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Les pratiques des travailleuses de la petite enfance : conditions, relations interpersonnelles et aspects économiques du travail

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Academic year: 2021

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Les pratiques des travailleuses

de la petite enfance : conditions, relations

interpersonnelles et aspects économiques du travail

Mémoire

Audrey Lambert Hamel

Maîtrise en administration et évaluation en éducation

Maître ès arts (M.A)

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Résumé

Cette recherche représente l’une des premières études du Québec qui donne la parole aux intervenantes de première ligne dans le domaine de l’éducation à l’enfance, les éducatrices et les responsables de service de garde (RSG). Il s’agit d’une étude menée par entrevues semi-structurées auprès de travailleuses de la petite enfance (N=18), qui se sont prononcées sur les différents aspects qui composent leur travail au quotidien. En toile de fond, la théorie de la structuration et celle de la modernité avancée de Giddens nous ont orientée tout au long de l’élaboration de ce mémoire. Également, trois concepts clés ont guidé l’analyse thématique : le rapport au travail (homo faber), le cadre social qui englobe celui-ci (homo

sociologicus) et sa dimension instrumentale (homo oeconomicus) (Paugam, 2000). Ainsi, avec ce mémoire,

nous espérons améliorer les connaissances qui permettraient de rehausser la qualité des services éducatifs octroyés aux enfants québécois, mais en passant d’abord par l’amélioration de la qualité de vie au travail des éducatrices et des RSG.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Liste des abréviations ... xiii

Avant-propos ... xv

1. Introduction ... 1

2. Problématique ... 3

2.1. Le modèle libéral ... 3

2.2. Historique des services de garde ... 5

2.2.1. Les germes des premiers services de garde ... 5

2.2.2. La préparation à l’institutionnalisation ... 8

2.2.3. Institutionnalisation partielle ... 10

2.2.4. La création des CPE et de l’institutionnalisation « totale » des services de garde ... 12

2.2.5. Les CPE à l’ère des années 2000 ... 13

2.3. Aujourd’hui, où en sommes-nous ? ... 15

3. Recension des écrits ... 21

3.1. Le modèle écologique de Bronfenbrenner ... 21

3.2. La qualité : ses dimensions et ses composantes ... 22

3.2.1. La qualité structurelle ... 22 3.2.1.1. Le statut ... 23 3.2.1.2. Le triangle de fer ... 24 3.2.1.3. Programme éducatif ... 25 3.2.1.3.1. La pédagogie ... 26 3.2.1.3.2. L’intervention démocratique ... 27 3.2.2. La qualité du processus ... 28

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3.2.2.2. L’éducatrice et les parents ... 29

3.2.2.3. Le jeu ... 30

3.2.3. Les effets des services de garde de qualité ... 32

3.2.3.1. Socioémotionnel ... 32

3.2.3.2. Cognitif ... 33

3.2.3.3. Langagier et littératie ... 34

3.2.3.4. Maturité scolaire ... 36

4. Cadre conceptuel et théorique ... 39

4.1. Le Rapport au travail ... 39

4.2. Théorie de la structuration ... 40

4.2.1. Agent social compétent ... 40

4.2.1.1. La compétence dans la pratique. ... 41

4.2.1.2. La compétence discursive ... 42

4.2.1.3. Le contrôle réflexif, la rationalisation de l’action et la motivation ... 42

4.2.2. Le structurel et les structures. ... 44

4.2.2.1. Les règles ... 45

4.2.2.2. Les ressources ... 46

4.2.3. Les formes d’intégrations. ... 47

4.3. La modernité et la modernité avancée ... 48

4.3.1. De la tradition à la modernité ... 48

4.3.2. La modernité avancée ... 50

4.3.3. La modernité avancée et la postmodernité ... 52

5. Méthodologie ... 55

5.1. Position épistémologique ... 55

5.1.1. Théories qui ont inspiré l’œuvre de Garfinkel ... 55

5.1.2. Postulat et définition ... 56

5.1.3. Concepts clés ... 57

5.2. Le Comité d’éthique ... 59

5.3. L’échantillonnage ... 59

5.4. Instrument de collecte de données ... 62

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6. Résultats ... 65

6.1. Le travail (homo faber) ... 65

6.1.1. Les conditions de travail ... 65

6.1.1.1. Le statut de travailleuse ... 65

6.1.1.2. Horaire de travail ... 67

6.1.1.3. Planification ... 69

6.1.2. Tâches reliées au travail ... 72

6.1.2.1. Routines ... 72 6.1.2.2. Tâches pédagogiques ... 75 6.1.2.3. Tâches administratives ... 78 6.1.3. Les outils... 82 6.1.3.1. Outils pédagogiques ... 83 6.1.3.2. Outils administratifs ... 88 6.1.3.3. Les professionnels... 89 6.1.4. Les évaluations ... 91 6.1.5. La supervision pédagogique ... 98 6.1.6. Perfectionnement ... 101 6.2. Aspect sociologicus ... 107 6.2.1. Le rôle ... 107

6.2.2. Les relations interpersonnelles ... 109

6.2.2.1. Les relations avec la direction ... 109

6.2.2.2. Les relations avec l’équipe de travail ... 112

6.2.2.3. Relation avec les parents et enfants ... 116

6.2.3. Reconnaissance et valorisation de la profession ... 121

6.3. Homo oeconomicus ... 129

6.3.1. La syndicalisation ... 129

6.3.2. Possibilité d’avancement ... 135

7. Discussion ... 137

7.1. La planification comme enjeux pédagogique ... 137

7.2. Les évaluations comme moyen de développement professionnel ... 139

(8)

7.5. Valorisation et reconnaissance du métier... 146

8. Conclusion ... 151

9. Bibliographie ... 155

10. ANNEXES ... 169

10.1. ANNEXE 1 Formulaire de recrutement ... 169

10.2. ANNEXE 2 Formulaire de consentement ... 171

10.3. ANNEXE 3 Grille d’entrevue ... 175

10.4. ANNEXE 4 Grille de codage ... 177

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Liste des tableaux

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Liste des figures

Figure 1: Organisation des services de garde régis du Québec selon Bigras, 2005, p. 5 ... 5

Figure 2: L'acteur social compétent dans la pratique de Giddens (1987) adapté. ... 44

Figure 3: Schéma de la modernité de Giddens, selon Briand, 2001, p. 38 ... 50

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Liste des abréviations

ACSPGE Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance

AEC Attestation d’étude collégiale

AEMFQ Association des éducatrices et des éducateurs en milieu familial du Québec

AFPC Alliance de la Fonction publique du Canada

APSS Absence de prestation de service subventionné

AQCPE Association québécoise des CPE

BC Bureau coordonnateur

BL But lucratif

C.A. Conseil d’administration

CÉGEP Centre d’éducation général et professionnel

CEQ Centrale de l’enseignement du Québec

CPE Centre de la petite enfance

CRDI Centre de réadaptation en déficience physique

CSE Conseil Supérieur de l’Éducation

CSN Centrale syndicale nationale

CSQ Centrale des syndicats du Québec

ECCRN Early Child Care Research Network

EDC Éducatrice

ÉLDEQ Étude longitudinale du développement des enfants du Québec

EQDEM Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle

MCSA Montreal Council of Social Agencies

MFA Ministère de la Famille et des Aînés

MFE Ministère de la Famille et de l’Enfance

NICHD National Institute of Child Health and Human Development

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

OSBL Organisme sans but lucratif

OSGE Office des services de garde à l’enfance.

PAÉLÉ Programme d'aide à l'éveil à la lecture et à l'écriture dans les milieux défavorisés

RAPC Régime d’assistance publique du Canada

RCPEQC Regroupement des centres de la petite enfance de Québec et Chaudière-Appalaches

RSG Responsable de service de garde

SBL Sans but lucratif

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

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Avant-propos

La réalisation de ce mémoire fut un travail de longue haleine, parsemé d’embuches et de moments d’euphorie (oui, ceux où l’on se croit invincible!). Malgré ce qu’on entend au sujet des études supérieures, nous ne sommes jamais réellement préparés à cette aventure tant que nous ne l’avons pas vécu par nous-mêmes. Oui c’est difficile. Est-ce que j’ai eu envie de tout abandonner?, Évidement, et plus d’une fois! Cependant, ce mémoire est probablement l’une des réalisations, sinon la réalisation dont je suis le plus fière. J’y ai investi de l’énergie, un nombre d’heures incalculable et une volonté certaine d’améliorer à ma façon la société québécoise.

En premier lieu, je dois remercier ma directrice de recherche, Madame Yamina Bouchamma, qui a su me guider tout au long de mon parcours au 2e cycle par ses précieux conseils, sa disponibilité et ses

encouragements constants qui m’ont amenée à me surpasser.

De plus, c’est un merci inconditionnel que j’adresse à mes parents, Marjolaine Lambert et Sylvio Hamel, d’avoir toujours cru en moi et de m’avoir offert toutes les ressources possibles pour me permettre de faire mon chemin dans la vie. Ce mémoire est aussi le vôtre. Un merci tout spécial à ma grand-maman, Madame Ghislaine Lambert, qui s’est assise avec moi à chaque soir pour m’aider à faire mes devoirs et mes leçons au primaire lorsqu’elle a vu que je n’y parviendrais pas seule. Ce petit coup de pouce a certainement eu une grande incidence sur mes performances scolaires ultérieures.

À mes meilleures amies, Judith Breton et Joanie Giguère Pageau, chacune à votre façon vous représentez un modèle de persévérance et de détermination. Je me considère plus que chanceuse de vous avoir dans ma vie, car vous êtes des femmes inspirantes, sachez-le. Également, l’expérience de la maîtrise n’aurait pas été la même sans toi, Élyse Fréchette. Merci pour tes opinions justes et éclairées, d’avoir pris le temps de m’écouter répéter en boucle mes petits malheurs académiques, mais surtout d’avoir partagé avec moi de nombreux fous rires!

Finalement, il m’aurait été impossible de passer sous silence l’appui de mon amoureux, Eric Rousseau. Tu m’as accompagnée dès le début de la maîtrise jusqu'à l’obtention de mon diplôme en m’offrant un type de pédagogie bien à toi. Tu t’es intéressé à mon projet de recherche sans trop savoir ce que je faisais, mais toujours avec une curiosité d’en apprendre davantage. Finalement, ta capacité à t’investir à 100% dans tes projets m’a poussée à faire de même avec la réalisation de ce mémoire.

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1. Introduction

La généralisation de la garde des jeunes enfants dans les pays industrialisés est une réalité bien présente et se traduit par une expérience normative pour ces enfants. Ce mémoire aborde le contexte québécois où les services de garde sont considérés comme largement accessibles, abordables, inclusifs, de grande qualité et disposant de politiques qui prévoient des services financés et gérés en grande partie par le gouvernement (Dallaire, 2011).

La problématique nous permettra d’exposer l’historique de la mise en place des services de garde éducatifs comme nous les connaissons aujourd’hui et de mettre en parallèle l’évolution des conditions de travail des éducatrices et des RSG. Nous arriverons ainsi à notre premier objectif de recherche qui est de connaître le rapport qu’entretiennent les éducatrices et les RSG avec leur travail depuis l’institutionnalisation des services de garde éducatifs du Québec en 1997. Par la suite, la recension des écrits portera sur la qualité des services de garde, et ce, autant sur le plan structurel (ressources humaines et matérielles) que sur le plan du processus (relations entre éducatrice, enfants et parents et ses effets sur le développement des enfants). À cette étape, nous nous pencherons sur notre second objectif de recherche qui est d’identifier les éléments constitutifs du rapport au travail des éducatrices et des RSG (travail, social et instrumental) qui pourrait être amélioré afin de rehausser la qualité des services offerts par ces travailleuses.

Dans la méthodologie nous aborderons la position épistémologique qui nous a guidée dans notre recherche; l’ethnométhodologie. Nous discuterons de notre cadre conceptuel composé de la théorie de la structuration et celle de la modernité de Giddens (1987;1994) et du concept du rapport au travail de Paugam (2000). La démarche pour obtenir l’approbation du Comité d’éthique, la méthode d’échantillonnage, l’outil de cueillette de données et le type d’analyse choisie seront aussi abordés. Ensuite, nous parlerons des résultats de cette étude et nous reviendrons sur les faits saillants dans la discussion. La conclusion nous permettra de faire un retour global sur ce mémoire et de donner des pistes de réflexion pour de future recherche dans le domaine de l’éducation à l’enfance.

Somme toute, nous constaterons au fil de la lecture le lien étroit qui existe entre les conditions de travail et ces éléments inhérents, des éducatrices et des RSG et la qualité des services éducatifs qu’elles dispensent aux enfants. Nous espérons être en mesure de démontrer aux lecteurs l’importance de prendre en considération le rapport au travail quotidien des travailleuses en vue d’améliorer la qualité des services de garde éducatifs au Québec.

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2. Problématique

Ce chapitre portera essentiellement sur l’historique de la mise en place des services de garde éducatif, qui est divisé en cinq grandes périodes : les germes de l’institutionnalisation, la préparation à l’institutionnalisation, l’institutionnalisation partielle, la création des Centre de la petite enfance (CPE) et de l’institutionnalisation « totale » des services de garde et les CPE à l’ère des années 2000. De plus, nous nous attarderons à la place des services de garde éducatifs sans but lucratif (SBL) et les défis qu’ils rencontrent aujourd’hui et nous regarderons la question de recherche qui orientera ce mémoire. Mais d’abord, prêtons attention à quelques statistiques qui nous permettront de bien situer la place du Canada et du Québec face à l’éducation préscolaire.

2.1. Le modèle libéral

La présence accrue des femmes sur le marché du travail est un phénomène bien réel et indéniable. C’est d'ailleurs ce que rapporte une étude faite par Cooke et Reynolds « En 1971, seulement 44 % des Canadiennes étaient actives, ce taux étant l’époque le plus bas de tous les pays à l’étude. En 2001, toutefois, cette proportion était devenue comparable à celle enregistrée aux États-Unis (71 %), devançant du même coup les taux enregistrés en Australie, au Royaume-Uni et en France » (2004, p.27).

Sur cette majorité de femmes occupant un emploi rémunéré, certaines d’entre elles doivent réconcilier travail-famille. « En effet, le taux d'activité des femmes avec enfants de moins de six ans a augmenté de plus de 150 % entre 1976 et 2010, passant de 30 % à 77 % » (Service Canada, 2013). Or, parce que le besoin en service de garde est lié de près à la place des femmes sur le marché du travail, la plupart n’ont d’autres choix que de confier leurs enfants en bas âge aux services de garde en vigueur.

D’entrée de jeu, nous croyons bon de situer le lecteur sur le type de modèle des services de garde en vigueur au Canada et au Québec. Pour ce faire, Mahon (2009) suggère une classification des différents modèles de prestation des services de garde à travers le monde :a) l’approche du laisser-aller, caractérisée par la coexistence de plusieurs systèmes dans des installations souvent privées ou bénévoles, typiques des pays anglo-américains; b) le système double, basé sur les tranches d’âge (crèches pour nourrissons et jeunes enfants, prématernelle pour les enfants de trois ans jusqu’à l’âge scolaire), typique de la France et de l’Italie; et c) le système coordonné, apparu en premier dans les pays nordiques.

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inquiétant qui sévit dans le domaine de l’éducation préscolaire; celui de la commercialisation des garderies et de l’utilisation des fonds publics pour financer l’essor de celles-ci (Renaud, 2010). Déjà en 2007, il était clair que des multinationales de services de garde avaient fait leur entrée au Canada sous la bannière de

123

Global

, antérieurement ABC Acquisitions, le géant des garderies commerciales en Australie. Son principal client au Canada est 123 Busy Beavers Learning. Aujourd’hui, quatre provinces, dont la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, accordent des subventions d’immobilisation aux entrepreneurs commerciaux (Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance, n.d.). Toutefois, selon Prentice, cette tendance à la privatisation des services de garde n’est pas de bon augure. « Le recours à des prestataires de services non étatique n’est pas la norme dans les pays qui sont dotés de systèmes de services de garde universels et de bonne qualité » (2005, p.2).

Qui plus est, le Canada s’est classé au dernier rang parmi quatorze pays développés concernant le pourcentage du PIB alloué à l’éducation préscolaire et aux services de garde (Organisation de coopération de développement économique, 2006). De plus, dans une étude faite par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture(UNESCO) sur l’évaluation des systèmes de garde et d’éducation des jeunes enfants dans les pays industrialisés, le Canada s’est encore une fois classé dernier, ex aequo avec l’Irlande, en ne récoltant qu’un seul des dix points de référence servant à évaluer la qualité des services à la petite enfance (Fonds des Nations unies pour l’enfance, 2008). Cependant, le Québec a rencontré quatre des dix normes suggérées. Cette disparité entre le Canada et le Québec s’explique par le fait qu’il n’y a pas de système unique et cohérent de service de garde éducatif à l’enfance dans tout le pays (OCDE, 2004). Alors, il est de la responsabilité des territoires et des provinces d’administrer, à leur convenance, l’ensemble des services relatifs à l’éducation des tout-petits. Ainsi, chaque province et chaque territoire a adopté ses propres programmes réglementés de services de garde d’enfants et de maternelles publiques. Ces programmes incluent les garderies, les prématernelles et les services de garde en milieu familial. Ils sont tous assujettis à des lois et règlements provinciaux ou territoriaux. Y sont établis les ratios personnel-enfants, la taille maximale des groupes, les exigences en matière de formation, le milieu physique et d’autres conditions. Dans la plupart des provinces et territoires, au moins une partie du personnel doit avoir reçu une formation en éducation à l’enfance, mais il est reconnu que les exigences du Canada concernant cette formation sont loin d’être adéquates (Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013).

Or, le Québec est bien la seule province qui peut se targuer d’avoir des services de garde qui sont largement accessibles, publics, abordables, inclusifs et de qualité. De plus, le Québec dispose de politiques qui prévoient des services financés et gérés en grande partie par le gouvernement (Lauzière et Flanagan, 2004).

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Voici comment sont administrés les services de garde régis par le Ministère de la Famille et des Aînés (MFA) au Québec;

Figure 1: Organisation des services de garde régis du Québec selon Bigras, 2005, p. 5

Dans la prochaine section, nous allons nous intéresser à la mise en place du réseau des services de garde SBL tel que nous le connaissons aujourd’hui au Québec (CPE et Bureaux coordonnateurs), car c’est précisément sur ces deux types de services que nous avons basé notre étude.

2.2. Historique des services de garde

Les services de garde comme nous les connaissons aujourd’hui se sont construits au fil du temps et ont nécessité l’intervention de plusieurs acteurs. Cette partie nous permettra de bien voir et surtout de comprendre les luttes et les rapports de force qui se sont établies entre les différents groupes afin d’obtenir le réseau des CPE et de la garde en milieu familial où des milliers d’enfants vont chaque jour partout au Québec. Nous y verrons aussi les conditions de travail avec lesquelles devaient jongler les éducatrices et l’impact de l’institutionnalisation étatique sur la prestation de ces services.

2.2.1. Les germes des premiers services de garde

La garde des jeunes enfants existe depuis le milieu du 18 siècle au Québec. Inspirée par le modèle Réseau des services

de garde régis par le Ministère de la Famille Centres de la petite enfance (CPE)

Bureaux

coordonnateurs

des services de garde en milieu familial Garderies à but lucratif

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de monseigneur Bourget. Dès le 6 juin, 33 enfants âgés de deux à six ans y sont inscrits, le 21 juin, on en compte 122 et, en juillet environ 300.» (Lalonde-Graton, 2002, p.5) Du matériel éducatif en provenance de France est envoyé à Sœur Gaudry, dont un manuel sur les méthodes et pratiques d’éducation des salles d’asiles. La philosophie de ce mode de garde, supervisé par les Sœurs grises de Montréal, est axée sur l’éducation et non l’enseignement. L’objectif premier est d’abord de préserver l’innocence de ces tout-petits, développer leur intelligence et leur forme physique et bien sûr, former leurs jeunes cœurs à la vertu (Lalonde-Graton, 2002).

Après la visite d’un journaliste de La Presse, en 1885, il nous est permis de constater la qualité de ces installations gouvernées par les religieuses qui, selon l’auteur, « renferme[nt] en elle[s] les germes de l’éducation morale et intellectuelle la plus parfaite qu’il soit possible de désirer [...] Il mentionne également que [...] le pays et la société ne peuvent qu’en retirer les plus grands bénéfices » (Giroux, 2012).

Toutefois, le travail des sœurs auprès de ces enfants n’est pas de tout repos. En effet, les effectifs enfants à charges et responsable de la salle d’asile sont démesurés. « À la salle d'asile Saint-Henri, deux religieuses seulement accueillent les 400 premiers arrivants. À la salle d'asile Saint-Joseph, le nombre d'asiliennes n'a jamais dépassé quatre et on dénombre huit années où elles ne sont que deux » (Dumont-Johnson, 1980, p.49). De plus, le manque de ressources financières semble être un problème majeur dans la pérennité de l’offre de ces services. Afin de pallier ce manque, Père Rousselot décide d’aller demander des subventions à l’Assemblée législative de Québec. Le gouvernement lui accorde 0,25 $/enfant, soit 430 $ en 1872 pour la salle d’asile St-Joseph. À peine quelques années plus tard, cette contribution disparaît. L’État voit ce service comme une œuvre de charité qui ne relève pas de ses compétences (Lalonde-Graton, 2002). Plusieurs raisons expliquent pourquoi ces salles d’asile ont fermé leur portes : « Avant la Seconde Guerre mondiale, cependant, ces salles d’asile disparaissent pour différentes raisons : décès des fondateurs des salles d’asile, pressions sociales favorisant le retour des mères au foyer, etc. » (CSE, 2006)

Avec l'imminence du second conflit mondial, la force de travail des femmes devient essentielle. Le gouvernement décide donc de prendre en charge la garde de leurs enfants afin de rendre possible leur participation à l’effort de guerre. « En juillet 1942, on met sur pied un système de garderies. Une entente est signée entre les autorités fédérales et celles des provinces où se trouvent les plus grands centres industriels, c’est-à-dire, le Québec, l’Ontario et l’Alberta; les gouvernements, central et provinciaux s’engagent à défrayer chacun 50 % des déficits des garderies, les parents déboursant que 35 cents par jour pour le premier enfant et 20 cents par jour pour les autres » (Auger et Lamothe, 1981, p.124)

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Dès que la guerre se termine, il n’en prit pas plus pour que le gouvernement fédéral décide de briser son engagement avec les provinces concernant le financement des garderies. Peu de temps après, les installations n’avaient d’autres choix que de fermer leurs portes, faute de ressources financières (Lalonde-Graton, 2002).

Les femmes étant toujours sur le marché du travail, celles-ci n’avaient d’autre choix que de confier leur enfant à quelqu’un durant leur absence : «Jusqu'à la fin des années 1960, la garde des enfants est confiée aux proches : la famille, les amis, les voisins. La présence accrue des femmes sur le marché du travail fait en sorte qu’un nombre croissant d’enfants est gardé, souvent dans des conditions inadéquates » (Briand, Bellemare, & Gravel, 2004, p.11).

Durant cette période, le gouvernement fédéral décide en 1966 de créer les premières garderies à but non lucratif et, jusqu’en 1996, le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) s’entend à aider les familles en situation financière précaire à assurer les frais de garde : «[Le RAPC] finançait la moitié des programmes provinciaux d’aide financière pour les frais de garde des familles bénéficiant de l’aide sociale et éventuellement de ceux de l’ensemble des familles à revenus faibles » (Rose, 2010, p.39). Or, pour recevoir cette aide financière du gouvernement fédéral, les enfants devaient être inscrits dans une garderie SBL : « seuls les services de garde SBL étaient admissibles à la part de financement fédéral consenti aux familles « susceptibles de devenir nécessiteuses » en fonction de l’évaluation de l’état de leurs revenus » (Prentice, 2005, p.7).

Dans une autre optique, les garderies n’arrivent pas à assumer les besoins grandissants des mères travailleuses, faute de places disponibles. De plus, l’état des locaux où les enfants passent leur journée et les soins qui leur sont administrés semblent discutables : « Les enfants sont gardés dans des conditions plus ou moins satisfaisantes, plus ou moins stables et sans possibilités de contrôler la qualité des services qui leur sont prodigués » (Gravel, Bellemare, & Briand, 2007, p.58). Qui plus est, pour les femmes qui y travaillent, la vie au sein des garderies n’est pas de tout repos. En effet, elle est synonyme d’emploi atypique dû à l’insuffisance et à l’instabilité du financement, et à la non-reconnaissance du travail du personnel en service de garde par la société québécoise. Conséquemment, le contexte organisationnel des garderies entraîne un roulement de personnel important et non sans impact sur la stabilité qui y règne. L’intervention de l’État dans ce dossier semble plus que nécessaire (Lalonde-Graton, 2002).

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2.2.2. La préparation à l’institutionnalisation

La fin des années 1960 et la décennie suivante représentent une période tumultueuse dans l’élaboration d’une structure viable des services de garde, et ce, malgré l’instauration de plusieurs programmes gouvernementaux et de comité pour l’étude de la question. Déjà, en 1967, le Québec crée son propre programme d’allocation familiale universelle et d’ailleurs, encore aujourd’hui, il peut se targuer d’être la seule province canadienne à offrir des prestations pour enfants sur une base universelle (Rose, 2010, p.33). La même année, au fédéral, la commission Bird est lancée. Cette commission d’enquête a comme mandat d’évaluer la condition des femmes au Canada. Son rapport publié en 1970 souligne le besoin de garderies pour l’ensemble du pays. « Elle en recommande la création de divers types : pouponnière, garderies de jour, garderies en milieu de travail, en milieu familial ainsi que des maternelles et des centres pour recevoir les écoliers pendant les heures de travail des parents. Elle demande aussi que le gouvernement fédéral prenne des mesures, conjointement avec les provinces, pour adopter la Loi sur les garderies en vertu de laquelle les frais seraient partagés entre Ottawa et les provinces » (Musson, 1999, p.7).

Il est important de noter que, « [j]usqu'en 1972, le réseau de garderies au Québec a donc été développé presque uniquement par l'initiative privée; le coût des services de garde était financé entièrement par les parents des enfants utilisant ces services » (Des Rivières, 1975, p.9). La nécessité d’avoir des installations financées conjointement par les deux paliers décisionnels gouvernementaux est maintenant établie dans un document en règle.

Pour sa part, le Montreal Council of Social Agencies (MCSA) ouvre une enquête sur les conditions qui prévalent dans les garderies de la région métropolitaine. Le constat est peu reluisant, mais très évocateur : « Au plan physique on note que les locaux sont exigus et l’équipement insuffisant et peu accessible aux enfants; le personnel est sous-formé et les tarifs sont très élevés; enfin environ 30 % des garderies n’offrent aucun programme d’activités » (Lalonde-Graton, 2002, p.24).

En 1971, le Ministère des Affaires Sociales (MAS) forme un conseil interministériel qui a pour but de se pencher sur l’état des garderies. En se basant principalement sur l’enquête du MCSA, il recommande l’élaboration d’un règlement permettant d’assurer de meilleures conditions dans les garderies afin d’offrir un service de qualité aux utilisateurs des services. Le comité reconnaît aussi l’importance d’établir des priorités et de fixer les étapes d’implantation de ces services, dues aux contraintes budgétaires que connaît le gouvernement à ce moment. Corollairement aux nombres de places disponibles, le MAS estime que les coûts des garderies varieraient entre 6 $ et 8 $ par jour. Malgré le fait qu’il prône l’accessibilité à tous, la clientèle cible des garderies devrait d’abord être les enfants de milieux défavorisés et les mères monoparentales qui

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occupent un emploi. De plus, le comité intersectoriel met à la lumière l’importance de la collaboration des parents à la vie de leur garderie, l’implantation d’un programme d’activités qui favorise le développement optimal de l’enfant, la formation académique du personnel et l’élaboration d’un ratio enfant-éducatrice. Malheureusement, ces directives ne seront jamais appliquées. Néanmoins, le mémoire de ce comité contiendrait les éléments essentiels au développement d’un réseau de garderies de qualité (Lalonde-Graton, 2002).

En réponse aux constats et aux recommandations du comité intersectoriel, la première norme provinciale en matière de services de garde voit le jour en 1972. Elle touche à l’ensemble des éléments constituant la qualité d’un service, le programme d’activité qui est offert aux enfants, les exigences au niveau de l’alimentation, l’ergonomie et les jouets présents dans les locaux, les soins de santé promulgués aux enfants, la place des parents au sein de la garderie et la formation du personnel (MAS, 1972).

Au même moment, le gouvernement décide de débloquer certains fonds publics : « Le gouvernement fédéral, afin de pallier le chômage chez les jeunes, accorde des subventions pour la mise sur pied de projet communautaire. Des programmes comme Perspective Jeunesse et Projet d’initiatives locales (P.I.L) permettent de créer 70 garderies entre 1972 et 1974. » (Musson, 1999, p.8) Cependant, le gouvernement fédéral précise que cette aide financière est bel et bien temporaire, en mai 1974 cette allocation financière est discontinuée. « Seulement 35 des 62 garderies PIL survivent les autres se voient contraintes à fermer leurs portes. Et le MAS n’intervient toujours pas [financièrement dans le dossier] » (Lalonde-Graton, 2002, p.32). Fait intéressant, ces garderies ont toutes adopté le statut juridique d’organisme sans but lucratif (OSBL) et se caractérisent par une participation active des parents.

Afin de répondre à la situation précaire des garderies du Québec qui évolue peu, au courant des années 1970, une grande mobilisation d’une multitude d’acteurs s’organise. On peut y compter les travailleuses des garderies, les parents usagers des services, les mouvements de femmes qui s'allient au mouvement syndical québécois et certains groupes populaires. Leur but premier : faire reconnaître la responsabilité collective en matière de garde à l’enfance (Gravel et al., 2007, p.58). En 1974, la coalition s’impose sur la scène politique : « La première grande revendication de la coalition est la création d’un réseau de services de garde universel et gratuit financé par l’État » (Desmarquis, 2009, p.20). Ces revendications se continueront tout au long des années 1970, 1980 et 1990 sous différentes formes : « Campagne de sensibilisation auprès de la population, publication de mémoire, des manifestations, des occupations de bureaux de ministre et par des journées de grèves nationales » (Gravel et al., 2007, p.59).

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Les réactions vives des promoteurs des garderies poussent le gouvernement provincial à créer, en 1974, un programme de financement partiel à deux volets des services de garde; le plan Bacon. Une aide financière est accordée aux parents dont les enfants fréquentent une garderie et une subvention de démarrage est accordée aux garderies à but non lucratif pour faciliter leur implantation. Ce plan attise beaucoup de réactions dans le milieu. « Le plan Bacon accorde la priorité aux mères en situation monoparentale et aux familles défavorisées. Une subvention maximale de 5 $ par jour par enfant est versée aux familles à faible revenu par le ministère des Affaires sociales. Les garderies doivent se contenter d'une subvention de démarrage de 5000 $. La politique accorde donc peu de soutien direct aux garderies » (Devirieux, 1974).

Malgré le fait que le plan Bacon reconnaît que les services de garde sont plus qu’essentiels pour la société, celui-ci renvoie le fardeau financier aux parents et non à l’État, tel que revendiqué par la coalition. Les défenseurs des services de garde voient ce programme comme une nouvelle forme d’assistance sociale, à mille lieues de l’établissement d’un réseau de garderie solide comme ils l’entendaient (Gravel et al., 2007). Une clause intéressante dans ce plan d’action souligne que si les garderies à but lucratif désirent obtenir les subventions offertes par le MAS, elles devront se transformer en garderies sans but lucratif, et ce, avant le 1er

juillet 1975. Malgré ces imperfections, il faut reconnaître que le plan Bacon peut être vu comme le premier pas vers une reconnaissance étatique de la nécessité d’un tel service. Ayant en poche une politique en matière de services de garde, il est donc possible pour la coalition d’envisager la création d’un réseau de garderies (Lalonde-Graton, 2002).

L’année 1976 s’annonce de bon augure pour les garderies populaires du Québec. Le Parti Québécois qui est au pouvoir annonce l’intention d’instaurer un réseau public de centres de jour et de garderies. En 1977, le MAS, dirigé à l’époque par Denis Lazure, augmente considérablement l’aide financière pour l’aménagement et l’équipement des garderies. De plus, il accorde des subventions de démarrage pour les garderies sans but lucratif dans les quartiers défavorisés et une subvention spéciale est octroyée aux garderies pour faciliter l’intégration des enfants ayant des besoins particuliers. Lazure crée aussi un conseil interministériel qui a pour but de définir les balises d’une politique d’ensemble, plus proche des besoins des parents, pour l’instauration d’un réseau de garderies (Musson, 1999).

2.2.3. Institutionnalisation partielle

Le MAS, en 1979, adopte une politique des services de garde. Le Québec est d’ailleurs un pionner en la matière : « Le Québec a été une des premières provinces à systématiser sa politique de services de garde avec la Loi sur les services de garde à l’enfance de 1979 » (Rose, 2010, p.39). Cette politique a pour effet

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d’offrir le choix de garde qui répond aux besoins des parents et souligne l’importance de leur participation à la gestion des garderies. Concernant le financement, le système de garderie serait financé conjointement par l’État et par les parents selon leur revenu. Également, les subventions aux familles à faible revenu sont dorénavant accordées directement aux garderies. De plus, le gouvernement souligne le désir de privilégier le développement des garderies SBL. Cependant, cette politique des services de garde à l’enfance suscite des réserves de la part de certains acteurs, principalement le regroupement des garderies et les syndicats. D’abord à cause de l’absence d’un réseau universel de garderies gratuites contrôlées par les parents, mais aussi parce que plusieurs craignent que la création d’agences de garde en milieu familial se fasse au détriment des garderies SBL et que les pouvoirs accordés à l’Office des services de garde à l’enfance (OSGE) réduisent leur autonomie. « Enfin, tous déplorent que le financement soit insuffisant et même inéquitable pour certaines garderies dont les revenus sont plus faibles » (Lévesque, 2011, p.27).

En 1980, le gouvernement du Québec crée l’OSGE : « L'Office est chargé de coordonner, de promouvoir et de contrôler l'organisation et le développement des services de garde régis par la loi. Les services de garde régis sont des sociétés privées, généralement sans but lucratif. » (MFA, 2012)

Dans une autre optique, la conjoncture économique et sociopolitique du Québec à cette période a pour effet d’essouffler le développement d’un réseau de garderies viables. « Avec le ralentissement économique de 1981-1982, le début des années 1980, est habituellement caractérisé comme une période de repli, temps d’arrêt pour la croissance de l’État, les idéologies néolibérales prospèrent prônant le retour à l’individu et au privé » (Lemieux, 2011, p. 37). La situation financière des garderies évolue donc très peu. On constate alors une faible reconnaissance sociale du travail des employés et de la responsabilité collective à l’endroit des services de garde par les responsables publiques. « Les subventions publiques qui sont versées visent essentiellement les familles à faible revenu; les autres contribuables bénéficient de déductions fiscales » (Briand et al., 2004, p.11).

Par ailleurs, on assiste tranquillement à la syndicalisation des employés de la petite enfance. L’objectif de la syndicalisation, qui se décline en quatre temps, est; « [d’]améliorer les conditions de travail des éducatrices, de constituer un rapport de force, de développer des liens avec les travailleurs des autres garderies, et de forcer les parents à se regrouper » (Lévesque, 2011, p.28). Conjointement avec les comités de femmes, les principales centrales syndicales la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Corporation des enseignants du Québec (CEQ) formulent deux grandes revendications : une politique de services de garde largement financée par l’État et une politique de soutien à l’égalité d’accès au marché du

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Conséquemment, le début des années 1990 s’amorce sous l’égide de manifestations et de journées de grève : « On assiste à une radicalisation de l’action syndicale; à compter de 1992, les salaires deviennent la revendication prioritaire. Une journée nord-américaine des salaires en garderie (22 avril 1993) donne lieu au Québec à une grève nationale des garderies affiliées à la CSN » (Briand et al., 2004, p.11). Le regroupement des parents revendique aussi l’injection de 15 millions de dollars dans les services de garde afin d’améliorer le salaire de ces travailleuses et de geler leur contribution financière. Pour tempérer l’espace publique en 1994, la ministre Marois décide de répondre aux demandes des revendicateurs : « son gouvernement versera 6,5 millions de dollars aux éducatrices des 625 garderies sans but lucratif du Québec pour maintenir l’augmentation de leurs salaires » (Lalonde-Graton, 2002, p.225).

2.2.4. La création des CPE et de l’institutionnalisation « totale » des services de

garde

En 1995, la marche « Du pain et des roses » organisée par le mouvement des femmes réclame du gouvernement québécois des changements visant l’amélioration des conditions socio-économiques de la femme, telle que l’adoption d’une Loi sur l’équité salariale et la mise en place d’infrastructures sociales (Asselin, 1998, p.4). Or, cet événement accélère considérablement la tenue d’un débat sur l’économie sociale, puisqu’une des demandes de la marche concerne spécifiquement les services de garde.

Un an plus tard, le Sommet socio-économique de 1996 sur la reconnaissance de l’économie sociale comme mode alternatif d’activité économique offre l’occasion de mettre en place un projet longtemps espéré des militantes des services de garde du Québec ;

Le réseau des Centres de la Petite Enfance (CPE) est une des réalisations les plus connues depuis le Sommet sur l’économie et l’emploi. Initialement présenté comme un projet pilote par le Groupe de travail en économie sociale, à l’initiative du réseau Concertation interrégional des garderies populaires du Québec, la proposition visait à créer entre 275 et 300 emplois à travers l’expérimentation d’une formule de centre intégré de services à la petite enfance regroupant certains services dont une garderie, une agence de garde en milieu familial, une halte-garderie, un jardin d'enfants, une joujouthèque et des services de garde à domicile (Guindon, Neamtan, Arteau, & Simard, 2006, p.19).

Ces deux événements historiques constituèrent des assises solides pour la création de la nouvelle politique de service de garde de 1997 et du Ministère de la Famille et de l’Enfance (MFE). Cette politique aura un effet considérable pour les garderies SBL : « [Elle transformera] l’ensemble des garderies sans but lucratif en Centres de la petite enfance (CPE) à l’échelle du Québec et dont les places seraient accessibles à tous, moyennant une contribution réduite de 5 $ par jour » (Lévesque, 2011, p.31). De plus, avec cette nouvelle politique, les CPE se sont vu confier la mission de coordonner, de surveiller et de contrôler les services de

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garde en milieu familial reconnus par le gouvernement. Chaque CPE met sur pied son propre programme éducatif favorisant le développement global et intégré des enfants qu’il accueille et doit répondre à d’autres exigences du gouvernement : « [Il doit] mettre en place des services éducatifs à l’intérieur des paramètres établis par le MFE et offrir d’autres services à la famille : soutien parental, service d’aide et de conseil » (Briand et al., 2004, p.13).

Rappelons que la deuxième grande revendication par la coalition visait l’amélioration des conditions de travail du personnel en CPE. En 1998, une table de négociation provinciale qui regroupe les syndicats, le MFE et les deux regroupements provinciaux des garderies est établie. Par chance, la conjoncture du moment est favorable à la coalition : « La nouvelle préoccupation pour la qualité des services de garde au Québec ; la nécessité d’employés qualifiés et d’une rémunération reliée à cette qualification ; la tarification à prix unique aux parents et le mode de financement du gouvernement qui incitent à une échelle unique de salaire » (Briand et al., 2004, p.13).

Le gouvernement accède à leur demande en 1999 avec une hausse de 35 % sur quatre ans du salaire des éducatrices en CPE, syndiquées ou non. Les RSG voient aussi leur rétribution par enfant augmenté. Finalement, les travailleuses se voient enfin octroyer le titre d’éducatrice (Lalonde-Graton, 2002). De plus, lors de cette table de négociation, il est question de la mise en place d’un forum de négociation concernant l’instauration d’un régime de retraite et de la question épineuse de l’équité salariale. « Le gouvernement cède ainsi à la coalition […]. Toute les questions entourant les salaires, la charge de travail (le rapport personnel-enfant), les catégories d’emploi, l’équité en emploi, le régime de retraite sont négociées. » (Gravel et al., 2007, p.63) Ainsi, depuis le début des années 2000, la plupart des travailleuses en petite enfance peuvent jouir d’une sécurité au travail. « Depuis le printemps 2000, la majorité des garderies syndiquées bénéficie d’une convention collective régionale couvrant diverses conditions de travail : vacances, congés, assurances collectives, organisation du travail. » (Bellemare, Gravel, & Briand, 2005, p.207)

2.2.5. Les CPE à l’ère des années 2000

Cette formalisation des CPE que nous avons vue avec la Loi sur les services de garde de 1997 ne sera pas sans impact sur les rapports contractuels qu’ils devront entretenir avec l’État québécois. En ce qui concerne l’aspect financier, « le MFE instaure un plan comptable et un rapport financier à l’ensemble des services de garde éducatifs. Cette standardisation du rapport financier permet au MFE d’aligner la reddition des comptes avec le mode de financement introduit en 1999-2000. Au fil du temps, les exigences du MFE en ce qui a trait au rapport financier augmentent, mais les CPE tout comme les vérificateurs externes s’ajustèrent

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qualité, le MFE intervient aussi dans ce dossier : « Diverses mesures de contrôle de la qualité s’actualisent par l’établissement d’un programme d’inspection; des agents de liaison sont mandatés pour visiter les CPE et vérifier le respect des normes (ratio éducatrice-enfant, qualification des éducatrices, affichage du menu, sécurité des structures de jeux, etc.) » (Briand et al., 2004, p.14).

Il est clair qu’à première vue ces mesures de contrôle de la part du MFE peuvent être synonymes d’un effort d’institutionnalisation des services de garde. Cependant, il est important de comprendre que ces méthodes, qui semblent contraindre l’action des CPE, sont à la fois habilitantes pour ces derniers. « D’une part, le plan comptable repose essentiellement sur un logiciel de comptabilisation développé par les CPE et pour les CPE. Il résulte certainement d’un effort d’uniformisation de la part du MFE, mais il est aussi le produit de demandes présentes des CPE quant à la formulation et à la précision des exigences du MFE » (Gravel et al., 2007, p.148).

Cette spécialisation rentre aussi en ligne de compte lorsqu’il est question des installations physiques de jeux extérieurs en CPE. À cause des normes relatives de sécurité exigées par le MFE, il y a désormais des compagnies spécialisées, telles que La Jambette et ABC Récréation Québec pour la construction de modules de jeux respectant les normes exigées par le Ministère.

Or, il importe de mentionner que les demandes du MFE s’accompagnent d’un financement significatif et constant des subventions accordées aux CPE. Ce nouveau rapport de force entre le MFE et les CPE a permis d’instituer une co-construction des règles de contrôle entre les deux acteurs. À l’occasion, cela amène le MFE à modifier ou à alléger certaines de ses exigences. Prenons en exemple le cas de la présence des enfants en CPE. En 1997, le règlement prévoyait l’obligation pour les CPE de compléter des fiches d’assiduité pour les enfants et les parents d’attester leur présence. « Le règlement a soulevé un mouvement de protestation. Le MFE a alors diminué ses exigences » (Briand et al., 2004, p.15).

De plus, cette stabilité du financement viendrait jouer sur les liens affectifs au sein des CPE. Les jeunes éducatrices seraient de moins en moins impliquées dans la vie collective de la garderie tout comme les parents : « le parent agit davantage comme un consommateur, ce qui est dommage, à son avis, parce que le CPE est avant tout un milieu de vie. De fait, la stabilité financière assure l’existence du service » (Gravel et al., 2007, p.97).

L’arrivée des libéraux souffla un vent de panique dans le milieu de la petite enfance. En 2003, une coalition fut mise en branle pour le maintien des garderies à cinq dollars par jour. Ces défenseurs affirment

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que ce système serait bénéfique pour tous. « Le Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance a estimé que chaque dollar investi par le secteur public dans des services canadiens de garde d’enfants de grande qualité assure à la société des avantages nets à long terme d’une valeur de 2,54 $ » (2009, p.39). Malgré tout, la loi 32, passée en 2004, fit monter les coûts à sept dollars par jour et interdit toute forme d’affiliation syndicale au RSG (Desmarquis, 2009, p.17). Cette loi sera jugée discriminatoire et inconstitutionnelle en Cour d’appel en 2008. D’ailleurs, c’est à la fin 2010 que les RSG signeront leur toute première convention collective, entérinée à 95%. Les RSG ont obtenu principalement 25 journées de congé et des subventions plus élevées par enfant (CSN, 2011).

En début 2004, le gouvernement libéral accepta la création d’une table centrale sur la question de l’équité salariale pour les éducatrices des services de garde. « Autour de cette table furent réunis le MFE, l’AQCPE, la CSN et la CSQ. En prenant part à cette négociation, le gouvernement s’engage directement dans le dossier et reconnaît, par le fait même, l’importance de la question. C’est donc le 20 septembre 2006, après une lutte de dure haleine, que les éducatrices et les RSG ont enfin obtenu l’équité salariale » (Briand et al., 2007, p.65).

Ce moment d’euphorie de l’équité salariale ne dura pas très longtemps. Peu de temps après, le gouvernement libéral revient à la charge avec son projet de loi 24, qui vise à réformer la politique sur les services de garde de 1997. Cette nouvelle loi, adoptée en 2005, modifie considérablement le cadre institutionnel des services de garde. Elle retire la supervision des services de garde en milieu familial aux CPE et l’attribue à des bureaux coordonnateurs régionaux (BC). Cela entraînera une baisse de revenu considérable pour certains CPE et la perte de personnel clé estimée à mille, principalement des conseillères pédagogiques, qui représentent des ressources précieuses pour les éducatrices. De plus, ce détachement des services de garde en milieu familial viendra effriter leurs liens avec la collectivité locale et accroître la bureaucratisation de ce service (Lévesque, 2011).

2.3. Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

En ce qui a trait aux conditions de travail, l’étude Oui ça nous touche encore 2013 constitue une base de référence potentielle pour l’ensemble des garderies régies au Canada. Cependant, elle n’inclut pas les services de garde en milieu familial. Le niveau de satisfaction global des éducatrices face à leur travail était « élevé ». De plus, la satisfaction était supérieure pour celles qui travaillaient pour un organisme qui dirige seulement une garderie et qui était sans but lucratif. Concernant la qualité, « [p]lus de 85% des employeurs avaient adopté une ou plusieurs mesures pour améliorer la qualité au cours des douze mois précédents »

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que la qualité des services de garde en installation, comme en milieu familial au Québec, serait de moyenne à passable (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers, & Bernard, 2004). Ceci dit, nous aurons l’opportunité de constater l’évolution de la qualité éducative dans les services de garde du Québec avec la parution de la deuxième édition de l’enquête en 2014.

Toujours selon le rapport canadien de 2013, une pluralité d’employées aurait un diplôme d’études postsecondaires en éducation à l’enfance. D’ailleurs, une enquête faite par Écho Sondage (2009) nous informe qu’en 2009, 77,1 % du personnel serait qualifié dans les CPE, contrairement à 58 % dans les garderies privées. Aussi, près de 90 % des répondantes auraient participé, au cours de la dernière année, à une activité de perfectionnement professionnel. L’enquête pancanadienne nous informe que le niveau d’éducation, l’expérience et l’âge de la main-d’œuvre ont une incidence sur le choix de perfectionnement proposé par le secteur. De plus, presque la moitié des garderies ayant répondu à l’enquête affirme accueillir dans leur milieu des enfants avec des besoins particuliers, ce qui laisse présager l’importance de l’inclusion comme composante essentielle d’un système de garde de qualité (Flanagan et al., 2013).

Au niveau des salaires et des avantages sociaux, la situation semble s’être améliorée pour l’ensemble des travailleuses au Canada (Flanagan et al., 2013). Au Québec, la question houleuse de l’augmentation de salaire des éducatrices fut résorbée lors du renouvellement de la convention collective en février 2012 : « la nouvelle convention collective, valide jusqu'au 31 mars 2015, prévoit les mêmes augmentations salariales que celles accordées aux salariés du secteur public, soit des hausses qui pourront varier de 6 à 10,5 % sur cinq ans, en fonction de divers facteurs » (Le Devoir, 2012). À l’heure actuelle, les RSG sont en négociation pour leur prochaine convention collective. Un des grands piliers de cette bataille sera la reconnaissance de la valeur de leur emploi, considérant le nombre d’heures qu’elles effectuent hebdomadairement. Le statut de travailleur autonome, l’ajustement de la subvention, la répartition, l’octroi et le maintien de places subventionnées, la formation et finalement le perfectionnement seront également à l’ordre du jour (CSN, 2013; Lefebvre, 2013).

Nous l’avons vu plus tôt, la syndicalisation du quart de métier des éducatrices a eu un impact positif sur les salaires et les avantages sociaux des travailleuses. D’ailleurs, selon l’enquête Oui ça nous touche

encore 2013, les garderies syndiquées offriraient de meilleurs salaires et plus d’avantages sociaux à leurs

travailleuses. De surcroît, certaines d’entre elles œuvreraient dans des garderies dotées de pratiques distinctives en matière de ressources humaines. Elles auraient accès, entre autres, à des évaluations régulières écrites de leur rendement professionnel, d’un temps de planification rémunéré pour leur travail,

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d’une aide financière pour suivre du perfectionnement professionnel en lien avec leur métier et même parfois d’un congé payé pour être en mesure d’y avoir accès pleinement (Flanagan et al., 2013).

Un autre cheval de bataille cher au défenseur du système de garderies est l’universalité des services. À l’heure actuelle, nous dénotons un essoufflement du gouvernement provincial concernant la création de places à contribution réduite : « Le rythme d'augmentation du nombre de places disponibles a considérablement ralenti depuis que le gouvernement a atteint en 2006 son objectif précédent de 200 000 places disponibles. Alors que le nombre de places a augmenté en moyenne de 12 % par année entre 1998 et 2006, il n'a augmenté que de 3,1 % par année entre mars 2006 et 2011 » (Service Canada, 2013). Toutefois, le Parti Québécois semble vouloir remédier à la situation en débloquant un nombre de places à contribution réduite considérable et qui respecte la préférence du choix de garde des parents. Ainsi, plus de 15 000 places à sept dollars seront créées d’ici la fin 2016. Le nombre de places accordées par région ira avec la croissance démographique de chacune d’elle (Biron, 2013).

Ceci étant dit, cet objectif de vouloir débloquer un nombre considérable de places à contribution réduite est louable, mais serait-il suffisant, considérant les conclusions à lesquelles en arrivent les chercheurs de l'Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) ? « Au Québec, un enfant à la maternelle sur quatre présente une vulnérabilité dans au moins un des cinq domaines de développement » (Simard, Tremblay, Lavoie, & Audet, 2013, p.17). Qui plus est, cette vulnérabilité développementale de certains enfants est grandement reliée à des facteurs sociodémographique : « la vulnérabilité des enfants sur le plan développemental est largement tributaire de facteurs sociodémographiques et contextuels, dont l'indice de défavorisation et l'expérience préscolaire. » (Marquis, 2013) Or, tout porte à croire que la fréquentation d’un service de garde éducatif régi serait un facteur de résilience de choix : « Les enfants n’ayant pas fréquenté régulièrement un service de garde avant l’entrée à la maternelle sont plus enclins à être vulnérables dans au moins un domaine que les enfants l’ayant fait. » (Simard et al., 2013, p.17)

D’ailleurs, dans son rapport Mieux accueillir et éduquer les enfants d’âge préscolaire, une triple

question, le CSE (2012) conseille que, d’ici cinq ans, 90% des enfants de quatre ans fréquentent un service de

garde réglementé en accordant la priorité aux enfants de milieu défavorisé. Il propose aussi de rendre ce service universel et gratuit, de diminuer le ratio maître-enfants et de mettre l’accent sur l’importance d’une formation de base accrue chez les intervenants de première ligne. Tout ça dans le but de favoriser une intervention précoce dans le développement des jeunes enfants, l’égalité des chances et la réussite scolaire

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Pour ce faire, Marois a proposé la formule de l’implantation des classes maternelles quatre ans pour les enfants de milieu défavorisé. Programme entré en vigueur à l’automne 2013, il pourrait être vu comme une façon de se rapprocher des recommandations du CSE tout en prenant en considération les longues listes d’attente pour obtenir une place en CPE et le fait que les enfants de milieux défavorisés y sont trop peu présents, comparativement à ceux de la classe moyenne. La vie dans ces maternelles se rapprochera de celle en CPE : « Dans ces maternelles, les enfants de 4 ans joueront, chanteront, réciteront des comptines, amélioreront leur motricité fine et apprendront à socialiser, entre autres choses. Bref, des programmes de préscolarisation, élaborés avec la collaboration des enseignants dans l'espoir de combler les écarts entre les enfants de différents milieux. » (Leduc, 2013) Ainsi, une cinquantaine de commissions scolaires sur soixante-neuf ont réussi à mettre sur pied des classes maternelles pour les quatre ans cette année. La ministre de l’Éducation, Marie Malavoy, se dit satisfaite de cette première expérience, spécialement, car le projet de loi fut adopté tardivement, ne laissant pas beaucoup de marge de manœuvre aux commissions scolaires afin de convaincre les parents d’adhérer à ce nouveau programme préscolaire, non obligatoire (Radio-Canada, 2013). Or, les maternelles pour les enfants de quatre ans risquent de gagner en popularité chez un bon nombre de familles, sachant l’augmentation prévue des frais de services de garde pour les prochaines années. Ainsi, à compter du 1 septembre 2014, ces derniers passeront de sept à huit dollars, puis à neuf dollars l’année suivante et seront indexés pour les années suivantes (Chouinard, 2014).

Nous avons pu constater au fil du temps les luttes et les rapports de force entretenus entre les promoteurs des garderies et les deux paliers de gouvernement pour l’instauration d’un réseau de service de garde de qualité, universel et subventionné par l’État. L’institutionnalisation de 1997, avec la Loi sur les services de garde, a offert au CPE une stabilité financière, de meilleures conditions de travail pour les éducatrices, des balises pour assurer la qualité des services, mais est aussi arrivée avec certaines contraintes. À l’heure actuelle, le nouveau défi à surveiller en petite enfance sera certainement le passage des enfants de quatre ans provenant de milieux défavorisés à la maternelle et l’impact, s’il y a lieu, de l’augmentation des frais de garde sur sa fréquentation.

Considérant les éléments apportés par ce chapitre, nous avançons que la qualité des soins dispensés par les éducatrices en CPE et les RSG est intimement liée au rapport qu’elles entretiennent avec leur travail. Ainsi l’objectif premier de ce travail est de documenter le rapport au travail de ces femmes par le biais du travail en soi, du cadre social qui l’englobe et des facteurs économiques. Autrement dit, avec cette recherche, nous cherchons à comprendre quel est le rapport que les éducatrices et des RSG

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Québec. Institutionnalisation qui, répétons-le, est synonyme de qualité. Pour ce faire, dans le chapitre suivant

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3. Recension des écrits

Depuis le début des années 2000, les écrits relatifs à l’éducation de la petite enfance tendent à être plus riches qu’ils ne l’étaient auparavant. Cela peut s’expliquer de deux façons : par l’intérêt grandissant de la communauté scientifique et de la société en général envers les premières années de vie qualifiées de clés dans le développement de l’enfant, mais aussi par la présence de plus en plus importante des femmes sur le marché du travail (Bennett, 2011). Ainsi, dans le but d’enrichir nos connaissances générales sur ce domaine relativement nouveau en éducation, nous avons choisi de faire une revue de la littérature se consacrant aux services de garde éducatifs, et bien sûr de la place qui revient aux travailleuses. Comme il nous sera possible de le constater, le thème de la qualité et de ses effets sur le développement de l’enfant semble être la pierre angulaire des chercheurs. C’est donc dans cette optique que nous avons choisi d’orienter cet exercice.

3.1. Le modèle écologique de Bronfenbrenner

Le modèle écologique de Bronfenbrenner (1979) constitue la toile de fond qui nous permet de mieux comprendre le concept de qualité présent dans les services de garde éducatifs. De façon générale, « [l[’approche écologique à ceci de particulier, qu’elle permet de tenir compte de l’ensemble des facteurs « géographique, politique, économique et culturel » susceptible d’influencer le développement d’une personne et de comprendre les liens entre les facteurs » (Olds & Papalia, 2006, p.21).

L’enfant serait au cœur du système, composé de ses caractéristiques innées et biologiques; selon la théorie écologique, il représenterait l’ontosystème. Le milieu de garde représente un microsystème qui influe de façon directe sur le développement global de l’enfant. De plus, les relations interpersonnelles vécues par l’enfant à l’intérieur de ce microsystème influencent et sont influencées, à leur tour, par les relations que l’enfant développe dans les autres microsystèmes, principalement la famille. Le mésosytème est l’équivalent des liens qui existent entre les différents microsystèmes de l’enfant. La richesse du mésosystème repose sur le nombre, mais surtout sur la qualité des relations entre les microsystèmes de l’enfant.

Bien que l’exosystème et le macrosystème aient tous deux une influence sur la qualité des services de garde, celle-ci se ferait de façon indirecte. D’abord, par le biais des décisions prises au sein du CPE pour l’exosystème et par le contexte sociopolitique actuel qui sous-entend l’organisation des institutions de la société québécoise et les décisions qui émane du gouvernement pour le macrosystème (Forest, Lanthier, Nelissen, & Roy, 2007).

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3.2. La qualité : ses dimensions et ses composantes

La qualité des soins administrés aux enfants dans les services de garde aurait un grand rôle à jouer dans leur développement global, et ce, peu importent leur milieu d’origine ou les caractéristiques sociodémographiques de leur famille (Pianta, Barnett, Burchinal, & Thornburg, 2009). C’est d’ailleurs ce que suggère de récentes études sur la qualité des services de garde, qui montrent l’importance des services de garde de qualité pour les enfants provenant de famille sous-scolarisées et disposant de peu de ressources matérielles, financières et humaines. Ces services de garde de qualité pouvaient devenir un facteur de résilience pour les enfants de milieu défavorisé en augmentant leur développement cognitif, social et langagier (McCartney, Dearing, &Taylor, 2009; McCartney, Dearing, Taylor, & Bub, 2007).

Toutefois, les résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ) démontrent que les enfants provenant de milieux moins nantis sur le plan socio-économique auraient plus tendance à fréquenter des garderies de qualité inférieure, comparativement à leurs compatriotes issus de la classe moyenne ou élevée (Japel, Tremblay, & Côté, 2005). C’est aussi le cas des enfants issus des minorités ethniques, qui fréquentent majoritairement les garderies de moins bonne qualité (Philips & Adams, 2001).

Concrètement, comment conceptualisons-nous la qualité ? La communauté scientifique semble avoir établi un consensus quant aux deux grandes dimensions qui orientent son évaluation, soit; la qualité structurelle et la qualité du processus.

3.2.1. La qualité structurelle

De prime abord, la qualité dite structurelle se composerait d’indicateurs qui sont souvent réglementés par le gouvernement. Le rapport entre le nombre d’enfants et l’éducatrice, communément appelé le ratio, la taille du groupe, la formation du personnel éducateur et des gestionnaires, l’aménagement de l’espace physique, le matériel utilisé et celui proposé aux enfants et la présence d’un programme éducatif en ferait partie (Vandell, 2007). Pour leur part, Friendly, Doherty, et Beach (2006) soutiennent qu’une meilleure rémunération du personnel, un statut d’organisme SBL, un climat organisationnel positif, la satisfaction du personnel concernant le soutien des collègues et la stabilité du personnel seraient aussi des indicateurs de la dimension structurelle.

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3.2.1.1. Le statut

Le statut juridique, ou son mode d’exploitation, privé ou public, jetterait les bases de la qualité des services de garde. Un organisme SBL aurait comme mission de fournir un service à la population sans en retirer de profit. Cleveland et Krashinsky (2005) ont d’ailleurs proposé que les garderies à but non lucratif aient la mission de l’éducation des enfants plus à cœur et accueillent une proportion plus grande d’enfants avec des besoins particuliers et ceux de milieux défavorisés. De plus, les partenariats avec les autres acteurs de la communauté, tels que ceux de la santé, de l’éducation et des services sociaux, se feraient plus facilement pour les garderies SBL.

À ce propos, la communauté scientifique semble être claire; les garderies SBL offriraient des services d’éducation à l’enfance de qualité supérieure, comparativement à celles à but lucratif, qui auraient tendance à négliger certains indicateurs structurels de qualité (Cleveland & Krashinsky, 2005 ; Mitchell, 2002).

D’ailleurs, trois grandes études réalisées au début des années deux mille au Canada et au Québec soutiennent cette affirmation.

En ayant comme base de référence les données obtenues lors de l’enquête pancanadienne Oui, ça

me touche réalisée en 1998, Cleveland et Krashinsky (2004) ont montré que les services de garde SBL

obtenaient un score plus élevé, en terme de qualité globale, que les garderies BL. Les ratios enfants-éducatrices des organismes SBL ont tendance à respecter la réglementation en vigueur et le personnel éducateur a tendance à posséder une formation académique et de l’expérience dans le domaine de l’éducation à l’enfance.

Aussi, l’enquête Grandir en qualité (2004) fut très explicite dans ses conclusions; les garderies SBL, en installation tout comme en milieu familial régi, obtenaient de meilleurs scores concernant la qualité que les garderies à but lucratif, et ce, tant d’un point de vue global que pour chacune des catégories prise séparément (structuration des lieux, structuration et variation des activités, interaction avec l’éducatrice et l’enfant et l’interaction avec les parents).

Dans la même optique, Japel, Tremblay, et Côté (2005) ont montré des résultats sensiblement similaires dans leur recherche Étude longitudinale sur le développement des enfants au Québec (ÉLDEQ). En tenant compte du mode de propriété, ils ont conclu que les garderies publiques en installation tout comme en

Figure

Figure 1: Organisation des services de garde régis du Québec selon Bigras, 2005, p. 5
Figure 2: L'acteur social compétent dans la pratique de Giddens (1987) adapté.
Figure 3: Schéma de la modernité de Giddens, selon Briand, 2001, p. 38
Figure 4: Schéma de la modernité avancée de Giddens, selon Briand, 1999, p. 47  4.3.3
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