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CHAPITRE 1. Cadre théorique et méthodologique de l'archéopalynologie

1.6 Recommandations générales

Il n'est pas possible ici, ni même utile, de décrire tous les contextes possibles se prêtant à une pratique archéopalynologique, non plus que de décrire en détail toutes les approches de terrain

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et de laboratoire. Un site archéologique est une entité propre qui demande que les approches méthodologiques lui soient adaptées à la pièce. Tout dépend du type de site, de sa dimension, de sa localisation géographique, du potentiel de conservation sporopollinique et des objectifs de l'investigation. En elles-mêmes, toutes les approches et les techniques choisies peuvent être bonnes si elles sont bien adaptées aux questions de l'archéologie et à la réalité de terrain, et réalisées en toute connaissance de cause. Dans la présente section nous nous bornerons à reprendre les recommandations générales les plus courantes de la littérature, accompagnées de quelques commentaires personnels. Ceci n'est pas une liste exhaustive, ni hiérarchique, mais seulement un guide qui donne un aperçu des différentes possibilités. Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer aux autres chapitres de cet ouvrage ainsi qu'aux documents inscrits en bibliographie.

La première recommandation que l'on relève est de laisser à un spécialiste la direction de l'échantillonnage. De plus, le travail doit se faire en concertation. Il est impératif de maximiser le potentiel du site par un échantillonnage bien ciblé. Tout n'est pas analysable. Lorsque c'est possible, une partie de l'échantillonnage pourra se faire à partir de lacs, de bourbiers ou de tourbières périphériques au site archéologique (figure 1.0). Sinon, on visera les sols saturés ou imbibés d'eau, en faisant toutefois attention à l'altimétrie par rapport à la nappe phréatique et à la granulométrie de l'encaissant, et les sites ou parties de sites ensevelis par un mécanisme relativement rapide, comme un sable éolien ou un ajout anthropique comme un pavement ou un rehaussement de surface. Les puits, puisards, latrines, fosses et sépultures sont intéressants (Landry 2003b, 2006a, 2009). Les sites localisés en zones arides ou semi-arides, les contextes agricoles, les surfaces enfouies, les jardins, les zones d'irrigation et de drainage, les structures d'amoncellement comme un dépotoir ou un monticule, les environnements de structures et de bâtis anthropiques pourront être explorés.

Il y a également des analyses ponctuelles qui peuvent être faites sur les matériaux de remplissage d'interstices de structures par exemple, sur des artefacts, coprolithes, restes de chevelure, fourrures, étoupe de calfatage, ou encore des analyses sur le contenu d'espace ou de contenants scellés, restes de déchets culinaires ou de contenants alimentaires.

Pour les sols, il est généralement recommandé d'éviter les structures ou horizons à granulométrie grossière (à moins qu’il s’agisse d’un podzol). On visera davantage les sols humiques dont la granulométrie moyenne se situe en deçà de 120 µm, et dont le pH est de 6 et moins. Toutefois, certains contextes pauvres en matières organiques, comme des dépôts d'argile remaniées, des matrices sableuses à granulométrie fine, et certains horizons podzoliques, sont également utilisables. On verra à multiplier les zones d'échantillonnage à l'intérieur du site. Lorsque c'est possible, il peut être judicieux de faire également un échantillonnage à l'extérieur de la zone archéologique afin d'avoir une référence indépendante et ainsi mieux discerner l'apport sporopollinique à caractère anthropique. On peut aussi se référer à des analyses palynologiques traditionnelles régionales.

Il est toujours préférable d'échantillonner le sol par profils verticaux continus. Le travail doit se faire dans un souci de préservation contre d'éventuelles contaminations aériennes ou de sol ambiant. Selon la technique d'échantillonnage utilisée on pourra faire les prélèvements du bas vers le haut ou du haut vers le bas, dans un constant souci d'éviter une contamination entre échantillons. Dans tous les cas on évitera le principe d'échantillonnage ponctuel le long d'une paroi puisque cela crée un hiatus entre les échantillons et limite les possibilités quant au choix d'échantillons à analyser, à moins qu’il ne s’agisse de séquence de remblais. Dans de tels cas on limitera l’échantillonnage à deux ou trois échantillons par surface (6 à 9 premiers cm) de remblais. S’il s’agit d’un labour, l’ensemble devrait être échantillonné comme pour un sol non perturbé. Le matériel utilisé pour l'échantillonnage doit être propre et nettoyé entre chaque opération, et les contenants d'entreposage stériles et bien identifiés au marqueur indélébile. Dès que possible, il est préférable de réfrigérer les échantillons, indépendamment du temps qui s'écoulera avant l'analyse.

Un relevé botanique ainsi qu'un échantillonnage de mousses peuvent être utiles comme référence à l'actuel. L'échantillonnage sur des mousses est préférable à l'échantillon de surface puisque dans ce dernier plusieurs processus taphonomiques sont déjà en cours. Les litières épaisses ont une activité biotique intense. L'avantage des mousses est que leurs représentations sporopolliniques sont le résultat d'une captation sur plusieurs années. On évite ainsi le biais

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d'une représentation sporopollinique saisonnière que pourraient traduire tous les autres types de surfaces ou de supports.

En laboratoire, le choix des traitements physico-chimiques est tributaire de la composition de la matrice et de la concentration sporopollinique potentielle. Pour des échantillons de contextes archéologiques il est souvent préférable d'utiliser une méthode de séparation sporopollinique par liquide dense. Pour des échantillons très pauvres, le traitement de deux ou trois cm³ est généralement suffisant avec ces méthodes. Toutes les opérations de laboratoire doivent évidemment être faites avec beaucoup de minutie et dans un constant souci d'éviter la contamination. La concentration pollinique peut être rapportée au poids ou au volume de l'échantillon, avec ou sans l'ajout d'un contaminant de concentration connue. Il est fortement recommandé de faire des analyses de la granulométrie et du pourcentage des matières organiques. Ces analyses permettent d'orienter le choix des échantillons à analyser et sont utiles à la compréhension et à l'interprétation du site.

Un dénombrement au microscope d'au moins 150 grains de pollen arboréen est considéré statistiquement acceptable. Mais lorsque c'est possible on visera un dénombrement de 300 à 500 grains de pollen (excluant les spores de ptéridophytes). L'identification doit se faire à partir de clés taxonomiques et de lames de références qui correspondent à la cohorte botanique régionale. Mais en contexte archéologique un matériel de références extérieures au milieu est également nécessaire pour identifier convenablement les apports allochtones. Puisque ce sont souvent les grains rares qui intéressent le plus l'archéologie, il est fortement recommandé, après le dénombrement, de faire un survol de toutes les zones non visitées de la lame d'analyse lors du dénombrement. Ce survol permet généralement d'identifier de nouveaux taxons.

Pour l'interprétation des résultats, on peut utiliser les fréquences relatives seules (pourcentages) ou accompagnées des fréquences absolues (concentrations). Cela dépend des contextes. Sans être exclusif, en Amérique du Nord c'est généralement la première option qui a cours alors qu'en France, en Angleterre et dans certains autres pays européens c'est l'usage conjoint des deux fréquences qui est plus régulièrement privilégié. L'analyse des concentrations peut être utile pour déterminer les variations d'abondance d'un taxon en

particulier ou de l'ensemble de la cohorte taxonomique arboréenne versus herbacée, par exemple, tout au long d'un profil. Dans certaines circonstances, la concentration permet de relativiser l'image botanique transmise par les diagrammes de pourcentages polliniques. Elle peut être utile lors de comparaisons analogiques avec des échantillons de surface ou d'analyses de similarité entre profils (Dimbleby 1985, Holloway et Bryant 1986, Pearsall 1989). Une analyse de concentration pollinique permet parfois d'identifier avec plus de précision les zones événementielles d'activités anthropiques, de phénomènes botaniques ou de changements d'horizons pédologiques. Pour ces analyses, la somme pollinique peut être déduite de l'ensemble des grains de pollen ou d'un groupe de taxons en particulier selon le questionnement ou ce qu'il y a à démontrer. Certains taxons peuvent en être exclus, selon leur importance écologique ou si leur abondance est excessive.

En ce qui concerne la reconstruction des couverts végétaux, les analyses polliniques de sols archéologiques offrent la possibilité d’identifier à la fois des composantes locales et régionales. Lorsque les conditions le permettent, il peut donc être judicieux d’effectuer une analyse macrofossile conjointement à l’analyse archéopalynologique, afin d’augmenter la cohorte des taxons locaux à visibilité pollinique moindre (productivité pollinique faible ou fragilité des grains). De ces études, nous pouvons puiser plusieurs informations d'ordres anthropologiques, écologiques et phytosociologiques (dynamique des associations végétales). La pratique archéopalynologique peut s'appliquer à des domaines de recherche aussi variés que : la reconstitution paléoenvironnementale, les diètes et les comportements de subsistance, les rituels et les pratiques funéraires, les usages pharmacologiques et technologiques des plantes, la saisonnalité, les pratiques agricoles et horticoles, l'économie, l'identification de planchers d'occupation, l'évaluation d'un potentiel de ressource, l'organisation du paysage et la circonscription de zones agraires. On peut également y puiser des éléments de datation relative et des informations sur les sols.