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Reconnaissance en droit français du déni de justice économique en tant que disproportion

Section 1 : De la constitution du tribunal arbitral et de l’accès financier à la justice arbitrale

B- Reconnaissance en droit français du déni de justice économique en tant que disproportion

176. Le droit d’accéder au juge doit être effectif, ce principe s’applique également à l’arbitrage qui reste dépendant d’un ordre juridique (1). Dès lors, le déni de justice économique renvoie à la notion d’impécuniosité qui doit être définie (2).

1)- Responsabilité étatique d’assurer l’accès matériel au juge

177. De nos jours, il est du devoir de l’État de permettre à tous ses sujets de droit d’avoir recours à la justice. Dès lors, l’État intervient lorsqu’une personne n’a pas les ressources financières pour faire valoir ses droits. Il peut le faire soit par le biais d’une attribution pécuniaire soit par un aménagement de ses procédures au regard de la jurisprudence de la CEDH68. L’attribution de l’aide juridictionnelle est ainsi entièrement basée sur la notion

d’impécuniosité pour faire valoir ses droits en justice. L'article 47, alinéa 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne des 7 et 8 décembre 2000 énonce le caractère fondamental de ce droit d’accès au tribunal. Ce dernier ne doit pas être anéanti par une absence de moyens financiers et donc « une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».

Par l’arrêt Pordéa, la Cour de cassation considère que le droit d'accès au juge relève de l'ordre public international et que les conditions d’accès financières doivent être garanties. En conséquence, ce droit consacré par l'article 6 § 1 de la CESDH s’oppose à ce que l'exequatur puisse être accordé à une décision étrangère qui imposerait une caution judicatum solvi comme faisant obstacle à son libre accès à la justice. Ainsi, exiger une provision hors de proportion au regard des moyens d’un litigant est constitutif, en application de cette jurisprudence, d’un déni de justice.

Dès lors, une décision de justice étatique ou arbitrale prise à la suite d’une demande de provision d’une telle importance que l’une des parties n’a pu s’en acquitter, sera déclarée contraire à l’ordre public international devant les juridictions françaises. Il ne saurait en aller

68 GUINCHARD (S.), Procès équitable, Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2006 (2010) n° 111 : « En matière civile, la Cour européenne sanctionne la Pologne pour des frais de procédure excessifs au regard de la capacité du requérant de les payer (en l'espèce l'équivalent du salaire annuel moyen net), frais qui « constituent une restriction disproportionnée au droit d'accès à un tribunal » (CEDH, 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne, JCP 2001. I. 342, n° 11, obs. Sudre).

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autrement en matière d’arbitrage international, cette demande de provision ne pouvant constituer un obstacle au droit d’accès à la justice des litigants69.

178. Le déni de justice économique en matière d’arbitrage s’analyse comme un manquement par omission. Dans notre hypothèse de départ, résultant d’un conflit négatif de compétences dû à une absence de moyens économiques, il convient donc d’admettre que le déni de justice est constitué. En effet, cette hypothèse recouvre la situation dans laquelle un demandeur en situation d’impécuniosité ne peut saisir un tribunal arbitral, faute de pouvoir verser la provision requise. En ce cas, le défendeur se trouve dans une situation économique dominante et se contentera alors d’invoquer l’incompétence des tribunaux étatiques. Ceux-ci, en application de l’effet négatif du principe de compétence-compétence, renverront sans plus d’analyse les parties devant l’arbitre. La situation sera bloquée, et le droit d’accès au juge du demandeur, neutralisé du fait de son impécuniosité.

Dans l’hypothèse où une partie est économiquement faible ab initio et se voit contrainte d’accepter la convention d’arbitrage, celle-ci pourrait être déclarée nulle si son introduction dans le contrat résulte de l’assurance de la partie économiquement dominante que la partie impécunieuse sera dans l’impossibilité de faire valoir ses droits70. La cause en ce

cas serait déclarée illicite. Cependant, outre le problème de preuve, cette sanction ne pourrait à elle seule assurer l’absence de déni de justice, puisque dans la conception française des principes d’autonomie et de compétence-compétence, la validité de la convention d’arbitrage relève en priorité de la compétence arbitrale. Pour admettre que la convention d’arbitrage soit privée d’effet, il faudrait alors que la cause soit « manifestement illicite », ce qui est une hypothèse d’école. En effet, contrairement à la doctrine traditionnelle américaine de la séparabilité et du principe de compétence-compétence, les juridictions françaises n’admettent pas de retenir leur compétence y compris lorsque l’existence ou la nullité de la clause d’arbitrage est elle-même contestée.

179. Néanmoins, la notion d’impécuniosité n’est pas ignorée du droit français ni du droit européen. L’accès financier est au cœur du système mis en place pour assurer l’accès effectif aux juridictions et impose une obligation positive pour l’État de mettre en place des mesures, notamment celles de l’aide juridictionnelle. Or, si l’arbitre est un juge privé71, « l’arbitrage

international, comme manifestation d'une certaine forme de justice, doit répondre aux exigences du procès équitable sous peine de perdre tout crédit et toute efficacité. La jurisprudence française a déjà montré que la garantie des droits fondamentaux à l'œuvre dans le procès est assurée en matière d’arbitrage international »72. Le concept

d’impécuniosité en arbitrage international se rapporte à celui de disproportion entre les ressources des contractants et le coût du contrat d’arbitre. Or, cette notion n’est pas inconnue du droit français et peut valablement être transposée à l’arbitrage international. Elle amène à se demander à partir de quand les coûts d’un procès peuvent constituer une atteinte au droit au juge.

180. Certains auteurs soulignent que « Bien qu'il ne fasse pas l'ombre d'un doute qu'un procès ruineux ne saurait être équitable, il y a un pas supplémentaire à affirmer qu'une

69 Pour une analyse sur le contrôle du respect des droits fondamentaux (notamment sur le rôle de la CEDH) V. BADINTER (R.), La mondialisation de la protection juridique des droits fondamentaux, in CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.), REVET (TH.) (direct.), Libertés et droits fondamentaux, 12 éd. Dalloz 2006 p. 121 spéc. n° 217 et s.

70 LOQUIN (E.), La partie impécunieuse et les conséquences de l'impossibilité pour elle de payer les frais d’arbitrage (CA Paris, 14 avr. 2005, Maître Stebler c. Société La Croissanterie; Gazette du palais, vendredi 21, samedi 22 oct. 2005 n°295, spécial arbitrage), RTD com. 2006 p. 308.

71 Arbitre vient du latin arbiter, qui dès la loi des XII tables signifie « juge privé ». Le sens du mot arbitre a toujours été rapproché de celui de juge.

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juridiction étrangère, crainte pour ses frais de procédure élevés, puisse être évitée par le recours au for de nécessité. En effet, le fait de déplacer le for pour des raisons de coût risque de n'être avantageux que pour une seule des parties en causes. Le for de nécessité est cependant au service de tous les litigants impliqués dans une procédure. La jurisprudence et la doctrine néerlandaises vont dans ce sens en refusant que les coûts d'un procès puissent justifier à eux seuls le recours au for de nécessité. Il en est d'ailleurs de même dans la doctrine québécoise. Les travaux préparatoires du code belge admettent au contraire qu'il pourrait être déraisonnable d'exiger un procès à l'étranger si le coût de la procédure est hors de proportion avec les intérêts financiers du litige. Cette disproportion devrait toutefois être interprétée d'une manière stricte selon A. Nuyts. Le surcoût qu'entraîne toute introduction d'une procédure en justice à l'étranger ne peut justifier à lui seul la compétence des tribunaux belges sur la base de l'article 11 CDIP »73. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de la

Cour européenne des droits de l’Homme que l’État doit veiller à ce que l’accès financier au juge soit proportionné aux ressources de la partie. Par ailleurs, l’arbitrage est une procédure qui s’inscrit dans le cadre d’un ordre juridique, il ne s’agit pas d’un déni de justice international mais d’un déni de justice interne à un ordre juridique donné qui doit s’assurer que la juridiction mise en place permet de garantir le droit d’accéder au juge.

181. Dès lors, selon la Cour européenne dans un arrêt en date du 22 septembre 199474,

l’égalité des armes impose aux États « l'obligation d'offrir à chaque partie à un procès une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ».

Dans un arrêt Mme Coren du 10 janvier 200175, le Conseil d’État précise en ce sens que « l'aide juridictionnelle, [a] pour objet de rendre effectif le principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours ». La loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle vise à assurer une protection efficace des justiciables ayant des ressources insuffisantes pour assurer leur « droit au juge », droit effectif et non abstrait76. Dès lors, en

application de la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’Homme, les juges français se doivent de priver d’effet tout texte susceptible d’entraver le droit au juge notamment eu égard aux moyens financiers du litigant. « C'est au juge qu'il incombe de donner une réalité au droit à un juge pour le plaideur dont les moyens financiers entravent les possibilités de défendre ses droits. La neutralité traditionnelle du juge ne peut convenir dans une telle hypothèse, et il se doit de prendre les initiatives et les moyens d'assurer l'effectivité de l'accès à la justice et d'une défense de qualité du plaideur en difficulté, sans renoncer pour autant à son impartialité qui reste intacte » 77.

2)- Partie faible en matière de droit d’accès au juge : une notion concrète et casuistique 182. En application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’impécuniosité d’une partie constitue une violation de l’article 6 de la CESDH lorsqu’elle est

73 RETORNAZ (V.), VOLDERS (B.), Le for de nécessité : tableau comparatif et évolutif, Rev. Crit. DIP 2008 p. 225.

74 CEDH, 22 septembre 1994, Hentrich c. France, série A, n° 296-A, § 56 ; JCP G 1995, I, 3823 ; Berger n° 218 ; CHERRIER (J.-L.), Code de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. 2003-2004, Litec, n° 189, 226 ; Gaz. Pal. 27 sept. 1995 p. 39, ch. Pettiti ; JCP 1996, I, 3910, chron. Sudre; CEDH, 6 mai 1985, Bönisch c. Autriche, série A, n° 92, § 32.V. aussi : CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, Rec. p. 296

75 CE, 10 janvier 2001, n° 211878, 213462, Mme Coren, RFDA 2001, p. 518 ; Lebon 2002 p. 5.

76 CEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume Uni, Série A, n° 18 & 36 Berger, n° 46 ; n° 1 /1973/11/18 ; SOYER (J.C.), Artcile 6, PETTITI (L.-E.), DECAUX (E.), IMBERT (P. H.) (dir.), Convention européenne des droits de l’Homme, commentaire article par article, p. 251 ; SUDRE (F.), MARGUENAUD (J.-P.), ADRIANTSIMBAZOVINA (J.), GOUTTENOIRE (A.), LEVINET (M.), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2003 n° 3

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manifeste. Ainsi, dans l’affaire Bakan c. Turquie78, les requérants invoquaient l’atteinte à

l’article 6 de la CESDH au regard du montant élevé des frais de procédure à payer devant les juridictions administratives. La Cour européenne rappelle que le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et implique une réglementation de l’État.

L’impécuniosité ne peut donc être un motif inconditionnel de déni de justice. Dès lors, l’État a le choix des moyens à mettre en œuvre pour garantir le respecter de l’article 6 de la Convention. Toutefois, « une limitation de l'accès au tribunal ne saurait restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même. Elle ne se concilie avec l'article 6§1 que si elle tend à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »79. Or, la Cour admet que « la limitation en question peut être

de caractère financier »80. Dès lors, sur le principe, une limitation de l’accès au juge de nature financière n’est pas en soi condamnable si elle est proportionnelle au but légitime qu’elle poursuit à savoir la bonne administration de la justice. Néanmoins, l’impécuniosité d’un litigant peut constituer une violation de l’article 6 de la CESDH.

Dans ce cadre, la Cour précise que « le montant des frais, apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité du requérant et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question est imposée, sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si l'intéressé a bénéficié de son droit d'accès et si sa cause a été [...] «entendue par un tribunal »81. Elle analyse donc au regard de l’article 6 de la

Convention, d’une part la solvabilité du requérant et d’autre part, le stade de la procédure. Or, en l’espèce, les frais étaient requis ab initio et, à défaut de paiement, la requête était considérée comme non-introduite.

La Cour relève donc que la restriction est intervenue au stade initial de la procédure et constate que les frais de procédure exigés s’élèvent à deux fois le montant du salaire minimum mensuel en vigueur à l’époque, soulignant qu’ils « représentaient une somme considérable pour les requérants qui ne disposaient plus d'aucun revenu à la suite du décès de leur proche »82. Or, « ayant à l'esprit que la Convention a pour but de protéger des droits

non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs83, la Cour estime que le montant des frais de procédure représentait une charge excessive pour les requérants puisque ceux-ci ne disposaient d'aucun revenu»84. La Cour relève que cette appréciation doit « tenir compte

de la situation financière réelle des intéressés »85 .

183. Dans l’affaire Pakelli c. Allemagne86, la question de l’impécuniosité portait cette fois

sur l’assistance d’un avocat. La Commission relève que le gouvernement ne peut apporter aucune preuve de cette solvabilité et avait rejeté la proposition de production du certificat d’indigence pour en conclure que la violation de l’article 6 § 3 est donc constitué du fait de l’impécuniosité alléguée du requérant et de l’absence de preuve contraire rapporté par l’Allemagne. Là encore, la Cour procède à un examen in concreto.

En 2008, la Cour européenne a eu à connaitre de l’impécuniosité d’un requérant dans

78 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99.

79 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 (Point 66) ; V. CEDH, 4 décembre 1995, Bellet c. France, série A n° 333-B, p. 41, § 31 ; JCP 1996, I, 3910 chron. F. Sudre ; CHERRIER (J.-L.), Code de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. 2003- 2004, Litec, n°226 ; D. 1996.357 note Collin-Demurieux.

80 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 (Point 67).

81 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 Point 68 V. CEDH, 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne, n° 28249/95, § 60, CEDH 2001-VI, JCP 2001. I. 342, n° 11, obs. Sudre.

82 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 (Point 70).

83 V. dans le même sens notamment : CEDH, 13 mai 1980, Artico c. Italie, série A n° 37, p. 16, § 33, Berger n° 113, 715-721 ; CHERRIER (J.-L.), Code de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. 2003-2004, Litec, n°0226.

84 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 (Point 71). 85 CEDH, 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, Req. n° 50939/99 (Point 73).

86 CEDH, 25 avril 1983, Pakelli c. Allemagne, n° 8398/78, Série A, n°69 : Berger, n° 114 ; CHERRIER (J.-L.), Code de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. 2003-2004, Litec, n° 939.

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l’affaire Serin c. Turquie, une nouvelle fois à propos du montant des frais de procédure et du refus d’octroi de l’assistance judiciaire87. La Cour rappelle qu’elle « n’a jamais écarté que les

intérêts d’une bonne administration de la justice puissent justifier d’imposer une restriction financière à l’accès d’une personne à un tribunal. L’exigence de payer aux juridictions civiles des frais afférents aux demandes dont elles ont à connaître ne saurait passer pour une restriction au droit d’accès à un tribunal incompatible en soi avec l’article 6§1 de la Convention. Toutefois, le montant des frais, apprécié à la lumière des circonstances particulières d’une affaire donnée, y compris la solvabilité du requérant et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question est imposée, sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si l’intéressé a bénéficié de son droit d’accès et si sa cause a été [...] « entendue par un tribunal »88. Puis la Cour compare les frais exigés avec le montant de la

pension de retraite du requérant pour juger si il y a ou non disproportion en prenant en compte le fait que celui-ci était locataire de son appartement.

184. On voit donc que l’analyse est extrêmement concrète et finalement casuistique. Dans cette affaire, comme dans la première, elle note qu’en tant que tels, les frais de justice ne sont en rien excessifs. Le problème n’est pas dans l’excès des frais mais dans la comparaison entre le montant des frais et les moyens du requérant, représentant « une charge excessive pour le requérant »89.

Dans l’affaire Serin, la Cour européenne précise un point de sa jurisprudence en notant que « la précarité de la situation du requérant constitue donc un élément décisif de l’examen de la limitation apportée à son droit d’accès au tribunal. La Cour reconnaît que les États ont sans nul doute le souci légitime de n’allouer des deniers publics au titre de l’aide judiciaire qu’aux demandeurs effectivement indigents. Toutefois, elle estime que l’attestation d’impécuniosité suffit à témoigner de la situation matérielle du requérant »90. Il est nécessaire

de procéder à un examen effectif et concret de la situation du plaidant. Là encore, le fait que l’impécuniosité intervienne en première instance semble être un élément décisif de la décision de la Cour en ce qu’elle prive le « requérant de la possibilité de faire entendre sa cause par un tribunal. […] Au vu de ces éléments, la Cour considère que le requérant n’a pas bénéficié d’un droit d’accès concret et effectif au tribunal administratif. Partant, il y a eu violation de l’article 6§1 de la Convention »91.

Dans l’affaire Eyüp Akdeniz c. Turquie92 de 2010, la Cour européenne est saisie d’une

affaire identique et note là encore que les frais « représentaient une somme considérable pour le requérant qui était chômeur du fait de sa maladie et ne disposait d'aucune ressource. […] la Cour estime que le montant des frais de procédure représentait une charge excessive pour le requérant »93.

87 CEDH, 18 novembre 2008, Serin c. Turquie, Req. n° 18404/04 ; V. également CEDH, Osman Yılmaz c. Turquie, 8 décembre 2009, Req. n° 18896/05 : il s’agit cette fois de l’impécuniosité d’un litigant au regard de l’exécution d’une décision de justice : point n° 40 : « A cet égard, la Cour réitère que le montant des frais, apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité d'un requérant et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question est imposée, sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si l'intéressé a bénéficié de son droit d'accès et si sa cause a été entendue par un tribunal (Kreuz c. Pologne, n° 28249/95, § 60, CEDH 2001-VI) ». et point n° 41 « En l'espèce, la Cour observe tout d'abord que la charge financière des frais de décision n'a pas été imposée au requérant mais qu'elle a été imposée, par une décision du tribunal du travail, aux parties assignées par lui. Au vu du jugement définitif et obligatoire rendu en faveur de l'intéressé, force est également d'admettre que son action aux fins d'obtenir l'exécution de ce jugement était bien fondée. Dès lors, la Cour estime que l'obligation mise à la charge du requérant de payer, dans le cadre de la procédure d'exécution, les frais de décision afférant à la procédure devant les juridictions du travail, en lieu et place des défendeurs, afin qu'il obtienne l'exécution de la décision, constitue indéniablement une restriction de nature purement financière à son droit d'obtenir l'exécution du jugement litigieux. Dès lors, elle doit faire l'objet d'un examen particulièrement rigoureux du point de vue des intérêts de la justice (Podbielski et PPU Polpure c. Pologne, n° 39199/98, § 65, 26 juillet 2005). » ; Enfin V. également CEDH Aff. Ciğerhun Öner c. Turquie En date du 20 mai 2008, Requête n° 33612/03).

88 CEDH, 18 novembre 2008, Serin c. Turquie, Req. n° 18404/04 point 31. 89 CEDH, 18 novembre 2008, Serin c. Turquie, Req. n° 18404/04 point 32. 90 CEDH, 18 novembre 2008, Serin c. Turquie, Req. n° 18404/04 point 34.

91 CEDH, 18 novembre 2008, Serin c. Turquie, Req. n° 18404/04 point 35 à point 37. 92 CEDH, Deuxième section, 2 février 2010, Eyüp Akdeniz c. Turquie, n° 11011/05. 93 CEDH, Deuxième section, 2 février 2010, Eyüp Akdeniz c. Turquie, n° 11011/05 point 27.

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La notion d’impécuniosité renvoie à celle de charge excessive pour avoir accès à la justice. Cette notion pour entraîner une violation du droit d’accès au tribunal est appréciée en fonction du stade de l’instance. Or, en matière d’arbitrage, induisant une inapplicabilité de la

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