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Des anomalies de fonctionnement du système dopaminergique et du système de récompense ont été rapportées dans divers troubles psychiatriques (Chau et al, 2004; Davis et al, 1991; Fusar-Poli et al, 2013b; Hommer et al, 2011). Bien que les études menées chez l’animal aient établi l’existence d’une relation étroite entre ces systèmes par l’utilisation de paradigmes neurophysiologiques (Carelli and Wightman, 2004; Schultz, 1997), les preuves de leur association chez l'homme restent limitées. En particulier, on ignore si des modifications graduelles de l’activité du système dopaminergique sont à l'origine des variations de fonctionnement du système de récompense à travers un continuum regroupant la santé et la pathologie.

Chez les sujets sains, la TEP et l’IRMf ont été récemment associées pour explorer la relation entre la libération de dopamine et les activations fonctionnelles liées à la récompense. Barbara Weiland et ses collègues ont décrit des corrélations positives entre la libération de dopamine dans le NAcc, évaluée par le [11C]raclopride, et les activations liées à la récompense dans cette même région et dans le CPF (Weiland et al, 2014; Weiland et al, 2017). De la même façon, une autre équipe a observé des corrélations positives et significatives entre la libération de dopamine dans le NAcc et les activations du mésencéphale et du NAcc pendant l’anticipation de la récompense (Schott et

al, 2008). La corrélation locale entre la libération de dopamine et l’activité neurale mesurée pendant l’anticipation d’une récompense au sein du NAcc a également été observée en TEP avec le [18F]fallypride (Buckholtz et al, 2010a). Par ailleurs, l’utilisation du [18F]-FDOPA en TEP a permis de mettre en évidence des corrélations entre la capacité de synthèse de dopamine dans le mésencéphale et le traitement de la récompense (anticipation et réaction) dans le CPF (Dreher et al, 2008). Ainsi, l'utilisation de l’imagerie multimodale TEP-IRMf semble particulièrement appropriée pour l’évaluation de la relation entre le système dopaminergique et le système de récompense, aussi bien chez le volontaire sain que chez les patients présentant des troubles psychiatriques.

Des anomalies du système de récompense et du système dopaminergique méso-limbique ont été rapportées chez des patients atteints de troubles psychiatriques comme la schizophrénie, la dépression et les addictions (Chau et al, 2004). L'hyper-dopaminergie présynaptique au niveau du striatum (Fusar-Poli et al, 2013b) est au cœur de l’hypothèse dopaminergique de la schizophrénie (Davis et al, 1991; Kapur, 2003). Il a été proposé que l'hyperactivité dopaminergique chez les patients atteints de schizophrénie entraînerait une attribution aberrante de la saillance à des stimuli non pertinents (Kapur, 2003), contribuant ainsi à une association anormale entre un stimulus et une récompense. Dans le trouble dépressif majeur, la diminution de la réponse à la récompense dans le striatum (Whitton et al, 2015) serait liée à la perte de plaisir et de motivation observée chez ces patients (Naranjo et al, 2001). De plus, l'hypothèse du déficit en monoamine postule que les symptômes dépressifs proviennent de niveaux insuffisants de sérotonine, de norépinephrine, mais aussi de dopamine (Delgado, 2006). Chez les patients toxicomanes, l'ampleur de la libération de dopamine dans le striatum suite à la prise de drogue prédit les effets subjectifs de la substance (Malison et al, 1995; Volkow et al, 1997a). Nora Volkow et ses collègues ont également souligné l'implication de la dopamine striatale dans la sensation de manque chez les sujets dépendants de la cocaïne (Volkow et al, 2011). En outre, les consommateurs chroniques de drogues affichent

une réduction de la fonction du système dopaminergique et du système de récompense, attestée par une moindre disponibilité des récepteurs D2 et des activations liées à la récompense plus faibles (Hommer et al, 2011).

En tant que marqueur du système dopaminergique, le DAT occupe un rôle clé dans la régulation de la concentration de dopamine synaptique et reflète ainsi l'intégrité et la fonction des voies dopaminergiques (McHugh and Buckley, 2015). De plus, bien que controversées, des anomalies du DAT ont été rapportées dans certains troubles psychiatriques tels que les addictions (Hirth et al, 2016; Leroy et al, 2012; Narendran and Martinez, 2008; Volkow et al, 2004), les troubles de l'humeur (Pinsonneault et al, 2011) et la schizophrénie (Arakawa et al, 2009; Artiges et al, 2017b; Sjoholm et al, 2004). Ainsi, il apparaît particulièrement pertinent d’explorer la disponibilité du DAT dans les populations psychiatriques afin d’explorer la relation entre le système dopaminergique et le processus de récompense.

Pour l’évaluation du processus de récompense en IRMf, la « Monetary Incentive Delay task » (MID task) de Brian Knutson (Knutson et al, 2000) apparait comme l'outil le plus fiable et le plus utilisé pour mesurer les activations liées à la récompense chez l’Homme. En effet, la MID task a révélé que l'anticipation de récompenses monétaires d’ampleur croissante est corrélée à l'activation du NAcc (Knutson et al, 2001), tandis que la réception de la récompense est associée à des activations du CPF ventral médian (Knutson et al, 2003). De plus, des anomalies de l'activité du système de récompense ont été signalées chez des patients atteints de dépendance, de schizophrénie et de dépression grâce à l’utilisation de la MID task en IRMf (Hagele et al, 2015). Par l’intermédiaire du projet Research Domain Criteria (RDoC), l'institut national de la santé mentale aux Etats-Unis (National Institue of Mental Health, NIMH) promeut l'utilisation d'une approche dimensionnelle dans la recherche en psychiatrie, qui peut être appliquée au travers des catégories de diagnostic afin d’identifier les signatures neurobiologiques des dysfonctionnements sous-tendant les maladies mentales (Hagele et al, 2015; Insel et al, 2010). Ainsi, l’exploration du

système dopaminergique et du système de récompense dans ce contexte pourrait clarifier les relations complexes liant les niveaux moléculaires et fonctionnels du système dopaminergique à travers les différentes conditions cliniques.

En accord avec cette approche dimensionnelle, nous avons étudié la relation entre la fonction dopaminergique présynaptique et les réponses neurales du circuit de la récompense dans un groupe de participants comprenant des volontaires sains et des patients atteints de schizophrénie, de dépression ou de dépendance à la cocaïne. Nous avons utilisé l’imagerie TEP avec le radioligand [11C]PE2I pour évaluer la disponibilité du DAT, et l’IRMf avec une version modifiée de la MID task, dans une analyse statistique d’imagerie multimodale basée sur voxel. Nous avons émis l'hypothèse que la disponibilité du DAT mesurée en TEP serait corrélée à la réponse neurale liée à la récompense mesurée en IRMf lors de la MID task, au sein d’un groupe composé de volontaires sains et de patients psychiatriques. Nous avons supposé que le système dopaminergique et le système de récompense restent fortement associés chez les patients psychiatriques, de sorte qu’une fonction dopaminergique anormale devrait être liée à une dysfonction du système de récompense. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons également examiné la relation entre le DAT et les activations liées à la récompense dans chaque groupe clinique dans une analyse exploratoire secondaire.

1.3.! Résultats