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Relations mécaniques : correspondance entre acteurs, fonctions et besoins

58 autant systématiquement des organisations prolétariennes 1

1.2. Relations mécaniques : correspondance entre acteurs, fonctions et besoins

Pour introduire cette sous-partie, nous prenons l’exemple de la CPCA et de son mode d’organisation. La CPCA regroupe 15 à 16 coordinations (chiffre 2008) selon des regroupements sectoriels ou affinitaires représentatifs des diverses questions de la vie associative. Les coordinations fondatrices sont par exemple le CNOSF1 (fédération sportive), l’UNIOPSS, l’UNAF2

(pour les familles), la ligue de l’enseignement, ces coordinations sont plus structurées. La CPCA a

1 CNOSF = Comité national olympique et sportif français

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elle-même favorisé des regroupements sectoriels : la COFAC1 (pour la culture), les coordinations féministes, etc. Julien Adda, que nous interrogions, précisait qu’à l’époque « il n’a pas été possible d’organiser une coordination environnement, parce que portant des effets de structuration qui ne sont pas institutionnellement liés aux activités associatives mais plus liées à des regroupements vraiment sectoriels. Les têtes de réseaux du mouvement environnemental travaillent déjà entre elles, et n’ont pas trouvé nécessaire un regroupement ad hoc au sein d’un comité associatif, même si la CPCA travaille avec elles. » (Adda, 2008)

1.2.1. Le regroupement d’acteurs individuels

Qu’il s’agisse d’agriculteurs, de pêcheurs, de commerçants ou de transporteurs, la coopération et le regroupement sont paradoxalement un moyen pour ces acteurs de rester indépendants. En 2001, Demoustier affirmait que neuf agriculteurs sur dix s’étaient regroupés dans une coopérative (3 700 coopératives). Si la production primaire relève du domaine des entreprises familiales2, le regroupement coopératif est un facilitateur dans les domaines de l’approvisionnement des exploitations (60% de leurs intrants), de la collecte des produits agricoles, la commercialisation, la transformation, ou encore simplement de l’utilisation mutualisée des équipements (moissonneuses, etc.) (Demoustier, 2001). Demoustier dénombrait aussi près de 800 coopératives et groupements d’artisans (soit près de 100 000 entrepreneurs3 ; mais également 38 coopératives dans les secteurs du transport routier4. Les coopératives de la distribution sont avec le secteur agricole, les plus connues. Ces organisations favorisent un bon niveau de compétitivité, face aux enseignes comme

1 COFAC = Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication

2Les groupements agricoles d’exploitation en commun GAEC réunissent surtout des membres de la même famille, souligne Demoustier, p. 73-74. L’auteur précise que les coopératives de production sont rares et petites.

3 90% de ces entrepreneurs emploient moins de 20 salariés. Ces regroupements d’artisans regroupent les métiers du bâtiment, les coiffeurs, les boulangers, les bouchers, etc.

4 Demoustier reconnaît que ce chiffre est plutôt faible, sur 38 000entreprises à peine 1 000 sont réunies en 38groupements employant 5 000salariés et gérant un parc de 5 000camions. Dans le cas du transport routier, le principe est de rendre efficace et rentable le taux d’utilisation du parc.

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Carrefour, ou Auchan. D’ailleurs, la coopérative dispose d’une bonne image1

. En effet, pour un artisan commerçant, la coopération apporte une bonne publicité, et la mutualisation des achats. Cela permet l’allègement des coûts. Le regroupement est un avantage comparatif pour ces structures.

1.2.2. Besoins d’autonomie des salariés qualifiés.

Paradoxalement, la coopération favorise l’indépendance. Demoustier prend un bon exemple : celui des SCOP2. Il existe près de 1500 sociétés de coopératives ouvrières de production. Leur intérêt est la conservation et la maîtrise de leur outil de production et du produit de leur travail.

Les SCOP couvrent en majorité les secteurs du bâtiment, de l’imprimerie et de la mécanique ; même si aujourd’hui les coopératives se développent dans les services : bureau d’études, formation, insertion3. Si la construction historique des coopératives n’est plus à démontrer, c’est dans les années 80 que les SCOP ont connu un certain succès. L’histoire des coopératives est en partie liée aux crises économiques, et aux conjonctures. Ce lien entre la conjoncture et la création de coopératives donne donc l’image d’un regroupement salutaire, une sorte de recours face à la liquidation4.

1.2.3. L’aide à la consommation

Les coopératives de consommation ou magasins coopératifs ont connu un succès dans les années 1980 avant de se laisser dominer par les grandes chaînes de distribution. On ne dénombre que 78

1 L’Union fédérale des coopératives de commerçants (UFCC) compte parmi les 37 coopératives des

enseignes comme Intermarché, Intersport, Sélectour…ou encore les Centres LECLERC : 14% du commerce de détail. Ces coopératives regroupent près de 11 600commerçants, 14 500magasins d’alimentation, de sports, de voyages, bricolage, papeteries, etc.

2 SCOP= société coopérative ouvrière de production

3 Il est intéressant de voir quels sont les secteurs et les professions qui se regroupent sous forme de

coopératives. On aurait tort d’imaginer que le regroupement et la mutualisation des moyens de production ne sont que le fait des classes ouvrières.

4 D’ailleurs, Demoustier rappelle que le taux de mortalité des SCOP est inférieur à celui de la moyenne des entreprises.

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sociétés locales et une coopérative de vente par correspondance qui ne subsistent que dans 5 régions (Demoustier, 2001). Le boom écologique a favorisé l’émergence de nouveaux types de coopératives ‘bio’ (Biocoop), regroupant près de 180 magasins. Dans le secteur bancaire, l’épargne-crédit a développé près de cinq groupes bancaires coopératifs et mutualistes. Ils représentent près de 50% des dépôts et 37% des crédits. Ce sont les premiers acteurs du marché des crédits à l’équipement1 des ménages. La hausse de la consommation a fait les beaux jours du secteur bancaire.

1.2.4. La prévoyance des risques

Selon Demoustier, la prévoyance contre les risques est du domaine des mutuelles de santé et de prévoyance. Les lacunes de la sécurité sociale sont couvertes à hauteur de 7% pour les dépenses de santé générale, mais de 15 à 18% pour les interventions dentaires et optiques médicales (Demoustier, 2001). Les mutuelles gèrent près de 1 800 réalisations sanitaires et sociales (centres d’optique, dentaires, pharmacies, établissements pour handicapés, pour personnes âgées). Dans le secteur agricole, la Mutualité sociale agricole gère l’ensemble de la protection sociale et distribuait près de € 22 milliards en prestation à près de quatre millions de ruraux. Avec les associations et les fondations, les mutuelles offrent des services hospitaliers (12% des lits, 30% de l’accueil en moyen séjour et rééducation, 50% des maisons d’enfants). Dans l’assurance de biens et l’assurance vie, les 15 sociétés mutualistes sans intermédiaires sont fortement identitaires : la MAIF pour les

1 Demoustier évoque la main mise des coopératives bancaires et mutualistes dans le domaine des crédits à la consommation. « Le Crédit agricole qui assure près de 80% des crédits à l’agriculture, est le banquier d’un Français sur trois (un logement sur quatre) ; il se développe sur le crédit à a consommation avec

l’acquisition de la banque SOFINCO (5 600 000 sociétaires). Avec le rachat du CIC, il se développe sur le marché des entreprises. Avec 132 000 sociétaires, les Banques populaires sont particulièrement orientées vers la clientèle des PME, des professionnels et des particuliers. Le réseau du Crédit coopératif

(42 000personnes morales associés) s’affiche comme le partenaire des entreprises et organismes de l’économie sociale, des PME-PMI du bâtiment, des organismes de construction de logements sociaux, des collectivités publiques et des comités d’entreprise. Les Caisses d’épargne, récemment transformées en coopératives proposent le sociétariat à leurs clients, personnes physiques et morales, collectivités

territoriales, et à leurs salariés (4millions de sociétaires attendus en 2003sur leurs 26millions de clients. »

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instituteurs, la MAAF pour les artisans, la MACIF pour les commerçants et industriels (une couverture de 50% des risques automobiles, et 40% de l’assurance habitation).

1.2.5. L’action sociale

Les acteurs de l’Economie sociale et solidaire sont capitaux dans la fourniture d’aides sociales. L’action sociale est un secteur important du mouvement associatif. Les associations prennent en charge un très large public (les handicapés, la jeunesse, les chômeurs et les exclus, les « sans » (sans-logis, sans papiers, etc.)).

En tout, ce sont près de « 50% des institutions sociales et médico-légales, soit 88% des 10 000 établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées (enfants et adultes) ; 535 centres d’aide par le travail (CAT) offrant du travail (travaux d’emballage-conditionnement, etc., sous traités par des entreprises – parfois coopératives – des entreprises publics.) à 17 000 adultes handicapés ; 89% des centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) accueillent des personnes en grande difficulté sociale ; 30% des établissements d’hébergement pour les personnes âgées ; 7% des places en crèches collectives et 10% en haltes-garderies…) » (Demoustier, 2001, p77). La diversification et l’innovation de l’activité sociale des associations en font des acteurs très performants, voire compétitifs dans leur secteur.

1.2.6. L’insertion sociale et professionnelle par l’activité économique

L’insertion par le travail est l’un des piliers de l’action sociale fournie par les associations. En 1999, Demoustier se référait à la DARES et dénombrait près de 2064 structures : « 1 047 associations intermédiaires (AI) ont offert 18 500 emplois équivalent plein temps (EPT) à 207 000 personnes. 796 entreprises d’insertion (EI) gèrent 13 000 postes d’insertion ; 220 entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) ont fourni 4 001 emplois EPT à 34 300 personnes, 1 500 chantiers d’insertion occupent 36 000 personnes en contrats aidés (CES) ou en stage pendant neuf mois en moyenne ; 60groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) offrent

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1 250 postes en contrat de qualification initiative emplois. (CIE) » (Demoustier, p. 77-78). L’éducation est également ‘au programme’ des associations, avec un certain nombre d’activités périscolaires.

1.2.7. Faciliter l’accès et développer le maillage des services publics

Les associations tentent de faciliter l’accès à certains services aux usagers. Ainsi, les associations sont gestionnaires de 61% des services de soins, 70% des autres services à domicile. Ces associations sont alors prestataires ou mandataires (26% sont ainsi des simples intermédiaires administratifs entre le ménage - employeur et le salarié). Il existait en 1996 près de 130 régies de quartier associatives employant 7 000 personnes, 3 500 emplois en EPT dans le nettoyage, le gardiennage, la médiation sociale et réhabilitation. 70% des 1 500 centres sociaux sont gérés par des associations (à côté des caisses d’allocations familiales et des municipalités). Ils ont trois missions : l’action sociale et socioculturelle (auprès des familles en particulier : protection maternelle et infantile, garde d’enfants, activités de loisirs…), l’animation de la vie locale et la participation des habitants au développement local.

En conclusion de ce chapitre, il apparaît que l’hybridation des structures de l’ESS soit liée à plusieurs facteurs. D’abord, les relations de solidarité se sont développées de façon diverses, donnant lieu à différentes formes d’organisation. La protection sociale et la solidarité envers les individus doivent tenir compte du collectif et des individualités. La spécificité des organisations de l’ESS est de pouvoir développer des formes de solidarité et de protection adaptées à la diversité des individus et des collectifs. A la différence du mouvement syndical qui ne représente que les acteurs inscrit dans des relations professionnelles, l’ESS a développé des stratégies et des organisations de représentations qui doivent s’adapter à la diversité des intérêts. D’ailleurs, l’émergence des organismes représentatifs de l’économie sociale et solidaire est confrontée à la multiplication des

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enjeux de représentation et à la diversité des intérêts à défendre. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons mentionné la dichotomie entre dialogue civil et dialogue social. Or, face au déclin des organisations syndicales, ces autres organisations se développent à la fois en tant que partenaires du dialogue social et partenaires du dialogue civil. Pourtant, il semble que la participation des acteurs de l’ESS au dialogue social et aux négociations n’est pas toujours admise. Le positionnement de l’ESS est relatif à l’identité des organisations. Or, les autres partenaires sociaux ne savent pas comment considérer ces nouveaux partenaires.

Un deuxième facteur de l’hybridation des structures de l’ESS repose sur la qualité des relations. Ces relations fonctionnent selon deux variables : les relations sont organiques, c'est-à-dire qu’elles reposent sur la structure ; les relations sont mécaniques, c'est-à-dire qu’elles répondent à des besoins, et des fonctions. La construction des relations dans l’ESS prend des formes différentes, afin de couvrir des besoins différents, selon de fonctions différentes. La diversité des structures décrites par les études de Demoustier (Demoustier, 2001) prouve à quel point il est difficile d’identifier le type de relation et d’organisation. La description des relations au sein des Communautés d’Emmaüs prolonge cette argumentation. En effet, le cas des Communautés d’un pays à l’autre est un bon exemple de la façon dont les structures de l’ESS peuvent développer des systèmes spécifiques de relations.

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Chapitre 3. Comment se développe le modèle de