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L’établissement des relations diplomatiques roumano-suisses (1911)

Chapitre 1 : LES RELATIONS ROUMANO-SUISSES DANS L’EUROPE ANCIENNE

B. L’historiographie des relations roumano-suisses

1.3. L’établissement des relations diplomatiques roumano-suisses (1911)

Comme l’empire austro-hongrois et la Porte ottomane avaient limité la reconnaissance de l’unification des deux Principautés roumaines au règne d’Alexandre Jean Cuza, l’idée apparut d’amener un prince de l’Europe occidentale afin d’assurer la continuité de l’Etat roumain. Après des tâtonnements officieux et diplomatiques, en 1866, la couronne des Principautés roumaines revint au prince Carol Ier, issu d’une grande famille aristocratique allemande, les Hohenzollern-Sigmaringen. A cause de l’éclatement du conflit austro-prussien, le futur roi de Roumanie avait dû voyager en cachette, avec un passeport suisse. Depuis, il considérait la Suisse comme le « berceau » de sa famille. La famille royale de Roumanie avait aussi des intérêts dans le canton de Saint-Gall où elle était propriétaire d’un château.

L’établissement des missions diplomatiques permanentes à l’étranger fut lié à la reconnaissance internationale de l’indépendance des « Principautés Unies ». Après la reconnaissance de l’indépendance de la Roumanie par les grandes puissances en février 1880, le ministre roumain à Londres, Nicolae Calimachi-Catargi, fut chargé d’aller à Berne, à

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DOBROVICI, Gh. : Istoricul dezvoltarii economice si financiare a Romaniei. Bucarest, Tip. Universul, 1934, p. 240.

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Bruxelles et à La Haye, afin d’informer d’autres gouvernements occidentaux39. Le Conseil fédéral suivait avec intérêt l’affirmation de l’Etat roumain sur la scène internationale. En réponse, le 10 juin, le président Emil Welti faisait savoir la reconnaissance de l’acte d’indépendance roumaine par la Suisse40.

A la même période, il y eut un projet issu du chef de la diplomatie roumaine à l’égard de l’ouverture d’une légation roumaine à Bruxelles pour représenter les intérêts de la Roumanie en Belgique et aux Pays-Bas. Un autre projet prévoyait l’ouverture simultanée de légations roumaines en Belgique et en Suisse. Il prenait en considération que les deux pays jouissaient d’un grand respect sur la scène internationale et étaient des foyers de la civilisation moderne. De même, la Belgique et la Suisse étaient vues comme les « sœurs » de la Roumanie par leurs aspirations et valeurs communes de liberté et de progrès41. Toutefois, cette initiative fut rejetée par les conservateurs du Parlement roumain.

Le 2 avril 1881, en annonçant aux membres du Conseil fédéral qu’il avait pris le titre de Roi de Roumanie, Carol Ier exprimait également son désir d’assister à l’intensification des relations entre les deux pays42. Le Conseil fédéral accueillit positivement cette nouvelle et manifesta son intérêt pour le développement des relations cordiales qui existaient déjà entre les deux Etats sur la base du principe de la réciprocité43.

Dans le cadre des relations avec les pays occidentaux et neutres, le gouvernement roumain commença à ouvrir des missions diplomatiques au Luxembourg (1910), en Suisse (1911), en Espagne (1913), en Suède (1916), au Danemark, au Norvège et au Portugal (1917). L’importance que le gouvernement roumain accordait au poste diplomatique de Berne fut d’emblée mise en évidence par la personnalité de Cantacuzino44.

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AFB, E 2/865, Note no 8615 du MAE au chef du Département politique et au Conseil fédéral, Berne, le 22 mai 1880.

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Ibidem, P.V. au prince de Roumanie, Berne, le 10 juin 1880. 41

Reprezentantele diplomatice ale Romaniei (I). Bucarest, Ed. Politica, 1967, p. 29. 42

AFB, E2/866, Lettre adressée au Conseil fédéral, signée «Votre bon ami, Charles», Bucarest, le 2 avril 1881.

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Ibidem, Lettre adressée au roi Charles, Département politique, Berne, le 21 avril 1881. 44

1.3.1. La mission de N. Cantacuzino en Suisse

Chez les Cantacuzino existait la tradition de faire des études à l’étranger. Les parents de N. Cantacuzino avaient poursuivi leurs études à Lausanne. Ensuite, le jeune Nicolae fut aussi envoyé dans le collège fondé par un ancien camarade de son père, Jean Louis Galliard45. Il continua ses études en droit à l’Université de Jassy avant d’entrer au Ministère des Affaires Etrangères à Bucarest. Ensuite, il fut envoyé à Budapest (vice-consul), à Vienne (deuxième secrétaire) et à Athènes (chargé d’affaires). Elevé au grade de premier secrétaire de légation, il fut transféré à Saint-Pétersbourg.

Nicolae Cantacuzino avait plusieurs atouts pour le poste diplomatique de Berne. Il jouissait d’une bonne réputation dans les cercles diplomatiques étrangers, avait une excellente éducation, parlait couramment plusieurs langues et avait une riche expérience diplomatique. Le 16 juin 1911, le premier chef de la mission roumaine présenta ses lettres de créance auprès du président de la Confédération helvétique.

Les discours et les discussions, malgré leur caractère protocolaire, mettaient en évidence les perceptions et intérêts qui motivaient les relations entre les deux pays. Ainsi, Cantacuzino exprima la considération de son gouvernement pour la Suisse – un pays qui était tellement apprécié pour ses institutions démocratiques et la qualité du travail46. De son côté, le président de la Confédération souleva l’intérêt de son pays de resserrer les liens d’amitié avec la Roumanie et de donner un nouvel essor aux relations économiques entre les deux pays47.

En 1912, Cantacuzino fut rappelé à la Centrale et nommé secrétaire général au MAE. A la veille de son départ, le Journal de Genève publia le 12 juillet un adieu de regret pour le ministre roumain, comme suit : «Bien que les amis de M. Cantacuzino se réjouissent de son avancement bien mérité, ils n’en sont pas moins fâchés de la perspective de le voir quitter la Ville fédérale. Le ministre de Roumanie avait su en effet, par son intelligence très vive et son caractère trop aimable, s’y créer de nombreuses sympathies... ». Il continua sa carrière diplomatique, étant chargé de la mission à Belgrade, puis à Saint-Pétersbourg et à Paris.

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CANTACUZINO, N. B.: Vieux Temps. − Vieilles Figures. Bucarest, 1940, p. 7. 46

AMAE, fonds N. B. Cantacuzino, Rapport de Cantacuzène à P.P. Carp, président du Conseil des ministres et ministre a. i. des Affaires Etrangères, Berne, le 18 juin 1911.

47 Idem.