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6. Résultats

6.1. Le travail (homo faber)

6.2.2. Les relations interpersonnelles

6.2.2.2. Les relations avec l’équipe de travail

Dans cette partie, nous tenterons de connaître les points forts et les points faibles du travail d’équipe et de la réalité de travailler dans un milieu de femmes. Cette partie sera plus étoffée pour les éducatrices, car la RSG travaille seule à son domicile et n’a pour ainsi dire aucune équipe de travail.

Certains irritants dans les relations entre les membres de l’équipe de travail furent mis à la lumière du jour par les éducatrices. Le premier, amené par deux d’entre elles, concerne l’ancienneté et sa non-application

depuis tout récemment « Quand j’ai commencé en 2008, l’ancienneté fonctionnait, exemple il manquait une fille, bien la moins ancienne c’est elle qui se déplace. Là, depuis mon retour de congé de maternité, y’a comme pu d’ancienneté, les plus jeunes, si elle ça y tente pas trop elle va dire bien on fait chacun notre rotation. On dirait que l’ancienneté pour certaines choses ça pu… on dirait faut que ça soit le tour à chacun, c’est normal, mais en même temps pour les plus anciennes ça donne quoi d’avoir de l’ancienneté s’ils peuvent pas avoir des priorités » (EDC3).

Cette situation semble provoquer un certain inconfort chez sa collègue. Parce qu’autrefois elle fut une des moins anciennes et s’est pliée aux aléas de l’ancienneté, aujourd’hui elle ne comprend pas pourquoi elle est sur le même piédestal qu’une éducatrice nouvellement en poste. Elle dénote le manque de cohérence dans cette nouvelle pratique (EDC4).

Cette dernière (EDC4) apporte un deuxième irritant venant altérer les relations au travail entre les éducatrices : la tendance à l’individualisme lorsqu’il est question de vaquer aux tâches communes. C’est en donnant l’exemple du lavage qu’elle nous permet de bien saisir son idée. Au début, le fonctionnement était simple, mais peu efficace. Les éducatrices avaient chacune leur journée de lavage, mais certaines l’oubliaient. Elles se sont alors dit qu’il serait plus efficace de nommer une personne qui serait responsable de tout le lavage du CPE. Par contre, pour des raisons de respect du ratio enfants/éducatrice, il fut pratiquement impossible pour la personne nommée de se libérer pour répondre à sa tâche. Les éducatrices se retrouvaient encore avec la même problématique et certains conflits seraient apparus entre les travailleuses. Selon les groupes d’enfants, certaines ont besoin de plus de choses telles que des bavettes, des débarbouillettes et des piqués. Or, il pourrait être compréhensible qu’une éducatrice d’un groupe d’enfants plus âgés n’y pense pas. « Si ça serait au pire juste le sien, mais quand on part une brassée, c’est la brassé pour tout le monde […] Sauf que je pense qu’on est une équipe on n’a pas le choix faut s’entraider. Sinon ça marche pas. Là on est rendu fait tes affaires moi je vais faire les miennes, mais attend un peu, elle est où la coopération là-dedans? On dirait que l’ambiance, c’est un petit peu ça. On fait comme chacun nos affaires parce qu’on a peur qu’on se fasse dire, bien-là toi t’as fait ça ! » (EDC4)

Cet exemple nous amène à parler d’un autre problème avoué par les éducatrices, celui qu’engendre le fait de travailler dans un milieu de femmes. « Il faut garder en tête qu’on est dans une ambiance de filles. Des fois, du placotage y’en a, du mémérage y’en a, mais là on travaille là-dessus. On a comme des réunions d’équipe et on a dit parler à la bonne personne. Y’en a qui sont pas comme ça et qui s’occupent de leur affaire. Y’a de quoi ils vont te le dire, mais y’en a d’autres que c’est dans leur personnalité, on peut comme

pas les changer. Sont mémères, ils pognent les nerfs un peu vite si on peut dire. […] Je pense que ça aussi c’est un travail à long terme » (EDC17).

Cette réalité bien présente dans un univers de travail de femmes peut expliquer la préférence de cette même éducatrice à travailler dans certaines installations de son regroupement : « La relation n’est pas pareille dans les trois installations. Moi, personnellement, y’a des installations que j’aimais mieux que d’autres »(EDC17).

Ainsi, une éducatrice avec plus de 20 ans d’ancienneté fait le point sur ce genre d’atmosphère présent dans son milieu de travail en apportant sa façon de faire pour atténuer les tensions qui peuvent se présenter avec elles et ses collègues. « Avec l’expérience, j’ai appris à aller au-devant des personnes pis aussi si y’a des choses, comme on dit un milieu de fille c’est difficile. Ça, c’est vrai aussi qu’on ne se dit pas les choses quand c’est le temps. Ça reste que des fois ça fait des petites tornades entre filles. Mais maintenant, moi je ne fais plus la tornade […] maintenant, par expérience, je suis capable d’aller voir les personnes, puis je suis capable de vraiment diriger les personnes » (EDC18).

D’ailleurs, cette autre travailleuse (EDC6) dit entretenir des relations favorables avec ses collègues, car justement elle est capable de s’exprimer lorsque la situation l’oblige. Cependant, elle note que les éducatrices nouvellement en poste aurait plus de difficulté à exprimer ce qu’elles ressentent : « Ceux qui sont contractuelle, ceux qui sont moins anciennes n’osent pas venir nous dire des choses parce qu’ils disent, je n’ai pas osé te le dire. » Selon elle, il serait préférable qu’elles passent par-dessus leur gêne et qu’elles verbalisent leurs émotions à la bonne personne au lieu d’en parler à tous sauf la personne concernée.

Lorsque la communication est ouverte et basée sur le respect, les relations au travail entre les éducatrices semblent fort agréables. C’est ce que souligne cette travailleuse : « Il y a de l’humour, beaucoup de collaboration, c’est un vrai travail d’équipe, c’est incroyable. Si y’a quelqu’un qui a des besoins, il va le demander puis ça travaille beaucoup avec les forces et les faiblesses » (EDC2). Même qu’une autre affirme que les femmes qui travaillent avec elle à la garderie représentent bien plus que de simples collègues : « Je te dirais que le CPE, c’est quasiment une autre famille. […] j’ai des bonnes amies ici, c’est des gens qui sont importants pour moi, je suis contente de les voir quand je reviens de vacances […] je suis contente de revenir travailler parce qu’ils m’ont manqué » (EDC5).

Une éducatrice nouvellement engagée (EDC17) avance qu’elle n’hésite pas à aller demander de l’aide et des conseils à ses consœurs avec lesquelles elle a le plus d’affinités : « J’ai une question par rapport à un

enfant, bien moi je me sens à l’aise d’aller voir une autre éducatrice, mettons, plus expérimentée. Je vais voir une éducatrice que je me sens plus à l’aise pis je trouve que mettons que ses interventions sont cool bien je vais dire garde j’ai tel problématique, t’as-tu des idées, pourrais-tu m’aider? Mais avant d’aller voir la direction, je vais plus vers les éducatrices avant. » Pour l’aider à s’améliorer davantage dans sa pratique, elle dit travailler en tandem avec sa collègue du local voisin : « j’ai comme un local avec un autre groupe à côté, puis j’en ai comme parlé à l’autre éducatrice à côté ‘‘Hey là, si tu me vois faire sa positivement, dis-moi-le ! C’est comme mon objectif de l’année […] si tu me vois faire ça ou dire ça, si tu trouves que mon intervention est comme ambigüe, dis-moi-le je vais me reprendre.’’ » (EDC17).

De plus, une éducatrice (EDC18) en poste depuis longtemps affirme qu’il est de leur devoir, aux éducatrices plus expérimentés, d’être des modèles et des guides pour les jeunes travailleuses et de leur enseigner ce qu’elles ont appris au fil des années. « Maintenant, je suis capable, pis je le dis à la fille, à la débutant, puis souvent je suis bien reçue, puis je lui dis : ‘‘si t’as des questions, gêne-toi pas.’’ Et moi j’y dis aussi j’aime bien mieux que quelqu’un me le dise que ça soit la direction. » D’autant plus qu’elle souligne le grand roulement de personnel éducateur depuis quelques années. Ce mentorat intergénérationnel pourrait à tout le moins aider les jeunes à rester dans le métier.

Pour les RSG, le principal irritant découlant de leur métier serait l’isolement. Le fait d’être seule et à la maison ne leur permettrait pas d’aller se référer à des collègues pour obtenir leur avis sur une problématique comme en CPE. Certes, il y a le BC, mais encore là, un appel téléphonique ne remplace en rien le contact direct humain entre deux personnes (RSG9). Une collègue s’exprime sur cette situation de cloisonnement au quotidien qu’entraîne leur profession :

C’est sûr qu’un moment donné, ça peut venir lourd parce qu’on voit pas de monde à part les parents-là. On ne voit pas personne chez nous, on n’a pas de contact avec les adultes. Puis les parents, bonjour le matin, puis bye je m’en vais travailler, le soir ça bien été oui, non, pourquoi et salut. Ça c’est peut-être un côté négatif que je trouve du milieu familial, pas de contact avec les adultes. […] Tu peux échanger avec les enfants, mais là les conversations sont plus limitées. […] Ça c’est peut-être un petit peu plus négatif en soi, mais écoute on se trouve d’autres choses, on se trouve d’autres activités (RSG10).

Certaines RSG arrivent tout de même à entretenir des liens avec d’autres adultes dans le cadre de leur travail. Une d’entre elles nous mentionne les rassemblements de RSG et d’autres femmes travaillant en garderie privée au parc municipal de leur village. Ces rencontres seraient synonymes de support et d’entraide.

On se réunit au parc, bien on est plusieurs, on s’aide entre nous, soit au privé soit avec le bureau coordonnateur. Des fois, on n’a pas d’idées pour le dîner, puis entre nous on va se donner des idées de dîner, des idées d’activités, comment gérer telle situation, mettons que telle situation arrive, ça l’aide, c’est ça aussi qui fait que ça fait un peu notre social. Ça fait du bien. On est plus porté à poser des questions au parc à d’autre RSG parce qu’eux ils les vivent aussi ces situations-là, comment ils gèrent […] ils vont te donner des trucs et toi tu les appliques. Le bureau coordonnateur, il donne des trucs, mais il ne les vit pas ces situations-là (RSG14).

Une autre RSG (7) abonde dans le même sens en soulignant qu’en étant seule à la maison, en théorie elle n’aurait de relation avec aucune équipe de travail. Par contre, elle a la chance de demeurer dans un quartier où il y aurait beaucoup de garderies en milieu familial. L’été, elles se rejoignent au parc, se jumellent deux ou trois services de garde ensemble pour se promener. Ces activités lui permettent d’avoir certaines relations avec des adultes. Elle mentionne également que le village où elle demeure abonde de ressources lui permettant de varier ces activités et de nourrir son quotidien avec les enfants « Je les amène à l’heure du conte à la bibliothèque, des fois on fait des sorties à saute-mouton, l’été on va beaucoup au parc, on profite des jeux d’eau […] Comme l’hiver y’a un sentier pédestre en arrière c’est juste à côté de la maison. On part, on va se promener dans le sentier. Ici je trouve qu’on est des milieux familiaux avec plein de ressources. Je nous considère vraiment, vraiment chanceuses et je pense que ça aide justement à nous faire aimer notre travail, parce qu’on n’est pas enfermée chez nous toute seule sans contact » (RSG7).

Le fait de demeurer à proximité de ces ressources semble favoriser l’établissement d’un réseau social entre ces travailleuses. Par contre, qu’en est-il pour celles vivant dans de plus petits villages ou dans des rangs éloignés ? Il est clair que le sentiment d’isolement doit être d’autant plus vif que la distance avec le cœur du village.