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Le recours critiquable aux ordonnances conjugué à un suivi prévisionnel défaillant des textes

Dans le document Le Secrétariat général du Gouvernement (Page 162-165)

administrative, synthèse des expériences et des réflexions menées pendant la Seconde Guerre

Section 2. Un mode de coordination questionné, dans les méthodes comme dans les acteurs

B. Le recours critiquable aux ordonnances conjugué à un suivi prévisionnel défaillant des textes

213. Le recours fréquent aux ordonnances, dans l’objectif de légiférer rapidement, n’évite pas les malfaçons législatives, au contraire (1). L’absence d’un suivi prévisionnel efficace des textes est également révélatrice d’une coordination insuffisante (2).

1. Les inconvénients d’un recours trop fréquent aux ordonnances

214. Cette critique relative à l’urgence comme mode normal et habituel de la prise de décision est tout aussi valable dans le cadre de la procédure parlementaire : ainsi de l’utilisation extensive des ordonnances de l’article 38, pour des sujets qui ne justifient pas l’utilisation de ce procédé réservé en principe à des matières spécifiques ou techniques ou à des questions réellement urgentes.

Paradoxalement, quand le système fonctionne dans l’urgence, il y a une inflation de textes, ces derniers étant souvent vus d’ailleurs, ou présentés comme provisoires, et comme pouvant être changés sans difficulté : à cet égard, l’exemple de l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste est symptomatique : le processus est interdit avant toute étude approfondie, l’idée étant qu’en tout état de cause, en cas de nécessité, une loi ultérieure pourra défaire facilement ce qui aura été acté. Ainsi, la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique résulte d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 31 mars 2011, pour laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 8 avril 2011.

Le rapporteur du texte au Sénat, M. Michel Houel, a ainsi constaté que la loi intervenait avant toute évaluation approfondie de la question, alors même que divers rapports et les conclusions d’une mission d’information sur le sujet n’avaient pas encore été rendus : « Votre rapporteur ne cache pas que la rapidité du calendrier législatif ne lui a pas facilité la tâche. Sur un sujet aussi technique, dans lequel les avis, notamment scientifiques, devraient jouer un rôle essentiel, il aurait été souhaitable de bénéficier, avant de légiférer, des travaux non législatifs en cours, notamment le rapport final du CGDD323 et du CGIET324. Votre rapporteur regrette

également, comme M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, que la date d’inscription du texte en séance publique ne permette pas au législateur de s’appuyer sur les conclusions de la mission commune d’information relative aux gaz et huile de schiste conduite par nos collègues députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin »325.

D’ailleurs, en novembre 2013, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste sera moins catégorique sur les dangers de l’exploitation du gaz de schiste.

D’autre part, comme l’a justement écrit Guy Carcassonne, ce procédé ne fait pas reculer les malfaçons législatives, au contraire326.

Ces difficultés ne tiennent donc pas tant au système tel qu’il a été conçu mais plutôt à des causes extérieures aux questions de coordination interministérielle proprement dites.

L’inflation législative, le recours à la législation « administrative »327 avec les

ordonnances de l’article 38 de la Constitution, la place trop grande des cabinets ministériels ont des effets déstabilisants sur la coordination du travail gouvernemental et compliquent le travail des organes de coordination.

323 Commissariat général au développement durable.

324 Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

325 Rapport n° 556 (2010-2011) de M. Michel HOUEL, fait au nom de la commission de l’économie, du développement

durable et de l’aménagement du territoire, déposé le 25 mai 2011, p. 15.

326 CARCASSONNE (G.), La Constitution, op. cit., n° 259, p. 194.

327 MOLFESSIS (N.), Les ordonnances de la XIIème législature (2002-2007), Dossier spécial législation, LexisNexis, 2007, p.

Publié en 2004, le rapport de Michal Ben Gera328 compare le mode de

coordination du travail gouvernemental dans différents États. Il relève qu’en France, il s’écoule trop de temps entre la préparation des décisions par les services administratifs et la prise de décision en Conseil des ministres.

2. Un suivi prévisionnel des textes perfectible

215. Le rapport Duport-Durieux329 souligne lui aussi, la trop grande imprécision des programmes du travail gouvernemental émis par le Premier ministre, tous les six mois, programmes qui ne sont en réalité que les ordres du jour des prochains Conseils des ministres. Comme le constate le rapport, la déclaration de politique générale du Premier ministre est le seul élément auquel peuvent se raccrocher les services et les différents acteurs.

Ce qui avait été mis en place sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing semble s’être donc cristallisé en une formalité rigide, ne permettant pas d’organiser efficacement la coordination du travail gouvernemental.

Le rapport conclut donc en général à la nécessité d’un renforcement de la coordination administrative, autour du Secrétariat général du Gouvernement, en s’appuyant sur les secrétaires généraux des ministères, d’une manière similaire au système anglais, avec la diminution parallèle de la coordination par des organes politiques. Ceux-ci ne sont considérés, à juste titre, que comme les initiateurs légitimes de l’action, mais non comme devant coordonner l’action du travail gouvernemental dans son volet administratif proprement dit. Si la question du resserrement du gouvernement et des cabinets politiques est un préalable indispensable, il semble bien aussi que la méthodologie de la coordination du travail gouvernemental doive être repensée. Comme le relèvent les auteurs du rapport, la coordination en amont est insuffisante : trop souvent les réunions interministérielles qui devraient permettre de coordonner les travaux ne font qu’entériner une action

328 BEN-GERA (M.), Coordination des centres du gouvernement: Fonctions et organisation du bureau du gouvernement -

Analyse comparative des pays membres de l’OCDE, des PECO et des pays des Balkans occidentaux, Documents SIGMA,

prédéterminée, l’urgence étant parfois invoquée par le ministère concerné, peu enclin à ce que les autres ministères viennent interférer dans son action.

De manière plus récurrente, la place trop importante accordée aux cabinets ministériels pèse sur l’efficacité de la coordination de l’action gouvernementale.

C. Les multiples inconvénients d’une place trop grande

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