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Reconnaissance française du déni de justice par omission en matière d’arbitrage 168 On peut s’interroger sur la spécificité du déni de justice dans le cadre du contentieu

Section 1 : De la constitution du tribunal arbitral et de l’accès financier à la justice arbitrale

A- Reconnaissance française du déni de justice par omission en matière d’arbitrage 168 On peut s’interroger sur la spécificité du déni de justice dans le cadre du contentieu

arbitral. Le droit au juge est élargi pour inclure le droit au juge étatique et au juge arbitral depuis la jurisprudence NIOC. Avec l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit au juge s’entend largement. La question du droit à l’arbitre se trouve clairement posée, impliquant au préalable une assimilation fonctionnelle du juge et de l’arbitre62. Celui-ci se trouve satisfait par tout organe juridictionnel institué par la loi qui

tranche valablement les contestations qui lui sont portées. Or, l’arbitrage étant reconnu dans l’ordre juridique français, le tribunal arbitral est donc au sens de la Convention une juridiction établie par la loi. Il convient donc d’admettre que le droit au juge est satisfait dès lors qu’une partie a eu la possibilité de voir sa cause entendue et jugée devant l’arbitre ou le juge étatique de façon indifférenciée mais en respectant les normes du procès équitable. Encore faut-il qu’au moins l’une de ces juridictions se saisisse du litige.

169. Dans le domaine de l’arbitrage international, Monsieur Th. Clay relève que la question du déni de justice pour l’arbitre « ne se pose que s’il a accepté sa mission, c’est-à-dire s’il est déjà arbitre »63. Certes, l’arbitre n’est pas tenu à une obligation de service public de la justice

et donc ne peut être tenu responsable d’un déni de justice. Tout au plus, dans certaines conditions, sa responsabilité pourrait être engagée pour non-respect de sa mission.

Un fait est cependant fermement établi, la convention d’arbitrage n’équivaut pas à une renonciation au droit d’accès à la justice, elle constitue au contraire un mode d’organisation d’accès à la justice et cet effet indirect engage la responsabilité de l’État qui le laisse se produire. C’est une certitude tant doctrinale que jurisprudentielle. Si la convention implique de se soumettre à la justice arbitrale par faveur à la justice étatique, à aucun moment les litigants ne renoncent à la justice.

170. En tant que juridiction établie par la loi, l’État est responsable d’un éventuel dysfonctionnement de la convention d’arbitrage. Le problème pour admettre le déni de justice dans le cadre de l’arbitrage international relève de la conception a-nationale de celui-ci. L’arbitrage ne s’insèrerait dans aucun ordre juridique a priori. En conséquence, aucun État ne serait redevable d’une obligation envers le justiciable qui s’est engagé dans une procédure d’arbitrage. En outre, l’arbitre n’étant pas investi de la mission de juger subjectivement et de manière permanente, la question du déni de justice ne pourrait dès lors se poser à son égard.

61 RETORNAZ (V.), VOLDERS (B.), Le for de nécessité : tableau comparatif et évolutif, Rev. Crit. DIP 2008 p. 225.

62 V. DELANOY (L.-C.), PORTWOOD (T.), La responsabilité de l’État pour déni de justice dans l’arbitrage d’investissement, Rev. Arb. 2005.603 spé. p. 609 et s. ; Sur l’incidence des droits fondamentaux sur le droit international privé, notamment sur l’incidence de la CEDH, V. LEQUETTE (Y.), Le droit international privé et les droits fondamentaux, in CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.), REVET (TH.) (Sous la direct. de), Libertés et droits fondamentaux, 12 éd. Dalloz 2006 p. 99.

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171. Cependant, l’arbitrage n’est pas a-national, c'est-à-dire détaché de tout ordre juridique, mais multi-localisé, à l’image du litige sur lequel il porte. Il est une juridiction établie par la loi, en l’occurrence le Code de procédure civile pour la France, une faculté offerte aux parties dans certaines matières. Dans l’affaire NIOC, l’intervention du juge d’appui français permet la mise en œuvre de la procédure d’arbitrage. Néanmoins, le raisonnement devrait être le même en cas d’impossibilité d’accès à l’arbitrage car le signataire de la convention d’arbitrage est un sujet de droit qui bénéficie, comme tout autre, du droit à la protection juridictionnelle de l’État.

172. Lorsque l’État français est internationalement compétent et qu’il constate une impossibilité d’accéder au juge arbitral, il doit juger du litige au fond. Si l’arbitre, qui ne bénéficie pas d’une investiture subjective, ne peut être tenu pour responsable d’un déni de justice, l’État quant à lui reste redevable du droit d’accès à la justice. Ainsi, la jurisprudence a évolué concernant la reconnaissance du déni de justice dans le cadre de l’arbitrage international. En effet, l’arbitrage étant incontestablement reconnu comme une justice légitime et à part entière, la privation de son accès, comme de celle de tout juge, doit être considérée comme un déni de justice. Mais si la mise en œuvre de l’arbitrage est impossible, l’État doit juger du litige. A défaut il commet un déni de justice. Il s’agirait d’un déni de justice interne qui aurait pour source un dysfonctionnement des règles de procédure françaises. Ainsi, le Tribunal des conflits conclut, en prenant appui sur l’article 1 de la loi de 193264, que la contrariété de décision est un déni de justice. Lorsque deux décisions sont

inconciliables, elles aboutissent à un déni de justice. Dès lors, en cas de déni de justice économique, un État refusant sa compétence internationale commettrait un déni de justice tant en application du droit interne que du droit international public. L’État commet alors un déni de justice par omission en cas de double incompétence : l’une étatique, l’autre arbitrale. 173. Ce déni de justice par omission correspond à un cas classique de conflit négatif de compétence. En effet, le justiciable ne parvient pas à trouver un juge qui accepte de statuer sur sa prétention. L’arbitre refuse sa compétence faute de paiement ou refuse de délivrer sa sentence65, le juge étatique refuse la sienne car il considère qu’elle revient en priorité à l’arbitre. Or, il est établi que l’un des cas de déni de justice est celui du conflit négatif de compétence. Mais en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une contradiction de décisions, d’une double incompétence. Le déni de justice naît d’un refus de consentement au contrat d’arbitre d’une part et d’une décision de renvoi à l’arbitrage d’autre part. En tout état de cause, cette situation factuelle aboutit au même résultat : le litigant se voit privé de tout accès au juge étatique ou arbitral puisqu’une décision statuant uniquement sur la compétence est insuffisante à satisfaire au droit d’accéder au juge.

Le même raisonnement se retrouve en droit communautaire où la convention de Bruxelles, aujourd’hui règlement Bruxelles I, articulée autour du principe actor sequitur forum rei, semblait ne contenir aucune lacune. Dans une décision en date du 28 mars 2000, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)66 a fait primer le principe du procès équitable

de l’article 6 § 1 de la CESDH. Dès lors, par un arrêt en date du 3 février 1987, la Cour de cassation67 a admis, par un raisonnement a contrario, un chef de compétence fondé sur le déni

64 T. Conflit, 27 février 1995, Tourangelle d’exploitation de marques Stem Tirone, D. 1995, inf. rap. p. 111. 65 Hypothèse moins probable en pratique.

66 CJUE, 28 mars 2000, Krombach c. Bamberski, R. 2000.493 note Huir Watt ; RTD civ. 2000.944 note Raynard; V. C. Cass. Civ. 1re civ. 16 mars 1999, Pordéa c. Society Times Newspapers Limited, Rev. Crit. DIP 2000.223, JDI 1999. 271, obs. O. Bachelet, 794, note Huet et 773, obs. A. Huet, RTD civ. 1999. 469, obs. Perrot; Rev. Crit. DIP 2000.181, chron. G. A. L. Droz; RTD civ. 2000.944, obs. J. Raynard; D. 1999. 497 note P. Courbe; Gaz. Pal., 1999. 1, panor. cass. p. 133 / n° 177, p. 133 (26 juin 1999) Bull. cass., 1999. 1, n° 92. M. Huet ; Contra V. GANNAGE (L.), La hiérarchie des normes et les méthodes de droit international privé, étude du droit international privé de la famille, thèse Paris II 1998 n° 329.

89 de justice en cas de double incompétence internationale.

174. Un seul domaine reste sans réponse : celui de l’arbitrage. La possibilité matérielle d’accéder au juge arbitral ne semble pas prise en compte. En effet, admettre la prohibition du déni de justice en la matière est conçu par beaucoup comme une volonté de nuisance envers l’arbitrage. Cette position est surprenante puisque le déni de justice économique a de tout temps été pris en compte par notre droit.

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175. Le droit français reconnaît le déni de justice par omission en matière arbitrale lorsque le tribunal arbitral ne peut être constitué et qu’aucun juge étatique n’accepte de se saisir du litige, soit en support de l’instance arbitrale, soit pour juger au fond du droit.

B- Reconnaissance en droit français du déni de justice économique en tant que

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