 23 au 29 juillet 1929. 26

Actes de la Onzième session ordinaire de l’Assemblée, Séance plénière. Discours du président. Genève, le 10 septembre 1930, pp. 30-31.

27

Ibidem, Rapport sur l’œuvre accomplie par la SdN. Genève, le 13 septembre 1930, p. 65. 28

TITULESCU, Nicolae : La politique extérieure de la Roumanie. Bucarest, Ed. Encyclopédique, 1996, pp. 291-292. Il déclarait ainsi : «La sécurité de la Roumanie, je l’ai fondée sur des Traités d’assistance mutuelle, et leurs annexes militaires, conclus avec différents Etats. Ceci explique la genèse de la Petite Entente et de l’Entente Balkanique. Ceci explique mon désir d’avoir des Pactes d’assistance mutuelle avec la France, avec l’URSS et, si elles le voulaient, avec l’Italie et avec l’Allemagne.»

renononciation à la guerre en tant qu’instrument de politique nationale, et au Pacte Saavedra- Lamas (1934). En revanche, il se prononça énergiquement contre le Pacte à Quatre (1933), dénonçant l’idée du révisionnisme et la tendance des grandes puissances à imposer leurs décisions aux petits pays. Mais son approche politique avait aussi un côté idéaliste lorsqu’il pensait que les alliances et l’application du droit international pourraient étioler les orgueils nationalistes et les ambitions révisionnistes.

Par rapport à l’URSS, Titulescu poursuivit une politique réaliste de bon voisinage et de coopération. Il créa un système de traités bilatéraux entre les pays balkaniques tout en essayant d’attirer l’URSS dans le système de sécurité européen. En outre, il contribua au rapprochement de la Pologne et de la France avec l’URSS en vue de la conclusion des pactes de non-agression réciproques.

En février 1933, les ministres des Affaires Etrangères de la Petite Entente se réunirent à Genève afin de renforcer leur alliance régionale dans le domaine politique et économique. De février 1932 à juin 1934 se déroula la Conférence sur le désarmement où Titulescu défendit la proposition de son homologue soviétique, concernant la définition de l’agresseur. La reprise des relations roumano-soviétiques, le 9 juin 1933, facilita la signature d’une Convention de définition de l’agresseur, connue aussi sous le nom du Pacte Titulescu-Litvinov. Ensuite, en septembre 1934, l’entrée de l’URSS à la SdN fut appuyée par la délégation roumaine.

La politique internationale faisait l’objet d’entretiens bilatéraux roumano-suisses. En décembre 1933, lors d’une discussion avec le chef de la diplomatie suisse, le ministre roumain Boerescu saisit le pessimisme de son interlocuteur à l’égard de la Conférence sur le désarmement29. Une autre fois, Motta transmit à Boerescu que la Suisse allait soutenir la candidature de la Roumanie au Conseil de la SdN30. Cet événement eut lieu en septembre 1935 lorsque la Roumanie (par Titulescu) obtint 50 voix sur 52, y compris le vote suisse.

Une idée chère à Titulescu était la «spiritualisation des frontières». Il espérait bâtir une Europe sans frontières où les droits des peuples à l’indépendance, à la souveraineté, à l’égalité et à la libre coopération seraient entièrement respectés. A l’époque, le ministre suisse en Roumanie, René de Weck, eut l’occasion de s’entretenir avec le chef de la diplomatie

29

AMAE, 71/Elvetia/vol. 1, Rapport politique de la Légation roumaine à Berne, à I.G. Duca, président du Conseil des Ministres et ministre des Affaires Etrangères, Berne, le 23 décembre 1933, p. 169.

30 Idem.

roumaine. Mais il s’aperçut vite que Titulescu n’était qu’un «beau revêur» et un «idéaliste contrarié»31.

En juin 1936, à l’occasion de l’ouverture de la Conférence de Montreux, Titulescu déclarait que la Suisse jouait un rôle majeur dans la vie internationale et que seuls ceux qui y étaient réellement associés pouvaient l’apprécier à sa juste valeur32. La première séance devait choisir le président, le vice-président et le secrétaire de la Conférence. Or Titulescu se prononça pour l’élection du chef de la délégation suisse en qualité de président d’honneur33.

Un autre concept titulescien fut celui de la «société internationale». Cela traduisait l’obligation de tous les pays d’être solidaires afin de maintenir la sécurité et la paix internationales. La Suisse devait servir de modèle universel à suivre34. Titulescu s’imaginait une Europe des Etats souverains où chacun adopterait des comportements et des actions en commun alors que la solidarité entre les Etats serait garantie par de forts engagements mutuels. Sa vision semblait être idéaliste pour son époque.

Titulescu croyait fortement que la sécurité collective pourrait fonctionner à condition que ses principes soient appliqués à l’échelle universelle. Cependant, l’incapacité de la SdN à prévenir la montée vertigineuse de la puissance militaire allemande et l’inefficacité des mesures prises dans des situations de conflit international la conduisirent graduellement vers la débâcle. Et cela devant les yeux de ses plus fidèles défenseurs.