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L'étude « schizoDAT » rapporte une augmentation de la disponibilité du DAT chez des patients schizophrènes chroniques en comparaison à des sujets sains, au niveau du striatum, du mésencéphale, du thalamus et de plusieurs régions limbiques et temporales. Ce résultat, en accord avec l’hypothèse dopaminergique de la schizophrénie, est semblable à ceux de deux études antérieures ayant révélé une plus grande disponibilité du DAT dans le striatum (Sjoholm et al, 2004) ou le thalamus (Arakawa et al, 2009; Sjoholm et al, 2004) des patients schizophrènes en comparaison aux contrôles sains. Cependant, ce résultat contredit clairement la plupart des études publiées précédemment qui ne trouvaient aucune différence significative de la disponibilité du DAT entre les patients et sujets sains (Fusar-Poli et al, 2013a; Howes et al, 2012). L'utilisation d'un tomographe de recherche haute résolution avec un radioligand hautement sélectif et une

sensibilité de notre méthode aux anomalies régionales du DAT. En effet, nos résultats ne concernent pas le striatum dans son ensemble, mais seulement certaines parties de celui-ci avec une localisation prédominante dans le putamen et le striatum ventral. À l'aide de cette méthode, nous avons également exploré la disponibilité du DAT au sein de régions extrastriatales qui n'ont jamais été évaluées auparavant. En effet, nous avons détecté une plus grande disponibilité du DAT dans le mésencéphale (ATV et SN), et dans les zones hippocampiques et para-hippocampiques chez les patients schizophrènes. Des études post-mortem et d'imagerie ont reporté précédemment que l'hippocampe présente une faible densité ou même une absence de protéines du DAT chez les contrôles sains (Hall et al, 1999; Ito et al, 2008; Retailleau and Boraud, 2014; Scatton et al, 1980; Verney et al, 1985). Cependant, l'hippocampe reçoit des projections dopaminergiques du mésencéphale et est ainsi riche en récepteurs dopaminergiques (Hall et al, 1999; Ito et al, 2008). Des niveaux mesurables de sites de liaison du DAT ont par ailleurs pu être observés en post- mortem dans cette région (Little et al, 1995). Alors que la densité de la protéine du DAT dans l'hippocampe semble difficile à détecter chez les volontaires sains, la haute résolution et la sensibilité du HRRT pourraient nous avoir permis de révéler une augmentation significative de la disponibilité du DAT chez les patients atteints de schizophrénie.

Nos résultats doivent être interprétés à la lumière des précédentes évaluations de la fonction dopaminergique présynaptique menées dans un contexte de schizophrénie. Tout d'abord, l'élévation de la fonction dopaminergique présynaptique reportée dans la schizophrénie (Fusar- Poli et al, 2013b; Howes et al, 2012) prédominerait dans le putamen (Howes et al, 2012), ce qui correspond à nos observations. Deuxièmement, la disponibilité du DAT est également significativement plus élevée chez nos patients dans le mésencéphale où se trouve la plupart des neurones dopaminergiques. Cette observation est en accord avec les preuves récentes d'une augmentation de la capacité de synthèse de dopamine de la substance noire dans la schizophrénie (Howes et al, 2013).

dopaminergique. Une augmentation de la densité des neurones dopaminergiques semble peu probable puisque les données post-mortem décrivent une diminution de la densité de neurones dopaminergiques dans le mésencéphale des patients schizophrènes (Bogerts et al, 1983). Le chevauchement important entre les régions cérébrales où nous avons trouvé des augmentations de la disponibilité du DAT et celles où une augmentation de la capacité de synthèse ou de la libération de dopamine a été décrite précédemment soutient plutôt l'hypothèse d'un changement fonctionnel adaptatif. Ainsi, nous proposons que l’augmentation de la disponibilité du DAT pourrait constituer un marqueur d’une activité dopaminergique présynaptique excessive chez les patients schizophrènes.

La disponibilité du DAT était également corrélée positivement avec différents symptômes positifs dans plusieurs régions striatales et extrastriatales. Chez les patients schizophrènes non traités, des études antérieures ont révélé des relations similaires entre le DAT et la sévérité des symptômes positifs (Arakawa et al, 2009; Schmitt et al, 2008). Arakawa et collaborateurs ont trouvé des corrélations positives entre la densité du DAT et les scores de la PANSS totale, la PANSS négative et la PANSS positive dans le thalamus de patients schizophrènes non traités (Arakawa et al, 2009), alors que l’équipe de Schmitt a mis en évidence des corrélations positives entre les niveaux de DAT striatal et les symptômes caractéristiques d’un syndrome psychotique aigu chez des patients non traités ayant un premier épisode schizophrénique (Schmitt et al, 2008). L'utilisation de différentes ROIs et de scores composites de symptômes positifs chez les patients non traités pourrait expliquer les différences de corrélation entre les études. Il est intéressant de noter que dans notre étude les régions corrélées diffèrent selon les symptômes, ce qui suggère l'implication de différentes structures neuronales du système dopaminergique dans les différents symptômes positifs de la schizophrénie. En effet, la méfiance/persécution (item P6) et les idées de grandeur (item P5) semblent principalement liées à la disponibilité du DAT dans le putamen et le pallidum, tandis que le comportement hallucinatoire (item P3) et le contenu inhabituel de la pensée (item G9) semblent être associés à l'amygdale et l'hippocampe. Bien que la fonction dopaminergique

fonctionnelle et d’IRM anatomique soutiennent l'implication de ces régions dans les symptômes positifs de la schizophrénie (Anticevic et al, 2014; Bogerts et al, 1993; Duan et al, 2015; Ford et al, 2015; Goghari et al, 2010; Kuhn et al, 2012; Pinkham et al, 2015; Vai et al, 2015; Zierhut et al, 2013). Il est également intéressant de noter que nous n'avons trouvé aucune corrélation entre les symptômes négatifs et la disponibilité du DAT dans les régions striatales ou extrastriatales. Il a été proposé que les symptômes négatifs sont liés à l'hypoactivité dopaminergique du CPF (Abi- Dargham, 2004; Davis et al, 1991). Cependant, la faible densité de DAT dans le cortex frontal ne permet pas d'explorer cette région en imagerie TEP.

Dans l'ensemble, si on considère l’augmentation de la disponibilité du DAT comme le marqueur d'une activité dopaminergique présynaptique excessive, nos résultats sont cohérents avec l'hypothèse « classique » d'une relation entre les symptômes positifs et l'hyperactivité dopaminergique dans la schizophrénie (Davis et al, 1991). De plus, la plupart des régions où nous avons trouvé l’élévation de la disponibilité du DAT et les corrélations avec les symptômes appartiennent au striatum ventral et au système limbique, soutenant ainsi l'hypothèse d'une implication de la voie dopaminergique méso-limbique dans la dimension positive de la schizophrénie.

3.2.! Relations avec la physiopathologie de l’addiction à la cocaïne

Dans le cadre de l’étude « CAIMAN », des relations entre la disponibilité du DAT et les indices de craving ou la tendance à prendre des risques ont été observées pour la première fois chez des patients dépendants à la cocaïne, en accord avec l’hypothèse d’un lien entre la disponibilité du DAT et les symptômes ou le comportement des patients dépendants. En effet, avant le début du traitement, nous avons détecté des corrélations liant la disponibilité du DAT au score de craving en cocaïne évalué par le CCQ, et à la performance à une tache de prise de risque, l’Iowa Gambling Task (IGT). Des déficits du processus de prise de décision ont été mis en évidence par le passé

avons observé une corrélation négative entre les scores à l’IGT et la disponibilité du DAT à J3, dans des régions du système de récompense telles que le striatum, le thalamus et l’insula. Ainsi, plus la disponibilité du DAT était importante dans ces régions, plus les scores à l’IGT étaient faibles. En considérant que de faibles scores à cette tâche reflètent des stratégies orientées vers la récompense immédiate et des choix risqués, cette corrélation soutient l’hypothèse d’un lien entre dysfonction de la prise de décision et activité dopaminergique chez les patients dépendants à la cocaïne (Balconi et al, 2014; Bechara et al, 2002). Ces données sont également en accord avec une étude récente montrant que la prise de décision avec prise de risques peut être modulée par des agents dopaminergiques chez le sujet sain (Norbury et al, 2013).

Cette relation a également été rapportée au niveau de l’insula, une région impliquée dans la prise de décision et le contrôle cognitif chez les patients dépendants à la cocaïne (Cisler et al, 2013; Naqvi et al, 2009). Comme l’insula est en grande partie connue pour intégrer les informations intéroceptives vers des sensations conscientes et des processus de prise de décision, il a été proposé que les effets intéroceptifs des drogues influencent le système de récompense à travers des processus impliquant la dopamine au sein de l’insula (Ernst and Paulus, 2005; Naqvi et al, 2009). En lien avec cette hypothèse, nos résultats sont en faveur de l’existence d’une relation entre dopamine, insula et prise de décision chez les patients dépendants à la cocaïne.

Par ailleurs, les scores de craving étaient corrélés positivement au BPND du [11C]PE2I à J3 au niveau du striatum, le CPF ventral médian et de l’insula, au sein de l’hémisphère gauche uniquement. De façon intéressante, bien que ces statistiques ne soient pas corrigées, cette latéralité dominante à gauche est cohérente avec des études ayant montré une implication de la dopamine du striatum dorsal gauche dans le craving en cocaïne (Volkow et al, 2006; Wong et al, 2006). Une relation entre l’activité neurale au sein de l’insula et le craving a également été rapportée (Koob and Le Moal, 2001; Li et al, 2010). Enfin, une des fonctions connues des régions ventral médianes du CPF est de représenter la valeur subjective d’une récompense et d’être en charge des comportements dirigés vers un but (O'Doherty, 2011). Ainsi, notre observation chez des patients

dépendants à la cocaïne et abstinents depuis 3 jours appuie un peu plus le rôle du DAT au sein de ces régions dans l’addiction.

3.3.! Action pharmacologique du modafinil sur le DAT et abstinence à