• Aucun résultat trouvé

Section 1 : Sens et portée du droit d’accéder à la justice

B- Le déni de justice économique par omission

107. Le déni de justice peut recouvrir différents aspects. Ainsi, le droit français reconnaît le déni de justice par omission qui se manifeste en droit international privé comme en droit interne sous l’angle d’une double incompétence (1). Le déni de justice peut aussi avoir pour origine une incompétence des juridictions et une impossibilité de saisine de la juridiction en principe compétente (2).

1)- Déni de justice par omission

108. Le déni de justice par omission est reconnu. Il trouve un domaine de prédilection dans la matière des immunités de juridiction. En effet, l’immunité de juridiction dont bénéficient certaines organisations internationales peut aboutir à un déni de justice. Ainsi, dans un arrêt du 11 février 2009132, la question qui se posait à la Cour de cassation était celle du droit

d’accès au juge.

Il est important de noter que la position de la Haute juridiction a évolué en fonction de la conception du droit d’accès au juge. Ainsi, si antérieurement la première chambre civile de la Cour de cassation avait refusé de « prendre la responsabilité de perturber gravement le droit des immunités internationales133 », en l’occurrence, la chambre sociale de la Cour de

cassation a accepté de contrôler la procédure arbitrale instituée par le règlement de l'UNESCO aux exigences d'indépendance et d'impartialité.

La chambre sociale de la Cour de cassation avait préalablement admis dans l’arrêt Degboe du 25 janvier 2005 que si une organisation internationale peut se prévaloir de son immunité de juridiction, c’est parce qu’« à l'époque des faits elle n'avait pas institué en son sein un tribunal ayant compétence pour statuer sur des litiges de cette nature, […] l'impossibilité pour une partie d'exercer un droit relevant de l'ordre public international constitu[ait] un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France »134. La Cour de cassation consacre donc l’existence

« d’un for de secours qui permet aux parties à un litige international dépourvues de juge de saisir en dernier recours les tribunaux français »135. Dans cette hypothèse, le risque de déni

de justice neutralise l’immunité de juridiction dont bénéficient les organisations internationales.

132 PERRIN (L.), Indépendance et impartialité d'un tribunal arbitral établi par l'UNESCO, Dalloz actualité 2 mars 2009. 133 C.Cass. Civ. 1re, 14 déc. 1995, Hintermann, Rev. crit. DIP 1996 p. 337, note H. Muir Watt

134 C.Cass. Soc. 25 janv. 2005, D. 2005. Jur. 1540, note Viangalli, JDI 2005. 1142, note Corbion. 135 VIANGALLI (F.), Immunité de juridiction et déni de justice, D. 2005 p. 1540.

63

109. En effet, la conception moderne du déni de justice en droit international privé136

implique de voir dans cette prohibition un devoir de protection de l’État. Le droit au juge n’est pas un droit illimité, la Cour Européenne des droits de l’Homme permet qu’il soit assorti de certaines limites devant être légitimes et proportionnées137. En conséquence, la Cour

Européenne des droits de l’Homme138, comme la Cour de cassation, admettent que le droit au

juge reconnu comme liberté fondamentale puisse aller à l’encontre des règles du droit international public, telles que l’immunité de juridiction139. Dans le domaine des immunités

de juridiction dont bénéficient les organisations internationales, la Cour de cassation retient sa compétence si aucun organe interne à celle-ci ne peut se saisir du litige. À défaut, si aucun juge étatique ne se reconnaît compétent alors même que l’organisation internationale n’organise aucune voie de recours en son sein, le déni de justice est constitué.

110. La prohibition du déni de justice recouvre l’hypothèse où deux juridictions saisies d’un litige refusent leur compétence. Cette consécration du déni de justice par omission est également admise en droit interne. Ainsi, le Tribunal des conflits a eu l’occasion de statuer sur le risque de déni de justice.

En effet, dans une décision en date du 6 juillet 2009, il retient sa compétence pour statuer sur une requête d’une personne physique face aux dessaisissements successifs des deux ordres, la juridiction judiciaire ayant décliné sa compétence, et la juridiction administrative ayant rejeté le recours partant du constat que l’action n’aurait pas dû être dirigée contre l’État. Le Tribunal retient sa compétence car ce conflit négatif de compétence aboutit à un déni de justice. En effet, selon les termes du Tribunal, « Considérant qu'en l'espèce M. Bonato, professeur de lycée professionnel, a saisi successivement la juridiction judiciaire et la juridiction administrative aux fins, essentiellement, d'obtenir le paiement des heures supplémentaires de travail qu'il avait effectuées au cours des années 2000 et 2001 au sein de l'association pour l'expansion industrielle de la Lorraine (Apeilor) alors qu'il avait été mis à disposition de cet organisme par le recteur de l'académie de Nancy-Metz ; que le conseil de prud'hommes de Metz s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande formée contre l'Apeilor, en l'absence de contrat de travail liant M. Bonato à cette association, et que l'arrêt de la cour d'appel de Metz ayant rejeté le contredit formé contre ce jugement, a été frappé d'un pourvoi qui a fait l'objet d'une décision de non-admission de la Chambre sociale de la Cour de cassation ; que M. Bonato ayant ensuite présenté devant le tribunal administratif de Nancy une requête qui a été rejetée par cette juridiction, la cour

136 FAVOREU (L.), Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge, in Mélanges J. Waline, Dalloz, 2002, p. 513. ; V. aussi, TGI Paris, 6 juill. 1994, Gaz. Pal., 25 août 1994, p. 589. ; BANIFATEMI (Y.), Le droit au juge et l'arbitrage commercial international, in Mélanges Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 167.

137 COSTA (J.-P.), Le droit à un tribunal et ses limites, selon la jurisprudence de la Cour EDH, in Mélanges Buffet, 2004 p. 159.

138 CEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume Uni, Série A, n° 18 & 36 Berger, n° 46 ; n° 1 /1973/11/18 ; SOYER (J.C.), Artcile 6, PETTITI (L. E.), DECAUX (E.), IMBERT (P. H.) (dir.),Convention européenne des droits de l’Homme, commentaire article par article, p. 251 ; SUDRE (F.), MARGUENAUD (J.-P.), ADRIANTSIMBAZOVINA (J.), GOUTTENOIRE (A.), LEVINET (M.), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2003 n° 3.

139 C. Cass. Ch. soc., 11 février 2009, UNESCO, n° 07-44.240, B. 2009, V, n° 45 : « Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement décidé que si la lettre engageant M. de X... mentionnait que ses conditions d'emploi et de travail étaient régies par le «règlement du personnel de l'Economat complété par la législation française", cette référence à la législation française ne valait pas renonciation à l'immunité de juridiction dont l'UNESCO bénéficie en vertu de l'article 12 de l'Accord de siège du 2 juillet 1954 ; Attendu, ensuite, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'UNESCO a mis en place en son sein des procédures de règlement des litiges pouvant survenir entre elle et son personnel et notamment une procédure d'arbitrage dont les modalités sont détaillées à l'article 21 du Règlement définissant les conditions d'emploi du personnel de l'Economat qui s'applique à la situation de M. de X... ; que l'arbitre unique, qui est le président du conseil d'appel ou son suppléant, est une personnalité compétente et indépendante nommée pour un mandat de six ans par le conseil exécutif, organe composé des représentants des États membres de l'UNESCO, qui doit respecter le principe de la contradiction et celui d'impartialité et n'est en aucune manière soumis à l'autorité de l'employeur ; que la procédure est contradictoire, l'employé pouvant se faire assister par un délégué ou un membre du personnel, sans que soit exclue l'assistance de l'intéressé par un conseil de son choix et, enfin, que la sentence est rendue par écrit ; Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, faisant apparaître que les salariés de l'UNESCO, qui n'ont pas adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, disposaient, pour le règlement de leurs conflits du travail, d'un recours de nature juridictionnelle comportant des garanties d'impartialité et d'équité, ce dont il se déduisait que la procédure mise en place par le règlement n'était pas contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a exactement décidé que cette organisation internationale était fondée à revendiquer le bénéfice de son immunité de juridiction ».

64

administrative d'appel de Nancy a également refusé d'y faire droit au motif que celle-ci aurait dû être formée contre l'Apeilor, et non contre l'État ; Considérant qu'il existe entre ces décisions une contrariété conduisant à un déni de justice ; qu'ainsi la requête de M. Bonato fondée sur la loi du 20 avril 1932 est recevable »140.

Ainsi, le Tribunal des conflits illustre d’une part que la simple décision d’incompétence n’est pas suffisante pour satisfaire le droit au juge, et d’autre part qu’un conflit de compétence négatif aboutit à un déni de justice par omission. Le Tribunal avait, dans une décision en date du 5 mai 2008, déjà rappelé « qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 que les décisions définitives rendues par les juridictions de l'ordre administratif et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant ces deux ordres de juridiction et portant sur le même objet peuvent être déférées au Tribunal «lorsqu'elles présentent contrariété conduisant à un déni de justice». Dans cette affaire, le Tribunal énonce clairement qu’un déni de justice est constitué dès lors qu’il existe une impossibilité d’obtenir jugement de la cause du fait de deux décisions d’incompétence141.

111. Dès lors, en cas de décision d’incompétence des juridictions françaises et d’absence de mise en œuvre de la procédure d’arbitrage, que ce soit suite à une décision d’incompétence prise par l’arbitre ou en l’absence de constitution du tribunal arbitral pour quelque motif que ce soit, la situation de déni de justice serait constituée en l’absence de compétence subsidiaire mais nécessaire des juridictions étatiques. À ce titre, il convient de rappeler que la première chambre civile de la Cour de cassation142, dans un arrêt en date du 25 avril 2006, Société CSF

c. Société Chays frères et autres, considère que « L’instance arbitrale n’est en cours qu’à partir du moment où le tribunal arbitral est définitivement constitué et peut donc être saisi du litige, c'est-à-dire à partir de l’acceptation par tous les arbitres de leur mission. […] La seule notification par une partie de son arbitre ne peut valoir saisine du tribunal arbitral ». En conséquence, lorsque le contrat d’arbitre ne peut se former, le tribunal arbitral n’est pas saisi.

Or, sans constitution du tribunal arbitral et dans l’impossibilité de formation de celui- ci, le juge étatique doit recouvrer sa compétence. En application du droit fondamental d’accès au juge, il est nécessaire de reconnaître la compétence du juge d’appui pour venir en aide à la constitution du tribunal et, si cette constitution est impossible, de reconnaître la compétence des juridictions étatiques pour juger de l’affaire au fond.

140 Tribunal des conflits, 6 juillet 2009, n° 3692, Déni de justice : qui est débiteur des heures effectuées par un professeur mis à disposition d'une association ?, AJFP 2009 p. 284.

141 Tribunal des conflits, 5 mai 2008 n° 3613 AJDA 2008 p. 1622 Précision sur le déni de justice : « Considérant qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 que les décisions définitives rendues par les juridictions de l'ordre administratif et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant ces deux ordres de juridiction et portant sur le même objet peuvent être déférées au Tribunal « lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice » ; qu'un tel déni de justice existe lorsqu'un demandeur est mis dans l'impossibilité d'obtenir une satisfaction à laquelle il a droit par suite d'appréciations inconciliables entre elles portées par les juridictions de chaque ordre, soit sur des éléments de fait, soit en fonction d'affirmations juridiques contradictoires » ; En l’espèce, le Tribunal conclut cependant « qu’il n'existe entre le jugement et l'arrêt aucune contrariété conduisant à un déni de justice ; qu'en effet la procédure de déni de justice n'a pas vocation à assurer au justiciable le bénéfice d'un changement de jurisprudence modifiant le régime de responsabilité juridique ; que sur le fondement de l'article 1384 al. 1er du Code civil, c'est au pouvoir juridique d'organiser le mode de vie du mineur qui rend responsable sans faute du fait dommageable de ce dernier et que la responsabilité du département devant le tribunal administratif reposait à la date du jugement sur un régime de responsabilité pour faute ; que subsidiairement la responsabilité du département devrait être engagée sans faute selon le régime aujourd'hui applicable ».

142 C. Cass. Civ. 1, 25 avril 2006, Société CSF c. Société Chays frères et autres, Rev. Arb. 2007.79 note J. El Ahdab ; Rev. Crit. DIP 2007 p. 128, F. Jault-Seseke ; RTD com. 2006.764, obs. E. Loquin : En l’espèce la question est celle de la compétence du juge des référés pour ordonner une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (ordonnance de référé).

65 2)- Déni de justice de fait

112. Le déni de justice en tant que chef subsidiaire autonome des tribunaux français est constitué si le demandeur est dans l’impossibilité de saisir une juridiction étrangère et que le litige a un rattachement avec la France. Cette impossibilité de saisine recouvre tant une impossibilité de droit qu’une impossibilité de fait143.

Le déni de justice évolue ainsi en fonction de la conception du droit d’action et du droit au juge. Dans ce cadre, la jurisprudence de la CJUE et de la Cour Européenne des droits de l’Homme a une influence en ce qu’elle consacre le « droit à une protection juridictionnelle effective »144. Ainsi, la Cour de cassation fonde la compétence française au titre du déni de

justice lorsqu’il est établi « l’impossibilité pour une partie d’accéder au juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d’exercer un droit qui relève de l’ordre public international », cette impossibilité « constituant un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu’il existe un rattachement avec la France »145. La compétence française est

ainsi fondée sur l’ordre public international.

En droit international privé français, la possibilité de saisir un juge étranger ne peut exclure à elle seule la qualification de déni de justice. Pour l’exclure, la saisine du juge étranger doit aboutir au prononcé d’un jugement effectif146. L’impossibilité de trouver un juge

peut donc aussi être de fait. En effet, le droit à un juge doit être effectif même s’il n’existe apparemment aucun conflit négatif de compétence. L’impossibilité de fait équivaut à une impossibilité de droit.

113. Ainsi, comme le relève Madame L. Sinopoli147, le refus de prise en compte du déni de justice de droit est une violation indirecte de l’article 6 de la CESDH alors que le refus de prise en compte du déni de justice de fait en est une violation directe. Si une juridiction étrangère ou arbitrale ne peut pas être en pratique saisie, le juge français retiendra sa compétence subsidiaire.

114. Dans le cas d’une partie économiquement faible, ce déni de justice aurait des fondements économiques. Or, la prise en compte du déni de justice économique ne va pas de soi. Pendant longtemps, la situation de déni de justice économique pouvait se produire dans le cas d’un étranger demandant l’accès à la justice. En effet, son droit d’accès au juge peut se trouver paralysé pour des raisons financières, notamment lorsque la loi lui impose le versement préalable d'une caution pécuniaire ou qu’elle lui refuse des aides financières qu’elle accorde à ses nationaux148. La caution judicatum solvi a disparu du système français

avec le décret no 72-684 du 20 juillet 1972, du moins dans la saisine des juridictions étatiques149. À l’origine, elle avait pour objectif d'assurer au défendeur le recouvrement de ses

143 CA Paris, 2 avril 1998, D. 1998, IR 137, Petites affiches, 15 mars 1999, 15 obs. J. Massip.

144 CJUE, 13 mars 2007, Aff. C-342/05 ; BLUMANN (C.), Le juge national, gardien menotté de la protection juridictionnelle effective du droit communautaire, JCP 2007, I, 175.

145 C. Cass. Soc. 25 janv. 2005, Banque africaine de développement c. Deyboe, D. 2005.1540 note F. Viangelli ; C. Cass. Soc. 10 mai 2006, Époux Moukarim c. Isopehi JCP 2006 II 10.121 note S. Bollée, D. 2006 IR 1400 note P. Guiomard.

146 En cas d’immunité de juridiction : C. Cass. Ch. soc., 25 janvier 2005, Banque africaine de développement M.A. Degboe Rev. Arb. 2005.477 Comm. I. Pingel ; D. 2005.1540 note F. Viangelli ; JDI 2005.1142 note Corbion.

147 V SINOPOLI (L.), Le droit au procès équitable dans les rapports privés internationaux (recherche sur le champ d’application de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme en droit international privé), thèse paris 1, 2000 n° 394 : « une organisation internationale ne peut se prévaloir de l’immunité de juridiction dans le litige l’opposant au salarié qu’elle a licencié dès lors qu’à l’époque des faits elle n’avait pas institué en son sein un tribunal ayant compétence pour le litige de cette nature, l’impossibilité pour une partie d’accéder au juge et d’exercer un droit qui relève de l’ordre public international constituant un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu’il existe un rattachement avec la France ».

148 Le droit à l'assistance judiciaire a été institué alors par la loi du 10 juillet 1901 et se nomme aide judiciaire depuis la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 et aide juridictionnelle depuis la réforme de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

149 V. concernant sa condamnation sur le fondement de l’article 12 du traité CE lorsque le critère est celui de la nationalité : CJUE, 1er juill. 1993, 26 sept. 1996, 20 mars 1997 et 2 oct. 1997, respectivement Rev. Crit. DIP 1994. 633, note Droz, Rev. Crit. DIP 1997.33 note Droz, Rev. Crit. DIP 1997. 475 note Droz, et Rev. Crit. DIP 1998. 283, note Droz.

66 frais de justice si l’action du demandeur était rejetée.

Cependant, au regard de la réaction du droit150 quant à l’accès aux tribunaux étatiques

étrangers et au risque de déni de justice économique, un arrêt de la Cour de cassation est particulièrement édifiant. La première chambre civile de la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, au visa de l’article 6 § 1 de la CESDH, au motif qu’« il apparaissait, sans avoir pour autant à réviser la décision étrangère, que l’importance des frais assignés à la charge de M. Pordéa dont la demande n’avait pas été examinée, avait été de nature à faire objectivement obstacle à son libre accès à la justice »151. Le visa de l’article

6 § 1 de la CESDH avait déjà était invoqué par la Cour afin de faire échec à la loi du 30 mai 1857152 et de permettre l’effectivité du droit au juge. On observe que le libre accès à la justice paralyse le mécanisme conventionnel de la libre circulation des jugements de la Convention de Bruxelles de 1968 en activant la réserve de l’ordre public international de l’article 27. 1153.

La situation de déni de justice économique est donc prise en compte en droit français afin d’assurer l’effectivité du droit et, partant, de l’état de droit.

115. De même, si la Cour européenne des droits de l’Homme ne consacre pas l’aide juridictionnelle en tant qu’élément de l’article 6 § 1 de la Convention154, elle l’envisage dans

la perspective de l'effectivité du droit d'accès à un tribunal. Cette effectivité implique donc de mettre en place un système d’aide de façon à lever les obstacles pouvant entraver le droit d’accès au juge155. Ainsi, dans l’arrêt Airey c. Irlande156 en date du 9 octobre 1979, la Cour européenne a considéré que si la Convention ne contient aucune disposition relative à l'aide juridictionnelle en matière civile, lorsqu’un citoyen ne peut payer les honoraires d’un avocat dans une procédure si complexe que ses chances de succès se trouvent anéanties, l’accès au juge n’est plus effectif. Partant, la Cour considère que l’absence d’aide juridictionnelle induit en ce cas une absence de droit au juge en matière civile.

Les États sont tenus pour garantir l’effectivité du droit de supprimer toute entrave au libre exercice du droit d’accès au juge. L’État doit adopter une attitude positive que les

Outline

Documents relatifs