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Analyse des données

5.4. Les ressources, gestes et compétences

5.4.5. Relations enseignant-élève et « juste autorité »

Nous remarquons, en condensant les propos des enseignants et en les comparant, que la relation enseignant-élève qu¶ils décrivent est liée à leur conception d¶une autorité juste. Les critères et les ressources et gestes professionnels qui ont été répertoriés font émerger les relations que l¶enseignant pense avoir avec ses élèves. Dans cette partie, nous tenterons de le démontrer, car les relations sont souvent présentées de manière implicite.

Repartons des propos de Faustine. Cette enseignante explique que l¶ « autorité juste » n¶est pas égalitaire, car nous ne pouvons prétendre le même comportement de tous les élèves et cela, car il faut prendre en considération la situation de chacun. Elle nous explique que parfois XQ pOqYH QH YD SDV ELHQ SRXU GHV UDLVRQV H[WHUQHV j O¶pFROH HW TXH FHOD OXL IDLW DYRLU XQ FRPSRUWHPHQWSDUIRLVLQDGpTXDW3RXUHOOHSXQLUO¶pOqYHTXLQHYDSDVELHQVLJQLILHQHSDVOui

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venir en aide, donc il faut trouver un autre moyen de communiquer. Pour Faustine, cette pratique fonctionne pour autant que nous soyons cohérents dans la manière de traiter les élèves. Selon elle, si un enseignant est cohérent, les enfants le sentent et ils comprennent ce qui l¶amène à agir différemment pour certains élèves. Pour cette enseignante, être cohérent permet aussi de travailler, de rire, de faire de l¶humour et de sortir du cadre avec les élèves.

Elle met donc en avant l¶idée que la relation doit être authentique et basée sur une certaine complicité. D¶ailleurs, elle nous le confirme lorsqu¶elle explique que, pour elle, l¶autorité se base aussi sur la discussion, car entrer en discussion, c¶est laisser la possibilité à l¶élève de se confier. Pour Faustine, il est aussi essentiel de montrer à l¶élève ce que nous ressentons et le fait que nous sommes concernés par les problèmes de comportement. Cette manière de faire met en lumière qu¶une pratique authentique, humaine, attentive à leur psychisme, est pour elle le moyen d¶obtenir le meilleur des élèves. Il s¶agit avant tout d¶une relation basée sur la confiance mutuelle.

Brigitte affirme que la relation avec les élèves « compte beaucoup » pour elle. Elle nous laisse entendre que la confiance est importante lorsqu¶elle dit qu¶il « est vraiment important que les élèves sentent qu¶on est avec eux et qu¶on veut les faire progresser ». Cette jeune enseignante ajoute l¶idée de progression, qui évoque le postulat de l¶éducabilité. Pour elle, les élèves doivent comprendre que l¶autorité de l¶enseignant est « bienveillante ». Pour ce faire, elle affirme que les règles de classe doivent être conçues avec les élèves, que ceux-ci doivent savoir à quoi s¶attendre en cas de non respect de ces dernières. Contrairement à Faustine, malgré ce cadre fourni par les règles, l¶enseignante pense qu¶il vaut mieux éviter de plaisanter avec les élèves, car cela peut être dangereux. La relation selon Brigitte est donc moins basée sur l¶authenticité et le partage, comme pour Faustine, mais plus sur la « bonne » distance.

Faustine parle de cohérence pour expliquer le fait que les règles ne soient pas toujours les mêmes pour tous et Brigitte parle de crédibilité de l¶enseignant qui se caractérise pas le respect sans défaut des règles. Les termes de cohérence et de crédibilité semblent à première vue semblables, mais sont caractérisés ici comme deux contraires.

Caroline se situe entre ces deux conceptions, car pour elle l¶autorité « vient quand on connaît les élèves » et il faut trouver le juste milieu dans la relation qui lie l¶enseignant aux élèves.

D¶une part, l¶enseignante nous propose une vision de l¶autorité similaire à celle de Brigitte lorsqu¶elle dit qu¶il faut valoriser les élèves, donner du sens à ce que l¶on fait et montrer que les règles minimes font avancer. D¶autre part, elle rejoint Faustine, lorsqu¶elle nous confie que les moments de rires et d¶ironie n¶entravent pas l¶autorité, pour autant qu¶ils aient été

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instaurés dans la confiance et dans le respect. En effet, la clé des relations enseignants-élèves, pour Caroline, est le respect. Tant que le respect est présent, rien ne devrait dégénérer, même si l¶enseignant répond à des questions personnelles ou se livre aux élèves. Selon elle, le statut de l¶enseignant, et le fait que l¶enseignant soit un adulte et l¶élève un enfant, créent une relation asymétrique de base. Pour cette enseignante, la relation doit être claire pour les élèves, ils doivent être avertis des sanctions qui pourraient tomber si certaines règles ne sont pas respectées. L¶enseignant doit être fiable et stable, et surtout respectueux. La confiance découle aussi, pour Caroline comme pour Faustine, de la discussion, car elle affirme : « je suis beaucoup dans la discussion aussi, tu discutes avant de punir ». Elle laisse donc aussi la possibilité à l¶élève de s¶exprimer, ce qui, selon elle, garantit une bonne relation, une autorité le plus juste possible.

Le concept de la confiance est aussi repris par Vincent. Dans la relation avec les élèves, cet enseignant explique qu¶il est aussi important de leur montrer que nous avons confiance en eux. Il s¶agit d¶une manière de les responsabiliser, puisque Vincent nous explique que les élèves peuvent venir lui parler s¶ils sentent une injustice, pour autant qu¶ils n¶abusent pas de cette opportunité. Toutefois, pour Vincent, comme pour Caroline, la relation doit rester asymétrique, car « être copain c¶est quelque chose que je ne ferais pas ». Les deux enseignants sont d¶accord sur le fait que plaisanter avec les élèves est possible, pour autant que le respect soit omniprésent et que les élèves y soient habitués ou préparés. Vincent met aussi en avant l¶importance du respect, et explique qu¶il faut éviter les situations qui se transforment en duel. Si cela arrive, il faut « couper et ne pas s¶exposer plus ». Caroline pense aussi qu¶il faut « éviter la confrontation ». Par contre, elle pense que si cela arrive, il ne faut pas lâcher pour montrer que nous sommes « le plus fort ». Il est alors judicieux de se GHPDQGHUTX¶HVW-FHTXLIDLWTX¶XQHVLWXDWLRQVHWUDQVIRUPHHQGXHOHWFRPPHQW pouvons-nous O¶pYLWHU ? Effectivement, dans les propos des enseignants nous voyons que les situations de conflits amènent O¶HQVHLJQDQWjV¶H[SRVHUFDULOVHUHWURXYHHQIDFHjIDFHGHYDQWO¶pOqYH&HOD dit, les règles mises en place dont parlent les enseignants précédemment ne sont-elles pas un moyen de sortir de ce face à face, de ce duel et de permettre une médiation entre O¶pOqYH HW O¶HQVHLJQDQW ?

Cristina, elle, pense comme Vincent, qu¶il ne faut pas entrer en conflit malgré le fait que, pour elle, l¶enseignant a plus de pouvoir que l¶élève. Pour cette enseignante, le respect est aussi fondamental. Il s¶agit d¶un respect mutuel qui, dans la relation avec l¶élève, se traduit aussi par des gestes tels que se serrer la main avant d¶entrer en classe ou se faire vouvoyer. Les

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élèves doivent comprendre que la relation qui les lie à l¶enseignant est asymétrique, mais cela ne doit pas empêcher que cette relation soit basée sur la confiance. Pour Cristina, comme pour Faustine, dans la relation enseignant-élève, il n¶y a pas de recette, ni de marche à suivre. Il faut agir selon l¶élève, selon le cas, au « coup par coup ». Toutefois, elle ne rejoint pas Faustine sur l¶idée de lever une punition et de la remplacer par une « réparation », car elle dit que si nous devons punir un élève parce qu¶il n¶a pas fait son travail, la punition doit être maintenue car il n¶a pas atteint l¶objectif que nous nous étions fixés pour lui. Cristina ajoute que pour être juste envers ceux qui ont fait leur travail, il faut maintenir la punition de celui qui ne l¶a pas fait. En revanche, Faustine propose d¶évaluer la situation en fonction de l¶enfant, détaché du groupe, puisque pour elle juste n¶est pas « égal pour tous ».

Jean-Louis est beaucoup plus catégorique lorsqu¶il parle de la relation enseignant-élève. Il explique qu¶il faut « mettre une distance. On n¶est pas copains. On n¶est pas égal à égal.

Vous (élèves) ne me parlez pas d¶égal à égal. Ce n¶est pas Jean-Louis, c¶est Monsieur ». Pour le bien des élèves, cet enseignant affirme qu¶il faut mettre des limites. Il reprend par contre, comme les autres enseignants, l¶idée du respect mutuel et dit clairement que « la question de l¶autorité, on ne peut pas la dissocier du respect ». Pour cet enseignant, le respect dans la relation enseignant-élève est la condition sine qua non pour que les élèves reconnaissent l¶autorité de l¶enseignant. Pour Jean-Louis, comme pour d¶autres enseignants, il faut être à l¶écoute des élèves et savoir prendre du recul. Cet enseignant ajoute que, dans la relation, il ne faut pas oublier les attentes que nous avons envers les élèves. Il rejoint alors Brigitte sur l¶importance de croire en l¶éducabilité des élèves, lorsqu¶il sous-entend qu¶il ne faut pas montrer à un élève que nous doutons de ses compétences. Comme d¶autres enseignants, Jean-Louis pense que la plaisanterie avec les élèves est un terrain glissant, qui est peut-être inévitable mais qui doit être utilisée avec précaution. La relation qui garantit une autorité juste est, pour la plupart des autres enseignants, une autorité sans actes dévalorisants. Vincent expliquait qu¶il fallait éviter le « copinage » avec les élèves, Jean-Louis le rejoint quand il nous met en garde sur le fait de se mettre au même niveau que les élèves, par exemple en ne soignant pas assez son langage.

Anne, comme Jean-Louis, évoque que la relation enseignant-élève doit être une relation asymétrique et distante, elle nous dit « chez moi c¶est très net je suis la maîtresse, je ne suis pas une copine, je suis l¶adulte ». Cette enseignante pense que la plaisanterie de l¶enseignant est possible, mais qu¶il ne faut pas s¶en prendre aux caractéristiques physiques ou à la personnalité de l¶élève. De son côté, Caroline pense qu¶il ne faut pas s¶en prendre aux

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capacités scolaires. Malgré la relation de distance symbolique que l¶enseignante affirme, elle estime important « d¶[être] avec les élèves », c¶est-à-dire de passer physiquement dans les rangs et de répondre à leurs interrogations. Dans la relation avec les élèves, elle pense qu¶il est primordial de faire comprendre aux élèves pourquoi ils sont à l¶école, de les faire réfléchir sur ce point, pour qu¶ils comprennent aussi la visée des actions de l¶enseignant envers eux.

Anne partage l¶avis de Jean-Louis en ce qui concerne le langage. Pour établir une distance avec les élèves, il ne faut pas « adapter son langage [à celui des élèves] » et elle ajoute qu¶il faut tenter de ne pas laisser les élèves user d¶un langage trop familier. Elle rejoint à la fois Jean-Louis et Vincent sur le fait qu¶il faut éviter toute relation amicale avec les élèves. Elle explique qu¶il faut « rester dans notre rôle ». Anne reprend l¶idée du respect lorsqu¶elle ajoute qu¶il faut « essayer de ne pas s¶énerver, de ne pas hurler quand les élèves font du bruit ». Ce sont ces relations qui, pour Anne, aboutissent à une juste autorité.

Johanna rejoint énormément Anne sur plusieurs aspects. Elle pense que les relations enseignant-élèves ont une forte importance sur la juste autorité. Pour cette enseignante, il ne faut pas « entrer dans le jeu des élèves », ni se mettre « au niveau des élèves » en utilisant un vocabulaire complaisant. Johanna reprend une idée de Cristina, lorsqu¶elle explique qu¶il ne faut pas oublier où l¶enseignant « désire aller » avec les élèves et garder à l¶esprit l¶objectif que l¶on a pour eux. Johanna pense, comme Anne, que la relation asymétrique entre l¶enseignant et l¶élève doit être intégrée par les élèves : « je pense qu¶il faut être clair avec les élèves dans le fait qu¶il n¶y a pas d¶égalité. » Pour elle, les élèves doivent sentir que l¶enseignant prend des décisions de manière juste. Pour cette enseignante, si les élèves se sentent traités de manière injuste, ils ne seront pas respectueux, ce qui renvoie au concept de respect mutuel de Caroline.