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Apports anthropologiques, archéologiques et archéobotaniques de l'étude

CHAPITRE 4. Les sites : contextes, résultats et discussions

4.1 Le site Hector-Trudel

4.1.5 Apports anthropologiques, archéologiques et archéobotaniques de l'étude

Suite à cette première étude au site Hector-Trudel il semble bien que nous nous rapprochons de nos objectifs principaux ainsi que de nos objectifs spécifiques (pages 2 et 4). Sur le plan technique et méthodologique certaines balises commencent à se mettre en place, avec à la clé quelques indices botaniques d’activités humaines et, dans certains cas, des effets de ces activités sur l’environnement.

Au départ, l’obtention de variations reproductibles entre profils d’un même carré de fouille pour la composition du sol, et l’obtention de variations reproductibles dans les assemblages polliniques issus de profils éloignés, qu’il est possible de relier, font que notre approche méthodologique apparaît adéquate, bien que techniquement perfectible. En effet, outre les correctifs méthodologiques apportés aux procédés d’extraction pollinique des deux sites, déjà mentionnés au chapitre 2 et depuis lors précisés et éprouvés (Landry 2002 à 2010), il apparaît clair que l’échantillonnage sur paroi (annexe VII sur la méthode actuelle d’échantillonnage) est à privilégier en contexte archéologique, davantage que celui par carottier. Malgré ce biais de l’étude, nous avons pu mettre en lumière une taphonomie différentielle selon les objets

d’étude et les principes d’enfouissement. En outre, la mise en relation de données paléobotaniques régionales et locales et de données archéologiques locales a permis de valider en quelque sorte notre palynostratigraphie et d’associer des événements botaniques à des événements anthropiques, amorçant ainsi une chronoséquence événementielle conjointe.

À la vue des résultats, il est clair que l’homogénéisation présumée d’un sol ne devrait jamais être invoquée pour limiter la finesse de résolution d’enregistrement stratigraphique d’un site archéologique. Trop d’informations risquent alors d’être perdues. Ceci dit, et pour le bénéfice des études céramiques du site, il serait sans doute intéressant de revoir la distribution verticale des tessons de céramique du Sylvicole moyen tardif, par dépotoir et selon la dimension des objets cette fois-ci, afin de corroborer éventuellement les résultats de l’analyse osseuse d’une part, mais également et surtout pour vérifier si une ségrégation stylistique de cette céramique est possible pour le dépotoir 6.

Sur le plan botanique, les informations sont variées et mènent dans certains cas à de nouvelles questions sur les schèmes d’établissement et les stratégies de subsistance au Sylvicole moyen tardif, mais également sur le processus de néolithisation amérindienne dans le sud du Québec. Sur la base des données du dépotoir 6, deux épisodes d’éclaircie forestière sont associés au Sylvicole moyen tardif. En termes d’établissement, il y a lieu de se demander d’abord si ces clairières étaient occupées de façon opportuniste ou si elles étaient le résultat de choix stratégiques et d’actions volontaires d’aménagement du paysage à proximité des ressources ichthyennes. Quoi qu’il en soit, durant ces deux périodes d’éclaircies, on observe une diversification pollinique des arbustes à fruits comestibles (sureau sp., viornes sp., noisetier à long bec et chèvrefeuille sp.) qui pourrait traduire la présence humaine. On comprendra facilement que la dispersion de déchets culinaires et de déjections dans le périmètre d’une clairière peut rendre propice la repousse de certains produits-cibles de cueillette, rendant l’endroit d’autant plus attrayant au fil des ans.

La création, volontaire ou non, d’une zone de cueillette ou d’une forme de garde-manger, que l’on pourrait qualifier à la limite d’activité pré-horticole ou sub-horticole, à proximité du lieu d’habitation et de pêche, permet inévitablement un gain de temps sur les activités courantes

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que les populations du Sylvicole moyen tardif, en contexte d’accentuation graduelle de la sédentarité saisonnière, ont sûrement su mettre à profit. À tout le moins durant la deuxième moitié de la période on semble avoir développé des activités horticoles, comprenant apparemment la production saisonnière et à échelle réduite de maïs, de tournesol et de petit tabac. Il est probable que le développement de ces activités participe au même processus de transformation des stratégies d’acquisition alimentaire qui a caractérisé le début du Sylvicole moyen tardif en regard à la prédation carnée (Clermont 1980, Clermont et Cossette 1991, Cossette 1996). Il est même possible, par exemple, que l’expérimentation horticole sur le maïs, rendu possible par la sédentarité saisonnière prolongée, ait pu être à cette époque une réponse adaptative de compensation face à la réduction graduelle de certaines ressources végétales-cibles de cueillette, peut-être auparavant abondantes mais fragiles sur le plan de la reproduction, comme le riz sauvage (Zizania aquatica pour la rivière Richelieu et Zizania

palustris pour le fleuve Saint-Laurent, voir Marie-Victorin 1964], pour la reproduction voir

Aiken et al. 1989). Avec l’expérimentation à petite échelle d’une nouvelle stratégie d’acquisition axée sur la production de végétaux en complément de la prédation végétale et animale, nous croyons qu’il y a ici « Prélude à l’agriculture…»(Clermont et Cossette 1991) durant la seconde moitié du Sylvicole moyen tardif pour les populations amérindiennes préhistoriques de Pointe-du-Buisson, voire même de l’ensemble du Québec méridional.

Plus près de nous, possiblement dès les débuts de la période historique, les données indiquent un dégagement graduel de l’espace régional, correspondant sans doute aux coupes forestières eurocanadiennes, et ce qui semble être une progression de l’érablière à tilleul vers l’érablière à caryer (aussi enregistrée au site de l’île aux Tourtes, D. Landry 2003a). Dans le même temps, on note l’introduction dans l’environnement local d’espèces végétales eurasiatiques, dont le lilas commun, le houblon et peut-être également à cette époque, le sarrasin. Dans cette nouvelle organisation du paysage le chêne (probablement Quercus rubra) semble profiter puisqu’il devient graduellement beaucoup mieux représenté sur le plan pollinique. Encore plus près de nous, le maïs semble avoir été cultivé dans la région, peut-être dès la première moitié du XIXe siècle (Boudreau 1997, Courville et Séguin 1995, Harris 1987). Enfin les données nous indiquent une réduction graduelle de la représentation pollinique de l’orme (aussi

enregistrée au site de l’île aux Tourtes [ibid]) qui est probablement corrélative de l’avènement de la maladie hollandaise de l’orme depuis le premier quart du XXe siècle (Farrar 1996).

4.2 Le site des Jardins du Petit Séminaire de Saint-Sulpice