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Une nouveauté : la tentative récente de la présidence de la République d’instaurer une coordination parallèle

Dans le document Le Secrétariat général du Gouvernement (Page 184-188)

administrative, synthèse des expériences et des réflexions menées pendant la Seconde Guerre

Section 2. Un mode de coordination questionné, dans les méthodes comme dans les acteurs

B. La mission de coordination du Secrétariat général du Gouvernement compliquée par l’instauration récente d’une

2. Une nouveauté : la tentative récente de la présidence de la République d’instaurer une coordination parallèle

239. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la question de l’interventionnisme présidentiel se pose avec acuité en ce que cet interventionnisme a eu tendance à chercher à coordonner directement le travail gouvernemental plutôt qu’à l’influencer.

L’interventionnisme du Président de la République s’effectue classiquement par le biais du secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR) ou par le biais de ses conseillers.

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le SGPR a joué un rôle central et original ; bien loin d’un rôle discret, il a été au contraire présenté comme un acteur à

376 Op. cit., p. 44.

part entière, une sorte de héraut du Président de la République, qui tance les ministres, ou précise certaines de leurs déclarations.

SGPR, Claude Guéant a eu un rôle public, inédit jusque-là, en intervenant par exemple directement et publiquement auprès des ministres, concurrençant ainsi directement le Premier ministre. Fabien Foucaud rappelle ainsi que le Premier ministre lui-même a été parfois déjugé par le SGPR379.

En cela, la présidence de la République de Nicolas Sarkozy a été une rupture. Jacques Fournier observe que « (…) depuis [2007] grande question : avant, il y avait un partage entre le cabinet, qui avait la coordination politique et le Secrétariat général du Gouvernement qui avait la coordination administrative et juridique. Avant, il y avait un partage traditionnel entre la Présidence de la République et Matignon : tout se passait à Matignon, et bien sûr le Président de la République était informé, et il envoyait un conseiller le représenter ; ce conseiller n’intervenait pas, même si certains dépassaient un peu leurs prérogatives. Maintenant, on a attrait à l’Élysée, durablement, le processus de coordination dans beaucoup de domaines »380.

Marceau Long aussi constate qu’il y a une évolution avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République : « Évolution depuis le milieu de 2007, le travail gouvernemental existe encore, le Premier ministre aussi mais dans les médias et en raison de la tendance à la personnification du pouvoir en général dans le monde, et de l’importance des médias qui n’existait pas il y a 20 ou 50 ans, on s’attache à un homme : le Président de la République. D’où un rééquilibrage des pouvoirs, qui était nécessaire entre le secrétaire général du Président de la République et le secrétaire général du Gouvernement. Sous [la présidence de] François Mitterrand le secrétaire général du Gouvernement avait relativement peu de rapports avec le secrétaire général du Président de la République, car ce sont deux métiers très différents, alors qu’à l’heure actuelle, Claude Guéant est devenu un quasi-ministre, ce qui retentit sur le rôle du secrétaire général du Gouvernement, qui est devenu beaucoup plus effacé, en lien avec le rôle effacé du Premier ministre. Tout

378 Op. cit., p. 411.

379 FOUCAUD (F.), Le secrétaire général de l’Élysée : éclairage sur la présidentialisation du régime, RDP 2010, n° 4, pp.

cela peut être l’annonce d’une dérive définitive ou d’un phénomène simplement épisodique »381.

Enfin, Jean-Marc Sauvé lui-même observe qu’ « avec le Président Sarkozy, beaucoup de procédures sont remontées à l’Élysée »382.

Dans l’étude qu’il a consacrée au SGPR, Fabien Foucaud note en effet que « l’ascension de ce personnage dépend essentiellement de la place occupée par le Président de la République. Comme celui-ci voit sa légitimité toujours plus renforcée, au point de ne plus pouvoir être concurrencée, l’influence du secrétaire général ne cesse de croître »383.

240. Ces tentatives d’intervention dans le travail gouvernemental ont pour effet de parasiter le secrétaire général du Gouvernement et de rendre beaucoup plus difficile la coordination du travail gouvernemental, en occultant une partie des informations dont le secrétaire général du Gouvernement a besoin pour coordonner l’action gouvernementale.

Comme le suppose justement Jacques Fournier, le secrétaire général du Gouvernement, mal informé ne peut pas agir efficacement et des erreurs s’ensuivent : « Dans quelle mesure le secrétaire général du Gouvernement est-il tenu informé et est-il consulté ? Un certain nombre de « couacs » ces derniers temps tiennent probablement au manque d’information ou de consultation du Secrétariat général du Gouvernement. Car un des problèmes du Secrétariat général du Gouvernement est de se tenir au courant de tout ce qui se passe au plan politique pour intervenir le cas échéant, et en tirer les conséquences, pour mettre en musique le programme politique (…) »384.

241. Cette situation a pour conséquence que les instances formelles d’arbitrage ne jouent plus leur rôle, mais se bornent à entériner des accords préalablement conclus.

380 Entretien du 23 novembre 2009. 381 Entretien du 24 avril 2010. 382 Entretien du 3 novembre 2014. 383 Op. cit., p. 1027. 384 Entretien du 23 novembre 2009.

Dans de telles conditions, la mission du secrétaire général du Gouvernement est particulièrement délicate car son impératif est de bénéficier de l’ensemble des informations, pour organiser le travail gouvernemental en conséquence mais aussi pour prévenir toutes les difficultés éventuelles.

Ce qui avait pu être considéré comme une phase liée à la personnalité du Président Nicolas Sarkozy s’est cependant confirmé avec son successeur, comme le note Serge Lasvignes pour qui la montée d’une coordination alternative est en réalité moins liée à la personnalité des Présidents de la République ou à la personnalité des Premiers ministres qu’aux évolutions de la société385.

Serge Lasvignes souligne qu’il dispose encore des informations nécessaires, en raison de ses liens personnels aussi bien avec le cabinet du Premier ministre qu’avec le Président de la République mais que la tendance à cette coordination en parallèle du circuit classique semble être irréversible386.

La montée en puissance du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) ainsi que son positionnement à l’extérieur du Secrétariat général du Gouvernement pose des difficultés de coordination. Le rattachement du SGAE au Secrétariat général du Gouvernement qui est une revendication ancienne se justifie d’autant plus aujourd’hui.

385 Entretien du 3 mars 2014.

C. La nécessaire subordination du Secrétariat général

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