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La nature du droit d’action en justice, un droit fondamental autonome

Section 1 : Sens et portée du droit d’accéder à la justice

A- La nature du droit d’action en justice, un droit fondamental autonome

37. À l’origine, en droit romain ou en droit anglais, la reconnaissance d’une action créait un droit, marquant l’importance d’une telle action13. Le critère de juridicité par sa soumission au juge était donc éclatant. Le droit romain considérait que les droits découlaient des actions

11 V. notamment : GREWE (C.), L’accès au juge : le droit processuel d’action, in D’AMBRA (D.), BENOIT-ROHMER (F.) et GREWE (C.) (Dir.), Procédure(s) et effectivité des droits, Droit et justice coll. Dirigée par P. Lambert n° 49, actes du colloque des 31 mai et 1 juin 2002 organisé à la faculté de droit de Strasbourg par l’institut de recherche Carré de Malberg (IRCM) et l’équipe droits de l’homme du groupe de recherche sur les identités et les constructions européennes (GRICE), Bruyant, p. 30.

12 La France se distingue, avec les pays nordiques, au regard du droit d’action. En effet, la constitution de 1958 reste pour l’essentiel légicentriste, les droits de l’homme n’étant pas conçus à l’époque comme des droits subjectifs. Certains considèrent l’action comme un pouvoir. Cependant, l’action doit être individualisée pour être recevable. Pour un aperçu historique des rapports entre droit substantiel et droit d’action V. MOTULSKY (H.), Le droit subjectif et l’action en justice, APD 1964 p. 215 reproduit in MOTULSKY (H.), Écrits, t. 1 Études et notes de procédure civile, Dalloz 1973, Préf Cornu et J. Foyer p. 85.

13 V. pour une analyse du droit d’action en Égypte : MENU, Ne pas procéder, Règles éthiques et mesures dissuasives dans l’Égypte pharaonique, in HOAREAU-DODINAU (J.), MÉTAIRIE (G.), TEXIER (P.), Procéder, pas d’action, pas de droit ou pas de droit, pas d’action ?, Cah. De l’Inst. D’Anthrop. Juridique n° 13, Pulim, p. 11.

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reconnues par le prêteur. Ce système, repris sous l’Ancien Régime, fut critiqué dès le XIXème siècle. Désormais, le système s’inverse et l’action est ouverte à condition de reposer sur un droit préétabli. Dans ce système, à un droit reconnu légalement correspond nécessairement un droit d’action. Pour les auteurs classiques du XIXème et début XXème, l’action était conçue comme le droit à l’état dynamique, le « droit à l’état de guerre ». Dans cette optique, héritée du droit romain, il n’y a pas de droit sans action et pas d’action sans droit. Cette analyse peut se voir confortée en droit européen et en droit interne, où le droit d’action est conditionné par l’existence d’une contestation portant sur un droit préexistant. Néanmoins, il convient de ne pas se méprendre, il n’est pas exigé que le droit soit établi pour que l’action soit ouverte mais que l’application d’un droit soit alléguée.

Progressivement, l’ordre s’inverse donc et l’action en justice est considérée comme une protection de l’État accordée aux sujets de droit et non comme créatrice de droit. Action en justice et droits substantiels restent étroitement liés bien que conceptuellement séparés. Le droit d’action est garant de l’effectivité du droit qu’il soutient tout en étant autonome. Ainsi, le droit d’action est un droit subjectif autonome (1). Le droit d’action est un droit fondamental, un « droit fonction » (2).

1) - Le droit d’action en tant que droit autonome

38. H. Motulsky14 distingue le droit d’action du droit substantiel partant d’une analyse du

déni de justice et de la méthode structurale de la règle de droit. Il constate que le juge est débiteur d’une obligation : celle de rendre un jugement.

Ce droit subjectif de nature procédurale devient dès lors autonome au regard du droit substantiel. Sa théorie est consacrée à l’article 30 du Code de procédure civile reconnaissant l’action comme le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond par un juge pour qu’il la dise bien ou mal fondée. Si le régime du droit d’action et celui du droit substantiel diffèrent, droit et action sont étroitement liés. Une confusion est née en France au regard de l’article 31 du Code de procédure civile qui exige que l’intérêt du droit, objet de l’action, soit un intérêt légitime. Or, exiger que celui-ci soit légitime fait passer du contrôle de la recevabilité à celui de son bien-fondé, entretenant de la sorte une ambiguïté. Mais l’action ne se confond pas avec le droit qui sous-tend la prétention.

La demande en justice, premier acte du procès, est la mise en œuvre de l’action, qui est l’une de ses conditions de recevabilité. Le juge statue en premier lieu sur la recevabilité de l’action avant d’examiner son bien-fondé15. La demande est l’aspect procédural du droit

d’action. Pour contester l’existence du droit d’action, le défendeur soulève une fin de non- recevoir, alors que pour attaquer la régularité de la demande, il soulève une exception de procédure. Enfin, pour contester le droit, objet de l’action, il exercera une défense au fond. Les trois notions sont donc différentes. La Cour de cassation en déduit fort logiquement que l’existence d’un droit substantiel n’est pas une condition de recevabilité de l’action en justice mais de son bien-fondé. L’existence du droit au fond n’est pas une condition de l’existence de l’action mais de son succès.

39. Il convient donc d’éviter la confusion entre les notions d’action, de droit au fond et de demande. Les conditions de recevabilité de la demande sont les conditions exigées pour introduire valablement un droit d’action. Les règles relatives aux demandes sont formelles et permettent d’encadrer le droit d’action mais ne se confondent pas avec lui. Dès lors, une

14 V. pour le caractère de droit subjectif du droit d’action ; MOTULSKY (H.), Le droit subjectif et l’action en justice, APD 1964 p. 215 reproduit in MOTULSKY (H.), Écrits, t 1 Études et notes de procédure civile, Dalloz 1973, Préf Cornu et J. Foyer p. 85 spéc. p. 97 et s. 15 V. notamment : C. Cass. Civ. 3, 5 fév. 1997, Proc. Avr. 1997 n° 82 obs. Perrot.

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demande mal fondée ne retire pas son droit d’action au justiciable. Lors de l’introduction de la demande, seul le droit d’action est examiné, le fondement de la prétention litigieuse ne le sera que dans un second temps. La notion se distingue alors du droit substantiel d’une part et des formalités de l’action en justice et des voies de droit permettant la saisine du juge d’autre part. 40. L’article 30 du Code de procédure civile consacre l’action en tant que droit processuel autonome au regard du droit substantiel16. L’intérêt légitime ne doit pas être réduit à l’intérêt

relevant, c'est-à-dire celui susceptible d’être tranché par le droit. La Cour de cassation s’attache à rappeler cette distinction : l’intérêt légitime doit être entendu comme une appréciation de l’importance de l’intérêt allégué et de sa légitimité, entendue comme un jugement de valeur évoluant en fonction de l’état et des mœurs de notre société17. De plus, si

l’on exige pour la reconnaissance du droit d’action que celle-ci se fonde sur un droit, l’exigence ne va pas jusqu’à la preuve de l’existence du droit lui-même mais n’implique que l’apparence de celui-ci. À défaut, si la certitude du droit était requise, la justice se réduirait à une instance d’enregistrement. Or, la certitude juridique applicable à un cas d’espèce, si elle existe, n’est pas le lot commun des procès. Par ailleurs, la loi laisse certaines lacunes auxquelles le juge remédie en application de l’article 4 du Code civil.

41. L’action en justice est un droit subjectif de nature processuelle, c’est le droit d’exercer une prérogative, elle implique une liberté d’action. Le droit d’agir est aussi celui d’avoir tort et d’essayer de convaincre le juge. L’action en justice a toujours le même objet : celui d’être entendu par le juge afin qu’il statue sur la prétention. Ainsi, la demande peut être rejetée sans mettre à mal l’existence du droit d’action. C’est pourquoi, selon Madame M.-L. Niboyet18, dans une acception large, la notion d’action en justice se définit comme étant le droit à une juridiction. La possibilité d’une décision de rejet démontre l’autonomie de l’action en justice au regard de la demande ou du droit subjectif qui la sous-tend.

2)- Le droit d’action en tant que liberté fondamentale

42. Le droit d’agir en justice a un but social. Substitut au droit de se rendre justice, le droit au juge correspond à l’idée que, dans un but de paix sociale, nul ne peut se faire justice soi- même. Cette finalité impose un égal accès à la justice19. Ce droit est donc général. Une analyse historique montre que le besoin de justice est inhérent à toute organisation politique. Ainsi, Monsieur S. Guinchard développe la théorie du pouvoir, où l’action serait une liberté fondamentale, un pouvoir légal que chaque personne juridique possède. L’action doit être considérée, selon cet auteur, comme « un pouvoir légal permettant (…) de s’adresser à la justice pour obtenir le respect de la loi » 20.

16 Pour une distinction entre droit subjectif et droit d’action : V. MOTULSKY (H.), Le droit subjectif et l’action en justice, APD 1964 p. 215 ; texte reproduit in MOTULSKY (H.), Écrits, t. 1 Études et notes de procédure civile, Dalloz 1973, Préf Cornu et J. Foyer p. 85 : « l’action se détache du droit substantiel, ce qui implique nécessairement qu’elle est indépendante de son succès. […] l’action, admet-on, constitue une « faculté, une « possibilité », un « pouvoir », tandis que la demande en justice constitue la concrétisation de ces virtualités » (p. 94). « La faculté de saisir un tribunal, de s’adresser à lui, ce n’est pas l’action en justice : c’est l’accès aux tribunaux. Celui-ci signifie que l’on est habilité à mettre le mécanisme judiciaire en mouvement : il s’agit d’une liberté générale, offerte à tous ; mais il ne s’agit pas de l’action en justice, qui exige de l’appareil juridictionnel plus qu’une mise en marche [l’action est ] la faculté d’obtenir d’un juge une décision sur le fond de la prétention qui lui est soumise» (p. 95).

17 De la même manière qu’évoluent les notions de bonnes mœurs ou d’ordre public, le droit varie en fonction des populations et des époques.

18 NIBOYET (M.-L.), Action en justice, in ALLAND (D.), RIALS (St.) (Dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, PUF, Quadrige, Dicos poche, 1 éd., 2003 p. 17.

19 RENOUX (Th.), Le droit au recours juridictionnel, JCP 1993.I.3675. 20 VINCENT (J.), GUINCHARD (S.), Procédure civile, 23 éd. n° 32 et s.

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43. L’action apparaît comme l’exercice d’une liberté en ce qu’elle appartient à tous et qu’elle est abstraitement définie par la loi. Sa nature ne varie pas en fonction du droit qui la fonde, elle est en elle-même un droit fondamental. Elle est envisagée comme une liberté des individus de s’adresser à la justice, le citoyen est le créancier de l’État qui doit lui assurer cet accès.

Sur le plan processuel, il existe donc une faculté d’agir en justice, conséquence de la liberté fondamentale d’accès au juge. Elle traduit un pouvoir légal, celui d’être entendu devant le juge sur une prétention afin qu’il statue sur celle-ci21. La reconnaissance de sa nature de

liberté fondamentale générale ne s’oppose pas à la réglementation de ses conditions d’exercice. Ainsi, l’exercice abusif reste sanctionné22 mais l’appréciation inexacte de ses droits par une partie ne constitue pas en elle-même un abus.

Le droit d’action est un droit fondamental autonome et il ne convient pas de distinguer selon le caractère fondamental ou non du droit qui le sous-tend mais selon sa vraisemblance. L’apparence prend alors une grande importance. Si l’action ne se fonde, en apparence, sur aucun droit subjectif (i.e. intérêt juridiquement protégé), le droit d’action n’existe pas. L’action en justice est un droit, un « droit fonction », transcendant ainsi la distinction entre le droit d’action / droit subjectif et le droit d’action / pouvoir, en ce que le droit d’action s’exerce dans l’intérêt de celui qui s’en prévaut et pour protéger son droit. La procédure ayant alors pour fonction de garantir l’effectivité des prérogatives juridiques des individus, l’accès au juge, à savoir la mise en œuvre de la procédure, devient donc fondamental et objet de garanties.

44. Le droit au juge23, qu’implique le droit d’action, devient l’un des éléments de la « prééminence du droit ». Or, un recours n’est véritablement effectif que lorsqu’il peut être concrètement pratiqué et qu’il aboutit à un jugement. Le droit au juge contient le droit au jugement. Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1996, ne reconnaît pas simplement le droit d’accès au juge, mais élève au rang de garanties fondamentales le droit au recours effectif24. Obligation positive mise à la charge des États, la législation ou les autorités

ne peuvent priver un individu de ce droit d’accès. La Cour européenne25 a une conception

large de l’article 6 de la CESDH. Elle précise qu’« on ne comprendrait pas que l’article 6§1 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier : l’accès au juge. Équité, publicité et célérité du procès n’ont point d’intérêt en l’absence de procès »26. « Dans

21 NIBOYET (M.-L.), Action en justice, in ALLAND (D.), RIALS (St.) (Dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, PUF, Quadrige, Dicos poche, 1 éd., 2003 p. 17 spéc. p. 19 : Les doctrines italienne et belge préfèrent envisager l’action comme un droit potestatif, comme « le droit de faire naître par un acte de volonté unilatéral (la demande en justice) un rapport juridique processuel (le lien d’instance) créateur de droits et d’obligations entre le juge et les parties (demandeur et défendeur), dont celle pour le juge de rendre une décision sur le fond ».

22 Code de procédure civile art. 559 et s. : Cette sanction n’est cependant admise qu’en cas de mauvaise foi ou de faute grossière, dolosive. 23 Pour une distinction entre le droit au juge et le droit d’action V. CADIET (L.), NORMAND (J.), AMRANI MEKKI (S.), Théorie générale du Procès, Thémis droit PUF, 1 éd. 2010 p. 555 et s. : « le droit au juge, c’est d’abord le droit d’accéder à un tribunal, qui n’est pas le droit d’action ».

24 Cons. Const., 9 avril 1996, n°96-373 DC, Polynésie française, JO 13 avr., p. 5724, Justices 1997/5 p. 247 obs. Drago ; AJDA 1996 p. 371 note O. Scharmek et Molfessis ; Disponible sur le site du Conseil (et commentaire du Conseil constitutionnel également disponible) : A propos du droit de propriété (article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) et de sa protection contre des atteintes : « Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'en principe il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ».

25 V. aussi : l’article 8 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 énonce que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ». Le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, pouvant être invoqué devant la cour de cassation, énonce à son article 2§3 « les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que toute personne dont les droits et les libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile […] c’est le droit à un recours, pas nécessairement juridictionnel ».

26 CEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume Uni, Série A, n° 18 & 36 Berger, n° 46 ; n° 1 /1973/11/18 ; SOYER (J.C.), Article 6, in PETTITI (L.E.), DECAUX (E.), IMBERT (P.H.) (dir.), Convention européenne des droits de l’Homme, commentaire article par article, p. 251 ; SUDRE (F.), MARGUENAUD (J.-P.), ADRIANTSIMBAZOVINA (J.), GOUTTENOIRE (A.), LEVINET (M.), Les grands arrêts de la Cour européenne

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une société démocratique au sens de la Convention, le droit à une bonne justice occupe une place si éminente qu’une interprétation restrictive de l’article 6§1 ne correspondrait pas au but et à l’objet de cette disposition »27. Dans sa décision du 21 janvier 199428, le Conseil

constitutionnel rattache ce droit à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 qui assure la « garantie des droits » en admettant qu’ils puissent faire l’objet d’atteintes non substantielles. Mais cette valeur constitutionnelle du droit au juge ne concerne que les droits fondamentaux. À travers ces décisions, l’action apparaît jusqu’en 1996 comme un droit fondamental ayant une valeur constitutionnelle lorsque la prétention soumise au juge tend à faire respecter un droit d’égale valeur29. Cette conception était donc étroitement délimitée et

reposait sur le droit soutenant l’action elle-même. En effet, dans sa décision du 9 avril 199630, le Conseil se fonde sur l’article 16 de la Déclaration et confirme en partie sa jurisprudence. Dans cette conception, le droit au juge ne semble exister que s’il existe au préalable un droit subjectif. Cependant, cette décision affirme nettement le principe d’effectivité des droits, ce qui aboutit à la reconnaissance du droit d’action comme liberté fondamentale.

45. Par ailleurs, de nombreux textes internationaux consacrent ce droit à caractère de liberté fondamentale. Ainsi, l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 énonce que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ». Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, pouvant être invoqué devant la Cour de cassation, énonce à son article 2 § 3 que « les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que toute personne dont les droits et les libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile ». En conséquence, le droit d’action est un droit et une liberté dans le système juridique français.

46. Quant à la jurisprudence de la CJUE, elle ne reconnaît au droit d’action le caractère de droit fondamental que dans un domaine spécial, afin de garantir l’applicabilité des normes communautaires. Là encore, cette jurisprudence est établie en considération du droit soutenant l’action elle-même.

Sur le fondement « des principes généraux de droit communautaire qui découlent des traditions constitutionnelles communes des États membres », la Cour reconnaît l’existence du droit au recours juridictionnel « qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme »31. Ce recours doit être assuré même dans

l’hypothèse où « les règles de la procédure interne ne le prévoient pas »32. Ainsi conçu, le

droit au juge vise aussi le droit au juge communautaire. En conséquence, les règles procédurales internes doivent assurer l’effectivité des droits reconnus au niveau communautaire.

Si le droit au juge trouve une limite dans l’abus de droit, afin de préserver le droit au contrôle juridictionnel, la théorie de l’abus de droit est entendue restrictivement au sein de l’Union européenne. Ainsi, la Commission européenne retient deux critères pour le

des droits de l'Homme, PUF, 2003 n° 3.

27 CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c. Belgique, série A, n°11 ; CHERRIER (J.-L..), Code de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. 2003-2004, Litec, n°216, 242, 289.

28 Cons. Const., 21 janvier 1994, Urbanisme et construction, Décision n° 93-335 DC, JO du 26 janvier 1994, JCP 1994.I.3761 obs. PICARD, n° 9 et 35 ; D. 1995 somm. 302 obs. Gaia.

29 Cons. Const., 21 janvier 1994, Urbanisme et construction, Décision n° 93-335 DC, JO du 26 janvier 1994, JCP 1994.I.3761 obs. PICARD, n° 9 et 35 ; D. 1995 somm. 302 obs. Gaia.

30 Cons. Const., 9 avril 1996, 96-373 DC, Polynésie française, JO 13 avr., p. 5724, Justices 1997/5.247 obs. Drago, AJDA 1996 p. 371 note O. Scharmek et Molfessis ; Cons. Const. 23 juillet 1999 n° 99- 416, Couverture maladie universelle, JO 28 juillet 11250, § 38 ; AJDA 1999, p. 738, chron. J.-E. Schoettl.

31 CJUE, 15 mai 1986, Marguerite Johnston, aff. 222-84, Rec. 1651 ; D. 1986 IR 454 obs. Cartou.

32 CJUE, 3 déc. 1992, Oleifinit Borelli SPA c. commission CEE, Aff. n° C 97/91, S. Guinchard, Procès équitable, Rép. Proc. Civ. Dalloz n°35.

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caractériser : l’action doit, d’une part, être objectivement dépourvue de tout fondement et donc constituer un harcèlement processuel de l’adversaire et, d’autre part, avoir pour objet d’éliminer la concurrence. Selon les termes de la jurisprudence de première instance, au sujet de l’abus de position dominante, ce dernier est conçu de manière particulièrement stricte et est reconnu « dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit 33 ». « Par le visa de l'art.

16 de la Déclaration française des droits de l'homme, il est acquis que, faute de droit effectif d'action en justice, c'est-à-dire faute d'un jugement, le droit substantiel ne peut pas être

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