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CHAPITRE 1. Cadre théorique et méthodologique de l'archéopalynologie

1.5 Contraintes de la palynologie en milieux archéologiques

1.5.1 De la représentativité des spectres archéopalynologiques

1.5.1.1 Le milieu aérien : La dispersion sporopollinique

En palynologie, on reconnaît généralement que la pluie pollinique est le reflet de la végétation qui l'a produite. Toutefois, la pluie pollinique n'est pas une masse homogène. Elle est constituée d'apports locaux, régionaux et extra-régionaux qui diffèrent dans le temps et dans l'espace, en quantité et en variété (figure 1.0). Compte tenu des modes différentiels de production et de dispersion, toutes les essences, locales et régionales, n'y sont pas nécessairement représentées. La représentation pollinique d'un spectre de surface est donc le résultat de la captation, sur un support, d'un flux pollinique ambiant, qui n'est pas l'exact reflet de la végétation environnante, mais bien le reflet de la pluie pollinique présente à cet endroit et

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à ce moment. Un relevé des données botaniques surfaciques locales et régionales permet malgré tout de se faire une idée du type d'environnement responsable de la pluie pollinique et donc du spectre pollinique. C'est par ces associations que l'on peut se constituer une banque de références à l'actuel que l'on appelle les analogues.

Toutefois, les études indiquent que le flux pollinique piégé en surface, sur des mousses (bryophytes) par exemple, exprime assez difficilement la composition réelle de la végétation environnante (Davis 1963, Fagri et Iversen 1989, Vivent 1998). Dominique Vivent précise, pour son étude de caractérisation régionale de la végétation en Touraine (Vivent 1998), que seulement 8 % des coefficients de corrélation entre données botaniques surfaciques et données polliniques piégées étaient statistiquement significatifs. Toutefois, 72 % des équations des droites de régression linéaire présentaient des corrélations positives. Il y a donc une relation proportionnelle entre les données, mais les résultats doivent être considérés comme de simples estimations statistiques.

Fig. 1.0 – Les flux polliniques et les milieux de dépôts (dessin de gauche tiré de Richard et Grondin 2009)

Cela n'empêche donc pas l'usage d'une approche analogique pour des comparaisons entre paléo-spectres et spectres actuels. Les résultats de telles études nous donnent au contraire un cadre pour l'analyse et l'interprétation. Toutefois, en milieux archéologiques l'usage des analogues est souvent difficile et dépend du lieu d'échantillonnage. Pour des échantillons à caractères plus régionaux, issus de lacs ou de tourbières à proximité du site archéologique, il n'y a pas vraiment de problème. Mais pour des échantillons à caractères plus locaux, issus directement du site, le seul analogue utilisable est un échantillon de surface représentatif de

l'actuel. Il est donc nécessaire d'échantillonner par profils continus (annexe VII) afin de pouvoir comparer à cet échantillon de surface tous les autres échantillons inférieurs. Seule cette pratique permet, en milieux archéologiques, d'apprécier la différenciation et le rythme temporel des successions végétales locales. La représentation sporopollinique d'un paléo-spectre qui ressemble à celle d'un spectre de surface pourrait être représentative d'un autre type d'environnement. S'il y a un hiatus dans l'échantillonnage, rien ne nous dit que tel taxon abondant aujourd'hui au niveau régional n'était pas auparavant simplement présent au niveau local. Cette recommandation d'échantillonnage par profils est d'ailleurs fortement recommandée par plusieurs auteurs (Bryant et Holloway 1983, Dimbleby 1985, Kelso 1994, Kelso et al. 1995).

Tout comme en paléophytogéographie et en paléo-écologie végétale, la distinction entre apports locaux et régionaux est importante en archéopalynologie. Les événements botaniques que l'on observe tout au long d’un profil archéopalynologique doivent pouvoir être associés à des causes, anthropiques ou naturelles. Selon le site, il faut pouvoir déterminer l'ampleur de l'influence de l'homme sur son environnement. Pour les échantillons issus de fonds lacustres et de tourbières (figure 1.0), la distinction entre les apports locaux et régionaux est plus simple que pour des échantillons de sol. Un lac est un milieu ouvert qui capte une pluie pollinique de source régionale. Cette dernière est homogénéisée dans le milieu liquide avant de se déposer au fond. Les effets sur la représentation pollinique qu'aurait pu créer la présence de différents types de groupements végétaux riverains sont ainsi minimisés. Le spectre pollinique reflète donc assez bien la pluie pollinique régionale. La distinction entre apports riverains et régionaux relève par la suite des connaissances botaniques et écologiques du chercheur. En milieux tourbeux, la flore particulière à ce type d'environnement se distinguera, quant à elle, assez bien du matériel sporopollinique régional. Mais en milieux terrestres, les conditions de l'environnement immédiat du support de captation influencent grandement la représentation sporopollinique du spectre.

Les recherches menées à ce jour montrent des différences importantes de pourcentages de représentation des différents apports, locaux et régionaux, selon le contexte environnant. Un enregistrement en milieu urbain aérien par exemple, traduit généralement un apport

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extra-urbain important de taxons anémophiles et arboréens, surtout représentatif du milieu forestier régional (Vivent 1998). Au niveau du sol, en milieux ouverts, que ce soit en contexte urbain ou rural, les taxons anémophiles demeurent dominants, mais le contenu des échantillons est plus varié et traduit de fait l'apport local en plus de l'apport régional (figure 1.0). Le pourcentage de représentation de chaque apport est difficile à déterminer et dépend de plusieurs facteurs environnementaux tels : la direction des vents, la densité et la composition forestière régionale, la présence ou non de structures anthropiques, ou encore les conditions topographiques générales. En milieux forestiers fermés, l'apport local est plus important mais dépend également de différents facteurs, dont notamment : la densité et la composition de la canopée, la densité et la diversité botanique au sol, la production et la dispersion différentielles. De façon générale, la concentration d'un type pollinique dans un échantillon de sol sera inversement proportionnelle à la distance de la source (Tauber 1973 in Janssen 1973). Les modèles en milieux forestiers de S. Sugita et R. Calcote (Calcote 1995) suggèrent en moyenne que près de 40 % du pollen d'un échantillon provient d'arbres localisés à l'intérieur d'un rayon compris entre 50 et 100 mètres de distance. On peut donc considérer pour un milieu forestier une moyenne de près de 80 % (± 10 %) d'apports locaux, arboréens et herbacés (Girard 1987). L’apport régional compte pratiquement pour le reste puisque l'apport extra- régional (apport de source lointaine sur la figure 1.0) est généralement très faible ou à peu près inexistant (Janssen 1973).

Indépendamment du contexte, le matériel pollinique piégé sera généralement plus riche en pollen anémophile, arboréen et herbacé (sauf des cas de surreprésentation par le contenu d’étamines complètes, en sous-bois, Lacroix 1994). Les variations de représentation de ces différents taxons, tout au long d'un profil pourront être indicatrices de modifications générales de l'environnement. Pour des études qui couvrent de longues périodes de temps, il pourrait s'agir des successions botaniques normales tout au long de l'évolution diachronique du couvert végétal. Pour des périodes plus courtes et plus récentes, il pourrait s'agir des effets, sur l'environnement, d'actions humaines telles les coupes forestières intensives des périodes historiques ou encore un dégagement de l'espace, plus localisé, pour l'aménagement d'un lieu d'habitation préhistorique ou historique par exemple. Ces types polliniques (pollen anémophile, arboréen et herbacé) sont donc généralement mieux représentés par rapport aux

taxons entomophiles et aux taxons issus de cultures. Ces derniers, les taxons entomophiles et les taxons issus de cultures, seront pour leur part révélateurs d'événements plus localisés aux sites archéologiques. Ils pourront traduire l'apport de taxons exotiques agricoles ou non, de périodes d'abandon ou d'occupation de l'espace, ou de préférences culturelles face à certaines plantes.