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2. Problématique

2.3. Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

En ce qui a trait aux conditions de travail, l’étude Oui ça nous touche encore 2013 constitue une base de référence potentielle pour l’ensemble des garderies régies au Canada. Cependant, elle n’inclut pas les services de garde en milieu familial. Le niveau de satisfaction global des éducatrices face à leur travail était « élevé ». De plus, la satisfaction était supérieure pour celles qui travaillaient pour un organisme qui dirige seulement une garderie et qui était sans but lucratif. Concernant la qualité, « [p]lus de 85% des employeurs avaient adopté une ou plusieurs mesures pour améliorer la qualité au cours des douze mois précédents »

que la qualité des services de garde en installation, comme en milieu familial au Québec, serait de moyenne à passable (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers, & Bernard, 2004). Ceci dit, nous aurons l’opportunité de constater l’évolution de la qualité éducative dans les services de garde du Québec avec la parution de la deuxième édition de l’enquête en 2014.

Toujours selon le rapport canadien de 2013, une pluralité d’employées aurait un diplôme d’études postsecondaires en éducation à l’enfance. D’ailleurs, une enquête faite par Écho Sondage (2009) nous informe qu’en 2009, 77,1 % du personnel serait qualifié dans les CPE, contrairement à 58 % dans les garderies privées. Aussi, près de 90 % des répondantes auraient participé, au cours de la dernière année, à une activité de perfectionnement professionnel. L’enquête pancanadienne nous informe que le niveau d’éducation, l’expérience et l’âge de la main-d’œuvre ont une incidence sur le choix de perfectionnement proposé par le secteur. De plus, presque la moitié des garderies ayant répondu à l’enquête affirme accueillir dans leur milieu des enfants avec des besoins particuliers, ce qui laisse présager l’importance de l’inclusion comme composante essentielle d’un système de garde de qualité (Flanagan et al., 2013).

Au niveau des salaires et des avantages sociaux, la situation semble s’être améliorée pour l’ensemble des travailleuses au Canada (Flanagan et al., 2013). Au Québec, la question houleuse de l’augmentation de salaire des éducatrices fut résorbée lors du renouvellement de la convention collective en février 2012 : « la nouvelle convention collective, valide jusqu'au 31 mars 2015, prévoit les mêmes augmentations salariales que celles accordées aux salariés du secteur public, soit des hausses qui pourront varier de 6 à 10,5 % sur cinq ans, en fonction de divers facteurs » (Le Devoir, 2012). À l’heure actuelle, les RSG sont en négociation pour leur prochaine convention collective. Un des grands piliers de cette bataille sera la reconnaissance de la valeur de leur emploi, considérant le nombre d’heures qu’elles effectuent hebdomadairement. Le statut de travailleur autonome, l’ajustement de la subvention, la répartition, l’octroi et le maintien de places subventionnées, la formation et finalement le perfectionnement seront également à l’ordre du jour (CSN, 2013; Lefebvre, 2013).

Nous l’avons vu plus tôt, la syndicalisation du quart de métier des éducatrices a eu un impact positif sur les salaires et les avantages sociaux des travailleuses. D’ailleurs, selon l’enquête Oui ça nous touche

encore 2013, les garderies syndiquées offriraient de meilleurs salaires et plus d’avantages sociaux à leurs

travailleuses. De surcroît, certaines d’entre elles œuvreraient dans des garderies dotées de pratiques distinctives en matière de ressources humaines. Elles auraient accès, entre autres, à des évaluations régulières écrites de leur rendement professionnel, d’un temps de planification rémunéré pour leur travail,

d’une aide financière pour suivre du perfectionnement professionnel en lien avec leur métier et même parfois d’un congé payé pour être en mesure d’y avoir accès pleinement (Flanagan et al., 2013).

Un autre cheval de bataille cher au défenseur du système de garderies est l’universalité des services. À l’heure actuelle, nous dénotons un essoufflement du gouvernement provincial concernant la création de places à contribution réduite : « Le rythme d'augmentation du nombre de places disponibles a considérablement ralenti depuis que le gouvernement a atteint en 2006 son objectif précédent de 200 000 places disponibles. Alors que le nombre de places a augmenté en moyenne de 12 % par année entre 1998 et 2006, il n'a augmenté que de 3,1 % par année entre mars 2006 et 2011 » (Service Canada, 2013). Toutefois, le Parti Québécois semble vouloir remédier à la situation en débloquant un nombre de places à contribution réduite considérable et qui respecte la préférence du choix de garde des parents. Ainsi, plus de 15 000 places à sept dollars seront créées d’ici la fin 2016. Le nombre de places accordées par région ira avec la croissance démographique de chacune d’elle (Biron, 2013).

Ceci étant dit, cet objectif de vouloir débloquer un nombre considérable de places à contribution réduite est louable, mais serait-il suffisant, considérant les conclusions à lesquelles en arrivent les chercheurs de l'Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) ? « Au Québec, un enfant à la maternelle sur quatre présente une vulnérabilité dans au moins un des cinq domaines de développement » (Simard, Tremblay, Lavoie, & Audet, 2013, p.17). Qui plus est, cette vulnérabilité développementale de certains enfants est grandement reliée à des facteurs sociodémographique : « la vulnérabilité des enfants sur le plan développemental est largement tributaire de facteurs sociodémographiques et contextuels, dont l'indice de défavorisation et l'expérience préscolaire. » (Marquis, 2013) Or, tout porte à croire que la fréquentation d’un service de garde éducatif régi serait un facteur de résilience de choix : « Les enfants n’ayant pas fréquenté régulièrement un service de garde avant l’entrée à la maternelle sont plus enclins à être vulnérables dans au moins un domaine que les enfants l’ayant fait. » (Simard et al., 2013, p.17)

D’ailleurs, dans son rapport Mieux accueillir et éduquer les enfants d’âge préscolaire, une triple

question, le CSE (2012) conseille que, d’ici cinq ans, 90% des enfants de quatre ans fréquentent un service de

garde réglementé en accordant la priorité aux enfants de milieu défavorisé. Il propose aussi de rendre ce service universel et gratuit, de diminuer le ratio maître-enfants et de mettre l’accent sur l’importance d’une formation de base accrue chez les intervenants de première ligne. Tout ça dans le but de favoriser une intervention précoce dans le développement des jeunes enfants, l’égalité des chances et la réussite scolaire

Pour ce faire, Marois a proposé la formule de l’implantation des classes maternelles quatre ans pour les enfants de milieu défavorisé. Programme entré en vigueur à l’automne 2013, il pourrait être vu comme une façon de se rapprocher des recommandations du CSE tout en prenant en considération les longues listes d’attente pour obtenir une place en CPE et le fait que les enfants de milieux défavorisés y sont trop peu présents, comparativement à ceux de la classe moyenne. La vie dans ces maternelles se rapprochera de celle en CPE : « Dans ces maternelles, les enfants de 4 ans joueront, chanteront, réciteront des comptines, amélioreront leur motricité fine et apprendront à socialiser, entre autres choses. Bref, des programmes de préscolarisation, élaborés avec la collaboration des enseignants dans l'espoir de combler les écarts entre les enfants de différents milieux. » (Leduc, 2013) Ainsi, une cinquantaine de commissions scolaires sur soixante- neuf ont réussi à mettre sur pied des classes maternelles pour les quatre ans cette année. La ministre de l’Éducation, Marie Malavoy, se dit satisfaite de cette première expérience, spécialement, car le projet de loi fut adopté tardivement, ne laissant pas beaucoup de marge de manœuvre aux commissions scolaires afin de convaincre les parents d’adhérer à ce nouveau programme préscolaire, non obligatoire (Radio-Canada, 2013). Or, les maternelles pour les enfants de quatre ans risquent de gagner en popularité chez un bon nombre de familles, sachant l’augmentation prévue des frais de services de garde pour les prochaines années. Ainsi, à compter du 1 septembre 2014, ces derniers passeront de sept à huit dollars, puis à neuf dollars l’année suivante et seront indexés pour les années suivantes (Chouinard, 2014).

Nous avons pu constater au fil du temps les luttes et les rapports de force entretenus entre les promoteurs des garderies et les deux paliers de gouvernement pour l’instauration d’un réseau de service de garde de qualité, universel et subventionné par l’État. L’institutionnalisation de 1997, avec la Loi sur les services de garde, a offert au CPE une stabilité financière, de meilleures conditions de travail pour les éducatrices, des balises pour assurer la qualité des services, mais est aussi arrivée avec certaines contraintes. À l’heure actuelle, le nouveau défi à surveiller en petite enfance sera certainement le passage des enfants de quatre ans provenant de milieux défavorisés à la maternelle et l’impact, s’il y a lieu, de l’augmentation des frais de garde sur sa fréquentation.

Considérant les éléments apportés par ce chapitre, nous avançons que la qualité des soins dispensés par les éducatrices en CPE et les RSG est intimement liée au rapport qu’elles entretiennent avec leur travail. Ainsi l’objectif premier de ce travail est de documenter le rapport au travail de ces femmes par le biais du travail en soi, du cadre social qui l’englobe et des facteurs économiques. Autrement dit, avec cette recherche, nous cherchons à comprendre quel est le rapport que les éducatrices et des RSG

Québec. Institutionnalisation qui, répétons-le, est synonyme de qualité. Pour ce faire, dans le chapitre suivant