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CHAPITRE 4. Les sites : contextes, résultats et discussions

4.1 Le site Hector-Trudel

4.1.4 Discussion pour le site Hector-Trudel

4.1.4.1 Quelques commentaires sur la distribution pollinique

Les analyses nous ont permis d’identifier un certain nombre d’événements botaniques qu’il a été possible de corréler entre les deux profils. D’une part, la progression d’érablière à tilleul vers une érablière à caryer et l’ouverture du paysage régional apparaissent assez clairement en zone 4, et peuvent être associées à la période historique. D’autre part, les éclaircies forestières des zones polliniques 3, 2 et possiblement 1 semblent quant à elles antérieures à cette période et renvoient donc à l’une ou l’autre des occupations préhistoriques identifiées sur le site.

À la vue des résultats de l’analyse pollinique, deux complexes de cultigènes semblent se définir. Le plus récent, associé à la période historique, est bien représenté par le lilas commun (Syringa vulgaris), le houblon (Humulus) et le sarrasin (Fagopyrum), auxquels on doit ajouter une présence apparemment plus récente de maïs (Zea mays). Aucun indice probant ne permet toutefois d’y associer le blé (Triticum aestivum) qui n’a pu être distingué des Poaceae

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60-70 µm, mais dont les courbes n’indiquent de toute façon rien de particulier. Le lilas et le houblon sont encore présents aujourd’hui à proximité du site, et pour les céréales, des terres agricoles couvrent déjà depuis longtemps la région jusqu’aux limites du parc archéologique. Le plus ancien complexe de cultigènes, associable potentiellement à la période préhistorique, est représenté pour sa part par un assemblage plus profondément enfoui de grains de pollen de maïs (Zea mays), de tournesol (type Helianthus) et de petit tabac (Nicotiana cf. N. rustica). Compte tenu de sa localisation stratigraphique dans les deux profils on serait tenté d’y voir une association directe au Sylvicole moyen tardif. Toutefois, une telle association n’est pas a priori évidente. En effet, malgré la présence de grains de pollen de maïs (Zea mays) et de petit tabac (Nicotiana cf. N. rustica) dans la partie supérieure du dépotoir, et malgré une tendance manifeste de localisation stratigraphique différentielle entre les cultigènes à connotation européenne et à connotation amérindienne, il faut noter, pour les deux profils, l’absence apparente d’une zone transitoire entre les deux distributions de cultigènes. Absence qui pourrait laisser croire en une succession événementielle directe et sans délai, plus propice à une association au Sylvicole supérieur récent ou au Sylvicole supérieur ancien. En effet, bien que les données archéologiques montrent peu d’activités sur le site au cours du Sylvicole supérieur, on peut imaginer que la zone ait pu servir d’aire d’activités horticoles pour les stations périphériques occupées durant cette période, et ce, bien que ces occupations semblent moins intenses et prolongées qu’au Sylvicole moyen tardif (Morin 1998 : 131-134).

Cette absence de zone transitoire pourrait être redevable en partie du même phénomène de contamination inter-échantillons déjà proposé en zone 2 pour expliquer la présence en profondeur de grains de pollen de sarrasin. Dans le diagramme pollinique du profil OZ61-B (talle d’impatiente du Cap, figure 4.5b) on constate effectivement une large distribution des principaux cultigènes de nos deux complexes horticoles, historique et préhistorique, tout au long des courbes. Ce type de distribution nous est apparu peu commun par rapport à des profils récoltés en paroi (comparaison avec une vingtaine de profils de la région de Montréal, Landry 2002a, 2002c, 2003a, 2004, 2005, 2006a, 2006b, 2008a, 2008b, 2010a, 2010b, 2010c). La contamination potentielle vers le bas, due à l’usage du carottier en milieu humide, pourrait s’être étirée, selon les taxons, sur environ 5 à 15 centimètres par rapport aux courbes générales des arboréens et des herbacés. On pourrait donc envisager une zone transitoire hypothétique,

mais faute de pouvoir calculer de façon précise un laps de temps correspondant, aucune association culturelle n’est possible sur cette base.

Pour le profil OH36-P (dépotoir 6, figure 4.5a), ce n’est peut-être pas tant ou seulement la contamination par le carottier qui cause problème, vu le caractère plus sec de la matrice à cet endroit, mais bien l’histoire taphonomique même du dépotoir. En effet, l’affaissement graduel de ce dernier et la dispersion périphérique d’une partie de son contenu après son abandon, tel que le propose le modèle hypothétique de formation des dépotoirs du site Hector-Trudel (figure 4.7) de C. Gates St-Pierre (Gates St-Pierre 2003), font que la distance initiale entre la surface et la base du dépotoir s’amenuise, et que par le fait même, une partie des assemblages polliniques récents, qui a percolé au niveau des assemblages polliniques intermédiaires, se retrouve en surface des assemblages polliniques anciens. L’évaluation d’une zone transitoire est ici également impossible, et encore une fois rien ne permet sur cette base une association formelle au Sylvicole moyen tardif.

Fig. 4.7 – Modèle hypothétique de formation des dépotoirs du site Hector-Trudel (tiré de Gates St-Pierre 2003) et de l’intégration des apports polliniques à ces structures (D. Landry).

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Quant à la contamination potentielle due à l’usage du carottier et aux questions qui en découlent sur la composition exacte de chacun des deux complexes de cultigènes, il ne semble pas y avoir ici d’autre solution que de faire un nouvel échantillonnage, en paroi cette fois-ci, si l’on veut véritablement en avoir le cœur net. Faute de mieux, nous devrons donc dans l’immédiat accepter une certaine part d’incertitude quand à la composition exacte de ces complexes.

En regard à l’hypothèse d’une appartenance culturelle probable du complexe de cultigènes le plus ancien à la période du Sylvicole moyen tardif, il semble nécessaire à cette étape-ci de faire un examen plus approfondi des connaissances et interprétations archéologiques du site et, de façon plus spécifique, des distributions mobilières et ostéologiques du dépotoir 6. Une bonne compréhension de la structure résiduelle de ce dernier, mise en parallèle aux données paléobotaniques, devrait nous permettre dans les prochaines sections de dégager des éléments pouvant appuyer cette hypothèse.