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Plusieurs auteurs ont proposé que les dysfonctions du circuit de la récompense est au centre de la physiopathologie des troubles addictifs (Blum et al, 2017; Green et al, 1999; Volkow et al, 2003). Par exemple, Nora Volkow et ses collaborateurs proposent que la valeur attribuée à la récompense liée aux substances addictives et leurs indices associés est augmentée alors que celle donnée aux autres récompenses est diminuée chez les patients souffrant de toxicomanie (Volkow et al, 2003). Cela s’expliquerait par l’apprentissage conditionné et l’élévation des seuils de récompense induits

par le niveau important de stimulation du circuit de la récompense induit par ces substances. Ainsi, de nombreuses études d’imagerie ont évalué l’effet des drogues addictives sur le circuit de la récompense. Nous avons vu précédemment que des études de TEP et de SPECT ont démontré que les drogues produisent toutes une libération de dopamine dans le striatum, une région centrale du circuit de la récompense. En imagerie fonctionnelle, des études ont montré une activation spécifique du circuit de la récompense en réponse à l’administration de méthamphétamine ou d’alcool chez des sujets sains (Ingvar et al, 1998; Vollm et al, 2004). Par ailleurs, l’exposition à des indices associés à l’alcool ou à l’administration d’alcool provoque, chez des personnes alcoolo-dépendantes ou des personnes à très haut risque d’addiction à l’alcool, une plus forte activation du système de récompense, en comparaison avec les sujets contrôles (Breiter et al, 1997; Kareken et al, 2004; Tapert et al, 2003). Ainsi, une activité anormale du système de récompense semble constituer un facteur de risque pour le développement d’une dépendance, et pas seulement une conséquence de la consommation de substances addictives. Une autre étude, menée TEP à l’eau marquée, montre que des sujets souffrant d’addiction aux opioïdes présentent des activations accrues du système de la récompense en réponse à des stimuli particulièrement saillants tels que des gains monétaires, qui ne sont pas observées en réponse à des stimuli « moins récompensant » (Martin-Soelch et al, 2001), soutenant ainsi l’hypothèse de Nora Volkow mentionnée plus haut. En accord avec cette hypothèse, la majorité des études menées en IRMf avec une tâche de récompense rapportent une diminution de la réponse du NAcc chez les personnes dépendantes, par rapport aux volontaires sains (Balodis and Potenza, 2015) (Figure 15).

Toujours au sein du système de récompense, une modification de l’activité de régions frontales et de l’insula chez les personnes dépendantes aux drogues a été rapportée dans la littérature. Par exemple, des réductions persistantes de l’activité métabolique du CPF, du COF et du CCA ont été observées chez des patients cocaïnomanes en rémission (Volkow and Fowler, 2000).

Depuis, plusieurs revues ont confirmé les relations entre les fonctions de ces régions frontales et les comportements de recherche de la récompense, ainsi que le lien entre leur dysfonction et l’addiction (Goldstein and Volkow, 2011; Kalivas, 2008; Moorman and Aston-Jones, 2014; Peters et al, 2013). L’insula présente également un intérêt particulier dans l’étude des addictions, compte tenu de son rôle probable dans l’envie consciente de prendre des drogues. En effet, de nombreuses études d’imagerie fonctionnelle ont révélé une activation de l’insula associée à l’envie de consommer de la drogue, bien qu’aucune de ces études ne se soit concentrée spécifiquement sur

Figure 15 : Cartes d’activations liées à la récompense chez des sujets sains et des sujets dépendants. Activations enregistrées en IRMf pendant la tâche MID, chez des sujets contrôles « non smokers », des sujets consommateurs de cannabis « cannabis users » et des sujets fumeurs « smokers ». CN, noyau caudé ; NACC, noyau accumbens. Ces images montrent la diminution de l’activité du système de récompense chez les sujets consommateurs de drogues, par rapport aux sujets contrôle. D’après van Hell et al,

Chronic effects of cannabis use on the human reward system:

l’insula. De plus, beaucoup de ces études ont montré que l’activité au sein de l’insula est corrélée avec les évaluations subjectives de l’envie de consommer (Naqvi and Bechara, 2009). L’idée selon laquelle le dysfonctionnement de l’insula sous-tendrait la dépendance aux drogues est également soutenue par une étude montrant que les consommateurs chroniques de cocaïne ont un rapport gris/blanc réduit dans l’insula (Franklin et al, 2002),et par une étude montrant une interruption de l’addiction à la nicotine chez des personnes ayant une lésion de l’insula (Naqvi et al, 2007). Chez des sujets fumeurs, une association entre l’activité de l’insula durant le visionnage de stimuli liés au tabac et le score de dépendance aux cigarettes (échelle de Fagerstrom) a été signalée (Artiges et al, 2009). Par ailleurs, une altération de la connectivité fonctionnelle entre l’insula et les réseaux préfrontaux a été rapportée chez des consommateurs chroniques de cocaïne, suggérant ainsi que dans le processus de dépendance, le cortex insulaire, par l’intégration d’informations intéroceptives, influence le contrôle cognitif et la prise de décision médiés par les réseaux préfrontaux. Une revue reprenant un bon nombre d’études d’imagerie fonctionnelle menées chez des sujets addicts propose que l’altération de l’activité préfrontale et l’hyper-activation des structures limbiques seraient responsables des comportements inadaptés (impulsifs et compulsifs) et des sensations de manque conduisant à une consommation persistante de drogues et à la rechute (Crunelle et al, 2012). Cependant, cette littérature apparaît en réalité complexe, certaines études montrant une diminution de l’activité du circuit de la récompense chez les sujets dépendants, alors que d’autres rapportent une réactivité accrue de ce système (Hommer et al, 2011). De cette variabilité de résultats émerge tout de même une robuste localisation des différences de groupes au sein du circuit de la récompense, au niveau du striatum ventral et du CPF médian. Ces données mettent clairement en évidence l’existence d’une dysfonction du circuit de la récompense dans l’addiction, dont le mécanisme reste encore à préciser (Limbrick-Oldfield et al, 2013).

2.3.! Dépression